Les montagnes de l’horizon
2 – RÉSUMÉ : Gabriel ne sait pas vraiment d’où lui vient sa passion pour les montagnes. Un goût qu’il ne partage pas avec les camarades de son âge. Mais sa rencontre avec Marcel va au moins lui permettre d’échanger. Au début de l’été 1939, ils ont juste quinze ans et partent pour une grande randonnée à bicyclette jusqu’au pied du Grand Pic, ignorant encore que le monde va bientôt basculer. Cinq ans plus tard, en août 1944, Gabriel s’engage dans la nouvelle armée française et part combattre. Après la guerre, il entreprend de moderniser l’exploitation familiale. Trop occupé pour retourner vers ses chères montagnes, un jour qu’il flâne en ville, il fait l’acquisition de jumelles. (Voir Veillées no 3503.)
Un matin, il sortit de chez lui en catimini pour rejoindre son belvédère favori dans la vigne, sur les coteaux orientés plein sud. C’était un de ces jours d’automne où le vent, poussant très haut de lourds cumulus, laissait voir dans une atmosphère limpide les montagnes très nettement. Il porta les jumelles à ses yeux et il partit à la découverte d’un monde nouveau, vertigineux et fantastique. Il découvrait les mystères d’un univers voilé jusque-là par son éloignement. C’était émouvant, exaltant, comme la découverte de la femme désirée qu’on a longtemps contemplée sans jamais l’approcher.
Les montagnes lui apparurent dans leur diversité et leur complexité. Il découvrait de nouvelles structures, des détails insoupçonnés. Celle-ci, qui ressemblait aux ruines d’un château fort, était en réalité un ensemble de pics déchiquetés sans liens entre eux ; celle-là, qui faisait penser au doux profil d’une jeune fille allongée, perdait sa poésie au rapprochement et devenait un ensemble de sommets arrondis séparés par de larges vallons ; telle autre, qui ne paraissait pas grande, était en fait un énorme massif beaucoup plus au sud de l’axe de la chaîne sur laquelle on pouvait voir luire la surface argentée des neiges ou des glaciers. Il découvrit des falaises colossales, des forêts suspendues, de vastes alpages et même ce qu’il
