Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les cinq mains de Dieu
Les cinq mains de Dieu
Les cinq mains de Dieu
Livre électronique452 pages7 heures

Les cinq mains de Dieu

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Belo employé ordinaire, athée et tourmenté, découvre dans une grotte à Montségur une machine mystérieuse qui lui procure des pouvoirs extraordinaires à l'égal d'un dieu.
Belo devient alors Belogrande le magicien qui défraye la chronique à Las Vegas avec son numéro de l'apparition de la Vierge Marie.
Puis son personnage évolue. Mais comment concilier sa conviction profonde, que le paradis c'est maintenant, lorsqu'on est encore en vie, quand d'autres élus lui affirment l'existence de Dieu et de son vaisseau.
LangueFrançais
Date de sortie21 mars 2017
ISBN9782322098163
Les cinq mains de Dieu
Auteur

pierre Dabernat

Pierre Dabernat est toulousain. Il a composé dans sa jeunesse une cinquantaine de chansons et de nombreux poèmes. Puis il s'est tourné vers le roman. "Le collier de l'existence", roman épique, qui se situe au Maroc à l'époque du maréchal Lyautey, est son livre de jeunesse. Ensuite ont suivi d'autres romans, fantastique, nouvelles, et depuis quelques années c'est le polar qui monopolise sa plume. Notamment avec la série "Putain d'oiseau". En 2021, les éditions Cairn ont publié « Le clodo des Carmes », le tome 3 de cette série, et le tome 4 " L'assassin de la Retirada"en 2022. A savoir aussi que « Le clodo des Carmes » a été nominé au prix de l'Evêché 2022 de Marseille et qu'il a fait partie des quatre finalistes au prix de l'Embouchure 2022 à Toulouse.

En savoir plus sur Pierre Dabernat

Auteurs associés

Lié à Les cinq mains de Dieu

Livres électroniques liés

Science-fiction pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Les cinq mains de Dieu

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les cinq mains de Dieu - pierre Dabernat

    L'homme n'a pas l'humilité de reconnaître qu'il n'est pas plus important qu'une

    pierre dans le désert.

    Et aussi misérable soit-il, il pense qu'il est autorisé à se sentir supérieur à celle-ci et

    à être reconnu par un dieu, quel qu'il soit, auquel il se plie toute sa vie afin

    d'affronter ce qui lui fait peur depuis des millénaires : la mort.

    Sommaire

    La grotte

    La main

    La bilocation

    Patricia

    Las Vegas

    Rome

    La vente

    L’argent

    La séquestration

    La discussion

    Le retour

    L’escapade

    L’échange

    Les retrouvailles

    Le retour

    Le passage

    La rencontre

    Épilogue

    La grotte

    Belo était un tout petit homme. Guère plus important qu’une poussière de cette humanité, celle que l’on appelait Terre. Il vivait comme des milliers d’humains. Il respirait, mangeait et parfois il pensait. Fins de mois difficiles, douleurs dans le corps et dans le fond de l’âme… Une âme sans religion. Mais juste pour dire que c’était dedans, dans le ventre et que cela faisait mal.

    Il y avait aussi ses amours perfides, l’angoisse du lendemain, la frousse de la maladie, la grande malchance qui fauchait autour de lui ; ceux qui avançaient, qui tombaient et qui mouraient.

    Il travaillait. Il se rendait chaque jour dans une pièce sombre, coincée dans un immeuble ancien, où il se démontait l’épaule pour répondre au téléphone, enseveli dans ses dossiers. Dans son fichu bordel. Des locataires, des propriétaires, énervés par les incommodités de leur habitation l’engueulaient dès neuf heures le matin. Puis, c’était lui qui criait après le plombier, le couvreur, le menuisier ou l’électricien. Enfin c’était son patron qui lui bavait dessus avant de remonter dans sa BMW. Toute la journée, c’était le cirque, l’urgence, la déprime. Le soir crevé, il s’écroulait devant la télévision. Il n’avait envie de rien, hormis le petit écran, cette dévoreuse des neurones.

    S’empiffrer, dormir…

    Mais quand venait le vendredi soir.

    Dès que cette foutue pendule qui le narguait annonçait dix-huit heures, il récupérait sa voiture et s’enfuyait. Il fonçait, il taillait la route pour rejoindre son havre de paix. Non pas de bonheur. Il ne savait pas à quoi cela ressemblait. Ce n’était qu’un trou pour célibataire où il pouvait manger, regarder encore cette merde de télévision et dormir... Avec le désir de lire, de dessiner, de se balader. Trop souvent que le désir. C’était l’endroit l’idéal pour l’introverti qu’il était devenu. Au pied des Pyrénées, à quelques kilomètres du château de Montségur.

    Du temps de sa splendeur, celui des illusions, des chimères, et d’un portefeuille bien rempli, époque d’une voiture rutilante de frime, il avait acheté la maison quand la moindre grange à la montagne coûtait déjà une fortune. Cette bâtisse, trempée de silence, perdue au-dessus de la route qui menait à la station du Mont d’Olmes, avait touché sa solitude.

    Il avait craqué pour cette vieille bergerie. Les murs couverts de lierre abritaient des dizaines de lézards. Les marronniers et les chênes qui l’entouraient grouillaient d’oiseaux. L’hiver, le froid, le vent, la glace et la neige s’installaient durant de longs mois et l’endroit revêtait un charme plus rude, plus montagnard mais qui lui plaisait beaucoup.

    Par contre, ce qu’il n’avait pas prévu c’était que sa femme le laisserait tomber. Le mari avait tué le prince charmant. Il s’était retrouvé seul le lendemain du divorce. Un américain avait croisé le chemin de sa « douce » comme il se plaisait à dire à l’époque de leur mariage. Elle avait suivi cet homme outre-atlantique, avec les gosses, le laissant perdu, désemparé. Ce jour-là, il avait pleuré mais trop tard…

    De temps à autre, il recevait une lettre avec quelques photos des enfants. Pour mesurer le temps. Parfois il appelait ou recevait un appel téléphonique qui le plongeait ensuite dans une tristesse profonde. Cette déchirure ainsi que l’absence de ces êtres chers qu’il n’avait pas revus depuis bientôt quatre ans constituaient la majorité de sa déprime permanente.

    Ce soir-là, il faisait un froid sec. C’était le mois de novembre et c’était normal. Avec sa vieille guimbarde, il lui fallait deux heures pour parvenir jusqu’à chez lui. Il prenait l’autoroute jusqu’à Pamiers puis la nationale vers Mirepoix, Lavelanet, et enfin la route qui montait vers la station. Il faisait déjà nuit. Il neigeait. Il avait eu la chance d’avoir pu grimper sans mettre les chaînes.

    Il se gara sous le hangar et pénétra dans la maison glacée. Il était conscient qu’il existait des chauffages avec commande à distance mais il n'avait plus les moyens de se payer une telle installation. Il utilisait la cheminée ainsi qu’un vieux poêle à bois qui trônait dans un coin de la cuisine depuis cinquante ans. A la montagne le bois n’était pas un problème.

    Le feu crépitait. Il mangea un bout puis il se coucha, c'est-à-dire, il s’endormit devant la télévision.

    Très tôt le bruit du chasse-neige l’avait réveillé. La neige avait recouvert la terre. Blanche était la montagne. Noir était son moral. Pourquoi était-il devenu comme ça? L’éloignement des enfants, le naufrage de son amour, la faillite de son entreprise de travaux publics. C’était ses chapitres préférés. Il les relisait chaque jour. Mais il y avait autre chose. C’était un mal léché. Il avait été chien et il était devenu loup. Il avait attrapé aussi une quarantaine grasse. Son existence était comme un escalier qu’il dégringolait. Il fumait comme deux, il buvait du whisky, trop souvent, du mauvais, et il regardait les femmes sans oser les aborder.

    Deux grandes tasses de café et allez donc savoir pourquoi la forme revint! C'était celle du cerveau, la seule qui poussait, qui bougeait le corps. Il ne cherchait jamais à comprendre. Il était de ce bois et fonctionnait ainsi avec des hauts et des bas.

    Il mit le nez dehors.

    Il faisait beau. Il contempla avec fierté sa maison. Elle était imposante. Au rez-de-chaussée la pièce avec la cheminée lui servait de salle de vie. L’hiver il y passait de longues journées monotones et le soir, sur son vieux canapé de cuir, plutôt que de monter dans une des chambres, il s’enroulait dans une couette blanche, grise de saleté, pour passer la nuit au chaud.

    Derrière c’était la cuisine avec son évier qu’il arrivait à tenir propre. Plus d’autres pièces où il entassait pêle-mêle tout ce qu’il amassait. Et il aimait conserver les objets. Même un clou rouillé il avait du mal à le jeter. Au-dessus, il y avait le grenier, éclairé par trois velux, orientés plein sud, qu’il avait fait poser quelques jours après la signature chez le notaire. Pour en faire un atelier de peinture. Qui se voulait tel. Mais il n’y était pas souvent. Jamais l’hiver. Peu l’été. Cette soif de réaliser des toiles n’était qu’un des aspects de sa personnalité qui désirait beaucoup et qui ne faisait rien pour l’obtenir.

    En contrebas, il entendit le moteur d'une voiture qui peinait dans la grande boucle. Les skieurs du samedi. Cela lui donna envie mais surtout pas d’aller faire la queue au télésiège. Plutôt chausser ses skis de randonnée. La neige ce matin dégageait un côté irréel. Elle l’invitait.

    Belo démarra sa voiture et tandis que les pistons du moteur se réchauffaient, il s’habilla chaudement. Son sac était prêt et ses skis étaient sous le hangar.

    Le téléphone bipa mais il ne répondit pas. C’était son frère. Il était le seul à l’appeler le week-end. Il rangea les skis dans la voiture et installa les chaînes. Aujourd’hui c’était plus prudent, pensa-t-il. Il avait l’idée de monter au château et subodorait que, là-haut, il devait y avoir pas mal d’épaisseur.

    La route était partiellement dégagée et lorsqu’il parvint sur le parking il était presque dix heures. Il n’y avait pas de touriste. Par contre, l’été, ça grouillait de monde... Il éteignit le moteur et sortit griller une cigarette. Le château était devant lui, perché sur sa hauteur, immuable, antique.

    Il était seul… Silence de la neige… Personne pour s’attaquer à la forteresse. Chaque fois, il s’imaginait l’horreur de la scène qui s’était jouée au bas de cette pente. Un bûcher énorme pour plus de deux cents cathares avait été dressé par le sénéchal de Carcassonne Hugues des Arcis. Des hommes et des femmes, qui n’avaient pas voulu renier leur religion, avaient péri sous la proie des flammes. Cette sacrée religion! Comment était la vie en l’année 1244, se demanda Belo écrasant son mégot sous la pointe de sa chaussure?

    Il y avait un sentier qui contournait le « pog ». Cette promenade qu’il affectionnait tant, il n’avait jamais osé la faire par temps de neige. Il avait une sensation bizarre.

    Le ciel était d’un bleu limpide. Sa respiration élaborait des volumes éthérés. Il faisait la grimace et plissait les paupières pour se protéger de la réverbération. Il n’aimait pas les lunettes de soleil. Ce n’était pas assez viril. Connerie! aurait dit Cécile. Mais son épouse n’était plus là. C’était inutile de se lamenter. Il n’y avait personne pour l’écouter. A l’exception des fantômes… Des deux cent cinq fantômes…

    Il ceintura son sac à dos, claqua la portière qui se perdit dans un écho assourdi et chercha du regard le départ du sentier qui se trouvait en bordure du champ enneigé. Dix minutes plus tard il comprit que la balade serait difficile. Le sentier était invisible et le suivre était problématique. Mais il était du genre obstiné, un peu bourrin, et, puisqu’il avait décidé de réaliser ce parcours, il irait jusqu’au bout.

    Elle était terminée l’époque heureuse quand il crapahutait sans transpirer. Maintenant son visage ruisselait. Il soufflait comme un bœuf et il avait chaud. Rapidement les gants et le bonnet furent rangés dans une poche de son sac.

    Cela faisait une bonne demi-heure que Belo était parti. Au pied d’un sapin brisé par la foudre il s'était arrêté afin de s’orienter. En été, le sentier était facile pour les randonneurs. Les rochers qui étaient signalés en rouge avaient disparu sous le manteau neigeux. Il ne restait que les troncs balisés. Ils n’étaient pas les plus nombreux.

    Il dut se rendre à l’évidence… Il peinait de plus en plus pour se frayer un chemin dans cette végétation. Pourtant l’énorme bloc de roche calcaire qui culminait à 1218 mètres était toujours sur sa droite. Jusque-là, il lui avait paru aisé de se diriger. Soudain il réalisa qu’il avait dévié et qu’il n’avait plus ses repères.

    Il s’était débattu pour traverser un amas de ronces obstruant le passage ; les mains écorchées, une petite estafilade sur la joue, des étincelles plein les yeux, il s’appuya alors contre le sapin pour récupérer. Mais il n’avait pas vu que celui-ci était sec. En réalité ce n’était qu’un tronc ravagé par les bestioles, si usé, si creusé, qu’il ne tenait debout que par miracle.

    Le fait de s’appuyer dessus le fit faillir. Dans un craquement sinistre, soudain le tronc se désolidarisa du sol.

    Cet arbre était dressé dans le sens de la pente. Belo s’abattit en même temps que lui et chuta dans un ravin d’une quinzaine de mètres. Heureusement la pente n’était pas à-pic. Il s’enchevêtra dans son équipement avec le ridicule d’un personnage de Tex Avery. Il s’éclata, glissa, boula, et cela dura une éternité... Ses skis déclenchèrent. Il perdit ses bâtons et son sac à dos. La neige s’était infiltrée dans son blouson, sous le pull-over. Elle s’était aussi glissée sournoisement dans le pantalon. Quand il eut fini de dévisser, il s’immobilisa enfin, la bouche pleine de neige, les cheveux blancs. Il constata avec effarement que dans son caleçon c’était aussi un véritable frigo.

    Il était sonné. Un instant, il crut avoir quelque chose de cassé. Mais il n’en était rien. Péniblement, il tarda à se redresser. Le long du tracé qu’il avait creusé dans la pente toutes ses affaires étaient parsemées. Un ski était planté dans la neige dépassant au trois quart.

    Il essaya de se dégager, de se mouvoir mais il était enfoncé plus haut que les genoux dans l’épaisseur de poudreuse. Le décor n’avait plus rien de romantique. Il eut toutes les peines du monde pour se hisser au niveau de son ski. Sur le point de s’en saisir, il perçut un bruit imperceptible. Avec un vif étonnement sa planche s’enfonça brusquement dans les profondeurs du sol.

    Belo était au-dessus d’un trou recouvert d’une mince épaisseur de terre, de branchages, le tout caché par la neige. Cependant, il n’était pas question d’abandonner son ski malgré le danger. Sans lui, s’avoua-t-il, comme pour se donner une excuse, le retour vers la voiture devenait compliqué.

    Le ciel était au beau fixe. Il avait retrouvé sa lucidité et pour lui, c’était évident : il suffisait de dégager précautionneusement la neige et ce qu’il y avait autour pour repérer où son fichu ski était tombé.

    Belo travailla un bon quart d’heure, suant et jurant à la fois. Puisque rien ne pressait, il s’octroya une pause pour récupérer son sac. Il avait soif. Reposé, il revint près du trou. Sous la neige, la terre était apparue recouverte de mousses et d’épines. Agenouillé, il écarta cet amalgame. Un trou comme la main apparût enfin. Un trou étroit. Un trou qui avait mangé son ski.

    Il pesta. Cependant son attitude demeura pragmatique. Dans la poche ventrale de son sac à dos il avait rangé dans son étui de cuir son vieux compagnon : « Alfred ». C’était son poignard qu’une bête sentimentalité lui avait fait baptiser de la sorte en souvenir de son père qui en possédait un aussi. S’en servir pour creuser. Voilà l’idée! Belo s’attela à la tâche. Cette zone où il s’activait pouvait soudain s’effondrer sur une excavation, voire un gouffre. Il s’en fichait. Derrière l’appréhension se cachait la curiosité. C’était elle la plus forte.

    La couche était mince. Le ski l’avait percée facilement. Par contre, autour, elle était bien plus épaisse. C’était plus difficile à creuser. Une heure durant il peina. Au terme d’une débauche d’énergie le passage fut assez large pour qu’il puisse s’y glisser. Son dos était cassé et un dernier mouvement lui arracha une grimace. Sa dernière goutte d’eau avalée, il s’offrit une autre pose, sorte de délai de réflexion avant de risquer l’aventure.

    Son imagination cavala. Les saletés qu’il avait déblayées et qui étaient tombées dans l’orifice avaient résonné curieusement. Il avait mis à jour, semblait-il, une grotte. Comme la région en était truffée sa découverte ne l’étonna point. A genoux, n’ayant d’autre moyen que son briquet, sous le couvert d’une flamme vacillante, il se pencha. Il aperçut un amoncellement de très gros cailloux, comme un début d’éboulis. Prudent, il jeta une poignée de terre, puis une pierre pour l’écouter rebondir. C’était profond. Malgré la neige, à plat ventre, en allongeant le bras, Belo tenta d’en voir davantage.

    A quelques mètres de là il entrevit une forme qui ressemblait à son ski. Avec d’infimes précautions il s’enfila dans l’ouverture et posa un pied sur l’éboulis qui roula légèrement sous son poids. Il respira et pénétra alors sous terre. La flamme de son Zippo lui permit de distinguer un amas de rochers qui fuyait dans l’obscur des profondeurs.

    Lentement, Belo tourna sur lui-même. Il respirait à peine. Son cœur tapait fort. Il avança lentement le bras et récupéra le ski. Deux minutes plus tard il était dehors.

    Habituellement il n’était pas claustrophobe. C’était bizarre. Il prit une cigarette, la première depuis son arrivée sur le parking. Cette fameuse cigarette qui tuait sournoisement comme c’était écrit en grosses lettres noires sur le paquet. Mais il n’en avait cure des moralisateurs. L’oppression s’estompa. Avec le recul il avait eu la frousse. Il se traita de poule mouillée et cracha un jet de nicotine qui fit tâche sur la blancheur du sol.

    Le temps avait bel et bien tourné. Le vent gémissait. Le ciel était chargé de nuages laiteux. La neige avait capturé les bruits. Sa respiration désordonnée résonnait dans sa poitrine. Parfois le craquement d’une branche qui se délestait griffait le silence. Une escouade de corneilles troubla quelques secondes le ciel et lui fit lever les yeux. Au loin, un aigle royal tournoyait autour des ruines du château. En avalant avec extase sa fumée, son poison, il résuma mentalement la situation.

    Il n’y avait aucun doute. Il avait découvert une grotte et il se fit le film. Montségur était proche. Là-haut les cathares avaient soutenu contre les troupes du roi de France un siège célèbre et désespéré. Quiconque s’était intéressé à l'histoire savait qu’il était fortement question d’un fabuleux trésor. Pierre Roger de Mirepoix, chef de cette garnison religieuse, avait fait évader quatre hommes avant l’assaut final. Ils s’étaient échappés le long de la paroi vertigineuse à l’aide de cordes. Il était connu que le trésor avait été caché bien avant le siège pour éviter qu’il ne tombe aux mains ennemis en cas de défaite. Ces hommes avaient eu pour mission, suivant les historiens, de le récupérer et de le mettre en lieu sûr.

    Ces inconnus avaient-ils seulement survécu? Avaient-ils eu le temps de transporter le trésor ailleurs? A Rennes-le-Château ou dans ses environs comme le prétendaient certains? Et dans le cas contraire, s’ils avaient été massacrés ou capturés, le trésor était-il toujours dans les parages? Autant de questions que Belo se posa en allumant une deuxième cigarette sur le mégot de la précédente. Les alentours avaient été pourtant fouillés par des centaines de chercheurs, de curieux, d’illuminés, en vain…

    Le froid était mordant. Il avait transpiré et il frissonna. Son dos était mouillé. Sa cigarette s’était éteinte sur le bord de sa lèvre bleutée. Il avait froid. Il se déshabilla et changea de tee-shirt avant de récupérer ses affaires.

    A l’aide du poignard, il coupa des branches et en recouvrit le trou. Puis il parsema de la neige dessus pour masquer l’endroit. Quelques flocons vinrent s’écraser mollement autour. Le ciel avait viré au gris. Il était crucial qu’il repère l’emplacement de l’entrée. Il se promit de revenir. Malgré sa peur du noir.

    Son mégot était toujours planté dans sa bouche. Il le ralluma et prit son temps pour le fumer, en fixant, sans réellement la voir, la neige qui virevoltait. Enfin, pesamment, il chargea ses skis sur son épaule et entreprit de remonter la pente du ravin.

    Quand il parvint enfin sur le parking il était exténué. Il neigeait abondamment. C’était une bonne chose, pensa-t-il. Le saccage, occasionné par sa chute, par son piétinement autour du trou, qui aurait pu attirer l’œil d’un randonneur, disparaîtrait.

    La Ford démarra au deuxième tour de clef. Le moteur ronfla gentiment. Puis il alluma une autre cigarette avant de déposer son équipement dans le coffre. Il lui fallait revenir avec des cordes, un harnais, des lampes. Il possédait dans son hangar, dans une vieille armoire qui fermait à clef, une de ces armoires que se disputaient les antiquaires, un matériel de spéléologie, hérité de son frère qui avait pratiqué ce sport dans un club de Saint-Girons.

    Il posa ses deux mains sur le volant, tenta de réfléchir mais l’idée s’était envolée. Sans plus attendre, il enclencha la marche arrière et sortit prudemment du parking. La voiture glissa sur la route immaculée, vierge de trace. Le tic-tac caoutchouté des essuie-glaces le ramena vite à la réalité car la conduite requerra toute son attention.

    Quand il arriva chez lui, il dut abandonner la voiture sur le talus. Le raidillon qui menait chez lui était devenu impraticable. Il avait l’expérience de cet inconvénient de saison. Ses skis rangés, il se débarrassa aussi de son sac. Déchaussé, les orteils en liberté, il rejoignit son séjour toujours tiède. Le feu couvait dans l’âtre. Sous un drap de cendres des braises rougeoyaient encore. Ajouter une bûche, donner quelques coups de soufflet, et les flammes se lancèrent à nouveau dans une belle farandole. Il neigea toute la journée et toute la nuit.

    Le temps resta couvert, maussade, durant le dimanche. Il fit extrêmement froid. Belo n’avait rien d’un montagnard aguerri, ni d’un aventurier. Une grue n’aurait pas suffi pour le lever du canapé. Avachi, il se délecta d’un roman de Jean-Christophe Rufin. Il zappa sur les chaînes de télé, mangea, somnola. Sa bouteille n’était pas loin. Son excitation s’était bizarrement évanouie. L’exploration de la grotte pouvait attendre. Le trésor il verrait plus tard... Beau temps ou pas, le dimanche n’était pas un bon jour. C’était ainsi… Il vivait avec un moral en dents de scie. Aller là-haut par ce temps de chien était au-dessus de ses forces. Depuis le divorce il était devenu un homme patient. Attendre le retour du soleil.

    En fin de journée, à dix-huit heures, comme s’il portait tout le poids de la montagne sur le dos, Belo chargea ses affaires dans la voiture, jeta le reste des victuailles dans une poche plastique et boucla la maison.

    Retour vers Toulouse. C’était dimanche soir. Une autre semaine à croupir dans son bureau, à supporter les collègues, les sautes d’humeur de son promoteur de patron.

    Le week-end suivant s’annonçait sous de meilleurs hospices. Le vendredi, l’horloge donna le départ. Cette fois-ci, la limitation de vitesse autorisée sur l’autoroute l’emmerda copieusement et il appuya sur l’accélérateur. Sur les hauteurs de Lavelanet il y avait toujours de la neige, mais la route était dégagée. La météo était optimiste pour les deux jours. Un régal pour les skieurs et les randonneurs.

    Tôt le samedi matin, les voitures s’étaient élancées à l’assaut de la station. Mais en direction du château il y avait encore peu de passage. La pendule de grand-mère avait donné ses dix coups, la température dehors était clémente. Il était temps de visiter cette fameuse grotte.

    Sur le parking une voiture grise était en stationnement. Les silhouettes, une rouge et une blanche, gravissaient la montée vers les ruines de Montségur. Ces deux-là n’étaient pas gênants, pensa-t-il. Cette fois-ci il avait troqué sa paire de skis contre des raquettes plus appropriées. Le dos courbé sous le poids du sac lourdement chargé, il s’engagea dans le champ. Il retrouva l’endroit. Avec des gestes mesurés, il écarta les branchages. La neige était gelée. Il observa les alentours, mais personne ne rôdait dans les parages. La corde solidement fixée à un arbre, il s’équipa alors sans plus attendre. Il se faufila avec précaution par le trou et entreprit la descente après avoir caché son sac dans les broussailles.

    Il affichait des gestes tranquilles. Pourtant une appréhension l’étreignait. Le contact de la corde à laquelle il était accroché, la présence du mousqueton, lui donnèrent toutefois un semblant de courage.

    La lampe transperça le noir. Une lumière jaune sautilla sur les rochers. Il fit attention de ne pas se casser la figure. De temps en temps, il levait la tête. Une torche fixée sur le devant de son casque éclairait la paroi. Celle-ci paraissait lointaine. Pas à pas, attentif, il descendit. Il faisait bon et il avait déjà chaud. C’était la première fois qu’il pénétrait seul dans une grotte pareille. Il n’était pas à son aise. Sa progression dérangeait l’équilibre des blocs figés dans une immobilité depuis plusieurs siècles voire beaucoup plus. Le bruit de ceux qui s’échappaient, qui roulaient sous ses pas, claquaient dans ce silence souterrain comme un cri d’alerte. Il était conscient d’être un intrus. Qui pouvait bien habiter ici?

    Au pied de l’éboulis des dizaines de cailloux avaient dévalé sur le sol. Belo s’arrêta et reprit son souffle. Il pivota avec lenteur. Autour c’était immense. Il éclaira le haut mais il ne distingua rien. A peine une faible lueur. Cela lui fit chaud au cœur. Quelle idée avait-il eu de descendre dans ce foutu piège à rats? Il n’était pas du genre courageux. Mais la curiosité était la plus forte. Cependant, il était dans l’obligation de se défaire de la corde trop courte. Le clic du mousqueton qu’il défit fut comme un cordon ombilical que l’on sectionnait. Avec des pas de loup, concentré sur une zone qu’il balaya largement avec une torche, il s’enfonça dans la grotte. A priori, il était dans une première salle. Le sol était praticable, plat. Lorsque la montagne s’était effondrée cela avait dû faire pas mal de bruit, pensa-t-il. Et la grotte avait été bouchée définitivement par le tas de rocailles. Il n’était resté qu’un trou que la végétation inexorablement avait recouvert. Puis une marne imperméable s’était déposée faisant obstacle aux infiltrations interdisant la formation de stalactites. Les parois étaient jaunâtres, rugueuses. Le sol ressemblait a de l’argile.

    Belo appréhenda avec davantage d'acuité l’espace. Il se portait mieux. Il s’aventura plus loin… Le sol, à cet endroit, descendait légèrement. Il le conduisit jusqu’au fond de la salle. Sur la gauche il aperçut un passage, qui continuait plus bas encore. Il n’avait pas le choix s’il voulait progresser. Il posa la main sur la paroi, à sa hauteur. Avec la lampe il l’observa avec attention. La roche était lisse, calcifiée, hérissée de cristaux. De l’eau était passée par ici il y avait fort longtemps ; une rivière avait creusé ce passage.

    Il balaya d’un revers de lumière et son cœur explosa.

    La torche avait tremblé sous l’effet de la surprise. Le poignet avait hésité. Le rond de lumière s’était perdu dans les ténèbres de la caverne. Belo le fit courir aussitôt le long de la paroi, puis le rond de lumière se fixa et le poignet ne trembla plus.

    C’était une main, une main en négatif, une main ocre sur un fond noir. Une main avec cinq doigts.

    Balayant plus haut, plus bas, il discerna d’autres peintures, des signes incompréhensibles. Il n’en revenait pas. Fasciné par sa découverte, devant cet art premier, ce langage propre à l’âge de pierre, il était partagé entre joie délirante et humilité profonde.

    Il continua son inspection. Le tunnel était couvert d’ornements pariétaux. Des bisons, des bouquetins, des chevaux couraient sous la lumière torche. Des milliers d’années de totale obscurité effacées par une seconde de clarté. Ces signes préhistoriques représentaient des sortes de carrés alignés. Certains possédaient une croix à l’intérieur. A côté de ces figurations des bâtonnets étaient gravés, regroupés ensemble par paquets, à l’image d’un prisonnier qui aurait griffé le mur de sa cellule pour écrire son calendrier carcéral.

    Le tunnel descendait de plus en plus. Par prudence il abandonna l’exploration des parois et éclaira le sol. Peur de tomber dans un trou. Un danger pouvait surgir. Le plafond baissait encore. Bientôt, il avança courbé. Autour, sur les parois, il n’y avait plus de bestiaire mais des dizaines de mains, grandes, petites, certaines avec quatre doigts. Des mains dessinées, appliquées. Chamanisme? Culte? Initiation?

    Belo n’en menait pas large… Dans ces profondeurs, il se sentait désarmé et fragile. Mais il désirait ardemment aller jusqu’au bout. Dans cette démarche, il progressa encore, décidé à en voir davantage. Il poursuivit son effort mais stoppa plus loin. Il s'installa sur un rocher. L’envie de fumer le reprit. C’était quand il était le plus vulnérable qu’il devait en griller une.

    Comme pour se cacher, il éteignit les lampes pour affronter la nuit totale. C’était une impression des plus bizarres. Ce geste n’avait pas été anodin. La cigarette était un prétexte. Il désirait par bravade se confronter à la solitude absolue. Seul, sous terre, dans le noir.

    Il y eut le clic du briquet, le souffle léger de la flamme, enfin le goût de nicotine qui emplit son palais. Il était moins seul. Son cerveau profita de ce répit pour faire du rangement.

    Belo avait tiré si fort sur sa cigarette que ses doigts en avaient senti la chaleur du foyer. Quand il eut fini de fumer il se servit du talon pour éteindre le mégot puis il ralluma une lampe, celle que tenait sa main. Il joua avec le bouton, le poussant, puis le tirant, se laissant bercer par le spectacle de l’obscurité, de la lumière, puis encore de l’obscurité et encore de la lumière. Une main vivante qui éclairait des mains mortes.

    Il y en avait partout.

    Il aperçut d’autres reproductions animales : ours, aurochs, cerfs. Foisonnement d’un temps ancien qui emplissait l’espace. Des bêtes, dont le geste, la course, la blessure avaient été figés à jamais dans la pierre et la couleur. Ce lieu dépositaire du mythe des origines dégageait une force qui obligeait au respect.

    Des noms lui revinrent à l’esprit. Niaux, Bedeilhac, le Mas d’Azil, les Trois frères, le Cheval ainsi que d’autres endroits célèbres dont il avait oublié le nom. L’art paléolithique était très représenté dans les Pyrénées.

    Une pensée jaillit soudain. S'il prévenait les autorités la grotte serait fouillée durant de longs mois, pour être livrée ensuite à l’appétit des scientifiques, des universitaires. Dans l’immobilité ambiante, dans le fouillis de son esprit, un gros doute s’installa. L’art pariétal restait toujours fragile. Les dégâts occasionnés de Lascaux en étaient la preuve. Pour protéger sa découverte d’une dégradation occasionnée par la fréquentation avide d’un public, les officiels la feraient fermer. En outre Belo n’était pas certain qu’il pourrait lui-même s’y rendre lorsqu’il le désirerait.

    Pourquoi partager alors dans ces conditions?

    Il était temps de continuer. Belo se releva puis se ravisant, il ramassa le mégot. Il avançait courbé et dut progresser à quatre pattes. Sur le point de renoncer, il aperçut devant lui un objet. Dans l’euphorie de sa découverte il avait éclairé les parois en négligeant d’observer le sol. Il était sans doute passé à côté de traces de pas, d'outils, de pointes, de sagaies ou autres trucs de cette époque-là.

    Sa main se saisit de l’objet. Il le détailla et devina aisément ce que cela représentait. Une lampe creusée dans la pierre. Avec un peu de graisse de renne. Il y avait des milliers d’années, un homme était passé par là. Il s’était baissé comme lui. Avec, de surcroît, la peur au ventre, avec sa faible flamme de luciole, cet ancêtre lointain avait rampé, il avait osé, et ne s’était pas arrêté en chemin.

    Dans un état second, exaltation suprême, ce qu’avait fait cet ancien, Belo pouvait le réaliser. Il s’allongea, se tortilla, devint serpent, et il se coula dans le trou. Il s’éloigna encore plus du monde de la lumière, celui des humains. Le tunnel était long ou était-ce seulement dans sa tête? Au prix de reptations, d’efforts, il déboucha dans une salle aux dimensions d’une chapelle. Sitôt sur ses pieds, il inspecta les parois. Comme dans le tunnel, elles étaient couvertes d’une couche de calcite. Cette cavité, bien avant la venue des hommes de Cro-Magnon ou de Neandertal était remplie d’eau. Puis celle-ci ayant disparu, l’homme s'était approprié l’espace. Il avait apposé sa marque, ses dessins, sa signature et ses dizaines de mains qui tapissaient ce sanctuaire.

    Belo recommença son manège d’inspection, de haut en bas, et de long en large. Il était dans un refuge sacré, berceau d’une croyance, début d’une religion. Puis sa lampe donna des signes de faiblesse et il se maudit. Il n’avait pas pensé à prendre des piles de rechange. Profitant de ces derniers instants, il vérifia qu’il était dans une impasse. Il n’y avait dans le fond qu’une fissure qui plongeait dans les entrailles… Sans doute, existait-il ailleurs des croisements qui lui avaient échappé. A contrecœur il s’apprêta à faire chemin arrière.

    La main

    Caprice du destin. Le restant de lumière accrocha dans un coin un rocher particulier. Mais bien à y regarder c’était autre chose. C’était gris foncé mais ce n’était pas non plus du métal. C’était de la dimension d’une grande table, massif, oblong, luisant et bizarre.

    Belo s’en approcha avec précaution. La puissance diminuée de ses piles faisait fondre irrémédiablement la clarté de sa torche. Il ne lui restait que celle du casque mais elle était faible. Devant l'objet, entouré d’une aura surgie d’un passé révolu, il demeura figé, immobile, dans l’attente d’une réponse qui ne vint pas. Un frémissement de son dos marqua le désarroi qu’il ressentit. Puis dans ce silence oppressant, sous la voûte de granit, comme sous le narthex d’une église préhistorique, les piles de la torche rendirent l’âme. L’obscurité recouvrit d'un manteau de mystère l’objet sorti d’un autre temps.

    Rapidement, il ôta son casque et récupéra la lampe fixée par un clip comme sur les vélos. L’instant suivant, il brandit le rayon sur sa découverte. Dans le même élan, et osant s’en approcher, Belo posa sa main droite sur cette substance spéciale.

    Les yeux écarquillés, pour apercevoir ce que l’obscur cachait, la bouche close, les lèvres sèches, la déglutition pénible, Belo examina la chose avec attention. Il y avait une entaille profonde creusée dans la partie supérieure, avec la forme d’une main.

    « Une main, encore une! » lâcha-t-il à voix haute. Par contre, celle-ci était différente. Une empreinte comme si une main de fer, portée au rouge par le feu de l’enfer, avait fondu la matière pour creuser un sillon vertical de la longueur d’un bras. L’objet portait le signe de cette main tel un bœuf brûlé par la marque de son propriétaire.

    Belo était tenté d’y mettre la sienne mais son geste restait en suspend. Quelque chose d’indéfinissable le retenait... Son front empourpré de sueur l’agaçait. Une crispation stomacale soudain lui procura un début de nausée. Ce trou était comme un gant rigide. Un sentiment d’une irrévocabilité fatale l’empêchait de bouger.

    Son attention fut alors attirée par une forme, un objet appuyé sur la paroi, sur la droite de cette chose immémoriale. Il braqua le rayon. Plus que la découverte de la grotte, des peintures, plus que la lampe trouvée sur l’argile, plus que la chose gardienne du lieu, c’était une épée qui le narguait par son anachronisme.

    Belo se demanda avec stupéfaction ce que pouvait faire là une arme du Moyen Âge alors que les hommes du Magdalénien ne possédaient que des sagaies ou des couteaux... Détachée dans la lueur spectrale de la lampe, l' arme antique le propulsa, pareil à un trait qui aurait traversé les siècles, vers ces funestes jours de la prise de la vieille citadelle. Parmi les preux chevaliers de Montségur, les soldats, les arbalétriers, les mercenaires, tous les hommes de sac et de corde qui défendaient le « castrum ».

    Couvert par la chape d’un immense respect Belo s’en saisit et se laissa surprendre par son poids. La contemplation de cette arme avait modifié sa perception du temps. Il resta là, ignorant les nouvelles faiblesses de sa deuxième lampe.

    Revenant à la réalité, muni de sa prise, Belo dut se résoudre à revenir vers le tunnel. Avec cette pesante épée, encore rangée dans son fourreau, couvert d’un cuir mangé par le temps, il eut des difficultés pour ramper. Cahin-caha, il se débrouilla quand même pour tirer l’arme. Il n'était pas question de l’abandonner. Il tenait la preuve qu’ils étaient venus. Dans le noir de la grotte éternelle, les coffres remplis d’un trésor flamboyant miroitaient dans son imagination.

    Progressant par à-coups, respiration cassée, genoux, coudes en lambeaux, écorchés aux mains, il parvint enfin à s’extraire du goulet. Il put alors se redresser et avancer. Brusquement ce fut le néant. La lampe, contrairement à la torche, avait décliné plus vite. Il eut un instant de panique. Heureusement les neurones jouèrent leur rôle. Ils rassurèrent le cœur, annihilant la panique et affichèrent la solution. Il n’y avait qu’un seul chemin. A tâtons il suffisait de suivre la paroi du tunnel. Et Belo possédait toujours son briquet.

    Il refit le parcours inverse. Puis l’air ambiant virevolta, bougea, chahuta la poussière, caressa ses joues. Ses pas firent rouler des cailloux qui résonnèrent dans l’immense caverne. Il aperçut, là-haut, un point blanc opalescent. Le trou au sommet de l’éboulis lui montrait la voie à suivre.

    Épuise, Belo fit une nouvelle halte. Sans changer un iota à sa façon de faire, par un tour de magie dont seul les fumeurs sont capables, il décora le pli de ses lèvres du mégot qui avait traîné dans sa poche. Il sortit son vieux Zippo. Clac! Flamme!

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1