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ArKana Livre 3: La dragone
ArKana Livre 3: La dragone
ArKana Livre 3: La dragone
Livre électronique503 pages6 heures

ArKana Livre 3: La dragone

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À propos de ce livre électronique

Au VIe siècle, après la mort du roi Arthur, le monde celte s’effondre : ce sera la « Grande-brisure », mais grâce à la magie des Dieux, ce monde va perdurer dans un ailleurs qui se nomme ArKana...

« Pour quérir le chaudron qui a recueilli le sang de la dragone, le sacrifice est une vie. La loi des anciens Dieux est claire : “Une vie pour une vie, une mort pour une mort !” »

La Frérie de la dragone affronte les pires cauchemars de son existence : les Marais du Levant où la mort rampe, la férocité des envahisseurs cimbres, le courroux du dieu Lug... Heureusement, elle sera aidée d’Aube la Korrigane, de la fée Fedelm et de l’esprit du Grand chêne albinos. Mais cela sera-t-il suffisant pour avoir accès à l’épée magique du futur roy ?
Il y a des victoires qui ont un goût de défaite…

Une incroyable reconstitution historique des us et coutumes des gens vivants au XIIe siècle. La lectrice ou le lecteur sera surpris de découvrir qu’il est l’héritier de ce Moyen-Âge inattendu, bien présent dans sa vie de tous les jours tant par son langage que par sa manière de vivre, mais aussi qu’actuellement, le sort de l’humanité se joue dans ce pays qu’est ArKana.
LangueFrançais
Date de sortie10 janv. 2024
ISBN9782897925666
ArKana Livre 3: La dragone
Auteur

Christian Mory

D’origine française, Christian Mory immigre au Québec en 1980. Il s’intéresse aux sciences divinatoires, à l’histoire mystérieuse, aux anciennes civilisations, aux religions et aux sectes. Ses recherches historiques se spécialisent surtout sur le monde celte et le Moyen-Âge. Il est d’ailleurs cité comme historien dans la revue médiévale Le Moyen Âge. Dans les années 1980 à 2000, c’est sous son nom de plume – Kris Hadar – qu’il écrit plusieurs livres sur le tarot et la numérologie. Plusieurs sont des best-sellers et sa renommée est devenue mondiale. En 1996, il fut le premier à tenter une reconstitution historique du jeu Le Tarot de Marseille, jeu qui est devenu une référence incontournable.

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    Aperçu du livre

    ArKana Livre 3 - Christian Mory

    Prologue

    Message transmis par la pensée.  Une alnerance² ?! m’interpella Cent-pas. Drôle d’idée pour ouvrir ton livre.

    — ???

    Message transmis par la pensée.  Oups ! C’est vrai, tu vis au XXIevingt-et-unième siècle. Chez nous, ce mot signifie « animal qui sort le soir ». Bon, alors pourquoi une chauve-souris ?

    — Ah oui ? Et pourquoi pas ?

    Message transmis par la pensée.  Elle est diaboliquement vôtre !

    — Tu dis n’importe quoi. Annonce cela à Arnault, et tu verras comment il t’enverra promener. Certes, elle est spéciale, mais comme tout ce qui ne correspond pas aux critères des bien-pensants, on l’ostracise. On en a fait la servante du Diable.

    » Depuis le début de cette belle aventure, j’ai appris à relativiser les affirmations gratuites. Elle fait peur, parce qu’elle est justement spéciale. Elle se déplace la nuit, donc, elle doit être proche de la Déesse-mère³. C’est le seul mammifère qui vole. De plus, contrairement aux oiseaux, elle ne pond pas d’œufs et elle accouche d’adorables bébés – un par an – qu’elle allaite avec toute la tendresse d’une mère.

    » Comme les dragons, elle voyage sous terre en suivant le flux des ondes magnétiques terrestres ; les Dieux ont gratifié ses cellules de magnétite. Elle se dirige grâce à l’écholocation. Il est même prouvé qu’elle peut capter la progression d’un insecte sur du sable. »

    Message transmis par la pensée.  Christian… Christian ! Je te faisais pietonner… et toi, tu cours comme un chevreuil. Je sais bien que, pour les Celtes, elle était une guide infaillible, surtout la nuit. Il était d’usage de faire appel à l’esprit de la chauve-souris pour rejoindre un lieu précis ou pour détecter les animaux lors de la chasse. Ce n’est donc pas par hasard que les Dieux ont demandé à Fidéline d’aider Arnault.

    — Demander ?! C’est plutôt lui qui a sauvé la petite pipistrelle⁴ d’une mort certaine…

    Message transmis par la pensée.  Faut esgarder plus loin qu’on a la nase⁵ ! soupira Cent-pas.

    — Pt’ête ben, pt’ête pas. Justement, si j’ai mis l’image de Fidéline, c’est parce que je voulais partager une confidence avec mes lecteurs.

    » Au Québec, je vis à dix minutes d’un parc de préservation. Chaque jour, autant pour ma santé que pour ma chienne Xéna – un cocker américain, du bonheur sur quatre pattes –, dont les Dieux… m’ont gratifié, je vais m’y promener. J’emprunte un sentier, je longe le ruisseau du Moulin où, toute l’année, se trouvent des colverts. Quelques détours plus haut, passé une zone marécageuse, se dressent fièrement dans le ciel des pruches. Ce sont des dominants, parce qu’ils s’étirent là au-dessus de tous les autres arbres. Le premier, tu seras surpris que je lui dise toujours Bonjour, l’Ancien. Il est vrai qu’il a plus de quatre cents ans. Il a commencé à pousser avant que le premier colon européen mette les pieds au Canada. J’ai pris l’habitude de caresser son écorce, d’observer si la résine coule ou pas – signe de maladie ou non –, puis de saluer l’adryade⁶ qui l’habite. C’est la nymphe des arbres. Elle ressemble à une très belle jeune femme et elle symbolise la force végétative de son hôte. Elle est liée à un seul arbre et elle meure avec lui.

    » Cent-pas, tu sais que je ne peux rien te cacher. Cette année fut difficile, surtout pour ma santé. Chaque fois que je passais devant l’Ancien – sous l’influence, j’en suis venu à me confier et à lui parler de mes problèmes… comme s’il pouvait m’entendre, et surtout me comprendre. De fil en aiguille, je te l’avoue, j’ai commencé à lui demander son aide. Oui, j’ai fait cela ! Après tout, dame Ysaguelle d’Aiglolaine a fait la même chose quand elle a demandé à un chêne de rencontrer un homme qui serait capable de la faire femme et mère. Dans mon for intérieur, je me disais que cet arbre était animé par la même force vitale que moi et, par conséquent, qu’il devait sûrement, à défaut de me comprendre, ressentir ma détresse. Le plus étrange, tu sais quoi ? C’est à partir de ce moment-là que ma santé s’est améliorée. Était-ce un adon⁷, l’arbre ou les esprits de la forêt qui ont réussi à me soigner ?

    » Quoi qu’il en soit, depuis, quand je me promène dans cette immense forêt, je me surprends à dire : Bonjour, les Bonnes dames ! »

    Message transmis par la pensée.  Bon, après une telle confidence, je suis convaincu que tes lecteurs sont demaintenant prêts à vivre, avec Aëla, Arnault et Guilhem, la conclusion de leur queste. En fait, c’est surtout cela qu’ils espèrent.

    — Attends, un dernier mot, Cent-pas. Contrairement à un roman dont le scénario est arrangé par l’auteur, ici, je suis dans la vraie vie. Je commence à percevoir que tous les personnages, secondaires ou non, qui apparaissent, de près comme de loin, sont importants. ArKana m’apparaît comme un grand puzzle au service des Dieux, et j’entrevois maintenant que toutes les pièces ne demandent qu’à s’emboîter et à s’animer.

    » Bien sûr, il y a les trois jouvenceaux qui sont, en quelque sorte, le moteur de cette belle épopée, mais que dire d’Ysaguelle d’Aiglolaine ? Quel est son rôle ? Elle semble être une druidesse d’un temps jadis ayant le pouvoir de communiquer avec tous les éléments de la création. Bien sûr, il y a le Chevalier blanc, mais pas besoin d’être mage pour deviner qu’il est le prince charmant qui réveillera la belle endormie. Celui qui m’intrigue le plus est Bernard de Toules, mais je n’arrive pas à le cerner et à comprendre son rôle… Qu’en penses-tu, Cent-pas ? »

    Message transmis par la pensée.  Je pense que tu n’as plus trois ans et que tu as passé l’âge des « pourquoi ». Il est plus que temps de rejoindre la Frerie de la dragone, qui vient d’arriver aux Marais du Levant, et toi, de prendre ta plume pour écrire leur belle et périlleuse épopée.


    2Alnerance : n.f., chauve-souris.

    3Déesse-mère : n.pr., dans la mythologie celte, la Déesse-mère, ou Terra Mater, occupe une place prédominante. C’est elle qui est la mère des Dieux et des hommes. Son principe est unique, même si elle est représentée sous trois visages : la vierge, la femme/mère et la vieille femme.

    4Pipistrelle : n.f., petite chauve-souris à oreilles pointues.

    5Nase : n.f., nez.

    6Adryade ou hamadryades : n.f., nymphe des arbres – ne pas confondre avec la dryade, qui est une divinité féminine qui peuple la plupart des lieux : forêts et bois, montagnes et bocages, sources et rivière, vallées fertiles et grottes.

    7Adon : n.m., québécisme, don, bonne disposition du destin, hasard heureux, chance.

    L’aventure, c’est l’aventure…

    – 1 –

    Le baiser de la mortaille

    Les Marais du Levant s’étendaient à perte de vue sans pour autant définir d’horizon. Le regard du voyageur ne pouvait déterminer si le ciel était un prolongement des marais ou si ces derniers donnaient plutôt naissance au ciel. La grisaille de l’un avait la même texture que l’autre. Le brouillard qui frôlait la surface liquide se mêlait aux nuages. D’ailleurs, était-ce l’eau, là-haut, qui brumait en myriades de gouttelettes cette vaste étendue ou était-ce l’évaporation de celle d’en bas qui perlait l’air de toute cette bruine ? Pour la Frerie de la dragone, une chose était sûre : ici commençait ou se terminait un monde. Là-bas semblait tellement improbable qu’il devenait incertain de pouvoir y aller, encore moins d’en revenir.

    — Cela donne le frisson, ne trouves-tu pas, mon doux Arnault ? commenta Aëla en se frottant les bras pour se réchauffer.

    — Tu as bellement raison, ma mie. Quel dieu a pu espenser un lieu si inhospitalier ?

    — Ou plutôt, quel esprit démoniaque ? accusa Guilhem. En tout cas, ce marais est lugubre. Alors, toujours partants, mes amis ? Moi, je serais d’avis qu’on s’en retourne…

    Il n’eut même pas le temps d’ajouter un mot qu’Arnault se jeta sur lui, et ils roulèrent dans l’herbe et la caillasse comme deux galopins.

    — Tu n’es qu’un trouilleux, seigneur de Montjoy ! Tes ancêtres doivent se retourner dans leur linceul…

    D’un coup de reins, il culbuta son compagnon.

    — Et toi, un oiseau sans cervelle qui passe son temps à flotter dans les nuages… Et ça se pense roy ! Atterris !

    — C’est fini, les poules sans tête ? les réprimanda en souriant Guillin de Braytina. Venez-vous-en ici promptement que l’on puisse faire le point et ourdir un plan d’action.

    Ils se regroupèrent autour du feu que le maître d’armes venait d’allumer. Ils commençaient à être transis par l’air humide transperçant leurs habits.

    — Je tiens à repréciser sur-le-champ, haut et fort, argua Guilhem, qu’il est imprudent de s’aventurer dans les marais, quandis⁸ que nous n’aurons pas visité la sorceresse qui vit en hermite dans le cimetière des Dragons, près du village de Gardefin. Aëla, tu m’as bien précisé que le pèlerin Cent-pas vous l’avait fortement conseillé avant de convoyer en ces lieux.

    — Tu as la tête dure, grogna-t-elle. Je t’ai alsi⁹ dit moult fois que messire Cent-pas m’a baillé¹⁰ cette boussole pour que je m’y fie. Tiens, regarde…

    La jeune fille la tira de son escarcelle¹¹ ; effectivement, les deux aiguilles pointaient en chœur vers les marais, sans offrir une autre alternative.

    — Cent-pas nous avait proposé cette possibilité « avant » qu’Arnault soit capturé. Demaintenant, il faut croire que pietonner vers la sorceresse est devenu inutile… En tout cas, j’espère que ta complainte ne dissimule pas autre chose.

    — Quoi ?! Tu insinues que je suis un couard¹² ? Il faudrait que tu révises vitement ton jugement. Damelotte Aëla, tu me déçois, je ne suis pas un peorpisseor. S’il y a bien quelqu’un qui a du corage à revendre ici, c’est bellement moi. Et je te l’ai prouvé grandement à Rimoux. Mais conviens qu’ici, ce n’est pas comme se battre contre un maraud¹³… Tout est fuyant, gluant, insaisissable. D’évidence, c’est le royaume des ombres et de la mortaille. Oui, je te l’avoue, j’aurais aimé recevoir les bons conseils d’une sorceresse qui m’aurait, en plus, baillé moult protections et onguents magiques…

    Devant la mine piteuse de Guilhem, tous éclatèrent de rire. Arnault lui passa amicalement le bras autour du cou et lui dit, dans le creux de l’oreille :

    — Je sais que je peux compter sur ton corage et, moi alsi, je te confesse que la vaillance n’est pas mon lot. La peor m’étreint et je trouille vraiment, heureusement que tu es là. Mais entre toi et moi, qu’avons-nous à perdre ? Notre vie ? Eh bien, cela nous permettra de rejoindre plus vitement les Dieux !

    — Je dirais plutôt que nous avons tout à gagner, dit sérieusement Aëla. Espensez un instant que nous allons convoyer dans un monde magique et découvrir la coupe de la légende, celle de la fée Fedelm que tant de nobles personnes ont reverchiée¹⁴ en vain… Pense qu’il y a moult gens qui en ont rêvé en oyant les jongleurs. Guilhem, mon fidèle ami, je crois que l’aventure vaut la chandelle, et après, nous entrerons dans la légende !

    — Tu… as bien raison, finit-il par reconnaître avec cœur.

    — Comme toujours, renchérit Arnault en lui faisant les yeux doux.

    — Bon, dit le maître d’armes, je crois qu’il serait grand temps d’accorder nos luths.

    — Hein ? Vous avez des luths avec vous ? s’exclama le Trobar.

    — Mais non, cette expression signifie que l’on doit ourdir une stratégie commune. D’abord, que disait le parchemin ?

    Une fontaine d’eau

    C’est en s’égarant dans le désert d’eau,

    alors que la soif érode l’esprit,

    que la fièvre humide tourmente la raison,

    que se dissimule la coupe d’amor

    dans le mirage qui apparaît.

    » Cette sentence est claire. On doit s’égarer dans cette vaste étendue d’eau et faire confiance aux Dieux. Adonc¹⁵, à Dieu va !… »

    — Pardon, maître, vous voulez nous quitter demaintenant ? demanda sérieusement Arnault.

    — Mais non. J’ai dit « à Dieu », signifiant « À la grâce de Dieu » et non « adieu » dans le sens d’un « au revoir ». Les marins clament cela lorsque, dans une manœuvre fort périlleuse, ils remettent leur vie dans les mains de Dieu.

    — Ouaaaah, j’ai le sentiment que la journée sera longue, soupira Guilhem. Effectivement, il est grand temps d’accorder nos luths. À vous ouïr, la cause est entendue. On se jette à l’eau et on prie les Dieux !

    Aëla, l’air narquois, lui répliqua :

    — Il serait plus sage de trouver de quoi flotter dessus… Une barque ou, à défaut, fabriquer un radeau, comme cela nous risquerions moins de nous noyer !

    — Bonne idée, explorons avec grande attention les lieux, dit maître Guillin en se levant.

    Cette langue de terre qui pénétrait les marais était lisse comme le dessus de la main. Quelques arbustes se collaient à la terre parmi les herbes hautes où grouillait une vie silencieuse ; un bruit feutré en indiquait la présence. Quant aux marais eux-mêmes, seuls des arbrisseaux chétifs émergeaient pour aider les insectes et les serpents d’eau à se reposer.

    — Comment construire un radeau sans avoir à revenir sur ses pas ? se questionna Arnault. Il y a bien des roseaux, des typhas à profusion, mais avant d’en cueillir suffisamment pour tresser une embarcation… Il vaudrait mieux faire preuve de plus d’imagination !

    — Fantastique ! s’écria Aëla.

    — Quoi donc, ma mie ? demanda-t-il en courant vers elle. As-tu découvert quelque chose ?

    — Un iris jaune !… Incroyable ! Dans cette terre sans soleil, des fleurs poussent pour y apporter de la lumière.

    Elle le cueillit, le piqua dans ses cheveux et fit une révérence, toute coquette.

    — Suis-je joliette ?

    — Oh oui, ma douce, belle comme une fleur à l’aurore, qui s’ouvre pour jouir des premières caresses des rayons du soleil.

    Et Arnault l’embrassa avec la même douceur infinie qu’une plume duveteuse câline l’oisillon. Leurs cœurs virevoltèrent et leurs jambes mollirent. Ils tombèrent à genoux dans l’herbe, tendrement enlacés, seuls leurs yeux trahissaient leur joie.

    — Mais !… s’exclama-t-il.

    — Oui ?

    — Une barque…

    — Où ?

    — Mais là, là… Aëla, regarde derrière toi ! Il n’y avait rien avant.

    — C’est vrai… C’est de la magie !

    — Maître Guillin, Guilhem, venez vite ! crièrent-ils.

    Suivi du Trobar, le maître d’armes surgit et, d’un regard, embrassa toute la scène.

    — Messire, s’emballa Arnault, il n’y avait rien et pouf ! elle est apparue comme par enchantement !

    Sceptique, Guillin de Braytina secoua la tête.

    — Vous aviez mal observé… Regardez, elle n’a aucune attache. C’est le courant ou le vent qui l’a fait dériver vers vous pendant que vous vous abraciez¹⁶. Je vous ai vus !

    — Mais…, protesta Arnault.

    — Guilhem, commanda le maître d’armes, attrape-la avant qu’elle s’en retourne vers d’autres lieux et tire-la prestement sur la terre ferme.

    Le Trobar s’exécuta tout en mêlant vitesse et précipitation. Résultat, il se retrouva les pieds trempés, maudit le ciel et alla se faire sécher devant le foyer. Les autres le rejoignirent ; une bouffée de chaleur restait bonne à prendre. Maître Guillin en profita pour donner ses directives :

    — Bon, la cause est entendue. Arnault, tu vas demeurer ici pour garder les chevaux.

    — Pourquoi moi ? Si je suis attaqué, je ne saurai point me défendre, je me ferai vitement rapiner. Ce devrait être Guilhem.

    — Merci, et pourquoi pas Aëla ? C’est périlleux d’aller à l’inconnu sur l’eau avec une jouvencelle…

    — Ah oui ! s’exclama-t-elle. C’est comme cela que vous respectez votre serment ! « Tous pour un et un pour tous, à la vie et à la mortaille !

    Surpris par cette réplique, le forgeron fixa la jeune fille ; comme deux frères siamois, les garçons en profitèrent pour lui faire un clin d’œil.

    — Euh… Après tout, vous avez raison, lâcha-t-elle. Maître Guillin, pourriez-vous m’aider à atteler le chariot pour l’abriter sous les arbres, tout là-bas ? Avec ce brouillard humide, je ne tiens pas à rester sur la rive…

    — Hé ! Aëla, tu prendras soin de mon luth que j’ai déposé derrière ton banc.

    Pendant qu’elle faisait semblant de suivre Guillin de Braytina, Guilhem et Arnault poussèrent l’embarcation dans l’eau et sautèrent dedans. Alors, Aëla, robe retroussée, les rejoignit en courant. Elle se jeta littéralement sur eux, au risque de tout faire chavirer. Ce branle-bas eut pour effet de les éloigner d’un coup du rivage.

    — Au revoir, maître Guillin ! crièrent-ils en agitant les bras.

    Il se retourna et s’écria avec emportement :

    — Mais vous êtes fous ! Revenez ici avant qu’il ne soit trop tard !

    Réalisant qu’il s’était fait berner comme un enfant, de rage, il leva un poing contre le ciel.

    Guilhem mit ses mains en porte-voix :

    — Il ne faut point avoir d’hontage ; il y a moins de risque d’être dans cette barque que sur la rive.

    Puis, il ajouta, à l’adresse de ses amis :

    — Vous voyez, je ne suis pas un couard. Je suis avec vous et je compte bien y rester ! D’autant plus que l’esprit de Johanet, le gentil compaignon de Gencina, nous a bellement dit que c’est la coupe qui nous trouvera. Nous n’avons donc qu’à guetter partout autour de nous ! Oh, tiens, et pourquoi pas ?… En attendant, nous devrions en profiter pour faire une petite balade.

    Il empoigna les avirons et souqua ferme pour aller nulle part. Arnault s’assit sagement à la proue, Aëla, à la poupe. Pour se procurer du courage, Guilhem se mit à déclamer tout haut des phrases improvisées :

    Début de la chanson Dans les marais brumeux, je m’aventure

    Et comme l’alouette, mon cœur chante

    La joie de convoyer en bonne compaignie

    Cette folle et dangereuse escapade…

    Démons, esprits, monstres nous épient

    Pour nous faire un mauvais sort

    Mais que peuvent-ils contre nous ?

    Puisque vraie amitié nous lie

    Et nous rend forts… Fin de la chanson

    Après un moment…

    — Chuuut ! susurra doucement Arnault.

    Un clapotis suivi d’un bouillonnement se fit entendre.

    — Par la mordieu, ne commencez pas à me faire des accroires, marmonna Guilhem. Nous sommes sur l’eau, ne me tourmentez pas avec ce qui vit en dessous… Le péril doit être ailleurs !

    — Ah oui ? répondit Arnault en fronçant les sourcils. Peux-tu me dire où est maintenant la rive ? Nous sommes entourés d’une humidité gluante et nous voguons entre quelque part et n’importe où. Sais-tu d’où peut survenir le danger ? Je ne me complains pas… Tiens, regarde ces arbrisseaux…

    Il en attrapa un qui lui resta dans les mains. Il avait pour racines de longs filaments gélatineux.

    — Ils flottent comme nous ; les racines ne sont même pas enfoncées, ne serait-ce que dans la vase…

    — Aïe ! Ne refais plus cela, mon téméraire ami ! se plaignit Aëla. Tu viens de soulever un essaim d’insectes qui m’agressent.

    Elle se mit à se gifler les joues, les bras, les mains à qui mieux mieux, pour finalement s’encapuchonner avec sa gonelle¹⁷, geste aussitôt imité par ses deux compères.

    Après un silence boudeur, mue par une subite inspiration, elle attrapa un arbrisseau et lui arracha les feuilles. Elle les écrasa entre ses mains et, tant bien que mal, se frictionna avec.

    — Regardez, mes amis, dit-elle en se badigeonnant le visage, cela nous protège des moustiques et des mouches piquantes.

    « Gloup ! » Un serpent ondulant sur l’eau comme sur la terre ferme avala goulûment un triton palmé qui tentait d’attraper une araignée.

    Curieuse, Aëla observa l’eau.

    — Oh ! une libellule vient de choir sur ma manche ! Elle est belle avec ses ailes bleues. Ce doit être une fée qui vient nous guider…

    — Va-t’en, sale bête ! s’écria Guilhem en la chassant du revers de main. Tu devrais savoir qu’elle est la servante du Diable. Avec ses gros yeux, elle aurait pu nous ensorceler…

    — Mais non, ce sont des ragots de vieilles femmes… Je te dis que c’était une fée. La prochaine fois, laisse-la-moi.

    Elle fit la lippe ; il se remit à ramer sans dire un mot.

    Depuis plusieurs sabliers, la barque allait à l’aveuglette. L’inquiétude avait remplacé l’euphorie du départ. Maintenant, Guilhem ramait dans le fol espoir de voir le paysage changer ; mais toujours les mêmes odeurs, pour ne pas dire la même puanteur de putréfaction, avec les mêmes gerris, hydromètres, gyrins et autres bébêtes qui sporadiquement se faisaient gober par un poisson, un têtard ou quelque chose de similaire. Tout cela agrémenté de monstrueuses toiles d’araignées qui engluaient les insectes volants entre les hautes herbes clairsemées.

    Tout à coup, la barque heurta quelque chose, puis encore et encore, avant de s’immobiliser. Ce n’était plus la brume seule qui était à couper au couteau, mais aussi le silence. Même les insectes s’arrêtèrent de bourdonner. Un léger enduit blanchâtre recouvrit la surface liquide.

    — On dirait de la bave de crapaud. C’est plein de petites bulles, remarqua Arnault en y trempant un doigt. C’est gluant, spumeux…

    — Par pitié, ne fais point cela, se plaignit Aëla. Ne trempe pas ta main dans l’eau, on ne sait jamais…

    Avant même qu’il puisse lui répondre, une chose le happa avec une telle rapidité qu’il se retrouva en un instant à barboter, puis il disparut complètement.

    Aëla et Guilhem se précipitèrent à l’avant pour essayer de percevoir quelque chose dans le liquide opaque. Rien, à part quelques bulles plus grosses qui apparurent dans la matière visqueuse.

    Soudain, Arnault émergea un court instant, suffisamment long pour que son ami lui saisisse un poignet, juste avant d’être à nouveau aspiré brusquement vers le fond. Refusant de le lâcher, le Trobar bascula à son tour. Cela déstabilisa l’embarcation et, avec elle, la pauvre Aëla.

    L’eau était trop trouble pour percevoir ce qu’il se passait. Guilhem parvint à toucher le fond de ses pieds, mais très vite il comprit qu’en s’arc-boutant dessus, il s’enfonçait dans la vase. Pour se désengluer, il tira de toute ses forces le bras de son ami, qui curieusement résistait : son manteau s’entêtait à vouloir partir dans le sens opposé. Avec son coutelas, il coupa le cordon qui le retenait au cou. Libéré, il put émerger en tirant Arnault, qui ne réagissait plus. Il regarda tout autour de lui. Il n’y avait qu’une surface d’eau embrumée à l’infini.

    Il cria de toutes ses forces.

    — Aëlaaa ! Où es-tu ?…

    Seule sa voix répondit en écho.

    Il sentit un frôlement poisseux sur ses jambes. Paniqué, il se mit à reculer en brassant l’eau de toutes ses forces avec les pieds.

    Une forme monstrueuse se dressa devant lui. Elle devait bien avoir quinze pieds de haut. Ses yeux de serpent le fixaient avec concupiscence. Étaient-ce des ouïes ou des ailes de vampire qui papillonnaient autour de sa tête ? Des écailles aux reflets d’acier lui enserraient le front et des excroissances pointues bardaient le dessus des paupières. Des filaments gélatineux y pendaient et des gouttes gluantes glissaient sur sa carapace. Elle ouvrit la gueule pour montrer ses dents acérées. Quand elle la referma, une langue fourchue en sortit prestement et avec elle un trop-plein de salive qui, en touchant la surface, fit frissonner l’eau et provoqua un peu de vapeur.

    Doucement, en faisant le moins de vagues possible, Guilhem continua de reculer en nageant d’une main et en maintenant de l’autre la tête de son compagnon contre son épaule, non sans avoir mis auparavant son coutelas entre ses dents pour être prêt à toute éventualité.

    Était-ce l’instinct du chasseur ? Au moment où le monstre se jeta sur lui, Guilhem plongea, laissant Arnault dériver sur le dos. Sous l’eau, un jeu de cache-cache commença avec cet animal fuyant et glissant. Guilhem tenta plusieurs fois de s’agripper à lui dans l’espoir de le taillader, mais finalement, c’est ce démon qui prit le dessus. D’un soubresaut et d’un coup de queue armée d’un dard, il le projeta dans les airs. En retombant, sa main droite s’accrocha à l’une des ouïes, et le fol espoir de lui trancher la tête lui traversa l’esprit. Malheureusement, elle était coupante comme un rasoir. La main sanguinolente, Guilhem lâcha prise et chuta lourdement dans l’eau. Quand il refit surface, le monstre se jeta de nouveau sur lui. Sans défense, par réflexe, il balaya violemment l’air de son coutelas. Le choc fut brutal. Dans ce bouillonnement, personne ne put dire ce qui se passa, mais la bête se redressa pour beugler de douleur. Elle avait la gueule ensanglantée, la commissure des lèvres tranchée et, par la même occasion, les muscles de la mâchoire. Elle souffla plusieurs fois, puis plongea pour disparaître dans un brusque remous.

    Guilhem resta un long moment sur la défensive. Il finit par se décider à rejoindre Arnault qui dérivait, tout en s’époumonant après Aëla. Comme précédemment, seul l’écho de sa voix lui répondit. La mort dans l’âme, toujours en tirant son compagnon inanimé, il se mit à nager en priant les Dieux. Il ne savait pas qu’ils l’avaient vu et qu’ils avaient admiré son courage.

    Sa tête heurta quelque chose de dur. C’était la barque vide. En fait, il s’était égaré, en tournant en rond, là où elle s’était enlisée dans la vase. Ainsi immobiles, ils étaient devenus des proies faciles pour le monstre des marais. Guilhem s’accrocha au bord et parvint, de peine et de misère, tout en s’enlisant dans la matière en décomposition, à basculer le corps de son ami à l’intérieur, puis à désembourber l’embarcation. Aussitôt remonté, il s’appliqua à faire à Arnault des mouvements de bras, comme jadis il avait vu agir Taille-à-vif auprès d’un homme qui s’était noyé dans une rivière. Cela ne l’avait pas ramené à la vie, mais dans ces circonstances, c’était tout ce qu’il savait faire.

    Et – mille mercis, les Dieux ! – cela fonctionna. Il avait recouvré sa respiration. Cependant, pour une obscure raison, il s’entêtait à conserver les yeux fermés.

    Découragé, Guilhem s’assit sur le banc de nage et, avec amertume, regarda autour de lui. Où se trouvait maintenant Aëla ? Ses yeux se mouillèrent. Jamais il n’avait réalisé à quel point il avait besoin de voir son sourire, d’entendre sa voix.

    — La maudite prédiction des ombres. Elles sont venues la chercher…, ragea-t-il.

    C’est ce moment que choisirent les âmes des victimes des marais pour apparaître. Des flammèches suspendues dans l’air se murent en une danse macabre. Certaines se consumaient avec une teinte bleue, d’autres en jaune, orangé ou rouge. Elles¹⁸ apparaissaient et disparaissaient au gré de leurs caprices ou de leur maître, puisque l’une d’entre elles portait en forme de couronne une aigrette vaporeuse.

    À leur approche, Guilhem se mit à trembler de peur. Oui, lui, le valeureux gueux, il trouillait. À force de se l’entendre dire, il savait ce que cela signifiait. C’étaient des âmes errantes et malfaisantes qui venaient précipiter les personnes égarées dans le fond du marécage pour les consumer.

    — Elles sont là pour se saisir d’Aëla. Elles sont, comme charognards, attirées par son cadavre.

    Il se jeta sur les avirons et se mit à tourner en ronds de plus en plus larges, dans l’espoir de la retrouver avant eux. Il finit par la découvrir prisonnière d’un groupe d’arbustes, immobile. Sa cape lui avait servi de bouée et ses tresses s’étaient prises dans des branchages pourris flottant entre deux eaux.

    Il comprit qu’en chavirant, elle avait perdu l’équilibre. Sa tête avait dû frapper violemment le support de la rame, et elle avait basculé hors de l’embarcation. Ses cheveux venaient de lui sauver la vie. Comme quoi, il y a du bon dans le fait d’avoir une longue chevelure et d’en prendre soin.

    Après avoir tiré Aëla de l’eau pour l’allonger au fond de la barque, il tenta de la ranimer avec des claques vigoureuses. Rien n’y fit. Il s’assit pour réfléchir, et là, il s’aperçut que des sangsues, fixées sur les bras, les jambes et le cou de la jeune fille, lui suçaient allégrement le sang. Avec son coutelas, il commença de les décoller en faisant bien attention de ne pas laisser accrochée à sa chair l’une de leurs trois mandibules, sinon l’inflammation qui risquait de s’ensuivre pouvait lui empoisonner le sang. Pour son dos, ce fut plus délicat. Il choisit de les laisser boire au maximum de leur capacité¹⁹ en sachant qu’elles se décrocheraient d’elles-mêmes. Dieux merci, elles n’étaient pas légion. Elle en serait quitte pour une bonne saignée.

    Il prit alors conscience qu’un liquide dégoulinait de ses mains : le sang, provenant de la profonde entaille de sa paume gauche causée par l’ouïe du monstre, refusait de coaguler.

    — Et si cette pourriture m’empoisonnait ?

    Inquiet, il récupéra dans le fond du bateau quelques sangsues rescapées de sa chirurgie et les appliqua dessus. Advienne que pourra ! Il était temps qu’il se préoccupât d’Arnault. Il se pencha sur lui, souleva ses vêtements et constata que le chanceux possédait peu de ces annélides.

    En entendant gémir Aëla, il se retourna vers elle. Elle délirait :

    — « Une vie pour une vie, une mort pour une mort ! Le principe de vie ou de mort est le sang… », belle dragone, toi qui connais si tant le bel et merveilleux amor. Toi qui as souffert le trespas pour renaître à ton bon seigneur Gwinthur, comprends ma prière. Prends ma vie et sauve de la mortaille mes amors Arnault et Guilhem ! Je t’en conjure. Moi, je suis… Vole… Mère… Le dieu cerf… Une dragone aussi…, finit-elle par dire avec ces mots sans suite.

    Guilhem s’approcha et ne s’inquiéta pas outre mesure en voyant une sangsue repue s’enrouler sur elle-même et se détacher de la gorge d’Aëla. Il souleva sa chemise, et l’horreur le saisit littéralement. Ses jambes, ses cuisses, son ventre, sa poitrine en étaient recouverts. Vampirisée par plusieurs dizaines de bestioles, elle était en train de se vider de son sang.

    Il fit preuve d’une patience infinie pour les décoller une à une. Lorsque, satisfait, il l’examina à nouveau, il remarqua à l’aine une autre morsure – deux trous bien distincts –, celle des crocs d’un serpent !

    — Nom des Dieux, vite…

    Il savait qu’il était trop tard, mais il aspira tout le sang qu’il put pour tenter d’en extraire le venin. Le teint de la jeune fille était maintenant blafard.

    Il frissonna, saisi par une soudaine crise de panique. Sans plus réfléchir, il se jeta sur les avirons et rama comme un forcené pour rejoindre la rive et maître Guillin de Braytina, mais il se rendit vite à l’évidence : ils étaient prisonniers de ce marais morbide. Les âmes enflammées des disparus le savaient bien ; elles étaient toujours là, attendant patiemment leur heure.

    Fatigué d’aller n’importe où sans y parvenir vraiment, Guilhem s’arrêta. Il contempla avec un profond désespoir la pauvre Aëla. Les blessures le long de ses jambes continuaient à saigner.

    — Maudites sangsues de chiure de merdas.

    Son regard fut soudain attiré par son escarcelle. Inspiré, il se précipita et en retira la boussole de Cent-pas. Tout tremblant, il l’observa. La grande aiguille indiquait bien la direction que suivait la barque, mais la petite se trouvait à quarante-cinq degrés sur la droite. Il la déposa avec d’infinies précautions sur la robe d’Aëla, de peur qu’elle ne se brise et qu’elle ne fonctionne plus, puis, ne la quittant plus du regard, il se remit à ramer.

    Le bateau glissait sur l’eau depuis une éternité quand, au bord de l’évanouissement, complètement épuisé, les muscles endoloris, Guilhem laissa les avirons. Son regard, obsédé par deux aiguilles qui depuis un bon moment n’en formaient plus qu’une, fut noyé par des larmes de désespoir. Il se sentait terriblement petit, démuni, abandonné. Exténué, il se laissa dériver, et malgré toute sa volonté, ses paupières se fermèrent. Il entendit ses compagnons Aëla et Arnault murmurer, puis se parler. Cela le soulagea. Maintenant, à eux de prendre le relais. Il lâcha prise et tomba à la renverse.

    Il eut le temps de voir son alter ego – son autre moi, celui qui, ces derniers temps, s’amusait de lui – se pencher sur son visage. Dans ses yeux, il lut de la fierté. Tout sourire, il lui fit un clin d’œil.

    Il était vêtu d’une tunique vermeille sur laquelle se distinguait un blason : un ours avec une épée étincelante. Il se redressa ; il tenait dans ses bras un enfant, qu’il offrit à une gente dame, belle comme une rose blanche qui perlait la rosée du matin. Sa

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