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ArKana Livre 2: Les ombres du passé
ArKana Livre 2: Les ombres du passé
ArKana Livre 2: Les ombres du passé
Livre électronique451 pages5 heures

ArKana Livre 2: Les ombres du passé

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À propos de ce livre électronique

Au VIe siècle, après la mort du roi Arthur, le monde celte s’effondre : ce sera la « Grande-brisure », mais grâce à la magie des Dieux, ce monde va perdurer dans un ailleurs qui se nomme ArKana...


« — Le porteur de médaille, le descendant du roy Gwinthur !
En un instant, les fantômes mirent un genou à terre en signe d’allégeance. »

Paralysées par la peur, les ombres du passé laissent le prince d’ArKana s’enfuir des catacombes avec ceux qui l’ont libéré. En découvrant que la légende du pays de Pomeroy est bien réelle, Aëla, Arnault, Guilhem et Guillin, le maître d’armes, forment la Frérie de la dragone. Un outil inattendu va les aider dans leur quête des quatre objets magiques : un jeu de Tarot.
En toile de fond, les Chevaliers du royaume pourchassent les hérétiques deusamors, alors que l’armée des Cimbres vient d’envahir ArKana. Ils pillent, brûlent, tuent et transforment les meilleurs combattants en « aigle de sang » pour communiquer avec Odhinn et le Valhalla.

Une incroyable reconstitution historique des us et coutumes des gens vivant au XIIe siècle. La lectrice ou le lecteur sera surpris de découvrir qu’il est l’héritier de ce Moyen-Âge inattendu, bien présent dans sa vie de tous les jours tant par son langage que par sa manière de vivre, mais aussi qu’actuellement, le sort de l’humanité se joue dans ce pays qu’est ArKana.
LangueFrançais
Date de sortie27 sept. 2023
ISBN9782897925338
ArKana Livre 2: Les ombres du passé
Auteur

Kris Hadar

Avec ce quatrième livre, Le Tirage astrologique du Tarot, Kris Hadar ajoute la pierre majeure qui manquait à son œuvre tarologique. L’interprétation de ce type de tirage est toujours restée superficielle pour la plupart des Tarologues, parce que les règles pour lire l’avenir avec le Tarot sont difficilement applicables à une Roue astrologique. Cet ouvrage montre qu’il est maintenant possible de se servir des concepts de l’astrologie, tout en obtenant une précision d’interprétation aussi grande, sinon plus, qu’avec le tirage en croix.

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    Aperçu du livre

    ArKana Livre 2 - Kris Hadar

    Prologue

    Le ciel avait pris sa teinte des mauvais jours. Sur la mer, des centaines de serpents, portés par une immense vague déferlante, s’approchaient des plages du pays d’ArKana à la vitesse d’un rorqual. Ils plongeaient dans l’eau et en ressortaient la tête dégouttante. Des dragons marins ! Je les distinguais maintenant, avec leurs ailes carrées, et je me rendais bien compte qu’ils volaient pour ne pas s’enfoncer dans l’eau.

    Allongé dans l’herbe, à l’abri d’un bosquet, il me fallut un long moment pour prendre conscience de ce que je voyais : une multitude de bateaux allait aborder ici.

    J’étais terrorisé et fasciné à la fois. Je détaillais celui de tête, long, étroit. À vue de nez, il faisait soixante à soixante-dix pieds de long sur une bonne dizaine de large. La proue représentait une gigantesque tête de dragon et la poupe, l’immense queue du reptile. Une voile bleu-gris au ventre dodu prenait avec plaisir le vent soufflant des îles. L’embarcation sautait quasiment de vague en vague, vu qu’une trentaine de rameurs souquaient de toute leur force avec le désir d’atteindre rapidement la côte. Je les distinguais difficilement ; ils étaient cachés derrière de grands ronds qui me rappelaient des boucliers. À l’avant se dressait un vigile. Je le vis se diriger vers le mât pour aider un autre homme à abaisser la voile. Il s’inclina soudain dans une attitude apaisante pour… Attendez !… Oui, pour calmer un cheval couché dans le fond !… C’était complètement fou !

    À bien y regarder, ce n’était pas un, mais plusieurs chevaux qui se relevèrent spontanément dès qu’ils touchèrent le rivage. Ils se jetèrent dans l’eau et attendirent calmement leur cavalier. Après que l’équipage eut tiré le bateau sur la grève, certains membres sautèrent sur les montures, les autres se regroupèrent autour de celui qui se révélait être un chef. Rapidement, ils se rassemblèrent pour former des bataillons, une troupe, une armée qui n’arrêtait pas de grossir au rythme des accostages.

    De mon observatoire, je voyais bien ces Vikings. Oui ! Eux-mêmes, reconnaissables aux casques qu’ils portaient, à nasal ou simplement en cuir, quelques-uns préférant celui à lunettes. Ils transportaient sur leur dos un bouclier rond en bois avec au centre une bosse en métal. Ils étaient équipés soit d’un haubert, de mailles ou d’écailles en cuir ou en acier, soit d’un gambison⁵. Je voyais des haches, à la ceinture ou à l’épaule, des épées sur les flancs ou dans le dos, des arcs, des pieux, des lances dans les mains.

    Une pensée me traversa l’esprit : « aucun guetteur n’a donné l’alerte ». Je n’étais pas loin d’une tour d’alarme et remarquai qu’effectivement son feu de détresse ne brûlait pas.

    Quelque chose m’attrapa violemment par les cheveux et me tira sur le dos sans ménagement. Je hurlai en sentant la peau de mon crâne s’étirer. J’avais beau gesticuler comme un poisson au bout d’une ligne, rien n’y fit. Je ne parvenais pas à voir l’objet de ma terreur.

    Après avoir raclé le sol sur près de deux cents pieds, les habits déchirés, le dos en feu, mon cou craqua sinistrement lorsqu’une violente traction me fit décoller pour atterrir sur des masses molles. Je réalisai alors que je trempais dans une mare de sang où stagnaient des corps mutilés, éviscérés, étêtés. Je pivotai, mais aussitôt, je glissai sur des tripes et retombai face à un visage ricanant bêtement, le sourire ouvert d’une oreille à l’autre. Saisi d’effroi, je me mis à trembler, couvert de sueurs froides. Je pivotais pour tenter de fuir lorsque je me heurtai à deux yeux fous entourés d’une barbe immense empestant le poisson pourri, et une bouche hurla la terreur… Mes tympans en vibrèrent de douleur… Je tentai de les protéger avec mes mains… Peine perdue, ce rire démoniaque me projeta à cinq pieds de là !

    Après ce recul, je pus enfin voir où je me trouvais. J’étais sur un tas de cadavres – sûrement les miliciens gardant les côtes –, et devant moi des Vikings, une dizaine, rigolaient de ma frayeur. Je vivais encore, mais pour combien de temps ? À voir leurs regards meurtriers, je compris que je le devais à leur sadisme. Mon exécution allait suivre…

    Désespéré, ne sachant où aller, je me retournai pour trouver une sortie. Ce fut pour voir les Vikings qui venaient vers moi, la bouche bavante. Ils goûtaient avec délectation ces instants de l’hallali où la proie est aux abois, épuisée, incapable de s’échapper… Effectivement, j’étais pris au piège et j’allais mourir…

    Terrifié, je criai au secours ! Ma voix s’enraya et aucun son ne sortit. J’aurais voulu courir à nouveau ; mes jambes refusaient de bouger. La honte me saisit quand je sentis un liquide chaud couler sur mes jambes. Je n’avais plus le contrôle sur rien, encore moins sur mon corps. Je m’effondrai en pleurant. Dans un dernier sursaut, je réussis à vomir ma peur. Je levai les bras pour me protéger du coup de hache qui me décolla la tête. Elle se mit à tournoyer, et tandis que le ciel se rapprochait de moi, ma vision fut troublée par une corneille tentant désespérément de me gober un œil. Elle retomba violemment à terre, et cela me fit véritablement mal… Elle résonna comme un morceau de bois mort.

    Cela eut l’effet salutaire de me réveiller.

    J’étais tombé de mon lit, en sueur, et je grelottais. Complètement hébété, je m’assis et me sécurisai en serrant mes genoux avec mes bras… Je restai là, prostré, toute la nuit, obsédé par ces images d’horreurs qui prenaient un plaisir sordide à se répéter dans mon esprit sans que j’eusse un mot à dire…

    Je viens de partager avec vous l’un des nombreux cauchemars hantant mes nuits.

    Ils ont commencé le jour où j’ai vu déferler sur le beau pays d’ArKana l’armée des Cimbres. Comme une nuée de sauterelles, elle décimait tout sur son passage, et ce, au moment même où la guerre contre l’hérésie se transmuait en un jeu de massacre. L’horreur de ce que mes yeux ont vu m’a bouleversé. Bien à l’abri dans mon logement du XXIe

    vingt-et-unième

    siècle, dans une société hyper-protectrice où les gens meurent trop vieux en mauvaise santé, je ne peux imaginer ce qu’est la pure violence. La guerre fait toujours la une de nos quotidiens, et les photos d’information sont tellement aseptisées que personne ne se sent concerné. À travers l’histoire d’ArKana, je suis aux premières loges d’un conflit et je découvre ce qu’est la folie meurtrière des hommes. Il m’est impossible d’effacer de ma mémoire les images, les odeurs, les sons…

    Saut d'espace temps

    Cela fait quelques jours que je tente d’écrire ce deuxième volume, mais je ne parviens pas à aller au-delà des premiers mots. Pourtant, cela ne devrait pas être compliqué puisque je ne fais que transcrire le plus fidèlement possible ce que je vois, entends et ressens. Justement, je ne peux le faire que si « je vis » ce que je transpose. Or, chaque fois que je veux poursuivre ma rédaction, un sentiment de dégoût associé à des images obsédantes, noires, cruelles m’envahit pour me torturer. C’est souffrant… Alors, de guerre lasse, je viens de me résoudre à les exorciser en les partageant avec vous.

    Message transmis par la pensée. Që voudra gari, dighë souna mâou !

    —  Pardon ?! m’exclamé-je en me détournant de ma table de travail.

    Derrière moi, Cent-pas, le compagnon de ma quête, occupe le fauteuil où j’aime me réfugier pour laisser mon esprit vagabonder… Quoi de plus normal qu’un errant comme lui se le soit approprié ! Il a pris la pose d’un aïeul : ses yeux verts emplis de compassion, ses cheveux blancs étonnamment bien mis tressés avec un ruban bleu, habillé de son éternelle pèlerine délavée d’un brun-noir.

    Message transmis par la pensée.   Oups ! Je lisais le poème La fleur inverse, du grand troubadour clus⁷ Raimbaut d’Orange⁸, que tu as placé en début de ce livre et j’ai oublié que tu ne parles que le françois⁹… Je te citais un dicton occitan « Qui voudra guérir, qu’il dise son mal ! »

    —  Justement, c’est ce que je suis en train de confier aux lecteurs…

    Message transmis par la pensée.   Dame oui ! J’en suis bellement conscient. Il est grand temps que tu réalises que « Les chats ne font pas des chiens ». De par sa nature, l’Homme est cruel et doux selon les circonstances, comme tout ce qui vit et pousse, d’ailleurs. La nature a inventé la mortaille – qu’elle soit vile ou non – pour assurer sa survie. C’est pour cela que « Qui se fait brebis, le loup la mange ». Par contre, je ne vois pas la raison de ce poème.

    Je souris en entendant ce grand escogriffe qui a toujours un dicton en bouche. Au fait, je ne me rappelle pas vous avoir dit qu’il mesure six pieds, alors que ma taille est de cinq pieds cinq pouces. Comme vous le voyez, si le Lutignol de mon enfance a grandi, moi, je reste son petit garçon !

    —  Justement, mon ami, vous savez que j’aime les troubadours, inventeurs du chant lyrique. J’ai toujours adoré ce poème du XIIe

    douzième

    siècle, l’un des plus beaux joyaux de la poésie occitane. Je le récite chaque fois que je rencontre une personne sensible à la douce tension de l’amor et à ses valeurs courtoises.

    » Pour introduire le premier volume, j’ai inséré la photo authentique d’une fée des arbres ; pour le deuxième, je me dois d’ajouter aussi un document digne d’intérêt… et comme la suite du récit parle du chant d’amour entre nos héros Aëla et Arnault, son insertion devient incontournable. »

    Message transmis par la pensée.   Je comprehende… « Pour alsi¹⁰ caché que soit le feu, on en voit la fumée. » Ton côté fleur bleue n’a pu résister au chant de ton cœur !…

    —  Non ! Non pas… Cent-pas, ce n’est pas cela… Ce poème exprime remarquablement les tourments de l’amour, le pouvoir d’aimer et aussi la capacité de se grandir grâce à lui, même quand il n’est pas partagé. Il parle de la médisance des envieux, du plaisir à le ressentir et de pourquoi ce « doux sentiment est une clef » pour découvrir la joie de vivre !

    » De plus, je trouve sublime sa construction, car non seulement Raimbaut d’Orange utilise les mêmes rimes – inverse, tertre, givre, tranche, sifflement, branche, joie et vilain¹¹ –, mais en parallèle, il nous communique ses émois en inversant les sensations exprimées. Résultat : on est en même temps l’amour, le désespoir, la jalousie… Tu conviendras que c’est une magnifique introduction pour la suite de leur histoire, avec en trame de fond la légende de la fée Fedelm et du roy Gwinthur, et ce, malgré la guerre et sa violence, la haine des uns, l’envie des autres, la dureté de ces temps incertains. »

    Message transmis par la pensée.   Certes, je te l’accorde, et ta réplique est de bon ton.

    —  Alors, mon bon ami, si tu me disais l’objet de ta visite ; je te trouve très verbeux aujourd’hui. Il est rare que tu viennes me voir lorsque j’écris.

    Message transmis par la pensée.   Oui, c’est bellement un grand moment puisque tu as commencié la rédaction du deuxième volume. J’apensais qu’il serait fort louable de se desputer¹² pour partir d’un bon pied. « Trop de labour n’a jamais gâté une vigne ! » Je peux t’enluminer les zones d’ombre du premier tome afin que tu ne contes pas de fables.

    —  J’en suis fort aise, réponds-je ironiquement. Eh ben, justement, il y a une question qui m’obsède depuis longtemps : pourquoi ce pays s’appelle ArKana ?

    Message transmis par la pensée.   En celte ou en latin ?

    —  ?…

    Message transmis par la pensée.   Mouè, je vois. En celte, ce mot se traduit par « le pays qui chante ». La racine Ar¹³ signifie « pays », Kan désigne le « chant » et Kana, le verbe « chanter ».

    —  Euh… Puis-je ?…

    Message transmis par la pensée.   Oui ?

    —  Tu es en train de me dire qu’ArKana est le pays où l’on chante… Le pays des bardes ?

    Message transmis par la pensée.   Diable, tu as de ces raccourcis !… « Ce qui se voit ne peut se cacher », affirme-t-on.

    » Je disais donc qu’en latin, le mot arcanum – secret – fut utilisé au XVe

    quinzième

    siècle pour donner naissance à arcane – opération mystérieuse. Rendons grâce aux Dieux qui ont fait de ce pays celui du mystère et de la magie… mais aussi du chant sacré ! »

    —  Et ?…

    Message transmis par la pensée.   Et ?… Et quoi ? répète-t-il, tout interdit.

    —  Le Tarot¹⁴ ?

    Message transmis par la pensée.   Eh oui… Et ?

    —  Cent-pas, tu n’es pas sans savoir que le mot arcane est aussi associé aux cartes du jeu de Tarot… Arnault hérite de son père un jeu de cinquante-sept cartes. L’une d’elles est ton portrait tout craché. Je dirais bien qu’ArKana est aussi le pays des arcanes de Tarot ou celui de Cent-pas… Qu’en penses-tu ? Ne serais-tu pas le Roy des légendes tant cité par les textes sacrés ?

    À ces mots, Cent-pas se lève… se gratte la tête… se mordille l’index… interroge le plafond… se rassoit… adopte la position du Penseur de Rodin… puis celle d’un roy sur son trône… reprend sa pose d’illusionniste et, avec une mauvaise foi évidente, finit par répliquer, en levant les sourcils :

    Message transmis par la pensée.   Ah ?… Tu m’esbaudis¹⁵ ! Tu viens de m’en bailler¹⁶ une bien belle ! Il faudrait que j’apense à tout cela… Moi ? Roy ?… Et pourquoi pas ?… Cela m’irait bien… J’ai déjà été le roy des fols¹⁷, pourquoi pas icelui d’ArKana ?… Sur la carte, suis-je au moins bel homme ? ajoute-t-il en replaçant hypocritement ses cheveux…

    —  Oh, mais oui ! Justement, regarde…

    Je saisis le jeu de Tarot de Kris Hadar et, parmi les vingt-deux arcanes majeurs, lui tends justement celui du Fol.

    Image en noir et blanc de la carte du Fol, tirée du Tarot de Marseille restauré par Kris Hadar.

    Pour une des rares fois de ma vie, je le vois pris au dépourvu. Il perd même, durant une fraction de seconde, son éternel sourire.

    Message transmis par la pensée.   Tu as bellement raison. Cela « peut » me ressembler, mais Dieu merci, « Il n’y a pas qu’un seul fou dans un village ! »

    » C’est évident qu’ArKana est le pays des arcanes de Tarot, ou plus précisément icelui où se retrouve la source de la magie du Tarot, mais ce n’est pas mon pays. Parfois, j’y séjourne, parce que je suis l’humble serviteur des Dieux. »

    —  Hum… d’accord. Tu dois pouvoir me répondre sur ça : pour protéger ArKana de toute propagande deusamor, le conseil des preux a interdit tous les manuscrits sous peine de périr sur le bûcher. Tous les gravures, dessins, enluminures et fresques ont été quasiment détruits, et ce monde médiéval qui adorait les couleurs a dû accepter de vivre dans la grisaille… Alors, pourquoi les cartes de Tarot circulaient-elles encore ?

    Message transmis par la pensée.   « Toute chose a un sens. » La loi visait surtout ce qui pouvait charroyer l’hérésie deusamor. Les cartes existaient depuis fort longtemps en tant que jeu d’argent, elles ne pouvaient être porteuses de bondieuserie. Elles furent tolérées, même si elles pervertissaient la povraille, tout comme les mieux nantis d’ailleurs. Comme on dit « À bon chien, un os¹⁸ », c’était un moindre mal pour faire accepter les autres maux.

    —  Évidemment, il est maladroit de retirer son jouet à la populace…

    » D’accord, Cent-pas, puisque tu es là pour clarifier ma pensée, peux-tu m’expliquer pourquoi ce prince des arcanes est le fils du Dieu d’amour alors que son père, mort sous la torture, est Hubert de Toulaise et sa mère, qui vient de périr sur le bûcher à Rimoux, est dame Angélic ? Cherchez l’erreur !

    Message transmis par la pensée.   Ha ! Ha ! Ha ! Par les cornes du Diable, tu n’es pas pire¹⁹ ! Il y en a dans ta cocologie²⁰ ! Allez savoir ce qu’il se passe dans la tête des Dieux quand leurs jeux préférés sont de faire tourner en bourrique les humains ! De véritables enfançons !… Peut-être que les légendes parlent de l’âme du prince d’ArKana, tout comme de votre Jésus, fils de Dieu, né de dame Marie et peut-être ou pas de messire Joseph. Allez donc savoir ! « Ce que Dieu garde est bien gardé ! » Et puis, entre nous, confidence pour confidence, qui te dit qu’Arnault est bel et bien le prince d’ArKana ? À ce que je sache, ce n’est pas écrit dans les cieux !

    —  Tu n’es pas gentil, Cent-pas. Au lieu de m’aider, tu t’amuses à me mélanger et, par voie de conséquence, mes lecteurs.

    Message transmis par la pensée.   Bon, dit-il, l’air renfrogné, puisque lorsque je t’aide tu me prends pour un niais, le mieux que je puisse faire est bien de me taire, non sans te rappeler votre dicton « Rira bellement qui gabera²¹ le dernier ». Continue ton monologue, je t’oi courtoisement…

    L’attitude de Cent-pas me perturbe. Après tout, ne dit-il pas qu’il est l’être et le non-être ? C’est pour cette raison que je prends le parti de poursuivre en coupant au plus court…

    —  Mes propos seraient incomplets si j’oubliais cette légende qui transparaît en toile de fond, légende extraordinaire qui se situe entre la réalité et l’imaginaire, celle de « La fée Fedelm et du roy Gwinthur ».

    » Cette histoire conte l’amour d’une Bonne dame²² pour un roy mortel. Sa mère, la Déesse-mère²³, lui permit de vivre avec ce monarque sous certaines conditions, car elle n’avait aucune confiance en les hommes. Elle fit en sorte que chacune de leurs mauvaises pensées se muât en une bonne, tout en se métamorphosant en une pièce d’or. Pour protéger ce trésor, chaque année, la fée mourait en enfantant une dragone. Son trépas était éphémère puisqu’elle renaissait aussitôt dans un lac. Tant qu’elle n’avait pas réussi à rejoindre son époux, les hommes retrouvaient leurs mauvaises pensées, donc l’envie. Un jour advint qu’ils parvinrent à tuer la gardienne du trésor et la gentille fée Fedelm disparut. Juste avant de trépasser, la dragone réussit à dissimuler dans le monde ses trois attributs magiques qu’étaient l’épée, le flambeau et le chaudron. Ému par la détresse du bon roy Gwinthur, le dieu Lug²⁴ annonça que si un cœur pur retrouvait ces objets, il permettrait aux amoureux d’être réunis pour l’éternité.

    » Certains lecteurs pourraient s’étonner de voir les jouvenceaux Aëla, Arnault et Guilhem penser qu’il s’agit d’une histoire vraie, surtout après que l’homme de sciences qui la conta leur eut bien spécifié que cette légende était sortie de l’imagination d’un jongleur. La faute vient de Malien de Vauvert, le roy des gueux, qui les a convaincus de sa véracité en affirmant qu’il avait connu personnellement le roy Gwinthur.

    » Entre toi et moi, cette affirmation est absurde. Si ses propos sont fondés, ce souverain fabuleux n’a pu exister qu’avant la Grande-brisure, et cela signifie que le roy de la Cour des Vertus est vieux de plusieurs siècles… Il est certain que ce personnage haut en couleur aime à laisser penser qu’il est le Diable en personne ! Et s’il l’était vraiment ? Cela expliquerait bien des choses ! Mais alors, de quel diable s’agit-il ?

    » Quoi qu’il en soit, les jouvenceaux croient en cette légende et ils ont décidé de partir à la recherche des objets magiques. »

    Je me tais pour regarder Cent-pas, qui n’a pas prononcé un seul mot depuis que j’ai osé mettre en doute ses commentaires…

    —  Mon petit Lutignol a-t-il besoin d’un câlin pour me pardonner ?

    Je me lève et je blottis ma tête dans son cou comme je le faisais enfant. Désarmé, il n’ose faire un geste. En tant que marionnette, il était habitué à se faire chahuter ou bichonner, mais en tant que Cent-pas, il est évident qu’il ne sait pas gérer les effusions du cœur, surtout quand elles sont sincères. Pour lui sauver la mise, je retourne m’asseoir et j’attends en écrivant.

    Alors, comme toujours pour se sortir d’un mauvais pas, il détourne l’attention en se levant et, théâtralement, il me dit :

    Message transmis par la pensée.   Je vais sûrement te surprendre. Moi alsi, j’ai rencontré la gentille fée Fedelm et le bon roy Gwinthur. Dans le fond, est-ce vrai ou est-ce mon imagination fertile qui en a la souvenance ? De toi à moi, quelle différence existe-t-il entre la réalité et l’imaginaire ?

    » Tu devrais méditer là-dessus : finalement, peux-tu me dire si j’existe réellement ou si je suis le produit de ton esprit ? D’un geste, je peux forcer le questionnement… »

    … Et il le fait en disparaissant !

    Je reste dans le vague et, d’un seul coup, je prends conscience de son message. Comme le précisait le légendaire Merlin l’enchanteur : « Le rêve et la réalité sont deux facettes d’une même chose, tout dépend de l’état d’esprit de celui qui regarde. C’est comme la magie, elle n’existe que pour ceux qui y croient vraiment ! »

    Saut d'espace temps

    Il est grand temps de se replacer dans le contexte de la fin du volume précédent, Le temps des légendes. Après s’être chicané avec ses amis, Guilhem s’en est retourné à Rimoux. Aëla et Arnault ont continué leur route pour retrouver les trésors de son père, Hubert de Toulaise, cachés à la bastide de Biau-Séjour. Là-bas, Arnault accompagné de Gorgien, le fils du charbonnier, allait se faire arrêter par les soldats du Saint-Veilleur lorsqu’une « ombre » venue de nulle part les sauva. Ces trésors se composaient de deux parchemins, sur lesquels étaient rédigées des énigmes, d’un médaillon dessinant un entrelacs et d’un mystérieux jeu de cinquante-sept cartes dont l’une d’entre d’elles ressemblait à s’y méprendre à mon ami Cent-pas. Après qu’Aëla eut pratiqué l’hydromancie²⁵, un dragon apparut dans le ciel pour indiquer la direction à prendre afin d’entamer leur quête des objets magiques.

    Retrouvons Aëla et Arnault tandis qu’ils pénètrent dans la forêt au lieu-dit de la bastide de Biau-Séjour en direction du nord.


    5Gambison : n.m., vêtement de cuir ou le plus souvent d’étoffe épaisse de coton ou de soie, rembourrée de filasse et matelassée : c’est lui véritablement qui absorbait les coups que recevaient les combattants.

    6 Message transmis par la pensée.   : ce trait de dialogue apparaît quand un personnage communique par la pensée.

    7Le mot clus signifie « clos, fermé » et par voie d’extension « hermétique ». Le troubadour clus est donc un poète occitan qui écrit des vers ayant un sens caché.

    8Raimbaut d’Aurenja en provençal, né entre 1140 et 1145 et décédé le 10 mai 1173 à Courthézon.

    9François (le) : n.m., ancien mot désignant le parler « français » de la langue d’oïl.

    10Alsi : adv., aussi, marque l’équivalence entre deux termes.

    11Vilain : n.m., paysan libre, au Moyen-Âge. Mot souvent utilisé pour souligner le manque d’éducation.

    12Desputer : v., discuter.

    13Ar : ce mot n’a rien à voir avec l’article défini breton, il procède en fait d’un vieux préfixe indo-européen – en latin « per », en grec « para » – pour pays, dont le « p » est tombé. C’est d’ailleurs une caractéristique de certaines langues celtiques. Ainsi, le mot Armorique « are-mor-ica » se traduit par le « pays qui longe la mer ».

    14Tarot : c’est un jeu de cartes composé de 78 arcanes dont 56 sont « mineurs » et 22 « majeurs ». Le jeu est sous-divisé en 4 « couleurs » de 14 cartes allant de 1 à 10 avec 4 personnages : le roy, la reyne, le chevalier et le vaslet. Ces couleurs sont identifiées avec des symboles que sont « espées - coupes - bastons et deniers ». Les lecteurs qui s’intéresseraient à ce jeu doivent savoir que dans un de mes livres qui vient d’être publié, Le Tirage astrologique du Tarot, dans le chapitre traitant de la définition des arcanes, j’ai réalisé une étude historique de toutes les cartes majeures qui me permet de démontrer que le jeu de Tarot n’est pas italien, mais bien français. Je prouve aussi qu’en partant, notamment, de la carte XV, le·diable, son dessin inclut des symboles celtes. Non pas que le Tarot soit celte, mais il a été imprégné par cette culture. Pour s’en convaincre, il suffit de voir que le·diable a des cornes de cerf et que les seules fois où ce symbole apparaît dans l’Histoire, c’est pour identifier Cernunnos, dit le Cornu. Or ce Dieu est, justement, l’une des clefs d’ArKana.

    15Esbaudir : v., réjouir, être rempli de joie, d’ardeur.

    16Bailler : v., donner, recevoir, remettre, livrer.

    17La fête des fous : cette fête tire son origine d’antiques traditions et de diverses célébrations religieuses. Elle prendra plusieurs noms : fête de l’âne, des Sous-Diacres, des Diacres-Saouls, des Conards, de l’Abbé des Esclaffards, du Renard, des Libertés de décembre, la Procession noire… et évidemment carnaval et charivari. Elle se célébrait dans chaque région à des dates différentes, surtout au mois de décembre, le 26 (fête de Saint-Étienne) ou le 28 (la fête des Innocents), le 1er janvier (jour de la circoncision de Jésus), le 6 (la fête des Rois), la Chandeleur (la présentation de Jésus au Temple).

    18À celui qui obéit, pour récompense, on peut lui laisser un os.

    19Pas pire : expr. québécoise, pas si mauvais que cela, être bon.

    20Cocologie : n.f., tête intelligente. Mot enfantin pour désigner le cerveau.

    21Gaber : v., se moquer.

    22Bonne dame : expr., fée.

    23Déesse-mère : n.pr., dans la mythologie celte, la Déesse-mère, ou Terra Mater, occupe une place prédominante. C’est elle qui est la mère des Dieux et des hommes. Son principe est unique, même si elle est représentée sous trois visages : la vierge, la femme/mère et la vieille femme.

    24Lug : n.pr., c’est le dieu suprême panceltique. Il est le dieu solaire qui resplendit tout l’été. Beau, grand, blond, frisé, il est vêtu d’un manteau vert, armé d’une fronde et d’une lance infaillible à cinq pointes, son bouclier est noir avec un centre blanc.

    25Hydromancie : n.f., art divinatoire avec l’eau. Les croyances anciennes partagent l’art divinatoire selon les 4 éléments : la géomancie « terre », l’aéromancie « air », la pyromancie « feu » et l’hydromancie « eau ».

    Revirements…

    – 1 –

    Entre là et ailleurs

    Ce jour-là, la nature exprimait ce doux sentiment que les troubadours nomment amor. Elle révélait cette ingénuité qui fait chavirer le coeur de l’être aimé. C’est ainsi que l’alouette frottait tendrement son bec sur ses oisillons, la fleur s’ouvrait sensuellement pour répandre son parfum lascif, l’herbe se pliait voluptueusement aux caresses du vent, une biche surveillait son faon batifolant avec un papillon, l’eau d’un lac renvoyait les éclats lumineux des pierres précieuses sommeillant dans son lit… Tout cela, et bien d’autres choses encore, ne pouvait échapper aux yeux d’Aëla qui, tout en marchant, se blottissait contre le bras d’Arnault. Ils cheminaient vers leur destinée. Elle l’aimait et il l’aimait.

    Depuis qu’ils avaient quitté la masure de maître Corbier, le charbonnier, ils marchaient à travers les bois tout en évitant les sentiers passants des marchands, des cavaliers et des pèlerins. Arnault craignait par-dessus tout de tomber sur les soldats du Saint-Veilleur Clautide II… Et puis, à quatorze ans, même si la société estimait qu’on était un homme et qu’une jeune fille avait l’âge d’être épousaillée, il valait mieux demeurer invisible quand on voyageait sans escorte.

    Pour Aëla, la direction à suivre pour entamer leur périple était simple, il suffisait de suivre la direction du dragon qui était apparu dans le ciel. Par contre, loin de la ville et de sa famille, en l’absence de leur ami Guilhem le Trobar, elle appréhendait de devoir passer la nuit à la belle étoile ; cela l’angoissait au plus haut point.

    —  Mon doux compaignon, je trouve qu’au jour d’hui la nature est fort belle et caressante, mais tu sais, la forêt a toujours été pour moi une source d’inquiétude. On dit tellement de choses à son encontre, qu’elle cache des monstres, des sorceliers, des bêtes féroces, des brigands, des…

    Arnault s’arrêta et, regardant sa damelotte dans les yeux, lui dit tendrement :

    —  Ma mie, je suis justement un enfançon de la forêt. J’ai pietonné ma vie à la campagne et dans les bois et je connais moult de ses mystères… Je peux t’assurer que la ville où tu vis est bien plus dangereuse… Et puis je suis là !

    Aëla se blottit dans son cou. Elle ferma les yeux et se réconforta de sa chaleur…

    —  Certes, mon gentil prince, dit-elle doucereuse dans le creux de son oreille, mais quand même… Tu sais, j’ai ouï des gens raconter qu’un de leur proche qui s’y était perdu fut retrouvé, métamorphosé en statue de pierre…

    … Et, se détachant de lui suffisamment pour croiser son regard… :

    » … Un soir, un homme qui parcourait les bois à cheval s’aperçut

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