À propos de ce livre électronique
Elendio Nelson a toujours été différent parmi les siens. Plus grand que la moyenne, la peau plus claire et les yeux bleus perçants, il porte en lui l'héritage d'un père venu d'un monde dont personne ne soupçonne l'éxistence. A Vich-Tori, dernier bastion supposé de l'humanité, nul n'ose remettre en question ce que l'on croit être la vérité.
Mais lorsque l'Ancien Aztila, figure politique influente, disparaît dans des circonstances troublantes, Elendio se retrouve entraîné dans une quête qui ébranlera toutes ses certitudes. Derrière les murs rassurant de son village se cache une vérité bien plus vaste... et bien plus dangereuse.
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Aperçu du livre
La Reine Noire - Rogan C.S.
Prologue
Par où commencer ?
Dois-je d’abord vous parler de la fin,
Ou bien de leur ascension ? Ou peut-être de leur rencontre ?
Mais tout cela est bien trop compliqué.
Je ne peux même pas déterminer ce qui constitue le début ou la fin.
Bon, tant pis. Laissez-moi vous raconter le commencement.
Là où le monde des Dieux et des Hommes se sont réunis pour créer un magnifique chaos.
Elle n’est ni l’héroïne de l’histoire,
Ni même la méchante.
Elle est simplement la principale spectatrice de ce monde qu’elle a créé,
Un monde façonné de ses propres mains, dans le seul but de se divertir.
Voici le véritable dessein de Teranion.
Teranion était le lieu de vie idéal,
Un paradis où humains, animaux et créatures vivaient en harmonie.
Tout leur avait été offert sur un plateau d’argent :
Terres fertiles, nourriture abondante, joie, amour, paix…
Et pourtant, ces présents ne firent naître en eux que jalousie, avidité et haine.
Chacun, au sein de son espèce – ou non –,
Voulait prouver sa supériorité, se croire meilleur.
Même ceux qui se prétendaient vertueux.
Ainsi, lasse de son existence dans son palais immaculé, elle décida de s’amuser parmi les mortels.
Elle aimait les observer, ces petits insectes se croyant si importants.
Si seulement ils savaient à quel point ils n’étaient rien face à l’immensité de l’univers… pensait-elle.
Cependant, parmi eux, deux êtres attirèrent son attention.
Deux jeunes conscients de leur insignifiance,
Mais qui, malgré tout, cherchaient à laisser leur empreinte dans le monde.
Elle se rapprocha d’eux, voulut les comprendre…
Mais eux, simples mortels, tombèrent éperdument amoureux d’elle,
De son savoir, de sa beauté inégalable.
Ah, l’amour !
Un sentiment étrange, une calamité, comme diraient certains.
Pourquoi, dans l’infinité de l’univers, choisir un seul être à aimer toute une vie ?
L’amour frappe sans prévenir, surgissant de face ou par-derrière,
Au moment où l’on s’y attend le moins.
Et ce fut le cas pour elle…
Elle, la déesse mère de Teranion, au-dessus de tout,
Tomba amoureuse de simples mortels.
Et l’amour rend aveugle…
Mais lorsque l’être aimé réclame le pouvoir,
Une prison dorée se forme, délicatement, insidieusement.
Elle ne pouvait pas le rendre puissant,
Mais elle pouvait l’aider.
Alors, elle dissémina huit pierres précieuses à travers son monde.
Huit gemmes renfermant huit formes de magie.
Les deux hommes passèrent des années à les chercher,
Et finirent par les trouver.
Mais lorsque l’un d’eux mit enfin la main sur l’une d’elles,
Une pierre permettant d’aimer la déesse éternellement,
Il l’utilisa pour assouvir sa soif de puissance.
L’homme pilla les innocents, massacra ses victimes, viola les femmes.
L’horreur se déchaîna sur Teranion,
Sous les yeux d’une déesse impuissante,
Souffrant du destin qu’elle avait elle-même façonné.
Elle ne pouvait supporter d’être la cause de tant de malheurs.
Dégoûtée par la nature humaine, elle choisit de disparaître.
Elle se réfugia dans son palais blanc, aux confins du monde,
Abandonnant l’homme devenu immortel,
Le laissant régner sur les mers,
Réduisant Teranion en cendres…
Extrait du Grimoire de l’Ancienne ère
Roxane aux milles yeux
1
Vich-Tori
La gemme jaune est une pierre magique permettant à son utilisateur d’invoquer tout objet non vivant à condition qu’il l'ait créé lui-même. Certains objets peuvent être imprégnés de la magie existant dans le monde. Le plus grand utilisateur de cette gemme fut Cartole Toladriam, fondateur de l’empire de Drakonia. Avec ses armes, il pouvait pourfendre n’importe quelle roche.
Extrait de L’encyclopédie de la Magie par les sorcières de Gorgoline
Aztila était en train de préparer ses affaires, vêtements de rechange, nourriture, armes, appareils de recherche. Chaque geste était empreint d’une urgence palpable, tout en s’efforçant de ne rien oublier. Pendant ce temps, sa femme se reposait paisiblement dans le grand lit, ignorant le combat incessant qui agitait l’âme de son mari. Bientôt, il partirait vers l’inconnu sachant bien qu’il n’allait jamais la revoir. L’idée de cet adieu plongeait son cœur dans une affreuse douleur.
De son domicile, il marcha à travers les arbres sur les ponts qui les reliaient l'un à l'autre. Il descendit le grand escalier pour se retrouver les pieds au sol. Les herbes glissaient sous ses sandales, chatouillant ses vieux pieds.
Cet homme devait être âgé d’une soixante dizaine d’années, un âge avancé qui lui avait permis de rejoindre le conseil des Anciens il y a quelques années. Ses cheveux gris étaient recouverts par un bandana rouge lui permettant de voir les paysages à travers ses sombres yeux noirs. Sa peau, toute fripée lui donnait l’air d’un vieux sage. Ne sachant pas ce qui lui attendait à l’extérieur de la forêt, il avait mis son banjo pour se protéger du froid. Le vieil homme n’avait connu que son village. Aztila n'avait généralement qu'une jupe traditionnelle, mais cette fois-ci, il avait choisi un pantalon par crainte de l'étranger. L’ancien avait également apporté un bouclier et son macuahuitl. Sa bague de mariage était toujours sur son annulaire gauche. Pour le vieux sage, c’était le symbole que sa femme était toujours auprès de lui.
Le vieil homme s’était maintenant engouffré en plein cœur de la forêt, ce dirigeant vers ce monde qu’il n’avait jamais vu, mais qu’il rêvait de découvrir. Soudain, un frisson d’appréhension glaça son sang alors qu’il perçut des bruits furtifs derrière lui, comme si les arbres eux-mêmes chuchotaient des avertissements. L’ancien se mit à courir sans regarder, qui ou quoi, le suivait. Son âge le ralentissait, il n’avait presque plus de force dans ses jambes. Il essayait d’aller le plus vite possible, se heurtant aux obstacles naturels qui semblaient conspirer pour le retenir dans les entrailles de la forêt.
À bout de souffle, le vieillard se retrouva dans une plaine remplie de longues herbes. Plus loin, une grande infrastructure en bois cachait une partie du paysage. Aztila compris que cela représentait tout ce qu’il avait vu dans les vieux livres. Il s’apprêta à faire un pas dans les herbes quand un homme habillé étrangement l’arrêta. L’inconnu portait un grand chapeau étrange sur la tête, avec une tenue recouvrant tout son corps. L’ancien se dit qu’il devait avoir vraiment chaud habillé de la sorte.
— Bonjour monsieur, essaya-t-il de prononcer, désolé de vous déranger, mais qu’est-ce que ce drôle bâtiment en bois là-bas ? Je ne comprends pas, c’est tellement grand pour un vieillard comme moi.
L’homme aboya des mots dans une langue inconnue. Aztila ne comprenait pas ce qu’il disait, mais il savait qu’il n’était pas censé être ici. Il s’apprêta à retourner dans sa forêt quand un autre homme armé l’arrêta.
— Ce n’est pas vrai…, balbutiât-t-il.
C’était dans cette dense forêt d’Erminnad, épaisse et dangereuse, qu'Elendio Nelson, répétant sans cesse qu’il allait être en retard, courait à vive allure, les feuilles s'accrochant à ses jambes une à une. Après la chasse, il sentait qu'il risquait d'arriver trop tard à la cérémonie. Un jaguar galopait à ses côtés. Sa lance ornée de plumes vacillait entre les arbres. Dans sa course, il perdit sa couronne de plumes en chemin. La jupe sobre d’Elendio voltigeait à chacun de ses pas, tandis que son haut en métal rouillé, qui s’arrêtait au-dessus de son torse, manquait de tomber à plusieurs reprises.
— Je vais être en retard, se disait-il, en passant la main dans ses cheveux noirs tout en continuant de courir.
Elendio sauta sur la branche d’un arbre, suivi du jaguar qui escaladait avec une agilité étonnante. En montant de plus en plus haut, le jeune garçon aperçut les grandes cascades qui se déversaient au fond d’un immense cratère, une merveille à ses yeux.
De l’autre côté se dressait le grand temple de la déesse Vixchell. Plus près, dissimulé parmi les arbres, se trouvait le village de Vich-Tori. Mais ce n'était pas le moment de contempler le paysage. Le jeune homme devait absolument retourner au village, et vite.
— Donne-moi ta vitesse, noble animal, implora-t-il en se mettant à genoux devant le jaguar.
L'animal accepta sa demande et permit à Elendio de le chevaucher. D’un bond, le jaguar sauta sur un autre arbre avec une rapidité qu'Elendio n'aurait jamais pu atteindre seul. Ensemble, ils traversèrent la forêt, arrivant en un rien de temps au grand escalier menant à Vich-Tori.
— Merci, noble animal, dit Elendio en posant la main sur la tête du jaguar.
L'animal partit, et Elendio monta vers le village, ignorant le regard mauvais que lui lança le gardien armé d'une lance.
Elendio Nelson courait à travers le village, esquivant les regards méfiants des habitants. Il traversait les ruelles bordées de maisons colorées, espérant que l'heure ne fût pas encore passée. Au loin, il aperçut les autres jeunes se rassembler. D’un bond, Elendio les rejoignit juste à temps avant l’arrivée du commandant.
— Où étais-tu passé ? chuchota Isabella Chasca à côté de lui.
— J’étais parti chasser, répondit Elendio, attirant les regards des autres.
Ce jour-là était un grand jour pour le jeune Nelson, qui allait enfin pouvoir trouver sa place à Vich-Tori.
Vich-Tori était le dernier village existant dans ce monde. Il se situait en plein cœur de la forêt d’Erminnad en raison de la chaleur épouvantable qu’il faisait à l’extérieur. Il y a des centaines d’années, la déesse de la vie, Vixchell, créa ces bois résistants à la chaleur du soleil pour permettre aux survivants de continuer à vivre. À cette époque, personne ne savait vraiment ce qu'était devenu le reste de la population sur Terre. Les habitations se trouvaient principalement dans les arbres, car la terre ferme était peuplée de nombreux animaux, chacun plus dangereux que le précédent. Les deux mille survivants vivaient ainsi en prospérité, à l'abri de tout danger.
Ce village était dirigé par la cheffe Minera Tornor, une femme connue pour être froide mais juste. Le pouvoir se transmettait de génération en génération depuis des siècles à la famille Tornor, fondatrice de ce village. À un âge avancé, le chef actuel devait prendre sa retraite pour laisser le pouvoir à son premier enfant, qui dirigerait Vich-Tori jusqu'à être trop vieux, lui aussi.
L’autorité politique était divisée. Tous les dix-sept ans, le peuple élisait dix-sept personnes ayant assez d'expérience pour exercer une fonction, formant ainsi le Conseil des Anciens. Chaque habitant rêvait de rejoindre un jour le conseil, la plus haute distinction possible, pour diriger le dernier peuple de l’humanité.
Les habitants de Vich-Tori se ressemblaient tous plus ou moins. Leur peau était très bronzée, et ils avaient souvent de longs cheveux noirs et des yeux de la même couleur. Leur taille ne dépassait jamais un mètre soixante-cinq, leur vie arboricole les ayant progressivement rapetissés. Enfin, « jamais » n’était pas le mot juste, car l’un d’eux était différent.
Elendio se distinguait par une peau plus claire, bien que toujours bronzée, et des yeux bleus rappelant la couleur de l'eau. Ses cheveux noirs et ondulés lui permettaient de se fondre dans la foule, jusqu'à sa puberté, où il dépassa la moyenne des habitants de dix centimètres, sa croissance n’étant pas achevée. Cette grande taille attira l'attention d'Aztila, l'Ancien des découvertes, qui s'exclama avec enthousiasme : « Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi grand et singulier que toi. Tu pourrais contribuer à de grandes avancées pour l'humanité ! »
En réalité, l’Ancien mentait. Ce n’était pas la première fois qu'il rencontrait un tel individu. La mère d’Elendio lui avait toujours dit qu’il tenait sa différence de son père, Braden. Il avait aussi hérité de son étrange nom de famille : Nelson...
À ce qu’on racontait, cet homme (qu’il avait très peu vu) était le plus grand du monde et avait une peau si claire que tous les habitants pensaient qu’il était constamment malade. Ses cheveux bouclés et bruns, ainsi que ses grands yeux bleus, étaient d’une teinte très claire. Elendio se disait souvent qu’il avait eu de la chance de ne pas avoir hérité de ces attributs. Sinon, tout le monde l’aurait pris pour un monstre.
Cet homme, Braden Nelson, avait été retrouvé évanoui et recouvert de blessures en plein cœur d’Erminnad par des chasseurs. Ils le ramenèrent au village en espérant retrouver ses proches, mais personne ne le connaissait. C’était comme s’il venait d’un lieu complètement différent de Vich-Tori. L’inconnu ne se souvenait de rien. Son médecin, Ameyal Nahuati, une très jolie femme Vich-Torienne, tenta de lui faire retrouver la mémoire, mais l’homme restait dans l’ignorance. Sa délicatesse fit tomber Nelson sous son charme, et il n’hésita pas à tenter de la séduire. Au début, Ameyal le repoussait, mais peu à peu, elle tomba amoureuse de son esprit. Ils formèrent un beau couple qui amusait beaucoup en raison de leur grande différence de taille. L’homme s’installa dans le village et devint chasseur. Un an après son arrivée, il épousa son amante et, deux ans plus tard, un petit garçon hors du commun naquit. Ils l’appelèrent Elendio Nelson. Tous trois menaient une vie de famille joyeuse jusqu’aux quatre ans du petit, moment où Braden Nelson disparut sans laisser de trace. Depuis ce jour, plus personne ne le vit et tous pensaient qu’il était mort. Tous, sauf un.
Elendio était debout, droit, prêt à recevoir les ordres de son commandant. C’était son premier jour en tant qu’aspirant guerrier. Il avait eu seize ans il y a quelques mois, un âge qu’il attendait depuis des années pour pouvoir rejoindre l’armée. Son but était de monter en grade afin de retrouver un jour son père, persuadé qu’il était toujours en vie. Il se disait que la cheffe du village devait savoir quelque chose.
Le jeune homme n’avait pas l’intention de se faire devancer par les six autres aspirants. Peu de monde rejoignait l’armée, la majorité des Vich-Toriens estimant que les guerriers ne servaient pas à grand-chose, et ce n’était pas faux. L’événement le plus grave survenu ces dernières années avait été une querelle entre la famille Patli et la famille Chicahua pour le partage d’un bout de ferme. Heureusement que quelqu’un était intervenu, sinon cela aurait été sanglant.
Chacun d’eux devait se présenter devant le commandant. Elendio décida de passer en premier.
— Je m’appelle Elendio Nelson, je viens de la partie est du village ! cria-t-il au garde-à-vous. Si je souhaite rejoindre l’armée Vich-Torienne, c’est pour mettre ma force au service de l’humanité !
— Bien, le géant, répliqua le commandant Huayna Capac. Voici un bon guerrier qui voit en grand ! Au suivant !
Huayna Capac était le chef de l’armée Vich-Torienne. Rêvant d’une vie paisible, il avait décidé de rejoindre l’armée. Malheureusement pour lui, il fut contraint de participer au drame de la famille Cuxum, dans lequel le fils aîné, Hunahpu, avait massacré son frère Ixbalanque il y a une cinquantaine d’années. Huayna avait été désigné pour gérer l’affaire, qui tomba dans l’oubli des années plus tard. Personne ne remarqua qu’il avait arrêté le plus grand meurtrier de Vich-Tori, mais l’ancien chef décida de le nommer commandant de l’armée. Ce prix honorifique lui permit de mener une vie paisible pendant de nombreuses années. Quant au meurtrier, il disparut en prison pour des travaux forcés – même les dieux ne voulaient pas de lui.
— Je m’appelle Isabella Chasca, je viens pour la même raison que l’aspirant Nelson.
Isabella Chasca était une jeune fille de bonne famille Vich-Torienne qui avait décidé, après l’avoir rencontré, de suivre Elendio partout. Elle possédait les traits typiques correspondant aux critères de beauté des femmes Vich-Toriennes. Sa famille jouissait d’une grande réputation, car sa grand-mère, Mayana Chasca, était l’une des membres des Anciens. Elle avait de longs cheveux noirs, souvent attachés en tresse, qui plaisaient à de nombreux garçons. Isabella essayait fréquemment de suivre la mode du pays, portant un petit haut découvrant son ventre légèrement arrondi et dissimulant sa poitrine dont elle était fière. Ce jour-là, elle avait choisi de revêtir l’armure que son père, Tlaloc Chasca, métallurgiste, lui avait fabriquée.
Isabella ne s’était jamais sentie à l’aise avec les autres enfants de bonne famille. Elle les trouvait ennuyeux et hypocrites. Leurs centres d’intérêts différaient des siens, et ils jugeaient sa passion pour les fleurs étrange. Un jour, à sept ans, elle vit un garçon à terre, battu par plusieurs enfants de son âge : c’était Elendio. Elle avait entendu parler de lui à cause de son apparence singulière, mais ne l’avait jamais rencontré. En le voyant allongé, elle tomba sous le charme de son teint clair et de son esprit d’aventurier. Elle se promit alors de le suivre et de l’aider à retrouver son père.
Tous deux étaient devenus les meilleurs amis du monde, même si la Vich-Torienne espérait qu’ils deviendraient bien plus, un jour.
— C’est bien, jeune fille, affirma M. Capac. Si tu es prête à suivre le géant, tu pourras suivre les ordres de Minera Tornor ! Au suivant !
Les six autres se présentèrent à leur tour, se faisant rabaisser par le commandant. Elendio, lui, ne les écoutait que d’une oreille, trop absorbé par son enthousiasme. Il était déjà en train d’élaborer un plan pour gagner les faveurs d’Huayna Capac.
Après ces présentations, le commandant leur fit faire le tour de la base militaire. Peu de monde y travaillait, car la plupart considérait ce métier comme inutile. Tout en menant la visite, le guerrier expliqua, avec lassitude, le fonctionnement de l’armée Vich-Torienne. Les jeunes recrues seraient affectées par groupes de deux et chargées de patrouiller toute la journée dans différents quartiers du village. La perspective ne réjouissait guère Elendio, qui savait que ce genre de tâche risquait vite de l’exaspérer. Pourtant, il n’avait pas d’autre choix que d’accepter.
À la fin de la visite, Huayna leur demanda de se mettre par deux. Il ne comptait pas imposer les équipes, ce qui arrangeait bien le jeune Nelson. Sans hésiter, il se tourna vers son amie de toujours, Isabella.
Une fois de retour chez lui, Elendio se précipita vers sa mère, qui était en train de préparer à manger.
Ameyal Nahuati était restée la même. Sa grâce naturelle ne l’avait jamais quittée, et tous les hommes du village la désiraient pour épouse. À l’approche de la quarantaine, elle ne portait presque aucune ride et paraissait toujours avoir trente ans.
Le jeune garçon respectait profondément sa mère. Il l’aimait énormément, sauf lorsqu’elle lui faisait des reproches. Dans ces moments-là, il disait qu’elle était plus effrayante que les monstres des légendes.
Malgré cela, il la trouvait incroyablement courageuse. Après la disparition de son père, elle s’était occupée seule de lui, travaillant avec acharnement tout en rentrant aussi tôt que possible pour veiller sur son fils. Ameyal l’avait toujours soutenu lorsqu’il était insulté ou frappé par les autres à cause de sa différence. À chaque fois, elle l’encourageait dans tous ses projets, même les plus farfelus. Pour lui, c’était la meilleure mère qu’un enfant puisse avoir.
— Bonjour, maman, dit Elendio. Je t’ai rapporté du poulet.
— Bonjour, mon grand, répondit la femme. Tu peux le déposer sur la table. Alors, ta première journée, comment s’est-elle passée ?
Elle s’arrêta dans ses gestes pour se concentrer sur son fils. À côté de lui, la Vich-Torienne paraissait vraiment petite.
— Oui, ça va, c’était plutôt sympa. Mais j’ai l’impression que mes premières journées vont être ennuyeuses.
— Je te l’avais dit, mon fils, souffla-t-elle. Ici, il ne se passe pas grand-chose. Même en montant en grade, tu continueras à t’ennuyer. Tu n’as pas choisi le métier le plus palpitant.
— Je le sais, mais je ne vois pas d’autre moyen de retrouver papa. Je me dis que, peut-être, en consultant les dossiers des soldats, je pourrais obtenir des informations sur lui. Ils sont bien partis à sa recherche, non ?
Sa mère hocha la tête tout en coupant les légumes. Leur maison, située à la sortie du village, n’était pas très grande, mais suffisait pour deux personnes. L’intérieur regorgeait d’objets étranges. Ameyal disait qu’ils appartenaient à Braden Nelson, qui les avait laissés là pour se souvenir de son passé. Ils étaient restés après sa disparition. L’un d’eux ressemblait à un long tube : lorsqu’on regardait à l’intérieur, les objets paraissaient plus grands que ce que l’œil humain pouvait voir. Il y avait aussi une sorte de boîtier qui, une fois ouvert, révélait deux aiguilles, dont l’une pointait toujours vers un grand N. Plusieurs fois, Elendio avait eu envie de suivre cette aiguille pour voir où elle menait, mais il n’avait jamais osé.
— Tu crois que je n’ai jamais essayé ? rétorqua sa mère. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien me révéler. Il a dû faire quelque chose de grave pour que la justice refuse de me donner la moindre information. Ils ne voulaient sûrement pas que j’aie le cœur brisé.
Elle marqua une pause, puis soupira.
— Tu sais quoi, mon garçon ? Puisque tu sembles si déterminé, je vais te révéler un secret que mon mari m’a confié avant de partir. Assieds-toi, s’il te plaît.
Elendio obéit. Sa mère le rejoignit à table, assise en face de lui, avant de commencer son récit.
— Et dire que je m’étais promis de ne jamais t’en parler, pour éviter que tu ne commettes la même erreur que ton père… Bon, tant pis. La veille de sa disparition, Braden avait fait un cauchemar terrible qui l’avait mis en larmes. Il m’a raconté que nous n’étions pas seuls au monde, qu’il avait, lui aussi, des proches de l’autre côté de l’océan.
— C’est quoi, l’océan ? demanda le jeune homme.
— C’est une immense étendue d’eau qui recouvre les trois quarts de la Terre, répondit sa mère. Mais ne m’interromps pas, s’il te plaît. Enfin… c’est ce qu’il m’a dit. Je ne le croyais pas, mais lui, il en était convaincu. Après ça, il répétait qu’il devait quitter cet endroit parce que le chef nous mentait et qu’il avait des choses importantes à accomplir. Je lui ai dit que c’était de la folie, qu’il avait un fils à élever et une femme qui l’aimait. Il ne voulait rien entendre. Il n’arrêtait pas de dire qu’il était un explorateur, un… « parite », ou quelque chose comme ça.
Elle s’arrêta un instant pour chercher ses mots, puis reprit.
— Cette nuit-là, tu t’étais réveillé encore fatigué, alors je suis allée te recoucher avant de me mettre au lit. Mais, au matin, Braden avait disparu.
Ameyal prit une profonde inspiration. Elle savait que ces révélations risquaient d’encourager son fils à suivre la même voie que son père. Pourtant, elle ne pouvait pas lui mentir éternellement.
— Je ne sais pas s’il avait raison, mais je ne veux pas perdre mon fils, aussi. Alors, je t’en supplie, ne suis pas ses traces. Je t’aime, mon garçon, plus que tout au monde. Promets-moi que tu ne feras rien d’insensé.
— Je ne peux rien te promettre, maman, murmura Elendio en baissant les yeux. Mais sache que je serai toujours à tes côtés.
Sur ces mots, il enlaça sa mère, qui se mit à pleurer. Il ferait tout pour la protéger et la rendre heureuse.
Ameyal Nahuati, quant à elle, connaissait les conséquences que pourrait avoir cette conversation. Peut-être, à cause de cela, ne reverrait-elle plus jamais son fils bien-aimé…
Les premiers jours de travail d’Elendio et d’Isabella furent les plus longs qu’ils aient jamais connus de toute leur vie. Cela faisait maintenant deux semaines qu’ils avaient rejoint l’armée Vich-Torienne, et ils patrouillaient encore dans la même partie du village. Ils la connaissaient par cœur. La chose la plus passionnante qu’ils avaient faite jusqu’alors était de chasser des oiseaux qui tentaient de manger des poussins. Leurs journées se résumaient à aider ceux qui en avaient besoin, le plus souvent des vieilles femmes. Plusieurs fois, Elendio dut porter une grand-mère pour l’emmener à un endroit précis. Le jeune homme appréciait cela, car, bien souvent, il recevait de petites sucreries en récompense.
Le village était uniforme d’un quartier à l’autre. Les maisons y étaient simples et peu grandes, bâties sur des branches. Pour circuler, des ponts reliaient les arbres entre eux. De petites places avaient été créées au pied des arbres, soutenues par de grands pieux en bois ancrés dans le sol, permettant les rassemblements. Au loin, en levant les yeux vers le ciel, la population pouvait apercevoir le grand temple érigé en l’honneur de la déesse de la vie, Vixchell. Celui-ci dépassait la cime des arbres. C’était lors des rituels religieux que les villageois touchaient le sol, participant à un sacrifice à chaque nouvelle pleine lune.
Elendio et Isabella passèrent devant la salle des Anciens, comme à leur habitude. Cette fois-ci, elle était ouverte, chose rare. Seize vieillards étaient assis en cercle, mais l’un d’eux manquait à l’appel : Aztila était absent. C’était étrange, car il était toujours le premier à arriver. La salle était sobre : un grand tapis et quelques coussins disposés autour. Rien de plus. Le commandant Huayna Capac se tenait debout au centre, probablement en train de faire son rapport hebdomadaire. Il surprit les jeunes en train d’observer la scène et referma aussitôt les rideaux.
— Tu ne trouves pas ça bizarre qu’Aztila soit absent aujourd’hui ? D’habitude, il est toujours là, demanda Elendio à son amie, intrigué.
— Si, un peu, mais il doit juste être malade. Il n’est plus tout jeune, tu sais.
Peu après, l’Ancien des sciences, Prolaro, les rejoignit dehors. C’était un vieil homme qui, selon Elendio, n’allait pas tarder à finir six pieds sous terre. Autrefois, les vieilles dames racontaient qu’il avait une chevelure si magnifique que toutes les femmes tombaient amoureuses de lui. Pourtant, il avait épousé une femme jugée peu attirante par beaucoup, Emina Tuati, renommée Prolaro.
Malgré ces rumeurs, Elendio ne voyait en lui qu’un vieillard fatigué. Ses nombreux tatouages traditionnels, recouvrant même son visage, accentuaient son air austère. Sa tenue n’arrangeait rien : un banjo traditionnel, à l’allure d’un tapis délavé, recouvrait son corps, et une couronne de feuilles multicolores sur sa tête lui ajoutait bien dix centimètres de hauteur.
— Désolé pour le comportement du commandant, commença-t-il, mais... Il hésita un instant avant de poursuivre : disons que l’un des nôtres a disparu depuis quelques jours...
— Vous parlez d’Aztila ? le coupa Elendio, enthousiaste.
Prolaro lui lança un regard sombre. Il n’aimait pas être interrompu.
— Oui, c’est bien lui. Mais évite de me couper la parole la prochaine fois, jeune homme.
— Pardon, excusez-moi...
— Je ne devrais sans doute pas vous dire cela, mais, de toute façon, les nouvelles circulent vite. On suppose qu’il est parti de son plein gré, comme ton père, jeune Nelson. (Tout le monde savait qu’Elendio était le fils de Braden Nelson en raison de ses traits physiques distinctifs.) Certains le considèrent déjà comme un traître. Sa femme affirmait qu’il était devenu bizarre, qu’il perdait la raison. Pour l’instant, l’armée ne sait pas quoi en penser, et cette affaire risque bien de tomber dans l’oubli, comme celle de ton père. Bref, vous savez tout maintenant, même si vous n’avez rien demandé. Demain, le village sera sens dessus dessous. Bonne continuation, les jeunes, j’ai à faire.
Sur ces mots, l’Ancien s’éloigna, laissant Elendio et Isabella dans un silence perplexe.
Elendio le rompit en s’écriant :
— Par les dieux ! Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Et pourquoi le vieux nous raconte-t-il ça ?
— Je n’en sais rien, répondit Isabella. Mais, dans tous les cas, cette histoire va tomber dans l’oubli, il l’a dit lui-même. Pourtant, je ne comprends pas pourquoi il nous en a parlé... Peut-être qu’il veut qu’on se mette à la recherche d’Aztila nous-mêmes. Le gouvernement n’a pas l’air de vouloir lever le petit doigt pour résoudre cette affaire. Il se passe vraiment des choses bizarres, tu ne trouves pas ?
— Oui, je suis d’accord. Et cette histoire ressemble tellement à celle de mon père... Probablement qu’en enquêtant dessus, je pourrais trouver des réponses à mes questions. Isabella, tu veux bien m’aider ?
Elendio se tourna vers son amie avec son habituel sourire d’idiot. Isabella savait qu’il préparait un mauvais coup. Elle acquiesça d’un signe de tête. Les jeunes guerriers allaient percer les secrets de cette affaire.
Pour commencer leur enquête, Isabella et Elendio décidèrent d’interroger le commandant Huayna Capac le jour suivant. Celui-ci était installé à son bureau, occupé à régler plusieurs affaires administratives. Elendio n’avait jamais vraiment prêté attention à l’apparence du guerrier, mais en le voyant assis, il comprit que cet homme n’était qu’un opportuniste cherchant à se faire bien voir par la cheffe. Il avait le visage typique d’un Vich-Torien, avec une barbe qui commençait à grisonner. Ce n’était pas quelqu’un de très athlétique : il avait plus de graisse que de muscle. Certes, il était grand pour un Vich-Torien, mais il restait loin d’atteindre la taille d’Elendio.
Lorsque les aspirants entrèrent dans son bureau, Huayna les toisa d’un mauvais œil, leur faisant comprendre qu’ils le dérangeaient. Elendio fit un pas en avant et prit la parole :
— Excusez-moi, mon commandant, de vous déranger, mais j’aimerais vous parler.
M. Capac émit un léger grognement, signe qu’il écoutait.
— Hier, nous avons entendu parler de la disparition de l’Ancien Aztila. Nous aimerions comprendre ce qui s’est réellement passé.
— Je n’ai rien à vous dire. Cette affaire ne vous concerne pas. Sortez d’ici, déclara enfin le guerrier.
« Quelle amabilité… » pensa Elendio avec ironie.
— Mais, mon commandant, insista Isabella, en tant qu’aspirants guerriers, il est normal que nous nous préoccupions des malheurs qui frappent les habitants du village.
— La seule chose que vous devez savoir, c’est qu’Aztila est parti de son plein gré. C’était sa propre décision et il a dû en subir les conséquences. De toute façon, ce n’était qu’un vieux fou qui racontait n’importe quoi sur le monde extérieur.
— Quel genre de choses ? demanda Elendio avec curiosité.
— Cela ne vous regarde pas. Maintenant, partez !
Les jeunes aspirants furent déçus par cette entrevue expéditive, qui ne leur avait rien apporté. Ils comprirent qu’ils ne pouvaient pas compter sur ceux qui géraient ce type d’affaires pour obtenir des réponses. Elendio ne voyait qu’une seule solution : s’adresser à la personne qui connaissait le mieux Aztila, sa femme. Le lendemain, ils iraient la voir pour tenter d’en apprendre davantage.
Elendio et Isabella se tenaient devant la maison de la famille Aztila. Il s’agissait d’une grande demeure située en plein cœur du village, ornée de couleurs vives et de motifs traditionnels. Les deux jeunes toquèrent à la porte, mais personne ne répondit. Une minute plus tard, une vieille dame apparut sur le seuil. Elle semblait fatiguée et triste, et il était évident qu’elle ne s’était pas occupée de ses cheveux depuis plusieurs jours.
Isabella pensa que si cette femme prenait plus soin d’elle, elle pourrait dégager l’aura imposante que possèdent certaines vieilles dames. Bien sûr, elle se garda cette remarque pour elle.
Elendio fit un pas en avant et se chargea des présentations :
— Bonjour, madame Aztila ?
La femme acquiesça d’un mouvement de tête.
— Je me présente : je suis Elendio Nelson, et voici mon amie Isabella Chasca. Nous sommes tous deux aspirants guerriers, prêts à donner notre vie pour la survie de l’humanité. Nous avons récemment appris la disparition de votre mari et souhaitons enquêter à ce sujet. Accepteriez-vous de répondre à quelques-unes de nos questions ?
La vieille dame dévisagea Elendio avec méfiance avant de tourner son regard vers Isabella. Elle reconnut immédiatement Tlaloc, qu’elle connaissait bien, car il fournissait du métal à son mari. Sans un mot, elle les fit entrer. Les deux amis échangèrent un regard intrigué avant de la suivre.
Mayahuel Aztila se dirigea vers la cour pour aller chercher du thé, tandis qu’Elendio et Isabella attendaient dans la pièce principale, un peu gênés. L’atmosphère de la maison était chaleureuse. De nombreuses tapisseries aux motifs variés décoraient les murs, tandis qu’un grand tapis rayé recouvrait le sol. Les deux jeunes étaient assis sur un canapé assorti aux tapis, aux teintes chaudes, agrémentées de touches de blanc.
Près de la cheminée, qui masquait un escalier menant à l’étage, se trouvait une bibliothèque singulière, remplie de gros ouvrages, certains écrits dans une langue inconnue. Intrigué, Elendio se leva pour en examiner un, mais ne parvint pas à comprendre ce qui y était écrit.
— Toi non plus, tu n’arrives pas à comprendre ?
Madame Aztila venait de revenir, portant un plateau sur lequel reposaient trois bols de thé et une feuille d’agave.
— D’où viennent tous ces livres étranges ? demanda Elendio.
— Ils appartenaient à mon mari. Il les a trouvés lors de ses promenades en forêt. Au début, lui non plus ne comprenait pas leur contenu, mais avec le temps, il a appris à les lire et à en comprendre la langue. Il m’avait dit que sur celui-ci était inscrit L’Art de la Navigation.
— La navigation ? Qu’est-ce que c’est ? s’étonna Isabella.
— Allez savoir, jeune fille… Mais tout cela fascinait mon mari. Maintenant, dites-moi, quelles questions souhaitez-vous me poser ?
Elendio prit la parole :
— Madame, avez-vous remarqué un changement dans le comportement d’Aztila avant sa disparition ?
Mayahuel prit une grande inspiration et but une gorgée de son thé.
— Mon mari a toujours pensé différemment des autres. C’est ce qui m’a plu chez lui. Il était bien plus avancé que la plupart des habitants du pays. Il inventait toutes sortes d’objets étranges et tenait des propos peu communs. Il disait que la population Vich-Torienne n’était pas la seule à exister dans ce monde.
Ces paroles surprirent Elendio, qui se remémora ce que sa mère lui avait confié quelques jours plus tôt au sujet de son père.
— Bien sûr, personne ne le croyait, moi comprise, poursuivit Mayahuel. Mais il était obstiné, déterminé à quitter cet endroit pour explorer le monde extérieur. Quand il en parlait au conseil des Anciens, tout le monde se moquait de lui. Ses propos ne plaisaient pas à notre cheffe, Minera Tornor, qui l’avait mis en garde à plusieurs reprises. Et je vais vous dire ce que je pense de tout ça… Cette affaire n’est pas une simple disparition d’un homme considéré comme fou. C’est un meurtre politique. Le gouvernement veut sûrement nous cacher des choses que nous ignorons. Je suis persuadée que le
