Les Veillées des chaumières

Les montagnes de l’horizon

Chapitre premier

Gabriel a terminé son travail de la journée, la vigne est en ordre et les ceps taillés, bien alignés, descendent en rangées régulières les flancs du coteau. Il a rangé ses outils dans la cabane en pierres sèches qui sert de remise ; maintenant, appuyé à la muraille encore tiède de la chaleur accumulée du soleil, il laisse aller ses regards vers l’horizon.

À la fin de cet après-midi ensoleillé, la lumière ocre du couchant accentue le détail des ondulations très douces de la grande plaine. Gabriel peut suivre de tous côtés, vers le lointain, la fuite de la géométrie colorée des vignes, des jardins et des champs, dont les rectangles sont séparés par les lignes nettes ou diffuses des chemins et des haies ; assez dispersés parmi les formes anguleuses, quelques bosquets contrastent par leurs rondeurs vert sombre, tandis que fermes et hameaux éparpillés dans l’immensité plate posent de loin en loin leurs touches de tuiles roses. À mi-distance, on distingue le fleuve aux rangées de peupliers bordant ses berges et aux plaques brillantes dans les courbes des méandres où le soleil se reflète en éclats argentés. Bien plus loin, vignes, champs, hameaux s’estompent et se confondent dans une brumeuse lumière imprécise et dorée.

Enfin, tout au fond, au-delà de ces formes plates, paisibles et ordonnées, le regard bute sur les montagnes. D’une barrière continue, elles barrent l’horizon du levant au couchant, lointaines mais imposantes dans leur suprématie et leur jaillissement.

Aujourd’hui, on n’en distingue pas les détails, mais seulement, sur fond de ciel, les silhouettes bleutées, légèrement voilées par les brumes sèches du soir. Le regard exercé de Gabriel reconnaît dans ces découpes azurées les formes familières qu’il contemple et admire depuis longtemps. Car il la connaît bien la lointaine chaîne du fond de la grande plaine : si souvent depuis son enfance, il a contemplé intensément ce spectacle, toujours le même aux yeux des autres, mais pour lui seul toujours renouvelé.

En effet, elles sont tellement changeantes ces montagnes pour qui les aime et sait les regarder ! Leurs couleurs et leurs apparences

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