Contes aléatoires: Roman
Par Antoine Duport
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À propos de ce livre électronique
Une visite du Brésil en passant des baleines de Rio de Janeiro aux tribulations d'un français, touriste prodigue dans une ville de misère, sans oublier les colères d'un écrivain méconnu et celles d'un émigré irlandais aux prises avec la solitude.... Puis, quelques contes bien français du côté du Nord-Pas-de Calais avec les chasseurs de bécasses et les retrouvailles fraternelles de deux êtres dans les allées d'un cimetière...
Drôles ou dramatiques, réelles ou fictives, des tranches de vie plus vraies que nature, pour donner naissance à ces petites histoires au coin du feu que l'auteur puise dans son vécu. Son âme de voyageur et l'imagination font le reste: des couleurs, des parfums, des impressions saisies noir sur blanc, comme autant de souvenirs en devenir...
Découvrez un roman plein d'humour et d'ironie, une série de tranches de vie qui parlent à tout le monde.
EXTRAIT
À Rio de Janeiro, le Boulevard Visconde de Piraja n’est que la suite du Boulevard Ataulfo de Païva qui relie cependant l’un à l’autre deux des plus beaux quartiers Sud de la ville.
Une longue voie urbaine coupée par un canal où se touchent les plages d’Ipanema et de Leblon aux trottoirs carrelés de serpentins noirs et blancs, bordée d’arbres, de petits cafés, d’innombrables boutiques et de quelques librairies.
Au beau milieu de cet axe, on a planté une sorte d’obélisque rond, matérialisant, par sa présence qui se voudrait égyptienne, un hommage bétonné aux deux illustres inconnus qui donnèrent leur nom à ces boulevards, en même temps qu’aux pharaons ou autres sommités des temps anciens.
En hiver qui est chez vous l’été, jusqu’à midi et demi environ, le soleil inonde la chaussée de droite où les boutiquiers fabriquent alors de l’ombre par des auvents en tissus colorés qu’ils déroulent avec des manivelles.
L’après-midi, c’est l’autre côté qui prend le soleil et se couvre de tentes.
Le promeneur peut choisir à sa guise son trottoir, selon qu’il veuille de l’ombre vraie ou celle des boutiquiers.
Désœuvré et solitaire, je parcours le matin cette longue voie, dans l’attente d’un destin qui se fait attendre.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ancien Avocat de Cour d’Assises, Antoine Duport prend sa retraite avec un lourd bagage de souvenirs et d’expériences à Rio de Janeiro où il devient définitivement écrivain après avoir déjà livré un roman en langue portugaise lors de l’un de ses voyages précédents. Sportif de haut niveau (Championnat de France de Chasse sous-marine et Championnat du monde de vitesse Windsurf) il poursuit ses activités nautiques avec la même passion que l’écriture. Engagé dans une unité combattante pendant la guerre d’Algérie il attendra près de cinquante ans avant de publier « MEKTOUB - une section d’intervention dans les Aurès - 1959/1962 » outre une trentaine d’autres romans.
En savoir plus sur Antoine Duport
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Aperçu du livre
Contes aléatoires - Antoine Duport
Mon père
Ce conte est né d’une histoire vraie vécue par l’une de mes amies lorsqu’elle était jeune fille à Rio de Janeiro où son père était alors un brillant avocat.
Le subterfuge utilisé par elle pour échapper au dilemme qui était le sien n’est que pure vérité. Stratagème bien innocent, très étranger cependant à la droiture et à l’honnêteté scrupuleuse de cette femme chère à mon cœur, qui en conservera le souvenir comme celui d’un péché…
***
Mon père ce héros, ce prince des prétoires qui domina ma vie ainsi que celle de tout son entourage pendant des décennies était un être généreux et fier qui ne souffrait guère que l’on discutât ses directives, ses ordres ou ses commandements.
Véritable Pater Familias, redouté de ses confrères et des juges du Palais, adulé par les femmes, par ma mère et par moi, il était aussi le précepteur sourcilleux de ma jeunesse, celui qui m’enseignait la différence entre le bien et le mal, qui m’apprenait la probité et l’indulgence, la tolérance et la colère juste contre l’iniquité et la cruauté.
Mon père, au regard si doux, était aussi l’homme que j’ai aimé le plus pendant longtemps, avant que mes yeux ne se posent sur d’autres hommes et ne tentent de comparer et de comprendre, peut-être, ce qui le rendait supérieur à tous les autres.
Mon père, c’était un père d’un autre temps déjà. Un père de la fin d’une époque ; juste à la croisée des chemins : entre avant et aujourd’hui. Un homme élevé lui-même dans les anciennes règles auxquelles, à ses yeux, il était tout à fait impossible de déroger.
Mon père me disait, mieux que ne savait le faire ma mère, comment il fallait me tenir en société parce que lui, c’était la rigueur, l’incarnation même de la bonne conduite.
Il veillait à mes fréquentations, faisait le tri de ceux qui pouvaient un jour aspirer à me mériter et il les regardait tous, sans exception, avec cet œil inquisiteur et méfiant du rival, suspicieux et peu enclin à l’indulgence.
Il se voulait aussi le féroce gardien de ma virginité et me le faisait savoir avec cette insistance irrécusable qui rappelait celle des commandements du Sinaï... Je devais parvenir avec son aide à un hypothétique mariage, l’hymen pur et inviolé... Et il voulait se voir dans cet avenir improbable, comme le géniteur d’une vierge, que dis-je, d’une vestale, à laquelle, alors, mais alors seulement, il donnerait sa bénédiction.
Règles, carcans, camisoles de toutes sortes faisaient ainsi de ma vie de jeune fille, avec cette bienveillance paternelle qui finissait par m’étouffer peu à peu, une sorte de couloir sans fin dont les parois se rétrécissaient au fur et à mesure que j’avançais vers cet horizon qui ressemblait de plus en plus à un timbre-poste.
Mon père était l’homme que j’aimais le plus et je le détestais. J’avais envie de le combattre pour me libérer de ces liens serrés où il me tenait prisonnière et pour lui dire que d’autres temps étaient venus, que je manquais d’air et que jamais, avec de tels préceptes, je ne parviendrais à trouver un mari. Mais c’était offensé. Comme le disent les juifs, « c’était péché » et il ne voulait pas en entendre parler, ni même commencer avec sa fille le moindre début de discussion sur un sujet qui devenait chaque jour pour moi une véritable obsession.
Vierge... Vierge... Vierge... Ce mot si pur finissait par me hanter et transformait mes rêves, chaque nuit davantage, en cauchemars lancinants où je me voyais traînée devant l’autel du mariage, enchaînée à ma ceinture de chasteté, consolée par une mère impuissance et sourde à mes appels.
Je me voyais alors emportée vers mes noces par un père qui me menait à l’abattoir de la consommation matrimoniale avec cette obligation, venue de la nuit des temps, d’étendre à la fenêtre au petit matin de la première nuit, le drap de notre lit dont la tache de mon sang allait prouver à l’univers entier mon irréprochable conduite.
Tout cela m’avait conduite à des dérèglements. Ma pauvre cervelle ne parvenait plus à supporter les irrésistibles pulsions de ma chair que les tentations de ma beauté faisaient naître de-ci de-là. Je n’étais plus que désir et frustration... Je voulais aimer librement, sans entraves, me laisser caresser et mordre à pleines dents cette vie qui s’offrait à moi et que mon père m’interdisait.
Je voulais... Je voulais... Et je ne pouvais pas ! Chaque fois que l’amour m’appelait, chaque fois que j’entrouvrais la porte d’une chambre où mon corps mis à nu allait rencontrer celui d’un autre, l’image de mon père surgissait de l’ombre et sa voix, comme celle de Jéhovah, se mettait à retentir dans les nuages du plafond et me terrorisait.
Chaque fois que se concrétisaient ces apparitions dans la chambre que j’aurais voulue d’amour, je m’enroulais dans les draps, fermais les yeux, me bouchais les oreilles pour tenter d’échapper au tyran.
Le seul qui parvenait alors à s’échapper, pris de panique devant un tel comportement dont il ignorait les motifs, c’était ce compagnon d’infortune que j’avais entraîné là et que, bien sûr, je ne revoyais plus jamais !
Il me fallut un jour demander à mon père l’autorisation de consulter en arguant de problèmes de