Nouveau départ
Après avoir raccroché, tous mes souvenirs remontèrent à la surface. Mon père venait de mourir.
Son notaire m avait annoncé la nouvelle par téléphone. Je ne l’avais pas vu depuis dix ans, depuis l enterrement de ma mère.
Ce jour-là, après la cérémonie, alors que les quelques éleveurs du coin quittaient le cimetière pour retourner à leur ouvrage, mon père avait glissé son bras sous le mien en disant : – Il faut qu’on parle, ma fille. Maintenant que ta mère nous a quittés, je n’ai plus que toi. Tu dois revenir à la ferme pour apprendre, pour savoir comment la gérer le jour où on me mettra dans le trou à mon tour. Je m’étais arrêtée net. Entre nous, il n’y avait jamais eu de grandes discussions. Mon père était de ces paysans taiseux qui se contentent d’un regard pour exprimer leurs sentiments et ronchonnent plus souvent qu’ils ne sourient. Il aurait préféré avoir un fils, ça, je l’avais toujours senti pendant mon enfance. D’autant qu’après moi, ma mère n’avait jamais pu avoir d’autres enfants. Je restai donc fille unique. Petite, j’avais tout fait pour que mon père oublie mon sexe. Je le suivais dans la ferme, des étables à la porcherie, et lui servais de porte-carnier pendant les battues. Il m’avait offert ma première carabine à l’âge de 8 ans. Souvent, il lâchait :
– Finalement, on fera quelque chose de toi, en ébouriffant ma tignasse avec un soupçon de tendresse dans l’œil.
J’en ronronnais de plaisir.
J’avais vu une jeune laie agoniser devant moi. J’avais vu son regard et, d’un coup, la , comme l’appelait l’ouvrier chargé, après la chasse, de découper les bêtes abattues. Cette bidoche était devenue un être vivant. Quand mon père avait donné le coup de grâce à la pauvre laie, mon cœur s’était soulevé. J’avais tourné les talons en jurant que plus jamais je ne voulais voir ça, et chaque fois qu’il y avait eu une chasse à la ferme, je m’étais arrangée pour passer le week-end chez
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