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La promesse de Quebra Mar: Roman
La promesse de Quebra Mar: Roman
La promesse de Quebra Mar: Roman
Livre électronique165 pages2 heures

La promesse de Quebra Mar: Roman

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À propos de ce livre électronique

Une rencontre en un jeune homme et une femme à l'histoire particulière.

C'est dans le bus de la ligne 435 qui traverse toute la ville de Récife qu'il l'a remarquée... Mais comment pouvait-il faire autrement? Comment ne se serait-il pas laissé happer par son monologue de vieille folle?
Jour après jour, il va découvrir son histoire qu'elle débite à haute voix, comme si elle se trouvait seule dans cet autobus, ressassant ses souvenirs les plus douloureux: sa vie dans le bidonville, le trafic de drogue partout, la guérilla des gangs, ses sœurs adorées, sa mère violente et perverse, le meurtre de son père....
Quels secrets dévoilera-t-elle encore? Jusqu'où sera-t-il prêt à l'écouter ?

Découvrez ce récit touchant et poignant de la rencontre entre deux âmes en quêtes de dialogue.

EXTRAIT

L’autobus avait pénétré en effet dans un long tunnel qui permettait de franchir une haute montagne arborée sur la seule première partie de ses flancs, et le raffut que faisait la circulation de plusieurs files de véhicules dans cet espace confiné rendait presque inaudible les propos de ma voisine.
Pour le coup, je suis désormais le seul à l’entendre. Ce qui me donne une impression de confidence et de complicité qui me fait, je ne sais pourquoi, un peu honte.
Cela devient comme une confession.
Son visage se reflète comme dans un miroir sur la vitre à cause de la clarté de l’éclairage interne de l’autobus qui vient de s’allumer.
Je discerne mieux son âge et les contours de sa tête étrangement réguliers qui forment sur le verre un ovale parfait ressemblant à celui des Indiens de la Grande Forêt.
De cette forêt plus grande qu’un continent qui va du Maranhão aux émeraudes colombiennes pour recouvrir la Guajira et les bras tentaculaires de l’Amazone.
Les propos qu’elle a tenus jusqu’ici doivent se rapporter approximativement aux années cinquante, aux années de sa jeunesse.
Si le cheminement de sa mémoire et de sa pensée demeure constant et régulier, il va lui falloir du temps pour raconter toute sa vie et sans doute aussi lui faudra-t-il faire de nombreux voyages dans cet autobus où j’espère pouvoir être présent…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ancien Avocat de Cour d’Assises, Antoine Duport prend sa retraite avec un lourd bagage de souvenirs et d’expériences à Rio de Janeiro où il devient définitivement écrivain après avoir déjà livré un roman en langue portugaise lors de l’un de ses voyages précédents. Sportif de haut niveau (Championnat de France de Chasse sous-marine et Championnat du monde de vitesse Windsurf) il poursuit ses activités nautiques avec la même passion que l’écriture. Engagé dans une unité combattante pendant la guerre d’Algérie il attendra près de cinquante ans avant de publier « MEKTOUB - une section d’intervention dans les Aurès - 1959/1962 » outre une trentaine d’autres romans.
LangueFrançais
Date de sortie11 oct. 2018
ISBN9782378776336
La promesse de Quebra Mar: Roman

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    Aperçu du livre

    La promesse de Quebra Mar - Antoine Duport

    Chapitre premier

    Lorsque je la vois pour la première fois, elle est assise sur l’un des sièges du côté droit de l’autobus.

    Elle doit être là depuis un moment. J’ignore où elle a pu monter.

    Comme chaque jour, je prends moi-même le bus 435 de la ligne des collines pour me rendre à mon travail de nuit et je connais de vue presque tous les passagers.

    Je pourrais même dire que si elle n’avait pas parlé si fort sans s’adresser à personne, je n’aurai pas remarqué sa présence.

    Les gens, ici, sont tous des gens très ordinaires qui reviennent de leur lieu de travail, où comme moi, qui s’y rendent et rien ne les distingue vraiment les uns des autres.

    Ces gens ordinaires qui montent dans le bus par l’avant ou descendent par les portes en accordéon de l’arrière, profitent du trajet et du temps que cela prend pour sommeiller un peu en prolongeant une nuit qui a du être courte ou pour prendre un premier repos après une journée de travail.

    Les uns, la tête dans les mains, les autres, bouche grande ouverte et nuque sur l’épaule, semblent indifférents aux chaos de la route, mais aucun ne manque jamais son arrêt. Ils sont tous maîtres de leur sommeil pour ne dormir qu’à moitié !

    La voix qui se fait entendre est un peu sourde et étrangement forte pour une femme de son âge.

    Comme à l’ordinaire, je cherche en vain une place en remontant vers le fond du véhicule qui en cette fin d’après-midi se trouve complet. Je reste donc debout et me mets à regarder la vieille femme.

    Peut-être a-t-elle été jusqu’ici une passagère comme les autres que je n’avais pas remarquée. Ou plutôt, l’avais-je confondue avec tous les autres, jeunes et vieux, que je rencontre tous les jours sans y faire réellement attention.

    Elle ne cesse de parler à voix haute sans s’adresser à personne, ce dont je me rends compte au bout de quelques secondes car elle tient son visage tourné vers la fenêtre et paraît s’adresser à quelqu’un qui se serait trouvé à l’extérieur, si l’autobus ne s’était pas remis à rouler à vive allure.

    Cette situation devait durer depuis un moment.

    Les passagers les plus proches de moi, ouvrier ou petit personnel des magasins de la périphérie urbaine regagnant leur logement, réagissent de façon différente.

    Parmi ceux qui viennent de monter dans l’autobus, certains dissimulent un sourire timide derrière la main pour ne pas être vus, d’autres se tapotent la tempe avec le bout de l’index en murmurant à l’oreille du voisin qu’elle doit être folle.

    Les autres dorment.

    Au bout de quelques nouveaux arrêts, davantage de passagers sont descendus qu’il n’en est monté, de sorte que j’ai trouvé à m’asseoir.

    Cependant, le siège placé à côté de celui de cette singulière passagère est resté vide.

    Le bus numéro 435 traverse toute la ville par les quartiers Nord pour se diriger ensuite vers les collines au-dessus des plages atlantiques, jusqu’aux limites de la grande Réserve qui précède la vaste agglomération de Recife.

    Le voyage dans son entier dure plus d’une heure et demie.

    À l’arrêt du Couvent des Franciscains situé en bordure d’un jardin public orné d’une fontaine à cinq jets d’eau en corolle, une femme est montée.

    Elle s’est assise aux côtés de la vieille femme qui ne cesse de parler à voix haute, mais la passagère semble n’avoir rien remarqué !

    Tout en admirant ce flegme, je me mets à écouter avec attention ce que la vieille femme est en train de dire.

    Je ne peux voir distinctement son visage qu’elle garde toujours tourné vers l’extérieur. Il n’apparaît que faiblement dans le reflet de la vitre. Elle a ramené ses cheveux gris blanc sur le sommet du crâne en un chignon que maintiennent des épingles de fer ordinaires.

    Le peu que j’aperçois de sa peau brune est sillonné par une multitude de rides fines qui se chevauchent les unes les autres du cou jusqu’à la naissance des cheveux sur le front. Les oreilles, grandes et bien dessinées, sont ornées d’anneaux de cuivre.

    Vêtue d’une robe de teinte rougeâtre qui lui couvre les genoux, elle paraît plutôt mince et décharnée. Elle maintient avec son bras à demi replié sur les genoux, un sac de corde tressée assortie d’une anse de cuir noir.

    Va-t-elle disparaître à tout jamais lorsqu’elle arrivera à destination ou prendra-t-elle à nouveau le 435 les jours prochains ? Il me faudra attendre le lendemain pour le savoir.

    Prenant le bus toujours à la même heure, il me sera facile en effet les jours suivants d’attendre de l’apercevoir à travers les vitres de l’autobus avant de monter la rejoindre, elle et son histoire.

    Je ne sais pourquoi : j’ai envie d’écouter ce qu’elle a à dire. Peut-être parce que je m’ennuie un peu dans ma vieillesse et que la vie des autres me sert à réfléchir à la mienne…

    ***

    Premier jour.

    Mercredi à cinq heures de l’après-midi.

    C’est ce Mercredi-là que j’ai entendu pour la première fois sa voix. Ce n’était que la suite de ce qu’elle devait raconter déjà les autres fois et que je n’avais pas entendu pour être monté dans un autre bus.

    Aujourd’hui, sa voix me parvient avec une singulière clarté, lente et forte.

    … Santana était folle…

    Sur ses cinq filles, elle choisissait toujours Maria, la plus jeune d’entre nous, pour l’envoyer à la fontaine publique avec un seau de six litres.

    À la moindre goutte d’eau tombée sur le sol, elle la frappait à coups de poing sur le crâne en la traitant de tous les noms.

    Chez nous, il y avait Maria la cadette, puis moi, Silva. Ensuite venaient les jumelles Flavia et Rosa et enfin Angela, l’aînée…

    Moi, je haïssais Santana la mère, encore plus que mes autres sœurs, sauf que moi je savais y faire…

    Eduardo, l’ami de la mère qui avait remplacé Ireneu notre père lorsqu’il était mort, avait du goût pour moi, malgré mes onze ans…

    Il me protégeait en espérant un jour faire de moi sa « fiancée » comme il disait dans le creux de mon oreille pour que la mère n’entende pas…

    Grâce à cette protection, la mère me fichait la paix !... Jamais de corvée d’eau… Jamais de vaisselle ni de lessive, tandis que les autres en bavaient avec elle, même si c’était moins que Maria.

    Maria, c’était le souffre-douleur de la mère. Silencieuse et résignée, elle ne se plaignait jamais.

    Un jour Maria est venue me retrouver au bout du champ de maïs qui s’étend derrière notre cabane et qui appartient à un cousin.

    « Je préfère recevoir des coups sur la tête tu sais, plutôt que d’être amie avec Eduardo ! »

    Elle me reprochait le sort que cet homme me réservait et pourtant je n’y étais pour rien. Tout au contraire, j’essayais d’en faire profiter mes autres sœurs. Aussi je trouvais que Maria était injuste avec moi.

    Mais je l’aimais quand même beaucoup.

    Comme Maria ne pleurait jamais, cela augmentait la colère de Santana la mère qui s’en prenait alors à toute personne qui se trouvait là pour la prendre à témoin et désigner la cadette comme une moins que rien.

    Du temps d’Ireneu le père, tué d’un coup de machette sur le crâne par un vagabond qui voulait lui voler ses outils de pêche, nous vivions sans haine et sans colère de personne… La paix régnait dans la cabane, sauf les colères parfois violentes de la mère qui ne cessait jamais d’être sur le dos de notre père.

    À croire que la mort d’Ireneu avait transformé Santana la mère en une furieuse malfaisante.

    Santana et lui avaient construit de leurs propres mains la cabane de briques et de tôles où nous allions naître les unes après les autres.

    Ils avaient choisi un morceau de terrain libre tout au bout de la Communauté de Quebra Mar, juste avant le champ de maïs du voisin Joan qui vivait seul et élevait des poules pour vendre des œufs.

    Juste un peu plus haut dans la colline il y avait la dernière cabane de notre village. Elle était occupée par un vieil homme borgne que tout le monde respectait parce qu’il était notre guide vers les esprits.

    Ce voisin-là, c’était un ancien chaman des territoires du Nord qui avait été chassé de son village avec tous les autres habitants par les marchands de bois qui étaient en train de tuer la Grande Forêt dont nos ancêtres étaient tous originaires.

    Comme nos parents voulaient avoir un garçon, ils étaient allés lui rendre visite pour lui demander conseil et au besoin lui acheter une de ces drogues à base de Griffe de chat qui permet, dit-on, d’influer sur le cours des choses.

    En vain.

    Cela avait duré sept ans. Ils avaient fini par abandonner après la naissance de Maria la dernière.

    C’est peut-être à cause de ça que Santana était devenue folle : le garçon attendu que leur avait annoncé le Diseur de bonne aventure de l’Église Baptiste, qu’ils étaient allés consulter aussi, avait une nouvelle fois déçu ses attentes ainsi que celles d’Ireneu, mon père.

    En plus, ils se rejetaient mutuellement la faute de cette déception dans des scènes terrifiantes où notre père finissait par quitter les lieux pour éviter de frapper la mère.

    Trois semaines après la venue au monde de notre petite sœur bien aimée, notre père était abattu.

    À son enterrement, la sœur Evangelista de la Mission dira : « Que Dieu ait son âme en son Saint Paradis ! » et nous ne comprenions pas ce qu’elle voulait dire par là.

    J’ai toujours pensé que ce n’était pas un rôdeur mais Eduardo qui avait tué le père.

    Avec la complicité de la mère ! Les outils de pêche volés, ce n’était qu’une mise en scène pour détourner les soupçons, mais je n’étais pas dupe.

    Et Angela non plus !

    Eduardo se doutait peut-être que j’avais moi aussi des doutes et me considérait-il comme un danger qui lui faisait prendre des gants avec sa nouvelle belle-fille !

    Santana la mère trompait Ireneu depuis longtemps.

    Elle profitait du fait qu’il partait à pied le long des plages pour lancer son filet ou son grappin afin de rapporter du poisson à la cabane, et elle rejoignait Eduardo dans les sombres rangées de cannes à sucre des plantations environnantes.

    Moi, l’avant-dernière de la nichée, j’essayais bien de réconforter Maria quand elle écopait de la mère, mais à chaque fois je me heurtais à un mur. En plus, elle m’accusait toujours par son silence réprobateur et son regard qui en disait long, de lâcheté et de veulerie car j’aurais dû, selon elle, résister davantage aux avances du beau-père.

    Dans le fond, je ne pouvais lui donner tort et, en même temps, j’étais bien trop contente de mener ma petite vie tranquille en faisant tourner l’homme de la mère en bourrique à force de le regarder faire avec malice, comme si j’avais toujours su qu’il était un assassin, ce qui profitait quand même à toutes mes sœurs…

    Aucune de nous cinq n’allait alors à l’école.

    Evangelista, une religieuse de la Mission des baptistes venait de temps en temps à la cabane avec un livre et une ardoise.

    Elle nous apprenait à lire et à écrire en parlant de Jésus et

    de Jean qui vivaient dans un pays de fées au-delà des montagnes du Pernambouc et au-delà des mers.

    Maria était de loin la plus intelligente. Du moins, c’est ce que disait la sœur Evangelista au beau-père lorsqu’elle croisait son chemin en s’en retournant à la Mission qui avait été construite bien des années auparavant, le long de la rivière Formasa dont les flots transparents et peu profonds se jetaient dans la mer, pas très loin de notre cabane.

    La famille Ortega qui avait sa cabane à côté de la nôtre se composait des parents, Géraldo et Maria, ainsi que de trois garçons qui avaient à peu près nos âges.

    Marcelo avait dix ans, Aiton treize et Fabiano quinze.

    Le soir, j’allais retrouver Fabiano. Il était beau et un peu nègre comme moi.

    La Maria d’à côté n’aimait pas la mère. Une sombre histoire de charbon de bois que l’une aurait volé à l’autre... Je ne me souviens plus bien laquelle avait raison… Mais cela n’a aucune importance : la Maria d’à côté ne valait pas plus cher que la mère.

    Un jour j’avais vu la mère dans les halliers qui s’étendent au-delà des dunes de sable, s’envoyer en l’air avec Eduardo. C’était même la première fois que je voyais ça.

    Le nez dans le sable, – j’étais partie rejoindre mon père sur ses lieux de pêche – j’avais tout vu… J’avais essayé ensuite de tout comprendre en repassant dans ma tête les images entrevues.

    La Maria avait retroussé sa jupe et Eduardo avait baissé le pantalon dont il avait coupé les jambes à la hauteur des genoux pour faire comme les garçons de la ville.

    Elle, sans pudeur aucune, comme si tout

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