LES MUSES MISERABLES
Par Klo
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À propos de ce livre électronique
Elle est sa chienne voyageuse, sa muse à disséquer, mais surtout, elle est Alizé Lavoie, une christ de folle manipulée par des pulsions malsaines qui tentera d’échapper aux pires horreurs, telle une étude expérimentale créée de toutes pièces par son dévore corps.
Est-ce qu’Alizé est finalement une hystérique de désirs ardents ou à l’inverse, une folle instable remplie de sagesse ? Joindra-t-elle les rangs des muses misérables…
Reste vivante, ne me déçois pas, ton dévore corps.
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Aperçu du livre
LES MUSES MISERABLES - Klo
Prologue
On connait tous l’expression : « Père manquant, fils manqué ». Dans mon cas, l’expression qui émanait était : « mari absent, femme asphyxiée ». Notre mutisme volontaire, nos regards usés sur nos chairs « platoniques », personne ne se mentait, ni lui ni moi ne nous parlions. La crise initiale est arrivée : Il me fallait respirer un air d’infidélité, c’était virtuel et bien réel, c’était bon. J’ai décidé d’aller rejoindre cet homme rencontré sur le web. Celui qui allait me sortir de cette léthargie conjugale.
Mes crises débutèrent le jour où j’ai libéré cette furieuse, cette salope au fond de mes tripes pour ensuite contrôler ce démon que je surnomme encore à ce jour, mon dévore corps. Toujours vivant, bien réel, lui mon bienveillant pervers. J’étais loin de la maison, je me suis jetée dans cet avion avec l’impression d’être une « Christ de folle »¹ loin du mont connu. Expédition vers mes sombres désirs, cette quête, à savoir si j’étais en pleine de crise de « folle » lie.
On connait tous l’expression : « Père manquant, fils manqué ». Dans mon cas subsistait : mari absent, femme noyée dans un bain de mots indécents, la tête retenue par son bienveillant toxique, mon incontournable dévore corps.
Le dévore corps
Toujours le même plan. Avoir l’air ultra prudent. Je suis psychiatre à Paris et du coup, j’ai la bonne profession pour sembler être précautionneux. Mon terrain de Jeu : les réseaux sociaux. Je suis toujours à l’affut de nouvelles égéries émotionnellement instables à la recherche d’une muse à disséquer. Elles me font du bien. Je les aime et les déteste à la fois. Cette vie, je l’invente au gré de mes états d’âme et de mes élucubrations.
Croire à cette machination presque théâtrale, elles nichées dans mes bras, me donne un sentiment de dominant. Je finis par m’y perdre, me mentir, je tiens bon. Leur odeur si réconfortante. Parfum de faiblesse et d’innocence, mes muses rêveuses. Elles ont toutes la même faille, les femmes de ma vie, la même détresse. Je me reconnais en elles, je me connecte, mes misérables, j’en ai tant. J’utilise la même tactique en fonction de leur vécu, de ce qu’elles désirent croire. Mon point culminant : lorsqu’elles m’espèrent dans mon absence programmée, cela me fait jouir grave au sens propre comme au sens figuré…
La puissance au bout de ma queue, la création de mes femmes-objets, l’invention de mots merveilleux, arriver à mes fins. Mes soumises. Le délectable plaisir de les voir danser au bout de mes ficelles, mes sombres désirs. Mes muses misérables, elles sont toutes les mêmes, elles sont toutes miennes…
Elle, crise de folle
Verre à la main, je joue avec ce liquide rouge, une valse en solo pour chasser l’ennui. Je suis dans un mauvais appart de Montréal, loué pour le weekend. Je reçois des notifications. Je ne porte pas trop attention à mon portable. Je songe seulement à ne pas crouler face à l’ironie de la situation.
Cinq heures du mat, je n’ai plus sommeil. Je prépare le café et j’ouvre mon portable. J’ai un message privé. Je n’en ai rien à foutre de tout ça, j’ai perdu trop de temps avec ces conneries.
J’attire toujours ce genre d’individus et j’aimerais faire autrement. Les pervers, je les identifie, je les respire, équation parfaite, une partie de moi. Ils me font sentir vivante. J’ai des goûts difficiles, j’aime les gens torturés. Surtout lui. Je me connecte au réseau. Je pourrais mettre mon compte privé, mais savoir que derrière leurs écrans je peux devenir un objet de convoitise, hommes comme femmes, c’est si bon, ça m’excite énormément. Glorifier
les enveloppes vides, nos vies remodelées en attente d’applaudissements.
Un jour, mon monde se rompit sous mes pieds : tout ce que j’avais connu n’avait plus aucun sens. Je décidai de partir. Cette vie construite comme dans les commerciaux. Cet ennui, standardisé pour faire joli, le meilleur cliché, la pose parfaite, sans parler du papier peint. La peur aux entrailles, je n’avais jamais saisi l’occasion de franchir le seuil de ma porte pour tout balancer. J’étais mariée à cette hantise d’abandonner le mont connu, mon mari, mon film. Comme un tsunami qui nous surprend par-derrière, et le mot est bien choisi, le monde tel que je le connaissais disparut. Il ne m’en restait que quelques vagues souvenirs. L’épave affective que j’étais devenue accepta ce traité avec le dévore corps. Il y avait une forme de sagesse dans ses mensonges délicieux qui nourrissaient mon mal d’amour. La partie venait de débuter sans que je le sache, échec et mat.
Ce fameux jour où nos corps se sont rencontrés, je venais de me claquer sept heures de vol. Ça faisait huit mois que nous clavardions sur le net et quelques appels pour me convaincre que c’était bien réel cette dépendance aux mille photos.
De partage en partage, jamais les siens. Cette obsession envahissante qui me dévorait, ce besoin de me faire enculer l’intellect à grands coups de folie. Chaque matin, c’était ma came. Ma dose, mon héroïne injectée par intraveineuse. J’étais une junkie en mal de prose. La même routine. Toujours pareille, à la même heure. J’ouvris les yeux sur mon portable, un message en attente d’être lu. Mon sexe pulsant de ses mots trop bien choisis. J’étais sa muse. Au départ, sa plume perverse m’intimidait, mais vite, trop vite j’ai pris goût à cette fascination qui me consumait. Je n’avais encore jamais rencontré un homme avec cette énergie, encore moins à distance, cette folie au bout de mon clavier, le mari près de moi comme la belle au bois dormant, absent. C’était du pur délire. Basané, cultivé, artiste et surtout libre. Je me surpris à vouloir être lui, à vouloir être libre.
Le soir où je l’ai rencontré, je l’ai baisé violemment pour m’apaiser, comme les enfants qui sommeillent avec un ourson en peluche pour endormir leurs angoisses. Dans cet hôtel convenable, de Paris, j’en ai redemandé. À ce moment, j’ai eu peur de moi beaucoup plus que de lui, de sa délicieuse chair inconnue dont je me repaissais tel un prédateur affamé qui dévore sa proie. Quelle belle ironie pour une Christ de folle…
Ça faisait huit mois que nous clavardions et je l’avais enfin dans ce lit tant espéré. De mon Québec à Paris, j’avais ce tel besoin d’oublier qui j’étais, que j’ouvris les jambes comme une putain de ballerine pour devenir sa danseuse étoile. Être son tout, être son toit, sa fondation, sa brique, la tuile de son toit. C’était ma nouvelle folie. Quelle autre démente aurait pu se dévouer autant pour son dévore corps ? Nulle autre qu’une vraie Christ de folle, le dernier surnom qu’on m’a donné avant mon départ, avant mes délires.
Les amours rejetées me firent vaciller dans cette alliance des continents à la dérive de moments tendres et brutaux à la fois. Ma prison, ses bras, ma nouvelle maison. En un instant, j’en oubliai mon pays. Je reconnus d’avance le désastre de cette première rencontre, je devais me rendre à l’évidence. Et que dire de ce maquillage qui se défilait, rigoles noires, de mes joues aux draps tachés d’infidélités humaines. Je me sentais sale et immaculée à la fois. J’étais bien là, vivante, prise et éprise à ce jeu. Les dés étaient pipés. Mais comme les fards à joues, j’ai voulu démaquiller et recommencer cette mise en couleur de ma vie, cet hymne aux mille nuances.
Sur le chemin du retour, dans sa voiture, il me prit la main. J’avais le souffle coupé. J’affichais ce sourire, cet air niais, sot et gauche, signe du manque d’expérience dans la dépravation. Plus tard, je saisis les mots justes en accord avec l’évènement : dégradation volontaire.
Arrivée à mon studio, loué pour le mois, boulevard des Champs Élysées, il m’embrassa doucement sur chacune de mes paupières closes. Tu me manques déjà, m’avait-il susurré à l’oreille. Je me rappelle cette haleine de scotch et de mensonges. Odeurs de mépris si réconfortantes. Comme un adieu digne de ce nom, digne de ce con, de mon con. Cet acte resta imprégné en moi, telle une onzième empreinte digitale à ma vie. Je l’ai aimé, haï et je l’ai pleuré aussi. Je l’ai rappelé le lendemain.
Le Mont Connu
Je ne l’ai pas inventé, je l’ai lu. Ça m’a collé à la peau. Une sorte de tatouage au visage. J’ai fini par ne faire qu’un avec cette citation trouvée sur le Net : «