Un parfait coupable: Et si cela vous était arrivé ?
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À propos de ce livre électronique
Près de lui, le corps d’une femme gît sur le sable et sur son tee-shirt, il découvre avec horreur de multiples traces de sang. Déclaré coupable lors de son procès, il est incarcéré à San Miguel, le pénitencier le plus redouté des criminels, pour y purger une peine de vingt-cinq ans. Planté en plein désert, San Miguel est un univers de béton où cohabitent quatre mille détenus sous la responsabilité de Heiberg, directeur mégalomaneà la poigne de fer. L’immersion dans ce milieu carcéral extrêmement codé et violent va s’avérer… compliquée.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Née à Bordeaux, Brigitte Girault-Daux est l’auteure de plusieurs romans et nouvelles. Très tôt, elle est passionnée par l’imaginaire ce qui peut paraître antinomique face à un DES de banque et une profession de cadre bancaire.
Entre 2009 et 2013, elle participe à plusieurs concours littéraires. Six de ses nouvelles sont retenues et intégrées dans différents recueils collectifs.
2014 est l’année de publication de deux recueils personnels de nouvelles Nos parts d’ombre et Douze clés pour le paradis, suivis en 2017 d’un premier roman Randonnée Fatale puis d’un deuxième en 2018 D’une rive à l’autre.
Un parfait coupable est son troisième roman.
En savoir plus sur Brigitte Girault Daux
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Avis sur Un parfait coupable
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Aperçu du livre
Un parfait coupable - Brigitte Girault-Daux
Chapitre 1
Il fait une chaleur à crever. Si mon désespoir ne me tue pas, c’est elle qui va s’en charger. Le car cahote sur la piste de ce désert brûlant, une boule de feu incandescente supplicie la ferraille de la carrosserie, fait hoqueter le moteur, transpirer abondamment les types menottés et enchaînés autour de moi. Une odeur aigre flotte, nos tenues orange sont imprégnées de sueur, trempées sous les bras, dans le dos. Je suis assis sur ce siège aux ressorts défoncés depuis des heures pour traverser un no man’s land qui s’étire à perte de vue. La rocaille, le sable sont transpercés de part en part d’aiguilles de granit aux proportions vertigineuses, de blocs pierreux imberbes de végétation. À côté de moi, cent vingt kilos d’humeur massacrante prennent leurs aises et empiètent sur mon espace pour allonger confortablement leurs jambes dans l’étroite allée. P… tain, je donnerais n’importe quoi pour revenir un an en arrière. J’étais encore en France, j’avais un bel avenir professionnel, je venais de rencontrer Marion. Elle fit irruption dans ma vie alors que je multipliais les histoires sans lendemain, les rendez-vous douteux dans les bars glauques du périphérique. Le taxi qui m’emmenait m’encanailler était toujours le même. Fiable et discret, il ne partait jamais sans avoir acquis la certitude que j’avais réussi à ouvrir la lourde porte de mon immeuble à Neuilly. Il me ramenait à l’aurore pour que mes voisins et ma concierge soient bercés par Morphée, pour que personne ne me voie hésiter sur les touches du digicode, tituber dans le hall ou vomir dans le local à poubelles. Le matin, la douche et un café serré ne suffisant pas à me faire réintégrer ma peau de trader j’avalais un excitant qui faisait exploser des bulles dans mon cerveau. Il me rendait provisoirement mon efficacité, me confortait dans une sensation d’infinie puissance et j’étais à nouveau capable de surprendre et d’impressionner mes collègues de la Bourse parisienne. Mais en contrepartie, mon caractère devenait de plus en plus instable, je passais du rire à la colère en une fraction de seconde. Inexorablement, cela m’éloignait de tous. Marion, elle, résista plus longtemps, elle s’efforça de comprendre d’où venaient ces crises d’exaltation suivies d’atonie. Je restai vague, motivai mon attitude par un surcroît de travail, une accumulation de fatigue. Dans une logique compatissante, elle me conseilla de lever le pied mais la situation ne cessa d’empirer jusqu’à cet instant maudit où je franchis le pas qui sépare l’irascibilité verbale de l’agressivité physique. La violence des mots précède toujours celle des gestes si l’on en croit un dicton populaire dont j’ai tristement éprouvé le bon sens. Une nuit, dans un bouge de la capitale, à deux heures du matin, un poivrot saoulé à la bière se mit en tête d’embarquer la prostituée que j’avais choisie. Il s’énerva, me balança des insultes, en vint rapidement aux mains. L’alcool rendant son équilibre vacillant, j’esquivai facilement son attaque mais, dans un accès de rage incontrôlée, je ripostai par un direct du droit d’une telle force qu’il l’étendit pour le compte. En tombant, son crâne heurta le carrelage sale, une tache de sang s’élargit progressivement près de sa tempe. Aucune stimulation ne lui faisant reprendre connaissance, l’affolement se généralisa et, à contrecœur, le patron du bar dut se résoudre à appeler les urgences. Très vite, un gyrophare bleu balaya la devanture, une auscultation sommaire conclut à des contusions sans gravité sur un quintal sonné mais conscient et un sage principe de précaution l’aiguilla vers une chambre d’hôpital pour y subir une surveillance médicale de vingt-quatre heures. Ce coup de poing rageur me valut de comparaître devant un juge peu enclin à l’indulgence avec les rixes d’ivrognes. Il me toisa froidement derrière ses lunettes cerclées d’écailles de tortue avant d’énoncer son verdict d’une voix lassée :
— Six mois avec sursis.
Cette bagarre m’alimenta sur les listes noires de tous les lieux fréquentés par les noctambules de la ville, de ces gargotes que je hantais et le discours de leurs videurs, malgré mes offres de pourboires royaux, ne varia plus d’un iota.
— Tire-toi ! Ici, on ne veut pas d’un fouteur de merde….
C’est à la première gifle que Marion m’a quitté. Je me souviens de son regard. Stupéfait, incrédule. Immensément déçu. Il m’a immédiatement ramené à la réalité mais il était déjà trop tard, la porte avait claqué, le bruit de ses talons décroissait dans l’escalier. J’étais si honteux que je n’avais même pas cherché à la rattraper. Que ce serait-il passé si j’avais été moins lâche, si j’avais trouvé le courage de courir pour la rejoindre, pour l’implorer de me pardonner ? Serions-nous encore ensemble aujourd’hui ? C’est cette pitoyable soirée qui a été le point de rupture de notre relation. Mes innombrables lettres d’excuse sont demeurées sans réponse, mes appels téléphoniques quotidiens se sont empalés sur les phrases impersonnelles de son répondeur, son interphone est devenu sourd à toutes mes suppliques. Le trimestre suivant, en apprenant son déménagement par une de ses amies, en comprenant que je ne la reverrais plus, j’ai perdu pied. Je suis resté prostré sous ma couette durant des jours et des jours, bourré de remords, à m’abrutir de somnifères pour embrumer mon cerveau, pour tuer les pensées qui m’obsédaient, pour m’appliquer à flotter entre deux eaux, à mi-chemin entre le réel et cet ailleurs enténébré aussi longtemps que subsiste une once de vie. Et puis, un matin, affaibli, résigné, je me suis levé, je me suis assis devant mon ordinateur. J’ai contemplé stupidement mon reflet pendant plusieurs minutes et je me suis demandé, en appuyant sur le bouton « ON », à qui je pouvais envoyer un message pour m’aider à flinguer mon cafard. C’est là que j’avais dû admettre n’être proche de personne. Tous mes liens sociaux étaient superficiels, et à part Marion, tous s’enracinaient dans mon activité professionnelle, ils n’étaient que des exutoires utiles pour évacuer les tensions de mon métier, aucun ne s’était mué en amitié. Rien de ce que me disaient les trentenaires avec qui je sortais ne m’intéressait, je n’avais pas pour eux cette estime qui donne envie d’écouter, ni cette affection qui donne envie de partager des moments de liberté. Ils avaient pour fonction de me suivre dans mes délires, de s’affaler avec moi le samedi soir sur des comptoirs de bars enveloppés de vapeurs d’alcool, de tituber à mes côtés à l’aube pour repérer ma voiture, de rire bêtement à chacune de mes tentatives ratées pour enfoncer la clé de contact dans son orifice. Leur vision de la vie était strictement épicurienne, leur philosophie se limitait à profiter de bons repas, de bonnes bouteilles, à mettre chaque nuit une nouvelle fille dans leur lit. Alors qu’attendre d’eux pour m’extraire de ma sinistrose ? Ces réflexions ayant replongé mon moral dans les abysses, j’avais éteint mon PC d’un index hésitant. C’est là que le fond d’écran s’afficha, la photo d’un paysage américain écrasé de soleil, choisie alors que les pluies diluviennes de septembre noyaient Bordeaux et que je pataugeais dans les flaques sous une grisaille d’outre-tombe. Le bleu céruléen du ciel m’hypnotisa. Sur une impulsion, en quelques clics, je réservai un billet d’avion pour Los Angeles. L’éloignement. Je ne voyais plus que cela pour me guérir de Marion. Mon compte en banque était largement approvisionné par un job très rémunérateur, par d’enviables primes d’atteinte de mes objectifs, je maîtrisais parfaitement l’anglais, rien ne s’opposait à ce que je m’expatrie dans un pays dont je rêvais