La lettre
Accoudé au comptoir de l’établissement,Fabien pouvait apercevoir son reflet dans le miroir derrière les bouteilles. Et il se trouvait une petite mine. C’était pour cette raison qu’il avait commandé un café, même s’il n’avait jamais été très amateur de ce breuvage dont on vantait pourtant les attraits et avantages partout à travers le monde. Il ne s’était jamais fait à ce goût amer que l’ajout de sucre ou de lait ne parvenait pas à entièrement dissimuler. Et même chez les autres, à travers leur haleine persistante dans la journée, le café l’insupportait.
Mais prendre un shot de vodka le matin n’était pas non plus très recommandé.
C’est donc par défaut qu’il se trouvait devant un petit crème, ce matin-là, dans ce bar-restaurant par ailleurs très agréable de la ville de Québec, à des milliers de kilomètres de chez lui. Et il se demandait ce qu’il pouvait bien faire ici.
La question le taraudait depuis que l’avion avait décollé de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Bien sûr, il savait que cette fois-ci, il n’était pas là en touriste, que sa visite au Canada francophone avait du sens et qu’il ne pouvait pas retourner en arrière. Il reprit une gorgée de ce café qui n’avait d’autre fonction que de le réveiller, même si, au fond, il n’avait pas vraiment envie de l’être. Il aurait préféré que tout cela ne fût qu’un rêve dont il pourrait se délivrer à n’importe quel moment.
Mais ce n’était pas un rêve. Même s’il était assis dans le bar où il l’avait vue pour la première fois alors qu’il pensait bien ne jamais s’y retrouver un jour. C’était un souvenir clair et lumineux, de ceux qui s’inscrivent dans votre cerveau jusqu’à votre mort et gardent à jamais leur fraîcheur primitive. Six ans avaient passé, pourtant…
Ce matin de juillet 1978, son avion venant de Paris l’avait déposé une grosse heure auparavant à l’aéroport Jean-Lesage.
Un bus faisant la navette jusqu’au centre de Québec l’avait ensuite lâché dans une rue commerçante et livré à lui-même pour le meilleur ou pour le pire.
Le bar, du genre pub, était le premier
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