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Préty: L'héritière
Préty: L'héritière
Préty: L'héritière
Livre électronique346 pages4 heures

Préty: L'héritière

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À propos de ce livre électronique

Préty, la fille de Maya et de Charles et petite fille de Raoul et d’Angély, va avoir un destin particulier, particulièrement après le décès de sa mère.

Elle sera élevée et orientée par Raoul et son épouse Poja qui l’aime tendrement, car Charles, son père passe la plupart de son temps dans les ministères, à Paris.

Elle fait des études de médecine “pour trouver une parade à la maladie qui a emporté sa mère”, et obtient des résultats excellents, qui se terminent par un doctorat en médecine et une maîtrise en virologie.

Mais le destin — comme pour sa mère et sa grand-mère — va changer, de façon radicale, le cours de sa vie.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Laurette Rocha est née à Porto, au Portugal, en 1947. A l’âge de vingt ans, elle est venue en France et y épousa Alphonse.
Maintenant retraitée et passionnée par le cinéma indien, elle consacre une partie de ses loisirs à l’écriture de romans et termine la saga d’une famille indienne en France dont Un Amour Éternel est le premier et le plus court roman de cette quadrilogie qui raconte l’intégration de cette famille et l’amour impossible entre le fils aîné et la fille de la servante portugaise. Le Destin de Maya, Préty, l’héritière et La Vie Continue complètent cette saga.
LangueFrançais
ÉditeurEncre Rouge
Date de sortie3 sept. 2021
ISBN9782377898565
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    Aperçu du livre

    Préty - Laurette Rocha

    cover.jpg

    Laurette ROCHA

    PRÉTY

    L’héritière

    Roman

    PRÉTY

    La fille de Maya

    Nous allons suivre, pas à pas, tout le long de ces pages l’adolescence et la jeunesse d’une jeune fille rémoise, issue d’une importante famille de la Ville des Sacres.

    Maya, la mère de Préty décéda à la suite d’une maladie héréditaire – qu’elle avait réussi à cacher à tous, sauf à son mari et à sa mère –, le jour où sa fille fêtait ses vingt ans.

    Le décès prématuré de la jeune femme causa une grande peine à Préty et déstabilisa Charles, son mari qui l’aimait à la folie et qui maintenant se trouvait seul avec sa fille… et son travail qui l’accaparait quotidiennement. Il pouvait, bien entendu, compter avec ses beaux-parents, Raoul et Poja, mais cela n’était pas suffisant pour amoindrir son immense chagrin.

    La jeune Préty – fille de Maya – fut toujours une jeune fille sage et aimée de tous, non seulement par ceux de sa famille, mais aussi par ses amis.

    Jusqu’à la mort de sa mère, elle vécut tranquillement avec ses parents, dans une totale harmonie, car ils formaient une famille très unie et respectée de tous.

    Préty aimait ses parents, mais elle avait pour sa mère un amour très particulier, elle avait trouvé en elle une confidente toujours attentive et de bon conseil.

    Sa tristesse fut énorme, car en perdant sa mère elle perdait en même temps sa confidente, celle qui était toujours à son écoute, la conseillait et partageait avec elle son expérience de la vie. Mais son chagrin ne s’arrêtait pas là : elle avait de la peine de voir son père, chaque fois qu’il revenait à la maison, toujours triste et inconsolable.

    Préty souffrait et, de temps en temps, elle avait besoin de s’épancher, de parler de son chagrin à quelqu’un. Alors elle en parlait à Poja, sa grand-mère, chez laquelle elle vivait maintenant, elle lui demandait quelques fois :

    ⸺ Grand-mère, j’avais tellement besoin d’elle ! Que va devenir mon père, sans ma mère ? Malgré sa souffrance intérieure, il se montre fort : il aimait beaucoup ma maman…

    ⸺ Oui, ma chérie, qui n’aimait pas ta mère ?

    Poja qui, ce jour-là ressentait, elle aussi une grande peine, chercha à esquiver les questions de sa petite-fille et lui dit :

    ⸺ Chérie, je vais te laisser un moment, car il me faut préparer le repas…

    Préty resta seule dans sa chambre et continua à réfléchir sur l’état de son père qu’elle aimait tendrement, et comme si elle lui parlait, elle se disait à elle-même :

    Je serai toujours à tes côtés, papa, tu peux toujours compter sur moi ! Je sais que tu m’aimes beaucoup, que tu m’adores ; crois-moi, c’est réciproque.

    Les occasions dont disposait Charles pour rester avec sa fille étaient minces, à cause de son travail, mais il aimait Préty de tout son cœur et se sentait triste de ne pas être plus souvent avec elle. Il savait également que rien ne lui manquerait, car Raoul et Poja lui donneraient tout l’amour dont elle aurait besoin, même s’il était conscient que l’amour de sa mère lui manquerait, car entre elles existait une saine complicité.

    La mort de son épouse fut la cause de son éloignement de la maison de Reims, car il lui était très pénible d’y entrer et de trouver la maison vide, pleine de souvenirs de sa défunte épouse.

    Raoul et Poja s’étaient toujours occupés de leur unique petite-fille, Préty. Ils ressentaient envers elle un amour exclusif, que celle-ci rétribuait grandement, car elle aussi les aimait beaucoup et se sentait heureuse près d’eux.

    Poja faisait tout ce qu’elle pouvait pour Préty, afin que la jeune fille ne ressente pas trop la disparition prématurée de sa mère, malgré la souffrance qu’elle-même endurait d’avoir perdu son unique fille, que le destin capricieux lui avait donnée et qui maintenant le lui enlevait.

    Elle qui avait toujours été une personne très attentionnée envers sa fille Maya, lui accorda tout l’amour qu’une mère peut donner à une fille.

    Quand Maya, à l’hôpital, lui avait demandé de veiller sur Préty comme s’il s’agissait de sa propre fille, sa douleur avait été immense en entendant ces paroles, comprenant alors, avec certitude, qu’elle allait perdre sa fille pour toujours.

    Poja, dont la fierté était d’avoir adopté cette enfant et offrir à Raoul le fruit de son propre amour, resterait maintenant et à jamais inconsolable, avec les souvenirs du passé, depuis son impossibilité d’engendrer et la recherche d’une mère porteuse, et le destin avait voulu que ce fût le premier amour de Raoul, Angély.

    L’attitude de Poja, pendant toutes ces années, peut paraître à beaucoup comme une faiblesse ou un manque de caractère, mais il n’en est rien : elle s’était fixé un but – ses origines indiennes l’exigeaient – tout faire pour garder son mari, même si pour cela elle aurait à faire de grands et surprenants sacrifices, que tous ne peuvent pas comprendre.

    Combien de fois, seule dans sa chambre, elle demandait à Krishna de lui accorder la grâce d’être toujours aimée et chérie par Raoul comme celui-ci avait aimé Angély.

    Une chose est certaine, toutefois : les personnes qui l’ont connue et la connaissent sont unanimes pour dire qu’elle a toujours été une personne très courageuse et très aimable et que toujours elle a cherché à faire le bonheur de ceux qui l’entouraient. Mais Poja gardait aussi dans son cœur un certain nombre de souvenirs dont elle ne parlait jamais, mais qui la faisait beaucoup souffrir intérieurement.

    Raoul, parfois, sans aucune arrière-pensée, faisait comprendre à son épouse qu’Angély était toujours présente dans sa pensée, Poja était convaincue qu’avec le temps son mari finirait par l’oublier. Mais Raoul ne pouvait pas s’empêcher de penser à celle qui lui avait donné Maya, fruit d’un amour impossible. Et en même temps, il ne pouvait non plus oublier il en était même convaincu, tout ce que Poja, généreusement, avait fait pour sa rivale.

    Raoul aimait Poja et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour la rendre heureuse, parce qu’il reconnaissait dans les actes et gestes de son épouse, une preuve d’amour, une manière, même si particulière, de lui montrer qu’elle l’aimait plus que toute autre chose et ne voulait, en aucune façon détruire le foyer que tous les deux avaient fondé. En effet, comment pouvait-il oublier ce que Poja avait fait pour Angély, à des moments bien particuliers de la vie de celle-ci.

    Qui aurait eu le courage d’inviter une rivale au mariage de Maya ? Qui aurait eu le courage de payer les dernières traites du crédit de la maison où vivaient Maria et Angély ? Il fallait pour ça avoir un grand cœur, un cœur bien fort et un courage hors du commun. Et pourquoi l’a-t-elle fait ? Pour conquérir le cœur de son mari, pour se sentir aimée de lui et se sentir enfin heureuse, vraiment heureuse, car pour elle l’amour était plus fort que tout le reste.

    Cette « conscience » de l’amour de Poja envers lui l’obligeait à se montrer amoureux, intentionné et câlin, ce qui le poussait à lui acheter de beaux cadeaux, à l’inviter souvent au restaurant, voyager avec elle, à chaque fois qu’il en avait le loisir.

    Poja, depuis la mort de sa fille, se rendit encore plus présente auprès de Raoul, pour l’aider à traverser cette terrible période de souffrance. Mais Poja avait une autre préoccupation qui occupait aussi son cœur : l’avenir de Préty, car elle avait promis à sa fille de s’en occuper et de la combler d’autant d’amour qu’elle le pourrait.

    Souvent lui venaient à l’esprit les paroles de sa fille peu avant de mourir :

    Maman chérie, donne à Préty tout l’amour dont elle aura besoin, comme tu l’as fait pour moi !

    ***

    Mais ce n’était pas Préty uniquement qui occupait l’esprit de Poja. Charles, qui maintenant se trouvait seul, sans quelqu’un qui puisse lui venir en aide, capable de l’encourager et de lui montrer un peu de tendresse, sauf la famille, était pour Poja un motif de préoccupations continuelles et d’interrogations fréquentes. Le cœur aimant et sensible de cette femme, toujours prêt à vibrer et à s’enflammer pour les « bonnes causes », souffrait du désarroi de son gendre et ne souhaitait autre chose que de pouvoir lui venir en aide, d’être un peu une lumière dans l’obscurité qu’il traversait, malgré lui.

    Il est vrai qu’elle et Raoul faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour encourager leur gendre, pour le distraire, mais la souffrance restait et son cœur pleurait amèrement pendant les longues nuits passées dans cette grande maison, où seuls les arbres laissaient entendre les gémissements causés par le souffle du vent.

    Bien souvent il se rappelait le voyage à Madère où Maya avait été victime des premiers symptômes de la maladie qui allait l’emporter. Il lui arrivait de se sentir coupable de ne pas avoir été plus exigent avec son épouse, car, se disait-il, une maladie prise en charge rapidement peut quelquefois être guérie. Puis, pour se donner un peu de courage et de baume au cœur, il se disait que rien n’aurait pu arrêter le sort, que c’était vraiment son destin de mourir de la sorte.

    Il passait ainsi des nuits blanches et cauchemardesques qui n’étaient peuplées que par le souvenir de l’épouse qu’il avait tant aimé. Quelquefois l’idée du suicide effleura son esprit, mais aussitôt il la chassait, car il voulait vivre pour sa fille.

    Puis, bien des fois, il « méditait » sur la maladie qui avait emporté son épouse et se disait à lui-même :

    Terrible maladie que celle-là qui consume ses victimes si rapidement, si sournoisement… On ne s’en rend même pas compte au début, on ne décèle aucun symptôme, mais ensuite, tout s’accélère et la mort arrive si vite…

    La douleur de Charles était permanente, car, devant ses yeux il avait toujours l’image de Maya, Maya qu’il ne pouvait pas oublier et qu’il aimait toujours d’un amour fou.

    Quelquefois, dans les moments de calme, il se tournait vers Dieu et, dans le silence de son cœur, demandait :

    Pourquoi, Seigneur, pourquoi m’as-tu pris l’amour de ma vie ? Elle n’a jamais commis le mal, bien au contraire, elle n’a toujours cherché qu’à faire du bien autour d’elle et toi, mon Dieu, tu m’en as privé… Mais, pourquoi ? Pourquoi ? Ne vois-tu pas comme elle me manque ainsi qu’à notre fille ?

    Puis, d’autres fois, seul dans sa chambre il entretenait une conversation avec son épouse, comme si elle était présente, à côté de lui.

    Maya, mon amour, combien tu me manques ! Combien tu manques à notre Préty !

    À bout d’arguments ou de solutions, il décida de ne plus venir à Reims chaque fin de semaine, pour éviter de se trouver seul dans cette maison qui lui rappelait tant de bons souvenirs, mais aussi tant de peines, encore récentes et bien douloureuses.

    Il en parla à Préty et lui expliqua la raison de sa décision. Préty qui vivait chez ses grands-parents, ne protesta pas et sembla comprendre le bienfondé de la décision de son père.

    ⸺ Je te téléphonerai toutes les semaines, ma chérie, mais j’ai besoin de changer d’air, non pas pour oublier ta maman, mais pour me donner un peu recul et essayer d’échapper à ce cauchemar qui me poursuit chaque nuit.

    Préty ne commenta pas cette décision et sembla même l’approuver.

    ⸺ Ce que je veux, papa, c’est que tu te sentes bien !

    Cette nuit-là Charles dormit encore chez lui et, comme toujours, sa pensée fut occupée par l’image de Maya.

    Et des larmes abondantes coulaient sur son visage.

    J’espère, mon amour, que tu es auprès de celle qui t’a donné la vie et que toutes deux vous puissiez vivre un amour que jamais je ne pourrai comprendre, mais qui certainement vous unit pour toujours…

    Et, « dialoguant » de la sorte, Charles finit par s’endormir et se reposer un peu.

    SOUVENIRS DOULOUREUX

    La mort de Maya laissa dans le cœur de Raoul une blessure qui ne guérirait jamais. Bien souvent, Poja le trouvait dans son bureau, pleurant amèrement la perte de sa fille. Combien de fois elle l’entendait causer avec Maya, comme si celle-ci avait été présente à ses côtés.

    Comment pourrai-je oublier, ma chérie, quand tu me souriais tendrement, quand tu me disais, accrochée à mon cou : « Papa, je t’aime » ? Si tu savais combien ces moments de tendresse me manquent ! Ma fille, quand ton mari t’a enlevée de mes bras, je pensais mourir – confessait-il avec émotion. Maintenant une seule consolation nous reste : nous occuper de Préty et voir en elle ton image, voir en elle ce que nous ne pourrons plus jamais voir en toi. Repose en paix…

    Ce fut lors de l’un de ces monologues que Poja, entrant dans le bureau de son mari, lui demanda :

    ⸺ Raoul, que fais-tu ici tout seul ? À qui parlais-tu ?

    ⸺ Je regardais tout simplement la photo de notre Maya…

    ⸺ Tu sais, chéri, notre fille ne voulait pas te voir triste, et surtout pas dans cet état.

    ⸺ Je sais, Poja.

    ⸺ Tu sais que je t’aime, reprit Poja, et que j’ai encore besoin de toi ?

    Raoul regarda tendrement son épouse, essuya les yeux du revers de la main, se leva et prenant Poja dans ses bras, l’embrassa et lui dit ensuite à l’oreille :

    ⸺ Tu es formidable ! Je ne sais pas comment tu fais pour avoir une telle énergie !

    Puis, desserrant l’étreinte, il lui demanda :

    ⸺ Toi et Charles, vous le saviez depuis longtemps, n’est-ce pas ?

    ⸺ Oui, Raoul, mais elle nous avait demandé de ne pas te mettre au courant, toi et Préty : elle ne voulait pas vous voir souffrir, répondit Poja.

    ⸺ Elle a tout fait pour que je sois fier d’elle, jusqu’à sa mort, dit Raoul avec une certaine fierté. Mais, j’aurais préféré être mis au courant…

    ⸺ Tu sais très bien comment était notre Maya, mon chéri : sa joie et son bonheur étaient de te savoir heureux et de te voir sourire chaque fois que vous vous rencontriez. Elle a démontré une énorme force de caractère, en gardant toujours son sourire aux lèvres, afin que tu ne te rendes compte de rien, pour ne pas te montrer sa souffrance.

    ⸺ C’est vrai, Poja. Voilà pourquoi je n’ai jamais remarqué qu’elle était malade, mais maintenant je comprends parfaitement son attitude envers moi. Quelle preuve d’amour elle m’a donnée !

    Poja ressentait aussi dans son for intérieur le vide que représentait l’absence de sa fille, mais elle le supportait en silence, afin que Raoul soit le moins atteint possible par le drame qui petit à petit se nouait autour d’eux. Elle pensait qu’en agissant ainsi, son mari aurait davantage de courage, en la voyant joyeuse. Elle en faisait de même vis-à-vis de Préty. Poja était persuadée que leur peine serait ainsi atténuée.

    De temps en temps, le souvenir de ce qu’elle avait fait pour Angély venait également occuper sa pensée.

    ***

    Raoul, lui aussi, quelquefois, comme pour conjurer le destin, qui semblait ne pas vouloir lui sourire, passait en revue certaines scènes du passé, celles qui avaient le plus marqué sa vie.

    Il lui arrivait de penser à Maria, l’employée de maison de ses parents, qui avait tant compté pour lui et pour sa sœur Tina, et qui, par-dessus tout, était la mère d’Angély.

    Il se rappelait aussi de la maison qu’Angély avait laissée au Portugal, pour Maya, là où il avait passé, avec Poja, quelques jours de plein bonheur… Puis le cercle se refermait et bientôt la mort de Maya venait hanter sa pensée, serrer son cœur et lui rappeler un passé encore bien proche.

    C’était à ces moments-là que Poja devenait plus présente, plus aimante et attentive encore envers son mari, lui répétant calmement qu’il était nécessaire d’avoir de la patience et accepter ce que le destin leur avait réservé. Elle lui rappelait également qu’ils avaient la chance d’avoir Préty chez eux, qu’elle était pour eux le meilleur remède contre le chagrin et le désespoir.

    ⸺ Raoul, disait-elle, il nous faut être forts, il nous faut être courageux et accepter ce que le destin nous a réservé…

    Quelquefois, elle ajoutait encore, comme pour convaincre son mari :

    ⸺ Nous ne pouvons pas oublier que nous avons promis à Maya d’aimer Préty, de l’aimer comme si elle était notre fille.

    Poja avait toujours été une personne d’une grande bonté, d’une extrême charité, non pas une charité intéressée, mais cette charité qui est toujours remplie de tendresse, d’un vrai et sincère amour. Tout accepter pour que son mari se sente heureux, la seule chose qui comptait à ses yeux, même au prix de souffrances et de revers qu’elle cachait soigneusement au plus profond de son cœur honnête et sensible à l’extrême.

    Raoul savait que Poja était capable de tout pour le rendre heureux, même des plus grands sacrifices. C’est pourquoi, pour lui monter cet amour et cette gratitude, il la serrait souvent dans ses bras et lui murmurait à l’oreille, comme s’il s’agissait d’une confidence :

    Je sais, ma chérie, je sais que je peux compter sur toi, qu’auprès de toi j’aurai toujours le réconfort nécessaire pour vaincre les coups sournois du destin. Merci, chérie ! Je t’aime !

    ***

    Poja venait de rentrer : elle était allée conduire sa petite-fille à l’université, car Préty avait préféré ne pas prendre sa voiture, ce qui arriverait bien souvent par la suite. D’autres fois, c’était Raoul qui la conduisait, mais, en ce moment, il ne se sentait pas en condition pour conduire une voiture, voilà pourquoi il avait préféré « déléguer » cette tâche à son épouse, qui en fin d’après-midi referait le même chemin et pour la même raison.

    Charles, comme il a déjà été dit, après la mort de son épouse, se consacrait à cœur perdu à son travail, mais téléphonait fréquemment à sa fille.

    Il avait du mal, en effet, d’entrer dans cette maison et de sentir la « présence » de son épouse, ce qui provoquait en lui une vague de souvenirs et le faisait souffrir.

    Venir à Reims et se trouver face à ses beaux-parents lui faisait venir à l’esprit ces mêmes souvenirs, d’autant plus qu’il savait que Raoul devait être ménagé. Voilà pourquoi il prit la décision d’espacer ses allées et venues dans la ville des Sacres. Voilà pourquoi, également il préféra accepter des missions à l’étranger, même de longues et difficiles missions. Elles l’occupaient à plein temps.

    Un soir, alors qu’ils étaient tous à table, le téléphone sonna.

    Raoul dit à Préty :

    ⸺ C’est certainement pour toi, chérie.

    Elle courut immédiatement, décrocha le téléphone, et sans même vérifier, s’exclama :

    ⸺ Papa !

    ⸺ Ma fille ! dit Charles entendant la voix de sa fille.

    ⸺ Comment vas-tu, papa ?

    ⸺ Cela peut aller, ma fille, j’ai beaucoup de travail actuellement, dit-il à Préty. Écoute, ne sois pas étonnée ni triste si tu ne me vois pas venir de si tôt…

    ⸺ Sois tranquille, papa, répondit-elle, avant que son père n’ait eu le temps de terminer sa phrase.

    ⸺ Je n’ai pas d’autre solution, ma chérie, continua Charles, avant de demander : Comment vont tes grands-parents ?

    ⸺ Comme nous… il suffit de les regarder pour deviner leur tristesse…

    ⸺ Préty, il faut que nous soyons patients. Combien j’aimerais t’offrir une autre vie, mais je ne le peux pas, pour le moment…

    ⸺ Ne t’en préoccupe pas, mon papa, je vais bien, je t’assure.

    ⸺ Veille bien sur eux. Fais ce que tu pourras, chérie, ils le méritent bien ! À bientôt, ma Préty. Embrasse-les de ma part, termina Charles très ému, avant qu’il ne tombe en larmes.

    ⸺ Bisous, papa et à bientôt… je vais embrasser papi et mamie de ta part, ajouta-t-elle à haute voix, de façon que ses grands-parents l’entendent.

    Et elle raccrocha.

    Après son court entretien avec sa fille, Charles ne résista plus et laissa couler ses larmes.

    Il réfléchissait à sa vie d’homme seul, soumis à son travail et à ses souvenirs plus lointains qui lui rappelaient son ancien bonheur. Son épouse, avec qui il partageait tout, lui manquait atrocement, elle qu’il avait tant aimée. Sa fille lui manquait : il se sentait dans une profonde solitude qui ressemblait plutôt à désert aride qu’aux champs verdoyants de sa Champagne natale. Mais il lui fallait être fort, dépasser les difficultés du moment, afin que son travail ne s’en ressente pas, afin que personne ne se rende compte de sa souffrance intérieure.

    Voilà ce qu’est sa vie depuis le décès de son épouse Maya !

    ***

    Quand Préty revint vers ses grands-parents, après avoir parlé à son père, elle leurs présenta les filiales salutations que celui-ci leur adressait et leur dit qu’il les embrassait bien tendrement.

    ⸺ Comment va-t-il ? demanda aussitôt Raoul.

    ⸺ Il va bien, grand-père. Il m’a dit qu’il avait actuellement beaucoup de travail et ne rentrerait pas pendant quelque temps…

    Dès que le repas fut terminé, Préty leur dit :

    ⸺ Si cela ne vous dérange pas, je vais dans ma chambre, car j’ai un exercice à préparer pour demain.

    ⸺ Vas-y, chérie, fais ce que tu as à faire et si tu as besoin d’aide, je suis à ta disposition.

    ⸺ Merci, grand-père. À tout à l’heure, répondit-elle.

    Restés seuls, Raoul demanda à Poja :

    ⸺ Crois-tu que c’est à cause de son travail que Charles ne vient pas à la maison ?

    ⸺ Je crois deviner à quoi tu veux faire allusion… Mais peut-être est-ce la vraie raison, ou alors il n’ose pas rentrer chez lui et je le comprends, Raoul.

    Poja cherchait à donner une explication plausible à son mari, afin qu’il ne poursuive pas son exploration des raisons qui empêchaient Charles de revenir à Reims. Elle lui dit encore :

    ⸺ Raoul, va regarder les actualités à la télé, j’arrive et nous continuerons notre conversation.

    Raoul regarda son épouse, sourit, se leva de table et partit dans le salon, alluma la télévision et s’assit sur le canapé en attendant que Poja revienne et lui apporte son thé habituel.

    ***

    Le lendemain, Tina téléphona pour dire qu’elle allait passer.

    ⸺ Viens, Tina, cela me fait plaisir, répondit Poja un peu plus rassurée.

    Ayant remarqué dans la voix de sa belle-sœur que celle-ci paraissait un peu démoralisée, Tina se présenta rapidement chez elle et, comme à son habitude, la première question fut :

    ⸺ Où est mon frère ?

    ⸺ Il est sorti, faire son petit tour habituel.

    ⸺ Et il y va toujours seul ? demanda Tina.

    ⸺ Pas toujours, répondit Poja, de temps en temps je l’accompagne, mais aujourd’hui, sachant que tu allais venir, je l’ai laissé partir seul : ainsi nous pourrons bavarder un peu, toutes les deux…

    ⸺ Poja, tout à l’heure au téléphone tu m’as dit qu’il était un peu pensif… mais, cela est normal ! Tu sais combien il a été touché par la mort de Maya. Mais, dis-moi, mange-t-il normalement ?

    ⸺ Oui, comme d’habitude, ni plus ni moins…

    ⸺ Cela est bon signe, dit Tina calmement.

    Elle allait continuer, mais Poja entendit les pas de Raoul et dit tout bas à sa belle-sœur :

    ⸺ Il arrive. Je vais le rejoindre pour lui dire qu’il a une visite surprise qui l’attend.

    Poja se leva, alla jusqu’à la porte, aida Raoul à se défaire de son manteau et lui dit :

    ⸺ Chéri, tu as une visite qui t’attend dans le salon.

    ⸺ Qui est-ce, Poja ? demanda-t-il.

    ⸺ Entre et tu verras, Raoul.

    Raoul entra dans le salon et, voyant sa sœur, l’embrassa tendrement et, posant sa tête sur son épaule, il commença à pleurer et à se lamenter.

    ⸺ Ma petite sœur, combien c’est douloureux pour moi de ne pas voir ma fille ! Quand elle venait chez nous, elle n’avait que des mots pleins de tendresse à notre égard ! Combien de fois elle me disait : « Papa, je t’aime » ! Maintenant, je ne peux plus écouter ces paroles… Combien elle me manque, Tina, combien ces mots me manquent !

    ⸺ À moi aussi, elle me manque, Raoul, mais il nous faut être forts et courageux. Souviens-toi, mon frère, ce qu’elle t’a demandé avec tant d’insistance, dit Tina cherchant à consoler son frère.

    ⸺ Je sais, Tina, et je ne l’oublierai jamais, mais c’est si difficile de supporter cette séparation, répondit Raoul alors que du revers de la main il essuyait les larmes.

    ⸺ Souviens-toi, Raoul, que tu as une charge importante que t’a confiée Maya : l’éducation de sa fille. Souviens-toi également que tu ne vis pas seul : tu as Poja qui t’aime et qui fait tout ce qu’elle peut pour toi…

    Pendant ce temps, Poja était restée muette. Elle préféra aller dans la cuisine préparer le thé et les laisser parler tranquillement. Tina en profita pour dire à son frère :

    ⸺ Raoul, je sais que la vie n’est pas simple et que le moment que tu traverses – que nous traversons tous – est extrêmement douloureux, mais je te le répète, tu dois penser à Poja – elle n’est pas là pour nous entendre –, mais elle aussi souffre beaucoup, même si elle ne te le montre pas, car elle n’a pas le même caractère que toi, Raoul, mais je sais qu’elle souffre…

    ⸺ Je sais, Tina, mais c’est plus fort que moi, répondit Raoul, l’air attristé.

    ⸺ Je crois que tu dois penser aussi à ta petite-fille et à l’amour qu’elle attend de toi, comme tu l’as promis à sa mère. Préty a besoin de vous, elle

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