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La breloque du destin
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Livre électronique336 pages5 heures

La breloque du destin

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À propos de ce livre électronique

Quatre breloques, une chance

Respectant toujours sa règle «motus et bouche cousue» à propos de son don psychique, Sabine est absolument enchantée d’être de retour à la ferme de sa grand-mère Nona, et de retrouver ses amis et son amoureux au sein de la calme (et sécuritaire) ville de Shedidan Valley. Elle vient juste de découvrir que son père a une autre fille, Jade, et elle ne veut rien avoir à faire avec une demisoeur inavouée. Elle se projette involontairement dans un voyage astral qui l’amène à espionner Jade — et elle se retrouve témoin d’un meurtre!

La santé défaillante de Nona prend cependant le pas sur tout, et Dominic et Sabine tentent désespérément de pénétrer le secret des breloques codées pour trouver le remède perdu— dissimulé depuis plus de cent ans. Les sentiments passionnés de Sabine pour Dominic sont difficiles à cacher — sauf qu’elle n’a pas le temps de penser aux conséquences sur sa relation avec son petit ami. Si elle et Dominic ne trouvent pas rapidement le remède de famille, Sabine pourrait perdre sa grand-mère à tout jamais.
LangueFrançais
Date de sortie15 mai 2020
ISBN9782898084911
La breloque du destin
Auteur

Linda Joy Singleton

With plots involving twins, cheerleaders, ghosts, psychics and clones, Linda Joy Singleton has published over 25 midgrade and YA books. When she's not writing, she enjoys life in the country with a barnyard of animals including horses, cats, dogs and pigs. She especially loves to hear from readers and speaking at schools and libraries. She collects vintage series books like Nancy Drew, Trixie Belden and Judy Bolton. When Linda is asked why she'd rather write for kids than adults, she says, "I love seeing the world through the heart of a child, where magic is real and every day begins a new adventure. I hope to inspire them to reach for their dreams. Writing for kids is a gift, a responsibility, and an honor."

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    Aperçu du livre

    La breloque du destin - Linda Joy Singleton

    livre.

    Partie 1

    Retour à la maison

    1

    Est-ce mal de détester une personne juste parce qu’elle est née ? Je m’interrogeais là-dessus pendant que j’épiais la voleuse qui m’avait dérobé davantage que mon visage.

    Le morne matin gris convenait à mon humeur maussade. Je m’étais levée tôt et j’avais sauté le petit-déjeuner ; à présent, mon estomac grondait. Je n’avais pas voulu conduire jusqu’ici, pourtant, je me sentais attirée par cette maison comme une mouche par un papier collant.

    Je devais voir la rouquine encore une fois. Je ne lui avais jamais parlé, et je ne connaissais presque rien d’autre que son nom : Jade. J’avais essayé de me mettre au diapason avec elle psychiquement, mais mes émotions instables court-circuitaient mon sixième sens, et je n’avais rien obtenu.

    La partie rationnelle de mon cerveau savait que la fille n’avait rien fait de mal. Néanmoins, je la détestais quand même, et je voulais la blesser aussi profondément qu’elle m’avait blessée. Elle était mon ennemie — la demi-sœur secrète que mon père avait cachée jusqu’à hier.

    Affalée, avec mon manteau sombre et mes cheveux blonds dissimulés sous une casquette, je regardais par la vitre de ma voiture la maison jaune avec en façade une énorme jardinière en brique. Il n’y avait pas de fleurs dans la jardinière, uniquement des herbes qui semblaient mortes, et la brume du matin faisait briller la rosée sur chaque brique usée, comme si la maison pleurait des larmes de sang.

    Je m’étais garée discrètement sous les vignes envahissantes d’un saule, et j’espérais que personne ne remarquerait une voiture de plus dans ce quartier plein à craquer de véhicules aux coins des rues, dans les allées de garage, et même sur les pelouses. Après tout, il y avait cinq voitures entassées dans l’allée de garage de la maison jaune.

    L’une d’elles appartenait-elle à Jade ?

    Me rapprochant de la vitre de ma voiture, je l’aperçus à travers les rideaux transparents alors qu’elle se déplaçait dans ce qui me semblait être le salon. La lumière dorée d’une lampe illuminait ses cheveux roux, ce qui donnait l’impression qu’ils brûlaient. Elle collait un téléphone à son oreille tout en gesticulant de l’autre main. Je ne pouvais pas voir son visage de si loin, mais son langage corporel suintait le drame, et je me demandais ce qu’elle disait. Bien plus, je me demandais si elle lui parlait, à lui.

    Notre père.

    Cela avait été un hasard — ma découverte.

    Alors que papa me reconduisait à la maison (après une journée angoissante meublée par la trahison, la violence et les policiers), son portable avait sonné. Je voyais bien à la façon discrète de papa de murmurer et de me jeter des coups d’œil qu’il se passait quelque chose d’étrange, alors j’avais fait semblant de dormir. Cependant, la comédie avait pris fin quand papa avait fait un crochet par cette maison, où il avait été accueilli par une fille d’à peu près mon âge et par une femme que je supposais être sa mère. À part ses cheveux roux, la fille me ressemblait de façon choquante. J’éprouvai encore un plus grand choc quand elle enroula ses bras autour de mon père et qu’elle l’appela « papa ! »

    Tout d’abord, je crus qu’elle avait pris mon père pour quelqu’un d’autre.

    Mais c’est moi qui faisais erreur.

    À propos de mon père.

    Par la suite, mon père m’avait conduite dans un café presque désert et nous nous étions assis à la table l’un en face de l’autre. La peine et la colère bouillonnaient en moi comme le thé dans ma tasse, et me laissaient un mauvais goût.

    — Ne me regarde pas comme ça, Sabine. Laisse-moi t’expliquer, s’il te plaît, dit mon père d’une voix basse et peinée qui, habituellement, m’aurait influencée.

    Mais je restai de marbre en m’abreuvant d’amertume brûlante.

    Pourtant, je ne pouvais pas m’empêcher d’écouter alors qu’il parlait.

    Il m’expliqua qu’avant son mariage avec ma mère, il avait rencontré Crystal au casino où elle travaillait comme croupière. Crystal était belle, débridée et imprévisible, à l’inverse des filles convenables de bonne famille qu’il fréquentait d’habitude. Il se croyait amoureux et il la demanda en mariage. Ils furent fiancés pendant seulement quelques semaines, avant qu’elle ne le plaque pour un homme riche plus âgé. Papa avait eu le cœur brisé, mais il s’en était remis rapidement, et il avait fini par épouser ma mère. Je suis née un an plus tard.

    Il ne savait même pas que Crystal avait eu un enfant, jusqu’à ce que son mari meure, il y a quatre ans, endetté auprès de tellement de créanciers que sa femme et sa fille déclarèrent faillite. C’est à ce moment-là que Crystal avait cherché mon père et lui avait présenté Jade, âgée de treize ans : sa fille aînée.

    — La ressemblance de Jade avec toi ne laissait aucun doute sur le fait qu’elle était de moi.

    Mon père soupira profondément, ses mains refermées autour d’une tasse de café comme s’il s’accrochait à une bouée de sauvetage.

    — Elle a manqué tant de choses. Je ne pouvais pas rattraper les années perdues, mais, depuis, j’ai fait de mon mieux pour être un père sur lequel elle peut compter.

    — Mais… et nous ? lui demandai-je doucement. Ta vraie famille ?

    — Vous n’avez manqué de rien.

    — Sauf de toi.

    Il ferma les yeux comme si j’étais le soleil et que me regarder de trop près lui ferait perdre la vue. Et il ne dit rien. Ce père avocat, que j’avais idolâtré toute ma vie et qui pouvait influencer un jury avec son éloquence brillante, ne prononça aucune parole pour sa défense ; il se contenta de baisser les épaules en acceptant sans joie mon verdict de culpabilité.

    Une serveuse arriva avec une cafetière, remplit la tasse de papa et me demanda si je voulais encore du thé. Je secouai la tête, mon regard fixé sur papa, sans lever les yeux. Quand elle se tourna vers l’autre table, je demandai d’une voix douce :

    — Est-ce que maman le sait ?

    — Non. Et je préférerais que ça reste ainsi.

    — Tu veux que je mente pour toi ?

    — J’espère que tu respecteras ma vie privée.

    — Que sais-tu du respect ?

    Mes mains se resserrèrent autour de ma tasse de thé, et je fus tentée de lui jeter au visage davantage que des mots. Je songeai à la façon dont son visage s’était illuminé quand il avait décrit Crystal comme une femme « débridée et imprévisible ». Ajoutez à cela la tension croissante entre mes parents, et toutes les nuits où papa « travaillait tard ».

    Oh, mon Dieu ! Il s’agissait de quelque chose de plus important que la découverte d’une autre fille. Il était retombé amoureux de Crystal et il trompait ma mère. Tout cela tombait sous le sens. La prochaine étape conduirait au divorce ; ce qui briserait ma famille. Mes jeunes sœurs, Amy et Ashley, seraient anéanties.

    — Ça n’a pas été facile, dit papa gravement. C’est compliqué, être déchiré entre tous les gens qu’on aime. Tu ne comprendrais pas.

    Pourquoi les adultes disaient-ils toujours cela ? Comme s’ils savaient tout et qu’ils croyaient qu’être jeune, c’était être idiot. Mais papa avait tort — je comprenais davantage qu’il ne le pensait. Il n’était pas le seul à avoir des secrets.

    J’en cachais un énorme à Josh — mon séduisant et doux petit ami qui avait confiance en moi. Josh n’avait pas été très disponible, dernièrement ; nous n’avions donc pas passé beaucoup de temps ensemble. Peut-être étions-nous en train de nous éloigner l’un de l’autre. Je n’en étais pas certaine, mais, à moins de nous séparer, c’était incorrect de ma part de désirer un autre garçon. Pourtant, c’est ce que je ressentais pour Dominic (homme à tout faire et apprenti employé par ma grand-mère Nona) depuis que nous travaillions ensemble pour découvrir un remède pour la maladie de Nona. Pis encore — dans un moment étincelant de vie ou mort, j’avais embrassé Dominic, et j’en avais éprouvé du plaisir. À présent, je ne pouvais plus m’arrêter de penser à lui.

    Comment pouvais-je juger mon père, alors que j’étais aussi coupable ?

    J’ai donc accepté de garder le secret de papa. Non pas pour le protéger, mais pour protéger mes sœurs jumelles de dix ans, qui méritaient un meilleur traitement, et même maman, qui avait ses défauts, mais qui restait ma mère et que je ne voulais pas voir blessée.

    « Mais je ne serai pas comme toi, papa », pensai-je avec détermination. Plus question de mentir à Josh en désirant quelqu’un d’autre. J’arrangerai les choses avec Josh. J’oublierai tout ce qui concerne Dominic.

    Alors, pourquoi est-ce que j’espionnais dans ce quartier délabré, où les mauvaises herbes s’épanouissaient davantage que les pelouses, à des kilomètres de la maison huppée de mes parents ? Est-ce que je voulais en savoir plus sur Jade ? Étais-je jalouse de cette demi-sœur qui semblait recevoir plus que la moitié de l’attention de mon père ? Voulais-je être vengée ou apprendre à la connaître ? Ou bien étais-je ici pour me prouver qu’elle ne comptait pas ; que ma famille restait entière et que tout allait bien dans mon monde ?

    Des ombres bougèrent dans le salon, et un homme marcha vers Jade. Toutefois, il ne s’arrêta pas, et elle ne mit pas son téléphone de côté. Puis la porte d’entrée s’ouvrit, et l’homme sortit de la maison.

    L’espace d’une seconde, j’ai cru que j’allais surprendre mon propre père à sortir furtivement après avoir passé la nuit avec sa petite amie. Mais c’était impossible. La voiture de papa se trouvait toujours dans l’allée de garage quand j’étais partie, une heure auparavant. D’ailleurs, cet homme était beaucoup plus vieux que mon père ; costaud, les cheveux gris et portant un affreux pantalon en tweed avec une chemise à manches longues jaune moutarde. Si ma meilleure amie Penny-Love était ici, elle voudrait l’abattre pour cause de crime contre la mode.

    Monsieur Tweed jeta un coup d’œil furtif aux alentours et je me suis demandé s’il sentait que je l’observais. Rapidement, je me baissai très bas. Je regardai à nouveau par la vitre avec précaution. L’homme gardait la tête baissée, comme s’il cachait quelque chose, alors qu’il traversait la pelouse en direction d’un pick-up rouge vin de taille moyenne.

    Qui était-il ?

    Je me penchai plus avant pour mieux voir, jusqu’à ce que mon nez cogne contre la vitre.

    Pendant que monsieur Tweed se tournait pour ouvrir la portière de sa voiture, un objet rond sortant de sa poche arrière lança un éclair argenté. Au premier coup d’œil, cela ressemblait à un bracelet en argent pendant à une chaîne. Mais la réalité me frappa de plein fouet, et je laissai échapper un petit hoquet.

    Des menottes.

    2

    En quelques heures, ma vie prit rapidement une nouvelle direction, de telle sorte que je n’eus plus le loisir de m’interroger sur ma nouvelle demi-sœur, sur sa mère ou sur l’homme aux menottes.

    Après avoir espionné, je revins à la maison pour découvrir que ma famille semblait prisonnière d’un étrange espace hors du temps. Papa faisait sauter des crêpes aux myrtilles pendant que maman pressait des oranges et que mes jeunes sœurs étaient assises à la table de la salle à manger. Ashley — alias madame Diva du théâtre — chantait à tue-tête une nouvelle chanson de sa composition pendant qu’Amy — madame Papillon de bibliothèque — restait le nez plongé dans l’un des romans à énigme des séries qu’elle collectionnait.

    Cette chaleureuse scène de famille semblait irréelle, comme si j’avais mis les pieds dans une comédie de situation où tout le monde sourit trop et où les rires sonnent faux. C’était comme de flotter hors de mon corps et d’observer de loin, sauf que mes pieds restaient solidement fixés au sol.

    — La spécialité du chef, aujourd’hui : la crêpe aux myrtilles. En voudrais-tu une pile ? me demanda papa en agitant sa spatule dans ma direction.

    Les profondes rides qui marquaient son visage la vieille s’étaient envolées, et il paraissait heureux comme je ne l’avais pas vu depuis longtemps.

    — Bien sûr qu’elle en veut. Qui peut résister à la spécialité du chef ? dit maman d’un ton taquin.

    Du jus d’orange coulait sur sa main tandis qu’elle se tournait vers moi en me souriant.

    — Sabine, prends une assiette et assieds-toi avec tes sœurs. Où étais-tu de si bon matin ?

    — Nulle part en particulier. J’avais simplement envie de conduire.

    C’était peu crédible, mais maman ne poussa pas l’enquête plus loin. J’évitai donc rapidement d’autres questions en attrapant une assiette et en la tendant au « chef ».

    J’approchai une chaise à côté d’Amy qui ne leva même pas les yeux de son livre, alors je ne pouvais voir que le dessus de sa tête sombre et une couverture violette sur un livre intitulé Bruits de sabots sur l’autoroute à péage. Ashley, de son côté, bougeait continuellement et ne lisait, après avoir protesté, que ce qui s’imposait pour des travaux scolaires. Mes sœurs se ressemblaient peut-être — grandes, minces, avec des cils noirs qui contrastaient avec leurs yeux bleus comme le ciel et leur longue chevelure ondulée noire —, mais, dernièrement, elles s’efforçaient de se distinguer l’une de l’autre. Non pas que maman s’en soit aperçue — elle leur achetait encore tout en double et surchargeait leur agenda de cours de musique et d’emplois temporaires de mannequin. Amy était loin de s’enthousiasmer, mais les yeux d’Ashley brillaient comme des étoiles d’Hollywood.

    — Veux-tu entendre ma nouvelle chanson ?

    Amy bondit de sa chaise et exécuta une pirouette dans ses pantoufles lavande.

    — Je me suis éveillée avec la mélodie en tête, et les mots sont apparus vraiment très vite. Que penses-tu de mon titre : Foudroyée par toi ? Il s’agit de l’histoire de cette fille qui a le béguin pour le meilleur ami de son frère. Je crois que c’est ma meilleure à ce jour.

    Je hochai la tête et écoutai pendant qu’elle chantait une chanson aux accents de jazz qui paraissait trop mature pour une fillette de dix ans, mais il est vrai qu’Ashley était pleine de surprises — comme l’ensemble de ma matinée. Je me sentais encore très embrouillée… mais aussi soulagée. Papa et maman agissaient de manière étrange, s’effleurant en secret et se reluquant avec des yeux charmeurs. J’avais le sentiment qu’ils avaient discuté sérieusement hier soir et qu’ils en étaient arrivés à un arrangement.

    Peut-être que ma famille s’en sortirait.

    Papa avait de toute évidence respecté sa promesse de parler à maman de mon déménagement. Je ne savais pas ce qu’il lui avait dit pour la convaincre, mais cela avait réussi. Ce soir-là, ma mère me parla en privé et m’annonça qu’elle avait décidé que je retournerais à Sheridan Valley.

    — Tu nous manqueras terriblement à tous, mais ma mère a la santé fragile et elle a besoin de toi plus que nous, dit maman comme s’il s’agissait de son idée à elle.

    Je restai le visage inexpressif et je me contentai de hocher la tête, comme si je consentais un énorme sacrifice. Mais, en mon for intérieur, j’étais aux anges.

    Le lendemain, j’expérimentai un moment de déjà-vu.

    Mes valises étaient bouclées et je déménageais.

    Maman m’attendait en bas, prête à me conduire à Sheridan Valley.

    J’éprouvai la sensation d’un retour dans le passé, comme si ma vie avait reculé de sept mois, jusqu’à ce jour troublant où j’avais été forcée de quitter l’école parce que j’avais pressenti que le joueur de football Kip Hurst mourrait le soir du bal des élèves, et que cela était vraiment arrivé. On m’avait fuie et étiquetée « sorcière », puis envoyée vivre avec ma grand-mère.

    Cependant, ce qui devait constituer un châtiment s’était en fait révélé une bénédiction. J’adorais vivre avec Nona, qui me comprenait totalement parce qu’elle était voyante aussi. Je m’étais inscrite à Sheridan High, et j’avais caché le fait que je voyais des fantômes et que je conversais régulièrement avec ma guide spirituelle, Opal. Je m’efforçais d’agir normalement et de m’intégrer avec ma nouvelle meilleure amie Penny-Love et ses amies en vogue. Je suis même devenue la petite amie du séduisant Josh DeMarco.

    Les choses allaient très bien (enfin, à l’exception de quelques prémonitions bizarres et de certains fantômes, mais aucune personne que j’aimais n’était morte, alors tout avait fini pour le mieux). J’adorais ma nouvelle vie et je ne serais jamais revenue vivre à San Jose — jusqu’à ce que ma mère me convoque. C’était impossible de contredire la Dictatrice maternelle, alors depuis les dernières semaines, je vivais à San Jose, gardant mon travail scolaire à jour par l’entremise des études autonomes, attendant en secret l’occasion de revenir à Sheridan Valley.

    L’occasion était arrivée.

    Sauf que, cette fois-ci, je n’étais pas chassée dans la disgrâce. Mes sacs empilés ne dégageaient pas une aura de honte. Je retournais au foyer de mon cœur — avec Nona.

    Le trajet de deux heures en voiture fut agréable, parsemé de babillages légers sur des sujets sans importance : les ambitions de maman pour mes sœurs, son agacement envers un membre impoli du Club auxiliaire des femmes, et sa recherche d’une nouvelle styliste, puisque sa coiffeuse habituelle avait quitté son emploi. Je me surpris à me demander si maman avait la moindre idée des secrets de mon père.

    Savait-elle que papa avait presque épousé une autre femme ? Savait-elle que papa entretenait peut-être une liaison avec cette femme ? Savait-elle que j’avais une demi-sœur ? Et les soirs où papa prétendait travailler tard, savait-elle qu’il rendait visite à son autre famille ? Comment pouvait-elle ne pas savoir ? Ma redoutable et compétente mère devait soupçonner quelque chose. Peut-être était-ce bien le cas ; mais il se pouvait qu’elle craigne de pousser papa à choisir entre ses deux familles et à tout perdre.

    C’était un sentiment si étrange, d’avoir pitié de ma mère. Pourtant, je l’éprouvais.

    Quand nous ralentîmes dans Lilac Lane et bifurquâmes dans l’allée de gravier, je fus submergée par une joie qui me fit monter les larmes aux yeux. Tout avait l’air exactement pareil, comme si je n’étais jamais partie, et que chaque brin d’herbe et chaque pierre du gravier étaient figés dans le temps. La maison jaune de style ranch de Nona se nichait paisiblement parmi des arbres ombrageux, avec son pâturage, sa grange, ses animaux de ferme et ses bois touffus sur les vingt-cinq hectares qui l’entouraient. La maison avait besoin de peinture, quelques-uns des piquets de clôture s’affaissaient avec l’âge, et les champs étaient abandonnés et envahis par les herbes. Mais il s’agissait de mon paradis parfait à moi, et je n’y changerais rien. En toute circonstance, ici, j’étais acceptée et aimée.

    Alors que nous approchions de la maison, nous fûmes accueillis par une étrange vision — cinq filles debout alignées les unes à côté des autres, vêtues de pantalons molletonnés rouges et de maillots de Sheridan Valley, agitant des pompons blanc et rouge. Ma meilleure amie, Penelope Lovell (surnommée Penny-Love), leva les bras et cria :

    — Prêtes ? Partez.

    — SABINE ! SABINE ! Qui est la souveraine ? me chantonna Penny-Love, et les autres filles firent écho à ses mots avec un cri assourdissant.

    — Donnez-moi un S ! Donnez-moi un A-B-I-N-E ! Qu’est-ce que ça veut dire ?

    Elles sautèrent toutes et agitèrent leurs pompons.

    — SABINE ! BIENVENUE À LA MAISON !

    Catelyn et Jill s’élancèrent dans des pirouettes arrière, pendant que Kaitlyn sautait en l’air en exécutant un grand écart et que Penny-Love sautait si haut que, lorsqu’elle retomba au sol, elle fit cracher des cailloux autour de ses tennis rouges.

    J’ouvris la portière à la volée et je descendis en vitesse de la voiture.

    — JE SUIS DE RETOUR ! criai-je d’une voix perçante.

    Puis j’étreignis Penny-Love et les autres membres de l’équipe des pom-pom girls de Sheridan High. Nous rîmes, sautâmes d’excitation et pleurâmes même un peu.

    Nona était présente elle aussi, et elle portait une longue jupe de laine à motif cachemire ornée de poches en forme de papillon et un manteau bleu foncé ; ses cheveux blond-gris étaient retenus à l’arrière avec une barrette papillon. Perchée à côté d’elle sur la véranda, il y avait ma chatte blanche aux yeux dépareillés bleu et vert — Lilybelle. Même une des vaches s’appuyait contre la clôture et meuglait comme pour me crier bienvenue avec les autres pom-pom girls.

    J’éprouvais un merveilleux sentiment de retour à la maison.

    Bien sûr, quelques personnes spéciales manquaient, comme mon amie gothique, Thorn, qui avait sa propre particularité psychique, mais méprisait la société (particulièrement les pom-pom girls) ; Manny, le rebelle informaticien et rédacteur en chef du journal de l’école ; et, cela va sans dire, Josh et Dominic — les deux garçons qui causaient les tiraillements dans mon cœur.

    Maman et Nona allèrent au salon pour parler, et mes amies me donnèrent un coup de main pour traîner mes valises jusqu’en haut. Une fois dans ma chambre, le franc-tireur des potins, Penny-Love, mourait d’envie de m’annoncer sa « nouvelle ».

    — Devine qui a fabriqué ceci.

    Souriant très largement, elle me montra un ballon sculpté en cœur.

    — Josh ?

    Je laissai presque tomber la valise que je venais de monter avec peine dans l’escalier.

    — Qui d’autre ?

    Pas une question à laquelle je voulais répondre. Je me mordis la lèvre et demandai :

    — Tu as vu Josh aujourd’hui ?

    — Ouais. Pendant la pause du midi, à l’école. Il était pressé d’aller à une quelconque réunion, alors il n’a pas dit grand-chose. Mais il m’a demandé de te remettre cela. N’est-ce pas teeeellement romantique ?

    Penny-Love vola jusqu’à un coin de mon lit et étreignit un coussin. Elle était tellement amoureuse de tout ce qui était romantique qu’elle avait récemment commencé à travailler pour l’agence de rencontre de ma grand-mère, Fusions d’âmes sœurs.

    — Josh devrait donner des leçons aux minables avec qui je sors d’habitude, dit Kaitlyn.

    — Tu as tellement de chance, ajouta Jill. C’est monsieur Sentimental par excellence.

    — Ouais… veinarde.

    Je tendis la main vers le ballon.

    — Merci.

    — Fais attention de ne pas le faire éclater, me prévint Penny-Love. C’est fragile.

    « Tout comme ma relation avec Josh », songeai-je avec ironie.

    Je ne savais pas exactement ce qui avait mal tourné. Même quand j’avais dû déménager loin, nous avions gardé le contact par courriel et par téléphone. Mais nous ne parlions jamais de nous. Son dernier courriel s’étendait sans fin sur ce gars de son club de magiciens, au nom étrange de Grey, et dans mon courriel je lui avais envoyé quelques-unes des paroles de la dernière chanson d’Ashley. Nous gardions tout à un niveau superficiel, sans effleurer les questions sérieuses entre nous, comme si nous avions tous les deux peur de ce que nous découvririons si nous creusions trop profondément.

    Je fis glisser mes doigts sur le cœur en ballon caoutchouteux en me demandant pourquoi ce cadeau plein de délicatesse me rendait triste. Josh pouvait sortir avec n’importe quelle fille de son choix, pourtant, il m’avait choisie. J’avais de la chance de fréquenter un mec populaire et humaniste, donnant de son temps les week-ends pour distraire des enfants dans les hôpitaux. Quelle fille n’aimerait pas un garçon qui mettait une perruque de clown et un nez rouge pour

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