Le Mystery Du Quilt: Couture & Suspense a Harland Creek, #1
Par Jodi Allen Brice
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À propos de ce livre électronique
Moi, c'est Dove Agnew, ancienne styliste dont la carrière florissante et la vie de rêve dans la Grosse Pomme ont volé en éclat du jour au lendemain… À qui la faute ? Un associé minable aux trafics plus que crapuleux. Condamnée à plier bagage, me voilà de retour dans mon village natal, à travailler pour la mercerie familiale que tient ma mère.
Parce qu'un malheur ne vient jamais seul, l'atelier devient un jour le théâtre d'un meurtre sanglant, et moi, la principale suspecte. Résultat, les rumeurs vont bon train. Même Dean, mon ex-petit ami et inspecteur en chef de Harland Creek, me soupçonne d'avoir commis l'irréparable.
Déterminée à prouver mon innocence, je décide de partir en quête du véritable criminel avec l'aide précieuse de plusieurs couturières aguerries et de Petunia, une chèvre au caractère bien trempé.
Bienvenue à Harland Creek, décor de cette nouvelle série rocambolesque, énigmatique et pleine d'humour !
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Aperçu du livre
Le Mystery Du Quilt - Jodi Allen Brice
Chapitre 1
Tout juste stationnée devant la boutique tenue par ma mère, j’assiste impuissante au dernier souffle de ma vieille Ford Taurus. Moi qui pensais avoir déjà touché le fond…
Comment ai-je pu finir ici ?
Il y a quelque temps, je me considérais comme une femme accomplie, bourrée d’audace. À l’aube de mon indépendance, j’avais sauté la case université et déménagé à New York pour me lancer dans la folle aventure qu’est l’entrepreneuriat. En ne partant de rien, si ce n’est une bonne dose de courage et de créativité. Très tôt, le succès était venu toquer à ma porte. Dans une ville où fleurissaient d’innombrables sociétés à la minute, je pouvais me targuer d’être à l’origine de Catherine LeCroix, marque de vêtements pour enfants, dont le nom évocateur trahissait mon penchant pour le pays du béret et de la baguette. Ma vie en faisait rêver plus d’un : je vivais dans un quartier huppé près de Central Park, mes amis m’adoraient, et mon petit ami n’était autre que Jacques Bellin, héritier français d’un prestigieux vignoble.
J’avais tout. Tout ce dont j’espérais. J’avais cru en moi et réalisé l’impossible à la sueur de mon front… Jusqu’à ce qu’une sombre histoire, une terrible erreur, un homme crapuleux, vienne tout gâcher : Cal Rapport. Je maudis encore le jour où l’idée de l’engager comme associé m’a traversé l’esprit. À cause de lui, mon business, ma réputation, mon rêve se sont écroulés.
Alors que mon entreprise connaissait un essor sans précédent, il m’avait persuadée de changer de fabricant et de distributeur, et proposé de se charger de la prise de commande. Devant ma méfiance, Cal m’avait assurée que la qualité n’en serait pas compromise et que le fabricant s’alignerait à mes exigences. J’avais fini par céder. Quelques mois plus tard, pari tenu. J’étais aux anges. L’argent coulait à flots, la société continuait à prospérer. Tellement prospérer, au point d’interpeller un jour la DEA. Après enquête, il s’était avéré que Cal se servait des cartons de marchandises pour faire de la contrebande. Sa petite magouille révélée au grand jour, ce minable avait pris la poudre d’escampette, détournant, au passage, tous les fonds de l’entreprise, et me laissant seule avec sa maudite cocaïne. Par chance, consciente de mon innocence, la brigade des stupéfiants m’avait graciée et simplement prévenue qu’elle me gardait à l’œil. Autant dire que je me tenais sacrément à carreau et que je ne risquais pas de fourrer mon nez dans les affaires de mon ex-associé. Sans mauvais jeu de mots.
Même si mon nom était blanchi, la descente aux enfers n’avait fait que commencer. Mon entreprise était désormais au point mort, mon compte en banque aussi asséché qu’un lac en plein désert, mes amis new-yorkais m’avaient tourné le dos, et pour couronner le tout, Jacques m’avait quittée. Après cet échec cuisant, retour à la case départ. Harland Creek, mon village natal. Heureuse de retrouver sa fille adorée après tant d’années, ma mère m’a, non seulement, offert un toit, mais aussi un emploi temporaire dans sa mercerie. Certes, on est loin de l’effervescence tendance et cosmopolite de la Grosse Pomme, mais plus rien ne me retient là-bas. Points positifs, personne ne sait où je suis. Comme ma marque ne porte pas mon nom, il est quasiment impossible pour quiconque de connaître mon triste sort.
Le plus désolant dans cette histoire, c’est que j’avais prévu d’annoncer à ma mère tout ce que j’avais accompli une fois l’entreprise vendue. J’espérais avoir suffisamment de capital pour qu’elle n’ait plus jamais à se soucier de l’argent et puisse enfin prendre sa retraite et en profiter. Mais la vie en avait décidé autrement.
Nullement décidée à me laisser abattre après ce fiasco, j’avais repris doucement goût à la vie et menais aujourd’hui une vie discrète et tranquille dans cette petite ville qui m’avait vue grandir.
Pourtant, alors que je pensais cette histoire loin derrière moi et mon secret bien gardé, tout m’est revenu en pleine face quand Gertrude Brown a débarqué hier dans la boutique en exigeant que son quilt soit terminé dans la journée.
Entre nous, je ne l’ai jamais aimée. L’archétype de la vieille femme vile et cruelle qui s’immisce dans la vie des autres sans qu’on ne lui ait rien demandé.
Du coup, sans pouvoir me retenir, je lui ai balancé ses quatre vérités. Sous les regards horrifiés de ma mère et de deux clientes. Évidemment, j’ai aussitôt regretté, mais malgré mes plus plates excuses, Gertrude a quitté la boutique sur-le-champ. Prise d’un léger remords, je suis restée tard après la fermeture pour finaliser sa commande dans les temps. En gage de réconciliation, dira-t-on.
Mais lorsqu’elle est revenue me voir dans la soirée, le pire restait à venir. Avant même que je n’ouvre la bouche, elle a déversé son venin. Elle savait ce qui s’était passé à New York et n’hésiterait pas à faire savoir à la ville entière que j’étais une criminelle si je n’achevais pas son quilt le soir même.
J’aurais dû m’en douter. Gertrude Brown et moi ne serions jamais amies. C’est décidément la personne la plus infâme de Harland Creek, déterminée à semer la zizanie si elle n’obtient pas ce qu’elle veut.
Avec un énorme soupir, les épaules voûtées, je pose ma tête sur le volant et gémis :
— Qu’est-ce qui m’a pris d’ouvrir la bouche, bon sang !
Alors que je continue à bougonner à voix haute dans ma voiture, quelqu’un toque à ma vitre. Interloquée, je relève le menton et fronce les sourcils en découvrant une femme replète à l’épaisse chevelure châtain coupée au bol. Ses lunettes vintage à paillettes argentées contrastent horriblement avec son survêtement moulant violet. Qui porte une telle tenue en plein été ? D’après les ridules qui marquent les pourtours de ses lèvres et de son front, elle ne doit pas être loin de la soixantaine.
Ses yeux sombres me pressent de baisser la fenêtre, alors je m’exécute et tente d’appuyer sur le bouton électrique, avant de me rappeler avec amertume que je ne possède plus mon cabriolet Lexus dernier cri. À l’évocation de ce souvenir douloureux, je grimace et décide d’ouvrir la porte plutôt que de prendre le risque de laisser échapper une énième nuée toxique en allumant le moteur.
— Oui ?
— Tu es Dove Agnew. La fille de Mildred, devine-t-elle avec un large sourire qui révèle deux joues bien roses. Ça se voit à tes yeux. À part ceux de Mildred, je n’en ai jamais vu des comme ça.
Nouvelle grimace qui se mue en sourire forcé. La dernière fois que quelqu’un m’a appelée par mon prénom remonte à des années-lumière.
— C’est bien elle.
— Patricia Earle. Je travaille avec ta mère. Elle m’a embauchée il y a quelques mois pour l’aider à la boutique, explique la bonne femme. J’étais absente ces jours-ci pour m’occuper de maman. Elle planifie tous ces rendez-vous médicaux la même semaine et je dois l’y conduire.
Puis, son sourire se fane.
— Mildred m’a dit que tu allais aussi travailler ici.
Je pousse un petit soupir tout en hochant doucement la tête.
— Oui. Ma mère m’a demandé de l’aider pour la prise de commande. La période estivale est souvent bien chargée pour elle…
— Donc, tu ne t’occuperas pas de la caisse ? m’interrompt Patricia. J’avais peur que tu me remplaces…
D’un geste fébrile, elle sort un inhalateur de la poche de son survêtement, puis inspire un grand coup.
— Ça va ?
La dernière chose dont j’ai besoin aujourd’hui, c’est de faire un massage cardiaque à une inconnue.
— Oui, répond-elle en laissant échapper à son tour un long soupir, j’ai de l’asthme. Maman m’a pourtant dit de ne pas m’agacer pour un rien.
— Votre mère a raison.
— Elle me dit toujours quoi faire. Je vis avec elle, tu comprends, ajoute Patricia avec un léger sourire. Comme toi et Mildred.
Le mien, déjà presque imperceptible, s’évanouit aussitôt.
— C’est temporaire.
Tout comme le fait de rester vivre à Harland Creek.
— C’est ce que je disais au début, mais dix ans plus tard, j’y suis toujours, s’amuse-t-elle. On se voit à l’intérieur.
Après un petit geste ridicule de la main, elle s’engouffre dans la mercerie. Une semaine seulement que je suis de retour à la mercerie de ma mère et ça en est déjà trop : je suffoque rien qu’à l’idée de rester dans les parages.
Dans le rétroviseur intérieur, j’aperçois mon reflet qui me renvoie une fille triste dont la crinière blonde coiffée de deux tresses commence à frisotter. Merci le Mississippi et sa chaleur étouffante. L’espace de quelques secondes, je m’observe fixement. Patricia a raison.
À part ma mère et moi, personne n’a des yeux de cette nuance bleu glacé.
Plutôt que m’apitoyer sur mon sort, j’attrape l’unique bien onéreux qu’il me reste — mon précieux sac Louboutin — et sors de la voiture pour me diriger vers le petit commerce.
Une brise légère agite les fleurs du grand chèvrefeuille grimpant sur le treillage situé près de l’entrée. Son effluve miellé et végétal me transporte alors instantanément dans mon enfance. Je me vois encore en train de cueillir les fleurs, puis d’en boire le nectar. À ce doux souvenir, je souris.
Bien que le soleil ne soit pas encore à son zénith, l’air est déjà insoutenable, comme ne manquent pas de me le rappeler les gouttelettes de sueur logées à l’arrière de mon cou et de mon dos. Avant mon départ de New York, j’avais dû me séparer à contrecœur de la majorité de ma luxueuse garde-robe pour éponger une infime partie de mes dettes. Me voilà donc aujourd’hui avec un T-shirt emprunté à ma mère et un vieux short en jean pour faire face à la canicule qui, malgré l’air conditionné, s’immisce jusque dans la partie atelier où je travaille.
Du revers de la main, je m’essuie le front et ouvre la porte. Sur la vitre, le néon lumineux affiche « Ouvert », et toutes les lumières à l’intérieur sont déjà allumées. Patricia s’est mise tout de suite au travail. Comme chaque matin, l’odeur particulière des tissus m’accueille alors que je me dirige vers mon poste de travail.
Tandis que je me dirige vers la machine à coudre à bras long qui m’attend sagement, le téléphone se met à sonner à l’accueil, suivi de la voix de Patricia, visiblement fidèle à son poste.
— La Mercerie de Mildred, là où la magie de la couture opère, comment puis-je vous aider ? claironne-t-elle.
Je lève les yeux au ciel et me rends vers l’arrière-boutique pour y laisser mon sac sous le comptoir, où ma mère range la cafetière et le plateau réservé aux pâtisseries que ses amies lui apportent. Alors que je m’apprête à retourner à mon siège, le visage de ma mère apparaît dans l’embrasure de la porte de son bureau.
— Bonjour, Dove. J’espérais te voir plus tôt pour finir la commande de Mme Brown. Elle a laissé deux messages vocaux. Je me disais qu’après votre altercation, il serait préférable de le lui donner au plus vite.
— Désolée de m’être emportée hier. Je sais combien ce n’est pas bon pour les affaires de s’en prendre aux clients. Peu importe leur niveau d’exigence.
Je lui offre un sourire penaud pour souligner ma franchise.
— Bon, elle l’a bien cherché, en même temps. Personne n’ose lui tenir tête dans cette ville. C’est la dernière fois qu’elle fait appel à nos services, se radoucit ma mère en secouant la tête avant de pousser un long soupir.
Ma tasse de café remplie, je m’approche et pouffe de rire :
— J’ai terminé son quilt hier soir.
Comme je m’y attends, elle hausse les sourcils de surprise.
— Tu as quoi ?
— Je suis restée tard cette nuit pour finir son quilt. J’ai même terminé le biais.
Visiblement impressionnée, elle me dévisage, une lueur d’admiration et d’incompréhension dans ses yeux pastel.
— C’est bien la première fois qu’on finit une commande aussi vite.
— Au début, je ne comptais pas m’éterniser, mais après ce qui s’est passé, je me suis dit qu’il valait mieux finir ça le plus rapidement possible, dis-je en omettant volontairement de lui faire part des menaces de Gertrude.
Les sourcils froncés, ma mère se lève pour me faire face.
— J’ai rarement vu une cliente aussi difficile. Et aussi antipathique. Si tu veux mon avis, tu aurais dû la faire patienter. Enfin, c’est ce que j’aurais fait si elle m’avait parlé sur ce ton.
Le nez plongé dans mon mug, je prends le temps d’avaler une gorgée avant de mentir :
— Ça m’est égal.
Bien au contraire.
— Cette bonne femme pense pouvoir tout diriger à Harland Creek, je déteste ce genre de conduite abjecte, continue-t-elle, la bouche pincée d’aversion.
— Moi non plus. Tu veux que je l’appelle pour lui dire que son quilt est prêt ?
— Laisse-moi y jeter un œil d’abord. Je n’ai pas envie que cette vieille chouette trouve autre chose à critiquer.
Elle pose sa tasse sur le comptoir et me suit vers la machine à coudre.
— Toc, toc !
Celle que je devine être Elizabeth Harland, une amie du club de couture de ma mère, apparaît alors au même moment dans l’arrière-boutique. Avec sa coupe à la garçonne, son visage doux et ses traits affirmés, Elizabeth m’a toujours impressionnée par sa force et son indépendance. Privilégiant le confort avant tout, comme en témoignent le jean décontracté, le chemisier à fleurs d’un autre temps et les chaussures orthopédiques qu’elle porte aujourd’hui, elle est le genre de femme qui travaille dur pour gagner sa vie.
— Je vous ai apporté un petit quelque chose. Des barres céréales au citron faites maison. Une recette de ma grand-mère, précise-t-elle en tendant une assiette recouverte de cellophane.
Veuve depuis quelques années, Elizabeth Harland ne s’est pas pour autant laissé aller. Propriétaire d’une plantation de fleurs dont elle s’occupe avec l’aide d’une jeune femme nommée Heather, elle jouit d’un nom de famille réputé, la ville étant nommée après ses ancêtres. D’ailleurs, les habitants la connaissent surtout pour la robe hawaïenne qu’elle aime porter lorsqu’elle travaille à la ferme, ainsi que ses talents de cuisinière hors pair.
— Elizabeth, tu n’aurais pas dû, s’écrie ma mère en serrant son amie dans ses bras. Mais tu peux compter sur nous pour y goûter. Tu te souviens de ma fille, Dove ?
— Bien sûr, répond la