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Alors, c’est d’accord, Marcel? Dès que la boulangère t’aura rendu la monnaie, tu files à l’épicerie et tu commences à demander à Victoire ce qui est inscrit sur cette liste. Ne perds pas la liste surtout, ne traîne pas en chemin et si tu as terminé avant que je te rejoigne, attends-moi sagement chez Victoire. Il y a toujours du monde à la boucherie, mais aujourd’hui, nous sommes un peu en avance par rapport à notre heure habituelle. C’est samedi. Les gens feront sans doute la grasse matinée. Allons, je te laisse, Marcel. N’oublie pas mes recommandations.
Ainsi parlait ma mère, lorsque nous étions tous les deux. Un véritable moulin à paroles. Bien sûr, ses mots n’avaient rien à voir avec ceux que j’aurais aimé entendre. Il s’agissait toujours de recommandations en tous genres ou de conseils distribués sur le mode répressif : si tu me désobéis, gare à toi. Si tu ne travailles pas suffisamment, tu ne réussiras jamais dans la vie. Même une très bonne note, ou une place de second au classement trimestriel (les deux brillants sujets de notre classe, Léon et Vincent, des camarades que j’estimais, me semblaient invincibles, mais il arrivait que je parvienne à dépasser Vincent de quelques malheureux dixièmes), me valait rarement le plaisir d’être félicité. La plupart du temps, maman me lançait l’une de ses répliques favorites : « Tu vois bien que c’est possible ! Quand on veut, on peut. »
En ce samedi printanier mais maussade (ciel gris, pluie menaçante, visages austères alentour), j’entrai donc d’un pas vaillant dans la boulangerie et je pris ma place derrière de hautes silhouettes tout en me remémorant ce que je devais rapporter : deux baguettes pas trop cuites et un pain de campagne à la croûte légèrement brûlée. Allez savoir pourquoi, ma mère passait du peu cuit au
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