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L’instant libre
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Livre électronique101 pages1 heure

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À propos de ce livre électronique

Ce premier roman d'Emmanuelle Turgeon aborde certaines des grandes préoccupations de notre époque : la délinquance, la recherche de paradis artificiels, la désintoxication, la réinsertion dans la société. Le récit traite aussi des passions et de la rédemption par l'amour.Nathalie aime l'aventure et le danger. Autour d'elle, Stretch le tatoueur et Sol l'ange samouraï, la belle Suzie Q, et Marie les grands mots, le vieux Chinois qui est comme un père pour elle et Fast Speedy, le Big Boss iranien, sans oublier Mika le chat siamois, digne incarnation de Cléopâtre. La coke, l'héroïne, les speedballs et le petit Thaï sont toujours les bienvenus. Charmeuse, exaltée, jamais à court de bons mots et de pirouettes, Nathalie arpente les rues de Montréal, enroulant tout le monde et brassant son monde dans la grande marmite de sa fiction. Jusqu'au jour où un enfant et le mot Fin se profilent à l'horizon.

Extrait

Une fille typique

Mes chaussures à talons hauts claquent, claquent fort et ça m'effraie presque autant que de voir des chaussures marcher seules dans la nuit. Je vais chercher Stretch au Nouveau Palais. Les silences, les fantômes et tout le reste, c'est bien beau, mais il y a une limite… Quand j'entre dans le restaurant, le patron se présente devant moi. C'est un bon gars, du genre fataliste. Il n'a pas le pouvoir de parler français, mais on se comprend de la même façon, avec un peu de mauvais anglais.
– Votre petit ami a odorisé les toilettes. J'ai appelé l'ambulance.
– Pas de conscience, quand l'ambulance arrive-t-elle ?
Le choc est dur, je commande une vodka sans glace. Ronald Kraft, mon policier, vient s'asseoir à côté de moi. Il est en uniforme.
– Il était aussi conscient que Freddy l'était à Halloween. C'est mauvais, la coke. Vous devriez le convaincre d'aller faire une overdose dans les ruelles, comme ça au moins il n'embêtera personne. C'est juste un gars qui a besoin d'attention. Tu ne devrais pas le prendre si au sérieux. Si au moins il ne faisait pas l'esclavage blanc avec toi, ce serait juste un clochard de plus.

– Ouais, mais c'est mon petit ami, alors essaie de te le mettre dans la tête de ton cochon.
– Et toi, essaie d'être un peu moins typique pour une fois.
Je suis partie et je lui ai laissé l'honneur de payer ma vodka. Une fille qui se donne tant de mal pour être typique mérite un verre. Je m'inquiète pour Stretch. Même s'il était mort, il reviendrait à la vie juste pour pouvoir continuer à se shooter… Non, je veux dire que je ne m'inquiète pas pour Stretch. Il a un cœur fort. Et pire avec le bon système de justice que nous avons, il va sortir demain avec une promesse de comparaître. Peut-être qu'il n'avait rien sur lui quand la police est arrivée…
Alors quoi d'autre me rend triste ? J'ai un peu le blues. Je n'arrive pas à me mettre au travail. De toute façon, il me reste encore du liquide… et de l'héroïne… et de la coke ! Je vais pleurer sur mon épaule, Ben Stone.

LangueFrançais
ÉditeurCogito
Date de sortie6 janv. 2022
ISBN9798201430542
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    Aperçu du livre

    L’instant libre - Emmanuelle Turgeon

    SOL

    HOMME MALADE CHERCHE FEMME À GUÉRIR

    J’ai toujours su que la salle d’urgence de l’hôpital Saint-Luc était le meilleur endroit pour tomber en amour. Cette nuit, je suis enfin tombé. Magloire, le garde de sécurité, venait de me prêter les quarante cennes qui me manquaient pour acheter mon Coketraditionnel. Il m’a dit : « J’espère que c’te nuite tu vas la rencontrer. Y s’rait à peu près temps. » Pour les choses de l’amour, les gardes de sécurité ont un sixième sens digne des bergers allemands. La jeune fille était là, toute prête à être examinée. Toute petite dans sa mini robe, maquillée pas à peu près. Ses yeux pales, un peu verts, un peu gris, regardaient ses genoux trembler.

    Je suis allé m’asseoir à côté d’elle en lui offrant le Coke. Elle l’a bu avec ferveur.

    — Vous êtes ben gentil, merci. J’me fais tellement souvent taper dessus. Vous voulez voir ? Ça coûte vingt piastres pour faire le tour des cicatrices...

    — Qui t’a fait ça ?

    — La plupart me viennent de mon chum.

    — Qu’est-ce que tu fais avec un gars de même ?

    — J’me le demande. Faut dire qu’il était pas méchant quand je l’ai rencontré...

    Elle me raconte, l’air nostalgique :

    — Ça s’est passé dans le carré Saint-Louis, j’avais quatorze, quinze ans. J’écoutais une tapette talentueuse parler d’amour avec sa guitare. C’était une nuit d’été, il y avait la pleine lune. Peut-être même que les pissenlits embaumaient. Bref, c’était propice. Quand je l’ai vu s’approcher de moi avec sa barbe, ses cheveux longs et ses tatous sacrés, et surtout quand il a commencé à m’courtiser, imagine mon émoi. J’me suis dit qu’le Christ avait décidé d’ressusciter une dernière fois, jusse pour moi.

    Ça fait trois ans de ça. Mais aujourd’hui, j’vous préviens, j’en ai de l’expérience, du vécu, pis ben d’la mémoire à part ça. Et c’te gars-là, j’vous dis, la seule bonne chose qu’il m’a faite, ça été d’me flanquer une aiguille dans l’bras. Le sacripant ! Y m’a appris à oublier les problèmes, mais pas à les éviter. C’est sûr que l’oubli c’est une bonne affaire, la mémoire est ben achalante. Mais les mauvais souvenirs finissent toujours par te r’trouver. C’est ben plus redoutable que la police. Mais qu’est-ce que tu fais icitte, toi ? T’es-tu malade ?

    — Je suis venu te chercher.

    — Pauv’ bonhomme, tu sais pas dans quoi tu t’embarques. J’suis à peine plus grande qu’une enfant et je suis déjà une femme périmée.

    — Je sais.

    L’infirmière a appelé Nathalie Sicard et ma promise s’est levée.

    — Attends-moi, ça sera pas long. J’sens qu’ils voudront pas de moi. C’est pas la première fois que j’essaie de les convaincre que je suis guérissable.

    Quelques minutes plus tard, elle est revenue.

    — Ah ! la chienne sale. J’le savais. J’étais toute prête à arrêter d’me shooter. Pis elle veut pas m’aider. Elle me dit de m’adresser aux spécialistes et à leurs listes d’attente. « Reviens demain, là tout l’monde dort. » J’vois ça, oui. Mais chus dangereusement enceinte. Qu’est-ce que j’en sais d’ma bonne volonté ? C’est une capricieuse, voilà c’que c’est ! Pis est ben susceptible, à part ça. La médecine devrait pas contrarier l’monde de même. Y vont finir par me donner envie d’me la ruiner, leur ostie d’santé. Mais qu’est-ce qu’on fait icitte ? Y devrait bien y avoir des églises ouvertes 24 heures sur 24 ? Est-ce qu’y dort, Dieu ?

    2

    SOL LA SUIT

    Le prêtre, c’est bien connu, est le contraire du vampire. Au lieu de s’enfermer dans son cercueil le jour, il s’y enferme la nuit. Au lieu de vous sucer le sang, il vous laisse vous le ronger vous-même. Alors que le vampire dort aussi silencieux que la mort, le prêtre, qui croit à la vie éternelle, ronfle. Personne ne nous ouvrit la porte cette nuit-là.

    Mon héroïne m’avait confessé le dernier chapitre de ses péchés. À part le prêtre, celui qui pardonne, avec en prime sa bénédiction, reste toujours celle qui fait oublier. Tous les opiums sont bons pour ceux qui savent les apprécier...

    — T’aurais pas vingt piastres à m’passer ? Que j’nous achète un hit. Tu vas voir, chus honnête en diable. J’te donnerai la moitié à l’unité prêt. Tu t’piques pas ? Pis t’as pas une cenne ? Ben attends-moi, faut qu’j’aille faire du cash avant qu’le dealer ferme. Je r’viens tout de suite après.

    Chacun de nous deux avait peur de perdre son héroïne de la nuit. On s’est regardés un instant en silence. On était devant la cathédrale Notre-Dame, non loin d’un McDonald’s. J’espérais qu’elle aurait de quoi nous offrir un café. Mais elle avait autre chose en tête.

    — Voudrais-tu m’attendre là, le temps que j’fasse un client et qu’j’aille magasiner ?

    — J’aurais préféré qu’on reste ensemble.

    — Fais-toi-z-en pas, j’vais revenir.

    — Oui, mais dans quel état ?

    3

    SOLLES SUNDAES ET LES PETITS OISEAUX

    Une demi-heure plus tard, elle était revenue. Elle m’a fait un beau sourire tout en se dirigeant directement vers les toilettes au grand galop. Le staff de nuit a choisi ce moment-là pour m’envoyer son employé du mois.

    — C’est pas l’dernier recours ici.

    — Vous fririez mieux dans la poêle, jeune homme. Déconcentrez pas le légendaire amateur de sundae au chocolat que je suis. Avec ou sans arachides, telle est la question. Ne vous en faites pas, j’irai vous faire part de la réponse le moment venu.

    Après que j’ai eu remis à sa place le jeune blanc-bec, c’est une Nathalie électrique que j’ai vue sortir des toilettes. Elle est allée acheter deux Coke et est venue s’asseoir en face de moi. Elle avait l’air d’un chat qu’on poursuit pour lui faire prendre un bain. Si son coeur battait au rythme de ses mots, elle était au bord de la crise cardiaque.

    — J’ai eu la chance de tomber sur un naïf. Y est allé m’reconduire chez le dealer de coke en croyant qu’j’allais voir une chum chez qui j’aurais laissé ma chatte. Pis il m’a donné les quarante piastres que j’ai dit devoir rendre à la fille pour ravoir ma chatte. Et tout ça en échange de pas grand chose. C’est rare le monde qui gobe mes histoires de même.

    Ça t’obsède pas, toi, tout cet irréel qui nous encercle ? Ils veulent qu’on s’rende, les sous-entendus, les pas clairs, les pas tout à fait là. Ce qui manque prend toute la place. Le délire a son sérieux à lui. Et le vent dans les voiles, une touche de hasard. On sait pas où on s’en va parce que ça existe pas encore. Et pis même du point de vue des gens haut placés, on voit pas tellement mieux. Même la météo peut se tromper : on vit dans le plus grand suspense. Aye ! J’arrive à t’parler comme j’me parle. Tu m’fais pas peur. Tu serais pas un ange ? Y était à peu près temps qu’j’en rencontre un vrai.

    J’ai pris sa main, je voulais en explorer les veines mitraillées. Comment se fait-il que sa ligne de vie,

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