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Quinze nouvelles: Recueil de nouvelles
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Quinze nouvelles: Recueil de nouvelles
Livre électronique145 pages2 heures

Quinze nouvelles: Recueil de nouvelles

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À propos de ce livre électronique

La vie, sous toutes ses coutures, décrite en quinze nouvelles !

Quinze nouvelles est un instantané d'existences où se croisent la tragédie, la fantaisie, la poésie, le suspense et le burlesque. 15 histoires. 15 vies. Et, peut-être, un peu de la nôtre.

Découvrez ce recueil de quinze nouvelles, quinze histoires tragiques, fantaisistes, poétiques, burlesques, et pleines de suspense.

EXTRAIT DE La langue

La police devrait débarquer chez moi dans neuf minutes, soit précisément vingt-trois minutes après l’appel de Madame Ming, notre concierge Vietnamienne, qui m’avait averti de sa citoyenne et courageuse initiative alors que rien, vraiment rien, ne l’y obligeait.
En résumé, dans cinq cent quarante secondes, montre en main, il se pourrait bien que je sois en état d’arrestation pour homicide volontaire. Parfaitement, pour meurtre.
Néanmoins, tout cela ne me bouleverse pas trop.
Pour y habiter depuis environ vingt ans, je connais dans les moindres détails les us et coutumes de mon quartier. Alors, n’en déplaise à Mme Ming et aux résidents de l’immeuble, je sais d’ores et déjà qu’en dépit de ses louables efforts, la Force Publique arrivera trop tard. C’est une habitude chez elle, presque une marque de fabrique.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Des nouvelles bien écrites émouvantes et drôles, j'ai beaucoup aimé ! Belle découverte. - Catcap, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Stéphane Chamak est né le 29 mars 1972, marié et père d'un Elan et d'un Talisman. Auteur de plusieurs recueils de nouvelles et de deux romans. Amoureux de littérature et de cinéma, il tuerait père et mère pour un bon Paris-Brest !
LangueFrançais
Date de sortie27 juil. 2018
ISBN9782378773380
Quinze nouvelles: Recueil de nouvelles

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    Aperçu du livre

    Quinze nouvelles - Stéphane Chamak

    Depuis toujours

    Je me suis toujours levé longtemps avant elle. Toujours.

    Et comme je le fais depuis maintenant un demi-siècle, je mets ces quelques heures à profit en la regardant dans son sommeil. Regarder sa femme dormir. Prendre le temps de l’observer dans cet instant rare et d’abandon total. C’est fascinant, instructif.

    Émouvant aussi.

    Ce matin n’échappe pas à cette règle d’or que je me suis imposée depuis notre rencontre, il y a cinquante ans. Assis sur ma fidèle chaise à bascule, je la regarde. Je veille sur elle. Comme à son habitude, elle dort sur son côté gauche. Sa tête est appuyée sur son bras droit. Cela m’a toujours déplu – « Après tu t’étonnes d’avoir le bras engourdi au réveil ! » lui dis-je, agacé. Ses genoux sont serrés et recroquevillés. Son autre main, quant à elle, semble avoir été punie. Honteuse, elle se cache sous l’oreiller. Si j’ai toujours considéré ma femme comme une éternelle adolescente, sa posture dans le lit n’y est sans doute pas étrangère. Une septuagénaire qui dort encore en position fœtale est pour le moins surprenant !

    Avec le temps, ma façon de la regarder dormir a changé. Les premières années, je ne la regardais pas. Je la dévorais des yeux, je m’enivrais de sa beauté. Souvent même, torturé par un désir animal, je ne pouvais m’empêcher de la réveiller en la couvrant de baisers et de caresses – « Quel emmerdeur ! » disait-elle rieuse en feignant de repousser mes assauts. Et puis, j’ai appris. Mes yeux devinrent moins maladroits, moins affamés. Je me suis assagi afin de mieux déguster et apprécier cette embellie. Mon regard avait une autre intensité et, tout comme mon cœur, il avait gagné en profondeur.

    Ce matin, son visage arbore une expression enjouée. Moi qui la connais bien, je sais d’où vient ce petit air espiègle. Avant hier, notre Denis et son épouse Martine nous ont appelés pour nous inviter à dîner mardi prochain. Elle n’a cessé de m’en parler depuis. Mais je la comprends. Moi aussi, j’ai hâte de serrer mon fils dans mes bras et de radoter mes vieux mensonges à mes deux petits enfants.

    Aujourd’hui, mon regard sur ma femme perdue dans ses songes s’est davantage affiné. Non pas que je ne m’attarde plus sur sa beauté, toujours intacte – n’en déplaise à la Vie et au Temps qui n’ont pas ménagé leurs efforts – mais à force de patience, j’ai fini par dépasser le stade de la simple étude et découverte de sa peau. J’ai acquis plus d’expérience. Désormais, il ne me reste qu’à apprivoiser son esprit. J’aimerais tant qu’il s’ouvre à mes sésames. Entrer dans son sommeil. Embrasser ses rêves. Ce désir est devenu mon ultime obsession.

    De temps en temps, il m’arrive de poser délicatement ma joue contre sa joue, ma tempe contre sa tempe. Envie de connaître et d’apprendre à lire ses songes. C’est un peu idiot, je le sais bien. Je me souviens avoir découvert un matin une expression qui contrastait avec notre situation du moment. Elle avait un visage radieux, rayonnant. Pourtant à cette époque, notre couple battait de l’aile ; nous nous disputions assez souvent et pour des broutilles. Pris de panique, je me suis approché d’elle, convaincu qu’elle rêvait de quelqu’un d’autre. D’un autre homme. Ma tempe contre la sienne, j’ai tenté de surprendre ses pensées d’adultères. Au réveil, je lui ai fait une scène. Elle m’a regardé en souriant avec tendresse, comme on le fait face à un enfant qui se cherche des prétextes, et je me suis senti ridicule. Une autre fois, son visage avait un air mélancolique, presque malheureux. Mais derrière ces traits moroses semblait se cacher une profonde dignité comme si elle se refusait de sombrer dans un chagrin plus grand. Et devant son doux visage empreint de cette tristesse indéfinissable dont je me suis senti exclu et bêtement responsable, j’ai fondu en larmes.

    Depuis combien de temps suis-je là, assis, en proie à ce délice, à cet émerveillement ? Dix minutes ? Une heure ? Je l’ignore. Cela n’a guère d’importance. Quand mes yeux se posent sur elle, le Temps est suspendu, les saisons entremêlées. Plus rien ne compte. Tout devient secondaire, superflu. Les choses ne rentrent dans l’ordre que lorsque ses paupières se mettent à frémir que ses prunelles se libèrent peu à peu de leur captivité, de ces liens tissés par ce dieu grec que j’envie et j’exècre, juste avant que son regard, puis son sourire ne viennent illuminer la pièce et me transpercer le cœur. Être là. Au bon endroit. Au bon moment. Comme le poète qui attend avec bienveillance le lever du soleil. C’est un privilège que d’assister au réveil de la personne aimée.

    Ne pas vivre cela, c’est passer à côté de quelque chose de fort. D’unique.

    Soudain, un mince filet de lumière entre sournoisement dans la chambre. Bon sang, j’ai encore oublié de tirer les rideaux ! Le trait lumineux s’élargit dangereusement et menace d’inonder son visage. Je me lève et donne un coup sec sur ces étoffes indélicates. Soulagé, je reprends la contemplation du tableau qui sommeille devant moi.

    Regarder sa femme dormir réserve également de savoureux moments de comédie. La voir retrousser le nez à plusieurs reprises comme pour chasser un moustique invisible m’amuse beaucoup, je l’avoue. Il y a quelques mauvaises surprises aussi. « Sais-tu qu’il t’arrive de baver dans ton sommeil ? » lui fais-je remarquer un matin.

    Je tombe machinalement sur son menton. Quand je prétends connaître son visage sur le bout des doigts, j’admets faire preuve d’une prétention un peu déplacée. Car, pour une raison encore inexpliquée, mes yeux ont toujours négligé cette partie de son visage. Le menton. Sans doute ai-je eu la naïveté de penser qu’il ne donnait que de maigres informations sur sa personne, qu’il était moins noble, moins révélateur qu’un front ou qu’une bouche. Visiblement, je me trompe. Je le scrute avec une intensité nouvelle, inédite. Et je découvre ce que je n’ai jamais remarqué jusqu’alors : une minuscule cicatrice.

    Intrigué, je réfléchis sur la provenance de cette petite trace. Je n’ai pas le souvenir d’une blessure à cet endroit ou d’un incident qu’elle m’aurait raconté à ce propos. Pourtant, Dieu sait que malgré mon âge avancé, ma mémoire est encore redoutable ! Par exemple, je me rappelle très bien la profonde entaille qu’elle a au-dessus du sourcil. C’était lors d’une randonnée équestre, il y a trente-huit ans. En juillet exactement. Sur nos montures, nous nous promenions dans la forêt d’Aigues-Mortes. Puis, passant sous quelques branches, l’une d’elles s’est agrippée au col de mon blouson avant de revenir se projeter avec violence sur la figure de ma femme qui se trouvait juste derrière. « Aie, je saigne », a-t-elle dit avant d’éclater d’un rire juvénile. Désormais, à chaque fois que je la regarde dans son sommeil, je ne manque pas de m’attarder sur son arcade droite et ses trois points de suture qui me rappellent cette ballade estivale. Mais l’origine de cette infime cicatrice demeure mystérieuse. Décidément, son visage est bien facétieux. Pareil au magicien qui garde jalousement ses tours, il ne semble pas décidé à me dévoiler toute son histoire.

    Une main se pose sur mon épaule. Je lève la tête. Denis me fixe, les yeux rougis et gonflés.

    — Papa, il faut y aller, me dit-il.

    — Bien sûr, répondis-je en me relevant péniblement.

    Alors que des hommes jeunes et vigoureux s’apprêtent à emmener le corps frêle et sans vie de celle qui fut toute la mienne, je me dirige vers la porte, sans mot dire, la tête basse et plus vieux que jamais. Puis, je me retourne et lui adresse un dernier regard. À cet instant, une question, la même question qu’elle posait à chaque fois qu’elle me surprenait en train de l’admirer du haut de ma vieille chaise à bascule me revient à l’esprit.

    « Ça fait longtemps que tu me regardes dormir ? »

    — Depuis toujours, dis-je dans un douloureux murmure. Depuis toujours.

    Quelque chose de beau

    « La plus grande chute est celle qu’on fait du haut de l’innocence »

    (Heiner Müller – tiré du livre Nous sommes cruels)

    J’ai toujours entendu dire que tenir un journal intime était une activité de fille. Je ne sais pas si c’est vrai, mais c’est ce qu’on dit. Quoi qu’il en soit, je suis sur le point d’en commencer un. Pourtant, je suis bel et bien un homme en dépit de ce que pense ma mère qui répète à qui veut l’entendre que « je viens à peine de naître ».

    Je m’appelle Tomas Renheit et le printemps prochain je fêterai mes vingt-quatre ans. Toujours d’après celle qui me livra au monde, je suis le garçon le plus beau de la Terre portant de surcroît le nom le plus magnifique qui soit. En allemand, Renheit signifie « pureté ». En ce moment, j’imagine très bien ma mère montrant à ses voisines ma première lettre enflammée que je lui ai envoyée du camp, le mois dernier. Je la vois, gesticulante et roulant les yeux racontant avec ses mots pétris de fierté et d’intense ferveur, la façon dont sa progéniture défend bravement les valeurs patriotiques et immaculées de notre beau pays. « Ce n’est pas un hasard si nous nous appelons Renheit ! » doit-elle clamer ouvertement à la moindre oreille attentive. La pauvre femme ne se doute pas un seul instant que depuis hier, de ma pureté il n’en est plus question.

    Pareil à La Faucheuse qui, vêtue de son long et sombre manteau à capuchon, fait son morbide pèlerinage, ce besoin d’écrire vient de s’abattre sur moi. Il pèse de tout son poids. Maintenant il s’impose en moi avec une fulgurante évidence. Il est là. Vital. Viscéral. Animal. Au plus profond de mon cœur anéanti comme dans chacune de mes veines empoisonnées, cette envie dévorante et douloureuse demande, non supplie, d’être assouvie. Il le faut. Il en va de ma vie, de mon âme et de son salut. Et plus que tout, de ma raison.

    Écrire pour tenter d’exorciser les démons qui, dès à présent, rongent ma conscience. Ces petits diablotins ricanent déjà à l’intérieur de mon crâne. Pour l’instant, j’arrive à les faire taire.

    Mais pour combien de temps, encore ?

    Écrire pour léguer de façon testamentaire l’image de la personne lucide que je suis encore en cette période irréelle. Puissent ces quelques confessions laisser le portrait d’un jeune homme trop rêveur, fantasque et définitivement stupide, mais surtout de quelqu’un qui, avant d’entrer et de s’associer à ce carnaval monstrueux, était un être sain d’esprit. Que celui ou celle, au cœur bon et à l’âme indulgente, qui tombera sur ce cahier puisse, sans condamner, se dire qu’avant son inexorable mutation et sa démence progressive

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