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L'affamé: Mages de la rue Monge, #4
L'affamé: Mages de la rue Monge, #4
L'affamé: Mages de la rue Monge, #4
Livre électronique252 pages3 heures

L'affamé: Mages de la rue Monge, #4

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À propos de ce livre électronique

Notre amour survivra-t-il à la Saint-Valentin ?

Pour célébrer sa fête, Valentin a une tradition charmante — il organise un dîner chez lui. On se sape, on met les petits plats dans les grands, on débouche une vieille bouteille. Et pour former des couples qui durent, Valentin a la technique.  

Cette année, la Saint-Valentin est un moment particulièrement spécial pour lui : il a rencontré Billie Jonas et elle lui plaît vraiment, bien qu'elle vienne d'une famille de sorcières et qu'elle ait des cousins plutôt encombrants.

Mais Valentin n'a pas compté avec Horace, son mystérieux colocataire. Rentré après des mois d'absence, auréolé de malaise et équipé d'une dentition préoccupante, Horace bouscule tous les plans de table et rompt l'harmonie du dîner. Chacun des convives va devoir affronter sa véritable nature pour échapper au danger. À la fin de la soirée, beaucoup de choses auront irrévocablement changé…

L'affamé est le 4e tome de la série Mages de la rue Monge, qui suit les sorciers d'un clan parisien excentrique dans leur vie surnaturelle, sociale & amoureuse rocambolesque. Camille, Alex, Cameron, Axelle et les autres ne sont pas au bout de leurs surprises.

LangueFrançais
Date de sortie18 févr. 2020
ISBN9791096438419
L'affamé: Mages de la rue Monge, #4

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    Aperçu du livre

    L'affamé - Charlotte Munich

    1

    BILLIE

    Mardi 11 février, 8 h 30

    Le type sort en trombe de la rame de métro, au dernier moment avant la fermeture des portes. Moi, j’étais en train de regarder en l’air, d’admirer la station. Le béton froid semé de vieux tickets de métro comme autant de confettis, le carrelage crasseux, les affiches géantes dont le papier épais et mal collé a emprisonné des bulles d’air, tout me paraît fabuleux.

    Le type me percute et je me prends les pieds dans mes propres escarpins. Je trébuche et je manque de m’étaler sur le quai du métro. Les portes de la rame ne se sont pas encore refermées que déjà il a filé avec à peine un coup d’œil et une excuse, sa sacoche au bras, courbé contre la bise qui rabat son costume sombre sur ses jambes maigres de yuppie.

    Un sourire ravi étire mes lèvres, mon cœur donne un énorme pa-ttoum, pa-ttoum. Je me sens incroyablement vivante.

    — Tous plus malotrus les uns que les autres, râle une petite vieille en doudoune marron qui est bien incongrue sur ce quai glacial à 8 h 30 du matin, avec son sac de courses en plastique.

    Elle me tend mon livre qui a dû m’échapper dans la collision, un polar fantastique de H. B. Similar. Toute à mon émerveillement, je ne m’en étais même pas rendu compte. Je le prends d’une main distraite et je la remercie du bout des lèvres.

    — Il vous a pas fait mal au moins ? veut-elle savoir.

    Je lui adresse mon plus éblouissant sourire :

    — Pas du tout ! J’ai adoré ça !

    Et sous son regard médusé, je tourne les talons pour reprendre ma route vers les portiques et la sortie. Dans mon dos, je l’entends lancer un commentaire désobligeant sur les dingues du métro. Mon sourire ne fait que se creuser davantage.

    Elle m’a vue. Elle a exprimé un jugement sur ma présence en ce lieu. Le type aussi — non seulement il m’a vue, il s’est même débrouillé pour entrer violemment en collision avec moi. C’est fantastique. Magique. Étourdissant.

    Il y a quelques semaines seulement, rien de tout cela n’aurait été possible. Il y a quelques semaines, je n’avais pas de corps. J’étais… immatérielle.

    Sûr, j’allais où je voulais, à la façon d’un fantôme qui traverse les murs. Seul un petit cercle d’individus triés sur le volet connaissait mon existence, et ils étaient moins nombreux encore à être capables de me voir. J’étais logée à la même enseigne que le spectre de la maison, la plupart du temps.

    Mais maintenant ! On me rentre dedans à la station La Défense. Je suis joie, je suis possibilités.

    Je glisse mon ticket dans le portique, parce que quand on cesse d’être invisible et immatérielle, il faut payer ses transports. Je resserre autour de moi les pans de mon doux manteau gris, et j’attaque l’escalier qui mène à la surface. Dehors, le vent décoiffe, palpe, et congèle tout à la fois. Je ris, amusée lorsqu’un vieux journal vient se plaquer contre mon mollet gainé de nylon.

    Je sais, j’ai l’air d’une dingue, et après ?

    C’est la première fois que je quitte la maison depuis les vacances de Noël. Je suis restée longtemps alitée, il faut dire que j’ai bien failli y passer. Le solstice n’a pas été de tout repos cette année. Mais au milieu de toutes les catastrophes, les mamans ont trouvé une source d’énergie et le moyen de nous en faire profiter. En deux semaines j’étais reconstituée, en deux semaines de plus je me sentais quasiment humaine. Les fréquentes visites de Valentin n’y sont pas complètement pour rien.

    Quand enfin, au terme de longues discussions & autres divinations, Maman et Tante Mathilde se sont prononcées comme favorables à ma sortie, je leur ai dit que j’allais en tirer parti pour me rendre à un entretien d’embauche.

    Elles m’ont aussitôt regardée comme si j’étais tombée sur la tête.

    — Un entretien d’embauche ? a répété Maman incrédule, en secouant de droite à gauche ses longues boucles d’oreilles rose fluo en plumeaux et la chaîne de plastique assortie de ses lunettes papillon à strass. Tu vas chercher du travail ?

    — Ouaip. Je vais faire comme Camille. Je pense que c’est plutôt sain de se mélanger aux gens de son époque, et d’avoir une vie en-dehors de la magie.

    D’avoir une vie en-dehors de la famille, c’est ça que j’ai voulu dire, mais je ne crois pas qu’elles l’auraient très bien pris, alors, j’ai inventé ce bobard.

    Je vais donc suivre les traces de mon cousin Camille, qui part tous les matins de la semaine créer des designs et des packagings pour une agence de graphisme, Black Diamond. C’est là qu’il a rencontré Alex. Les bénéfices d’une activité intellectuelle rémunérée dans le monde séculier me paraissent évidents.

    Mathilde a pris la nouvelle avec philosophie. Je pense qu’elle s’est dit que je ne tiendrais pas deux minutes dans le monde corporate. Maman a eu l’air de se faire un peu plus du souci. Mais je suis restée inflexible.

    — Valentin a fait circuler mon CV et il y a une ouverture à la DSI, ai-je dit avec fermeté.

    Silence de mort de plusieurs secondes.

    J’ai vu venir le moment où j’allais me faire déshériter.

    — À la DSI ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? a repris Maman, ébahie. C’est une branche des services secrets ? Je croyais que Valentin était banquier ? Tu sais que c’est dangereux, ces trucs-là. Et rappelle-toi que tu ne passes plus à travers les murs. Tu n’es plus à l’épreuve des balles, Billie.

    J’ai patiemment expliqué :

    — Valentin travaille dans un grand groupe bancaire, qui a tout naturellement un service informatique. DSI, ça veut dire Direction des Systèmes d’Information.

    — Sibylle est au courant ? Elle est d’accord ? a demandé Mathilde.

    Je suis aussitôt montée sur mes grands chevaux. J’adore Sibylle, vraiment, du fond de mon cœur. Mais j’ai été son esclave magique pendant des années, même si c’était une situation involontairement créée par nous deux, et maintenant, j’ai grand besoin de prendre le large. J’ai besoin d’air.

    Pour finir, elles n’ont pas trouvé d’argument suffisant pour me garder à la maison. En bonnes mamans poules, elles ont insisté pour que je porte une tenue vestimentaire assez chaude et elles ont dû me laisser partir.

    Contemplant à présent l’immense dalle de béton qui déploie devant moi ses perspectives grisantes, je respire avec délices l’air de la liberté qui me fouette le visage. Il faut prendre à droite, à droite, à gauche, à gauche, a dit Valentin. Il faut franchir une arche, traverser une galerie, emprunter la passerelle sans stresser si la bourrasque la secoue.

    Valentin est très prévenant. Il est le premier humain normal que j’aie rencontré depuis que j’ai à nouveau un corps palpable (je ne compte pas les Jonas, leur définition de normal laisse à désirer). Il est fabuleux. Il est potentiellement le plus gentil garçon du monde, toujours de bonne humeur, toujours partant pour faire la fête ou pour donner un coup de main, disponible, arrangeant. Il a confiance en lui et n’a jamais peur du ridicule. Il est banquier et il adore le cachemire gris. Il est tellement parfait que ça me perturbe presque un peu.

    La passerelle, s’avère-t-il, est suspendue au-dessus d’un incroyable chaos routier, et bringuebale vraiment très fort dans le vent glacé. Il y a deux mois, j’aurais, par pur réflexe, plongé dans les futurs adéquats pour m’assurer qu’aucune catastrophe imminente ne menaçait ce pont de singe au-dessus de la jungle urbaine. Seulement, depuis, j’ai décidé de ne plus exercer la magie et de laisser la réalité suivre son cours.

    De toute façon, la magie m’est devenue moins accessible depuis que j’ai arrêté de la payer littéralement en donnant des atomes de ma personne. Pour une pratique durable, comme ne cesse de le répéter ma grande sœur Lisa, il faut lancer des rituels, économiser l’énergie, faire pousser des trucs, râper des métaux, discuter stratégie. C’est plutôt assommant, frustrant même, quand on a pris l’habitude d’une certaine toute-puissance.

    Lisa m’a conseillé de réfléchir à ma pratique, mais c’est tout vu. J’ai dit que j’arrêtais, j’arrête.

    J’ai décrété de surcroît que je restais de ce côté du miroir et ni Maman ni Mathilde n’ont élevé d’objection. Je crois qu’elles ont été assez horrifiées, à Noël, de constater ce que j’étais devenue. Suite à un pacte démoniaque mal négocié, je finançais l’activité magique de ma sœur et la mienne avec ma propre substance — en payant littéralement de ma personne. De « halo » en sort de distraction et d’excuse en tour de passe-passe, Sibylle et moi étions devenues assez bonnes dans l’art de dissimuler ma déliquescence. Je m’étiolais tranquillement dans l’indifférence générale. Toute cette histoire a vraiment failli mal finir pour moi.

    Mais je m’en suis sortie, et j’ai amassé un bon petit pactole culpabilité. Tout ça pour dire que je suis restée côté Sibylle, côté Valentin, et que les mamans ont payé l’addition énergétique sans rechigner, en ajournant sine die toute discussion sur ma vraie place dans le monde.

    Je suis arrivée à l’immeuble où doit se dérouler mon entretien. Je passe un sas, je foule du marbre, j’accède à un comptoir d’accueil. Quel exotisme. Je dois donner une pièce d’identité, décliner la raison de ma venue, porter un badge visiteur, patienter dans un petit salon d’attente qui sent la moquette et l’encre du Financial Times. Je ronronne de bonheur.

    — Billie !

    Je lève la tête : Valentin se tient devant moi, magnifique en pantalon noir et pull gris, un sourire éclatant sur son visage ouvert aux yeux chocolat.

    Je me mets debout pour lui faire la bise. La bise dure un peu plus longtemps que prévu. Valentin aime le contact, et moi, ma foi…

    — Comment tu te sens ? s’enquiert-il. Prête ?

    Je hoche la tête. Il m’a coachée pendant des heures, il m’a aidée à faire mon CV et à préparer l’entretien, et il a l’air plus nerveux que moi. Trop mignon.

    — Bon, fait-il, on se retrouve après l’entretien, on ira prendre un café.

    Tout est simple et facile avec lui. C’est le paradis. Il est absolument normal et ordinaire tout en étant parfait à tous égards. Je crois qu’il est la perle rare pour moi. Il n’a pas été particulièrement insistant, mais il est venu me rendre visite plusieurs fois par semaine à la maison pendant ma convalescence. Je lui ai dit que je souhaitais revenir graduellement à la vie et il n’a pas manifesté le moindre signe d’impatience. Un argument de plus en sa faveur.

    Depuis, nous nous livrons une cour à l’ancienne, un peu traditionnelle et désuète, et c’est tout simplement délicieux.

    Il dépose une bise légère sur ma joue. Son pull tout doux, son menton déjà râpeux, ses lèvres chaudes, sa main sur mon épaule, tout me rappelle que j’ai pris pied dans la réalité.

    L’entretien se passe bien. Je ne dévie pratiquement pas du script.

    Juste à la question sur mon précédent emploi, je m’embrouille un peu. Valentin avait trouvé un truc parfait pour moi — « assistante de laboratoire dans l’entreprise familiale » — mais j’ai improvisé au dernier moment.

    — J’ai été associée avec ma sœur dans une petite affaire de chimie, dis-je.

    Dès que j’entends la phrase franchir mes lèvres, je fais la grimace. Non seulement j’ai un peu l’air de sortir tout droit d’un épisode de Breaking Bad, mais en plus, Valentin a bien insisté sur le fait que mon passé de « freelance » ne jouerait pas en ma faveur ici. Les grands groupes ne comprennent pas vraiment les entrepreneurs, m’a-t-il dit. Ils ont avec eux une relation d’amour-haine-admiration-annihilation dont il vaut mieux que je me méfie.

    Je crois qu’une part de moi ne digérait pas cette histoire d’« assistante de laboratoire ». C’est vrai, quoi. Ce n’est pas parce que j’ai arrêté la magie qu’il faut que je minimise mon expertise. J’étais supercalée, une des meilleures de ma génération. J’avais accumulé des connaissances et des compétences qui dépassaient de plusieurs longueurs les savoir-faire des rigolos de la Chambre des Mages parisienne. Mon ego a un peu de mal à faire entrer cette réalité au chausse-pied dans cette boite étriquée, « assistante de laboratoire ». Et d’ailleurs je refuse de considérer, même en fiction, que j’ai été l’assistante de ma sœur. Elle a essayé de me bouffer, pas forcément de manière délibérée, c’était inconscient, si vous voulez, mais peu importe — on était associées, j’insiste, et j’assumerai tout.

    Heureusement, après ce petit raté, j’arrive à retourner au scénario créé avec Valentin et je m’y tiens scrupuleusement. Le reste de l’entretien se passe comme sur des roulettes.

    Après avoir fait le tour des sujets professionnels, la DRH s’intéresse à mon livre, que j’ai posé à côté de moi sur la table de la salle de réunion :

    — H. B. Similar ?

    — Vous connaissez ? interrogé-je, toute contente de trouver quelqu’un avec qui partager mon engouement pour cet auteur. C’est mon romancier favori !

    Depuis que Valentin m’a prêté un de ses livres à Noël, je suis raide-dingue-fan. Son œuvre est considérable, mais dès que je peux mettre la main sur un de ses livres, je l’achète pour le dévorer. J’ai dû chasser certains opus en rupture de stock dans les librairies d’occasion, ou sur eBay. H.B. Similar ne doit pas être tout jeune, parce que certains de ses romans, comme celui-ci d’ailleurs, datent des années 60.

    — Pas du tout, ça ne me dit rien, fait la DRH.

    Elle examine la couverture colorée du livre, qui montre un vampire au menton dégoulinant d’hémoglobine, vêtu d’une combinaison de cosmonaute avec une paire de menottes accrochées à sa ceinture.

    — « L’étoile exsangue ». C’est, euh, quel genre de livre ?

    — C’est du polar fantastique spatial ! Avec juste une touche de romance érotique, sensuel mais très poétique, vous voyez ?

    Elle n’a pas l’air de trop cerner et j’embraye aussitôt :

    — Mais il écrit aussi autre chose. Cet auteur a une imagination prodigieuse. C’est bien simple, il ne ressemble à aucun autre. J’aimerais bien le rencontrer. J’ai déjà envoyé maintes lettres à sa maison d’édition, mais je n’ai jamais eu aucune réponse, et il ne se manifeste jamais à aucun salon littéraire. J’espère qu’il est encore en vie.

    Est-ce que je me montre tout à coup un peu trop enthousiaste et intense ? C’est possible. Pour rectifier le tir, j’offre un doux sourire consensuel à la DRH, qu’elle ne se méprenne pas sur ma vraie nature. Je lis des livres improbables, j’ai une famille particulièrement excentrique, oui, c’est vrai. Je suis une sorcière, c’est un fait. Mais pour tout le reste je suis, jusqu’aux tréfonds de mon âme, une personne parfaitement conventionnelle qui adore les choses prévisibles, les situations claires, les conforts simples.

    2

    VALENTIN

    Mardi 11 février, 11h

    Billie retire son manteau et le dépose avec soin sur le dossier de la chaise, et je pense : je vais lui coudre une parure de sequins, pour aller danser. Dans les tons de gris, elle adore le gris. Sa robe est grise et elle a l’air très, très douce. Ses yeux sont gris. Parfois quand le soleil frappe ses cheveux suivant un certain angle, comme maintenant dans le café au pied de la tour, même eux ils apparaissent gris, d’un couleur si délicate qu’elle me prend à la gorge.

    L’entretien s’est bien passé, je le sais avant même que Billie ne me le raconte, parce que Victorine, la DRH, vient de m’envoyer un texto pour me dire que ma copine était super. Je dois laisser les choses suivre leur cours, bien sûr, mais je suis très optimiste. Et la perspective de devenir, peut-être, le collègue de Billie dans un futur proche, me remplit d’une délicieuse anticipation. Le groupe est vaste, on n’aura sans doute pas vraiment à travailler ensemble, mais au moins, je pourrai la voir plus souvent.

    J’ai de plus en plus de mal à me passer de sa présence. Si sa famille ne trempait pas effectivement dans la sorcellerie, je plaisanterais que Billie m’a envoûté. Difficile d’expliquer autrement ce besoin permanent que je ressens de la voir, de l’appeler à toute heure, de lui apporter des cadeaux, de la nourrir, de m’assurer de son bien-être.

    C’est vrai, je suis un peu comme ça avec tout le monde, ceux qui me connaissent l’ont déjà remarqué. Et j’ai une réputation de coeur d’artichaut. Mais là, ça atteint des sommets. J’ai envie de sortir à deux heures du matin pour lui préparer une camomille parce que j’ai l’intuition qu’elle fait une insomnie. Je n’arrive pas à me retenir de l’appeler le vendredi à 19h pour savoir si elle veut un cocktail. Je m’angoisse : a-t-elle tout ce dont elle a besoin ? Ses yaourts préférés, son savon à la vanille ? Je regarde les programmes de spectacles et les vitrines des magasins en me demandant s’il y a des choses pour elle. Quand je me promène dans un parc, j’interroge les oiseaux pour savoir s’ils la connaissent. Tout est connecté, tout est lié, et elle est au milieu.

    C’est un peu embarrassant et je sais qu’elle a besoin de temps après sa maladie de cet hiver. Je suis parfaitement capable de me montrer patient. Mais le besoin que je réfrène de prendre soin de cette fille est hors de proportion avec tout ce que j’ai connu jusque là.

    J’aimerais bien qu’elle me parle, qu’elle me dise ce qu’elle veut. J’ai l’impression qu’elle est sur la réserve. Si elle ne partage pas mon délire, je ne vais pas lui mettre la pression ! Parfois, quand elle pense qu’on ne la regarde pas, elle a des expressions qui vont du nostalgique au traumatisé, et je ne veux pas la brusquer. Je sais qu’elle a été « malade », même si personne ne m’a jamais raconté ce qui s’était vraiment passé.

    Je crois que ça a un rapport avec la magie. Sa

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