Les Pandectes – Droit du travail
Par Gaston Vogel
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À propos de ce livre électronique
- le contrat de travail,
- les obligations et les droits respectifs des patrons et des salariés,
- la fin du contrat de travail,
- le procès avec la transaction et l’indemnisation.
L’ouvrage repose sur les jurisprudences les plus récentes qui semblent tendre aujourd’hui vers une précarisation progressive du droit du travail se faisant remarquer par les montants dérisoires des indemnités dues.
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Les Pandectes – Droit du travail - Gaston Vogel
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ISBN : 978-2-87998-134-5
Table des matières
Les numéros entre parenthèses renvoient aux paragraphes
Table des matières
Introduction
Dossier I
Le contrat de travail (1-111)
1. Définition
1.1 Contrat de travail
1.2 Intuitus personae
1.3 Subordination
2. Ordre public et qualification
2.1 Nature du contrat de travail
3. Preuve
Contrat de travail oral – Paiement des salaires en espèces – Difficultés de preuve – Illustration
4. Modifications du contrat et avenants
4.1 Modification du contrat
4.2 Avenant
4.3 L’employeur ne peut modifier l’organisation sans l’accord du salarié
4.4 Modification d’une clause essentielle du contrat – Situation économique de l’employeur ou de l’entreprise
4.5 Modifications substantielles
4.6 Rétrogradation
4.7 Modification du contrat de travail existant suite à une décision de reclassement interne – Révision du contrat – Applicabilité de l’article L.121-7 du Code du travail (non)
5. Conventions collectives
5.1 Suppléments de salaire prévus par une convention collective – Évolution du progrès technique postérieur à la signature de la convention et rendant certaines clauses anachroniques
5.2 Convention collective et cadres supérieurs
6. Lien de subordination
6.1 Critère essentiel du contrat de travail
6.2 L’appréciation du lien de subordination
6.3 Applications
Époux
Concubins
Agent commercial
Administrateur-délégué – Directeur général
Actionnaire minoritaire
Gérant technique
Entraîneur sportif
Chargé de cours
Artiste de spectacle
Auxiliaire temporaire
Consultant
Avocat
7. Embauche – Les divers contrats d’emploi
7.1 Embauche ou offre d’emploi
Embauche pour durée restreinte
Divers
Détachement de travailleurs
Permis de travail
7.2 Le contrat à l’essai
Période d’essai
7.3 Contrat définitif
Contrat à durée indéterminée
Contrat à durée déterminée
7.4 Requalification
8. La clause de non-concurrence
8.1 Principe
8.2 Zone
8.3 Contrepartie financière
8.4 Protection des intérêts légitimes de l’entreprise
8.5 Applications – Clause de non-concurrence – Contrepartie financière dérisoire – Clause illicite – Respect par le salarié – Préjudice
9. La rémunération
9.1 Principe
9.2 Heures supplémentaires et divers
9.3 Divers avantages
Voiture de service
Frais kilométriques
Commissions
Logement de service
Treizième mois – Gratification
Indemnisation compensatoire de congé
Frais d’avocat
Frais professionnels
Téléphone portable
10. Congé
10.1 Du congé pour l’accompagnement des personnes en fin de vie (Loi du 16.3.2009 relative aux soins palliatifs)
10.2 Congé – Obligation de l’employeur
Dossier II
Exécution du contrat de travail (112-178)
1. Prérogatives de l’employeur
1.1 Pouvoir de direction
1.2 Fichiers informatiques – Ouverture en l’absence du salarié
2. Clause de mobilité – La mutation du salarié
2.1 Définition
2.2 Clause de mobilité et droit au respect de la vie familiale
2.3 Présomption de bonne foi
2.4 Changement d’horaire
3. Surveillance du salarié
3.1 La simple surveillance
3.2 Sur les lieux de travail du salarié
3.3 Le fait de l’employeur ou du « supérieur hiérarchique »
4. Obligations de l’employeur
4.1 Bonne foi
4.2 Harcèlement moral
4.3 Harcèlement sexuel
4.4 Obligation de sécurité
4.5 Devoir de transparence
4.6 Respect de la vie privée
4.7 Respect de la liberté d’expression
4.8 Salaires
4.9 Discrimination
5. Obligations du salarié
5.1 Devoir de loyauté
5.2 Exécution en bon père de famille
5.3 Concurrence
5.4 Parasitisme
5.5 Abus de fonction
5.6 Absentéisme – Maladie
6. Responsabilité du salarié
6.1 Responsabilité (article 47)
Dossier III
Fin du contrat de travail (179-369)
1. Nullité du Contrat de travail
1.1 Nullité du contrat de travail en cas de dol
2. Cessation du contrat de travail
2.1 Cessation des affaires de l’employeur – Décès du salarié
2.2 Cessation de plein droit du contrat de travail
3. Par mutuus consensus
3.1 Article 33 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail
4. Démission
4.1 Démission – Abus
5. Rupture du contrat par le salarié
5.1 Rupture pour faute de l’employeur
5.2 Prise d’acte
6. Le licenciement
6.1 Protection des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes
6.2 Licenciement – Protection du salarié incapable pour raison médicale – Computation des délais (délai de protection ou délai de procédure ?)
6.3 Licenciement d’un membre du comité mixte
6.4 Délégué
7. Licenciement avec entretien préalable
7.1 Entretien préalable
7.2 Nature du congédiement
7.3 Licenciement collectif
7.4 Motivation du congédiement
Motifs réels et sérieux – Contrôle judiciaire
Applications diverses – Conflit d’intérêts – Âge – Déclaration d’intention
Mésentente
Perte de confiance
7.5 Licenciement pour raisons économiques
Réorganisation – Restructuration
Choix de l’employeur
Motivation
Licenciement en prévision de difficultés
Accord collectif
Départ en retraite
Ancienneté
Plan social
7.6 Licenciement pour faute
Définition
Licenciement immédiat
Principe de proportionnalité
Absentéisme
Mauvaise exécution de la prestation de travail – Imprudence
Comportement dommageable pour l’employeur
Comportement
Concurrence déloyale
Charge de la preuve
Forclusion
Chauffeur routier
Applications diverses
7.7 Influence sur congédiement – Tolérance et avertissement – Pardon social
Comportement déjà sanctionné par un avertissement – Licenciement – Exigence d’un nouveau fait
« Prescription » des fautes du salarié
Tolérance des faits « fautifs » par le patron
Le pardon social
Dossier IV
Solution des conflits de travail (370-402)
1. Transaction soit extrajudiciaire, soit judiciaire
1.1 Finalité
1.2 Annulation de la transaction pour réticence dolosive au moment de la signature
1.3 Transaction concomitante à une résiliation
2. Procès
2.1 Compétence ratione materiae
Compétence ratione loci
Forclusion
2.2 Référé-Travail
Le juge de l’évident et de l’incontestable
2.3 Forclusions
3. Indemnisation
3.1 Préavis
3.2 Indemnisation pour rupture abusive
3.3 Recours état
Décisions
Cour d’appel Luxembourg
Cour d’appel Française
Cassation Luxembourgeoise
Cassation Française
Tribunal du travail de Luxembourg
Tribunal du travail de Esch
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg
Tribunal d’arrondissement de Diekirch
Tribunal d’arrondissement de Esch
Ordonnance
Introduction
Le droit du travail a fait l’objet au Luxembourg de beaucoup d’ouvrages, les uns plus parfaits et plus complets que les autres.
Nous n’avons pas la prétention de concourir avec ces auteurs qui sont entrés dans les profondeurs de chaque détail. Nous proposons au praticien un document de recherche rapide et fiable, articulé autour de quatre thèmes, prenant tous leur racine dans l’importante loi du 24 mai 1989 et qui reste le texte de base de la discipline à laquelle est consacré cet ouvrage :
– le contrat de travail – sa définition – ses critères – ses modalités
– les obligations et les droits respectifs des patrons et des salariés
– la fin du contrat – démission – résiliation
– le procès – la transaction – l’indemnisation.
L’ouvrage que nous voulons d’une grande rigueur et précision sur ces quatre thèmes majeurs du droit du travail repose sur les dernières jurisprudences rendues par nos Cour et Tribunaux.
Une étude approfondie de cette jurisprudence qui se fait d’ailleurs de plus en plus stérile et stéréotypée documente la fâcheuse tendance d’une précarisation progressive du droit du travail, dès qu’il est appelé à passer par les fourches caudines judiciaires.
Cette évolution négative se fait surtout remarquer au niveau des arrêts qui, en cas de résiliation abusive d’un contrat d’emploi fixant les indemnités à des montants si dérisoires que le plaideur aurait mieux fait de renoncer à faire valoir ses droits.
Ainsi, un arrêt de date récente a ramené sans motivation aucune à 1.000,- € le préjudice moral pour licenciement abusif d’un employé ayant atteint l’âge de 50 ans et ayant eu une ancienneté de bons et loyaux services de presque 20 ans.
La perte de l’emploi fait partie des pires tragédies humaines. Il n’est pas concevable qu’on aborde avec tant de désinvolture ce problème douloureux qui menace tant la vie de l’employé que la sécurité de sa famille.
Le droit du travail mérite d’être revu sous l’angle d’une plus grande équité.
Dossier I
Le contrat de travail (1-111)
Dans ce dossier, nous examinons les questions suivantes :
– définition et qualification du contrat
– nature du contrat
– preuve
– modifications et avenants
– le lien de subordination comme critère essentiel
– les divers contrats sous l’aspect du caractère définitif et de la durée
Le droit social est une branche de droit autonome…
Le non-respect d’une règle de forme est sanctionné ici par une règle de fond.
1. Définition
1.1 Contrat de travail
1
Le contrat de travail se définit en substance comme une convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération (v. Camerlynck, Tr. de droit du travail, Le Contrat de travail n° 28), et cela, quel que soit le mode de rémunération.
La subordination juridique constitue le critère qui permet d’opposer nettement, dans chaque cas d’espèce, le salarié au commerçant indépendant (App. 3e, 26 mars 1998, D. c. F.L. T.T., rôle n° 21.131) (T.A. Lux., 19 mai 1983, rôle n° 28874).
1.2 Intuitus personae
La confiance attendue
2
Le contrat de travail est habituellement considéré comme un contrat intuitu personae. La confiance attendue est intellectuellement indissociable de l’intuitus personae du contrat de travail. En effet, l’intuitus personae se subdivise traditionnellement en intuitus personae de confiance et en intuitus personae d’affection.
L’intuitus personae de confiance (qui seul nous intéresse ici) « se rencontre en général dans les contrats comportant une obligation de faire, où la compétence professionnelle, le talent, (…) la moralité, etc., entrent directement en ligne de compte dans la décision de conclure le contrat avec telle personne plutôt qu’une autre ».
L’intuitus personae est donc source, ici, de comparaison entre des contractants possibles, une fois la décision de contracter prise. Mais c’est dire aussi que « ce savoir particulier du contractant, qui colore d’intuitu personae la convention, n’est que la garantie que celui-ci remplira bien l’obligation qui est attendue de lui ».
1.3 Subordination
3
Le contrat de travail ou d’emploi s’analyse en substance comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération. De cette définition découlent trois éléments constitutifs irréductibles : la prestation de travail, la prestation de travail accomplie moyennant une rémunération ou salaire et le lien de subordination avec le pouvoir de direction inhérent à la qualité d’employeur. Ces critères marquent la différence fondamentale du salarié avec le travailleur indépendant.
2. Ordre public et qualification
4
(…) Attendu qu’on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public ; que la législation portant règlement légal du louage de services des employés privés a un caractère d’ordre public en ce sens que les patrons et employés ne peuvent convenir de stipulations différentes et complémentaires qu’en tant qu’elles sont plus favorables à l’employé (T. Pemmers, le contrat de travail des employés, 2e éd., nos 41 et 48) ; que par ailleurs pour déterminer la nature d’un contrat il est de principe que l’on ne doit pas s’arrêter à la qualification donnée par les parties, mais qu’il faut consulter la substance du contrat (Cour, 27 avril 1927, Pas. XI, 349).
5
Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail est fournie.
6
Lorsque le juge pénal affirme l’existence d’un contrat de travail pour prononcer une condamnation, le juge civil est tenu par ce constat.
7
S’il et vrai qu’il convient de distinguer la personnalité juridique distincte et autonome des sociétés filiales de celle de leur société mère, cela n’empêche cependant pas le juge du travail, en l’absence d’un contrat de travail écrit en bonne et due forme, d’examiner la vraie nature des relations ayant existé entre parties.
2.1 Nature du contrat de travail
8
C’est à juste titre que le tribunal du travail a retenu que le contrat de travail est un contrat synallagmatique et qu’un employeur n’engage pas, dans une intention libérale, des salariés qu’il rémunère sans exiger une contreprestation de leur part ; que leur travail lui est nécessaire et utile et constitue, d’ailleurs, la prestation requise dans le chef du salarié pour qu’il ait droit au paiement de salaire.
3. Preuve
9
Le seul fait de percevoir un salaire ne suffit pas à conférer aux relations la nature de contrat de travail.
10
Celui qui invoque l’existence d’un contrat de travail doit en établir la preuve. Cependant, lorsque les parties sont en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui conteste l’existence d’un lien de subordination d’établir le caractère fictif du contrat.
L’apparence de régularité d’un contrat de travail écrit n’établit pas en elle-même la compétence des juridictions du travail, mais ne fait que renverser la charge de la preuve en faveur de la salariée.
10-1
Il est admis qu’on peut conclure un contrat verbal.
Contrat de travail oral – Paiement des salaires en espèces – Difficultés de preuve – Illustration
10-2
L’appelante qui conteste toute relation de travail entre parties s’empare à titre subsidiaire des déclarations faites par le témoin H. pour soutenir que la société a rémunéré en espèces B.
Dans son attestation testimoniale du 8 juillet 2009, ce témoin déclare que B. et C. « ont attendu d’obtenir un contrat de travail rédigé en bonne et due forme et qu’ils ont été payés en espèces sans déclaration aux caisses compétentes ».
Ces déclarations sont imprécises en ce qu’elles ne précisent ni les dates de paiement, ni les montants. La Cour note par ailleurs que l’appelante ne verse aucun justificatif de paiement – elle n’en possède pas puisque la remise s’est faite de la main à la main et que la production de toute pièce établirait une relation de travail – et que l’intimé ne conteste pas avoir touché des espèces, ce dernier ne prenant ostensiblement pas position sur ce point précis.
La Cour décide d’accorder une certaine foi aux déclarations du témoin.
En l’absence de pièce et d’explications convaincantes, elle fixe ex aequo et bono à 1.250 € les montants touchés par mois par l’intimé. Sa créance pour les trois mois se réduit partant à la somme de 3.750 €. Le jugement est à réformer en ce sens.
Droit de la preuve – Théorie de la facture ou correspondance acceptées – Applicable en droit du travail (non)
10-3
Le fait par la société de ne pas avoir réagi aux courriers de l’appelant du 10 juin 2011 et de son mandataire du 1er juillet 2011 ne vaut pas, « par analogie à la théorie de la facture acceptée » acceptation par cette dernière du contenu desdits courriers, étant donné que ladite théorie n’est pas transposable en droit du travail et que le silence du supposé employeur n’implique pas dans son chef acceptation du contenu du courrier lui adressé.
Le tribunal du travail a correctement exposé les conditions inhérentes à l’existence d’un contrat de travail et retenu qu’il appartenait au requérant qui soutient avoir été engagé oralement d’en établir l’existence.
Il lui appartient notamment d’établir avoir effectué des prestations sur le supposé lieu de travail, quitte par après à la juridiction d’appel de rechercher si ces dernières ont, d’après les éléments en sa possession, été effectuées dans le cadre d’une relation de travail.
4. Modifications du contrat et avenants
4.1 Modification du contrat
11
Lorsque le patron entend, dans le cadre de l’organisation ou de la réorganisation de son entreprise, mettre en œuvre des modifications essentielles dans les attributions de l’ouvrier et qui constituent un désavantage pour celui-ci, il ne pourra le faire qu’après avoir préalablement mis fin au contrat dans les formes légales et conventionnelles.
(C.A., 17 décembre 1992, rôle n° 11.973)
Cependant rien n’empêche les parties de se mettre d’accord sur pareilles modifications et dans ce cas les conventions font la loi des parties.
12
La clause du contrat de travail réservant à l’employeur le droit de modifier unilatéralement le secteur de prospection et par conséquent la rémunération du salarié est inopérante
13
L’avantage qui résulte d’un usage ne s’incorpore pas au contrat de travail. Rien n’empêche cependant les parties de contractualiser un ou des avantages résultant jusque-là d’un usage. Il leur appartient de le faire explicitement par l’adjonction d’un avenant.
4.2 Avenant
14
L’avenant à un contrat de travail devant s’analyser comme une modification du contrat, le salarié est en droit de refuser une nouvelle modification le replaçant dans la situation antérieure à cet avenant
4.3 L’employeur ne peut modifier l’organisation sans l’accord du salarié
15
Lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié.
Ayant constaté que, tant lors de son détachement dans la société filiale qu’à son retour dans la maison mère, les parties étaient convenues que le salarié effectuerait, aux frais de l’employeur, son travail à son domicile deux jours par semaine, une Cour d’appel peut décider que le fait pour l’employeur de lui imposer de travailler désormais tous les jours de la semaine au siège de la société constituait, peu importe l’existence d’une clause de mobilité, une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser.
4.4 Modification d’une clause essentielle du contrat – Situation économique de l’employeur ou de l’entreprise
16
C’est à tort que l’appelante demande à la Cour de prononcer la nullité de la modification d’une clause essentielle de son contrat de travail en sa défaveur intervenue, selon elle, en violation des dispositions de l’article L. 121-7 du Code du travail, étant donné que A. a démissionné avec effet immédiat de son poste de travail par lettre de son mandataire adressée à son employeur le 18 avril 2003. La nullité de la modification prononcée par le juge remet en effet le salarié dans la situation antérieure à ladite modification, ce qui présuppose la continuation des relations de travail entre parties et non pas, tel qu’en l’espèce, la rupture de celles-ci.
Le salarié n’est pas fondé dans le cadre d’une demande en indemnisation du chef de résiliation abusive du contrat de travail imputable à l’employeur de soutenir que le motif grave consiste dans le non-respect des formalités de l’article L. 121-7 du Code du travail, étant donné que la seule sanction de cette inobservation consiste en la nullité de la modification de la clause essentielle du contrat de travail opérée en défaveur du salarié.
Dans le cadre de sa demande en allocation de dommages-intérêts implicitement basée sur l’article L. 124-10 du Code du travail (article 27 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail), il incombe au salarié d’établir que l’employeur a procédé à la modification d’une clause essentielle du contrat de travail en sa défaveur, l’employeur restant libre, au regard de l’article L. 124-11 du Code du travail (article 28 de la loi précitée) de rapporter la preuve que cette modification repose sur un motif réel et sérieux lié à l’aptitude ou à la conduite du salarié, ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service.
La modification de la clause essentielle du contrat de travail opérée par l’employeur en défaveur du salarié doit s’apprécier en tenant compte de la situation qui était la sienne avant la modification intervenue. C’est partant à bon droit que l’appelante fait valoir qu’elle travaillait, avant sa prise de congé sans solde au mois d’octobre 2002, presque exclusivement en tant que coordinatrice des dégustatrices. Il ressort d’une lettre du 22 avril 2002 adressée par l’employeur à A. qu’elle pouvait consacrer au maximum douze heures par semaine aux tâches administratives de coordinatrice.
La fonction de coordinatrice est de par sa nature différente de celle de dégustatrice, la première consistant à organiser de façon globale le planning des tournées des dégustatrices décidées par la direction de l’entreprise, la deuxième à faire sur place la promotion des articles. Il s’y ajoute que l’appelante a exercé sa fonction de coordinatrice à partir de son domicile privé, les dégustatrices devant au contraire se déplacer « sur le terrain ».
Il ressort des courriers échangés au début de l’année 2003 entre parties que l’employeur avait décidé de réduire à six le nombre des heures de travail que A. pouvait consacrer, à partir du 1er avril 2003, date convenue de la reprise de ses fonctions au sein de l’entreprise, aux tâches administratives en sa qualité de coordinatrice, et demandé à son employé de recommencer à exercer sa fonction de dégustatrice. Le nombre exact d’heures de travail que la salariée aurait dû à l’avenir consacrer à cette dernière fonction n’y est pas spécifié, étant entendu que l’appelante précise dans ses conclusions du 14 décembre 2005 que la perte des heures consacrées aux tâches administratives devait être compensée par celles consacrées à ses fonctions de dégustatrice et ceci afin de lui garantir un salaire équivalent.
La réduction du temps de travail à consacrer aux activités de coordinatrice et son corollaire, à savoir la compensation des heures y précédemment consacrées par la reprise partielle de son activité de dégustatrice, constituent une modification d’une clause essentielle du contrat de travail en défaveur de la salariée.
Cette modification était cependant nécessaire au vu de la situation financière précaire de la société.
Il n’est en effet pas contesté que la société traversait une période financière difficile, due principalement à la perte de deux clients importants, qu’elle avait déjà procédé à la réduction sensible du nombre de ses dégustatrices et devait redoubler d’efforts sur le terrain pour lancer une nouvelle marque de café. L’employeur, seul responsable de la direction de l’entreprise en vue d’en assurer sa survie, pouvait partant légitimement procéder à une réorganisation d’une activité principale de la société, à savoir la promotion dans les points de vente de produits dont il assurait la distribution, la modification étant faite dans l’intérêt de la société.
L’employeur ayant justifié d’un motif réel et sérieux fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise qui l’a amené à procéder à la modification d’une clause essentielle du contrat de travail en défaveur de A., la demande de cette dernière en allocation de dommages-intérêts lui redue du chef de la démission de son poste de travail rendue nécessaire par la faute de l’employeur est à rejeter.
4.5 Modifications substantielles
17
Afin de pouvoir déterminer si un poste donné (en l’occurrence Quality and Security Assistant) a pu constituer une rétrogradation dans le chef d’un salarié, il échet d’examiner quelle était la fonction occupée par ce dernier, non pas lors de son engagement, mais dans la période précédant immédiatement la date de la modification alléguée.
18
La fonction d’un assistant comporte moins de responsabilité que celle d’un manager : La nouvelle affectation (de manager à assistant) constitue une modification substantielle qui, si elle a été acceptée, ne tombe pas sous le champ d’application de l’article 37 alinéa 3 de la loi sur le travail.
4.6 Rétrogradation
18-1
Tant la rétrogradation que la modification de la rémunération constituent des modifications essentielles du Contrat de travail en défaveur du salarié et l’employeur doit alors respecter sous peine de nullité de la modification opérée, le délai de préavis imposé par l’article L 124-3 du Code du travail non seulement pour la diminution de la rémunération, mais également en ce qui concerne le changement de poste octroyé à l’employé.
4.7 Modification du contrat de travail existant suite à une décision de reclassement interne – Révision du contrat – Applicabilité de l’article L.121-7 du Code du travail (non)
18-2
Dans le cadre d’une révision du contrat de travail les parties peuvent toujours compléter ou modifier d’un commun accord leur convention originaire et ce même en défaveur du salarié du moment que celui-ci les accepte, étant rappelé que les dispositions des articles L. 121-4 par, 4 et suivants du Code du travail relatifs à la révision du contrat de travail ne sont pas, d’après l’article L.121-7 alinéa 4 du même code, applicables en cas de reclassement interne d’un travailleur incapable d’exercer son dernier poste de travail comme dans le cas de A.
En effet dans ce cas, comme l’a à juste titre rappelé le tribunal du travail, l’employeur ne pouvait que mettre en œuvre la décision de reclassement prise par la commission mixte en date du 10 août 2006 ; l’employeur n’avait partant d’autre choix que de reclasser la salariée tel que prévu par la commission mixte de reclassement, sans commettre un abus de droit et la salariée ne pouvait refuser ce reclassement sauf à mettre en cause devant les instances compétentes, à savoir devant le Conseil Arbitral des Assurances Sociales, la décision de la commission mixte du 10 août 2006 ou trouver un accord avec l’employeur sur une réintégration à plein temps, ce qui ne fut pas le cas.
Pour être complet il parait important de relever que la clause litigieuse que la salariée voudrait voir annuler n’a en aucun cas rendu la situation de cette dernière plus défavorable, alors que pour un travail à mi-temps elle perçoit une rémunération correspondant à un travail à temps plein.
Modification d’une clause essentielle du contrat de travail – Obligation de motivation à la demande du salarié
18-3
Conformément à l’article L. 121-7 du code du travail, toute modification en défaveur du salarié portant sur une clause essentielle du contrat de travail doit, sous peine de nullité, être notifiée au salarié dans les formes et délais visés aux articles L. 124-2 et L.124-3 et indiquer la date à laquelle elle sort ses effets.
Dans ce cas, le salarié peut demander à l’employeur les motifs de la modification et l’employeur est tenu d’énoncer ces motifs dans les formes et délais prévus à l’article L. 124-5.
(…)
La résiliation du contrat de travail découlant du refus du salarié d’accepter la modification lui notifiée constitue un licenciement susceptible de recours judiciaire visé à l’article L.124-11.
L’article L.124-5.(2) du code du travail auquel l’article L.121-7 fait référence prévoit que l’employeur est tenu d’énoncer avec précision par lettre recommandée, au plus tard un mois après la notification de la lettre recommandée, le ou les motifs du licenciement (en l’espèce de la modification de la clause essentielle) liés à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service qui doivent être réels et sérieux.
La précision des motifs est exigée pour que le juge puisse exercer un contrôle et que le salarié puisse en vérifier le bien-fondé.
L’exigence de la précision implique que dans le cas de la modification d’une clause essentielle du contrat de travail, l’employeur donne sa motivation une version complète des circonstances imposant cette modification.
En l’espèce, la société A. s.à r.l. a failli à cette obligation en omettant d’indiquer dans la lettre de motivation que par le fait de sa domiciliation elle continue à avoir une présence au Luxembourg et qu’elle continue à y employer deux personnes affectées à des tâches qui n’auraient pas pu être effectuées par B. De la sorte, B, qui en tant que salariée, se trouvant à environ une année de sa retraite, et qui avait intérêt à pouvoir continuer à travailler au Luxembourg, n’avait pas à sa disposition toutes les données nécessaires pour vérifier le bien-fondé de la décision de son employeur de modifier une condition essentielle de son contrat de travail en lui imposant un nouveau lieu de travail distant de 300 kilomètres.
La lettre de motivation n’ayant pas été suffisamment précise, la résiliation a été à bon droit considérée comme abusive par les premiers juges.
Modification unilatérale d’une clause essentielle du contrat de travail – Démission par le salarié – Résiliation du contrat de travail à la date de la notification de la modification unilatérale
18-4
Le 23 septembre 2009, la société A. Sàrl. a envoyé à B. un courrier qui a la teneur suivante :
« Madame,
Par la présente, nous vous informons que vous êtes affectée sur le site de C. à Kayl au poste de Brigadière (Permanence). Votre salaire horaire pour ce nouveau poste sera de 11 € brut/heure. La durée hebdomadaire de travail reste à 40 heures/semaine. L’horaire de travail se situe entre 05.00 heures et 16.00 heures du lundi au dimanche (suivant planning).
Le préavis concernant les modifications importantes de contrat étant de deux mois, celui-ci débutera le 1er octobre 2009 et se terminera le 30 novembre 2009. Les modifications de votre contrat prendront donc effet le 1er décembre 2009.
Nous vous demandons également de nous rendre les badges, clés, vêtements de travail et autres effets du D à la fin de votre poste le 30 novembre 2009. »
Par courrier du 9 octobre 2009, B. a demandé les motifs à la base de la modification de son contrat de travail et la société A s.à.r.l. les lui a fournis par lettre recommandée du 23 octobre 2009.
B. a fait contester, pour ne pas remplir les critères de précision et pour ne pas se baser sur des motifs réels et sérieux, les motifs de la modification de son contrat de travail par courrier du 5 novembre 2009, a remis ses effets de travail et les clés de son lieu de travail à la partie défenderesse le 30 novembre suivant et n’est plus allée travailler chez la société A. à partir du 1er décembre 2009, date à laquelle les modifications de son contrat devaient entrer en vigueur
(…)
Le tribunal a admis que la réaffectation de B. du site du D. sur le site C. à Kayl comme brigadière ne constitue pas une modification substantielle du contrat de travail.
Le tribunal a par contre dit que la modification de l’horaire de travail étendant le travail au dimanche et la diminution du salaire horaire constituent des modifications substantielles en défaveur de B.
La Cour fait sienne la motivation exhaustive et judicieuse du tribunal et admet qu’il y a bien eu modification substantielle et défavorable des conditions de travail.
Par l’effet rétroactif de la démission il y a eu résiliation du contrat de travail en date du 23 septembre 2009. Étant donné que par la lettre de contestation le délai de forclusion de trois mois de l’article L.124-11(2), alinéa 1er, du Code du travail a été interrompu le 5 novembre 2009, B., en déposant sa requête le 5 novembre 2010, a agi dans le nouveau délai d’une année, qui en vertu de l’article L.124-11(2), alinéa 2, du Code du travail a commencé à courir à partir du 5 novembre 2009.
5. Conventions collectives
5.1 Suppléments de salaire prévus par une convention collective – Évolution du progrès technique postérieur à la signature de la convention et rendant certaines clauses anachroniques
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Quid si des clauses d’une convention collective rédigées en termes généraux et prévues pour un travail manuel, cessent de s’appliquer par le fait que la situation des travailleurs bénéficie d’un progrès technique qui n’existait pas à la date où la convention collective fut signée ? (p. ex. le travailleur est aidé dans l’accomplissement de sa tâche par camions et machines plus performants)
Deux décisions ont été rendues en la matière, à savoir :
– jugement rendu par le Trib. Trav. de Diekirch le 25 octobre 2005, n° 1039/04
– arrêt de confirmation rendu par la C.A. le 8 mars 2007 (rôle n° 29.601).
L’obligation d’exécution de bonne foi des contrats issue de l’article 1134 alinéa 3 se limite à la situation envisageable par les parties au moment où elles ont contracté.
Une clause claire et précise cesse de l’être et donne matière à interprétation, dès lors qu’il est manifeste qu’elle est contraire au but poursuivi par les contractants.
5.2 Convention collective et cadres supérieurs
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Les articles pertinents du Code du travail pour la solution du litige sont de la teneur suivante :
Art. L 162-8 (2) : Lorsqu’un employeur est lié par une convention collective ou un accord subordonné, il l’applique à l’ensemble de son personnel visé par la convention ou l’accord en cause.
(3) Sauf disposition contraire de la convention collective ou de l’accord subordonné, les conditions de travail et de rémunération des employés ayant la qualité de cadres supérieurs ne sont pas réglementées par la convention collective ou l’accord subordonné conclus pour le personnel ayant le statut d’employé.
Toutefois, les parties contractantes qualifiées au sens des dispositions qui précèdent peuvent décider de négocier une convention collective particulière pour les cadres supérieurs au sens des dispositions visées ci-dessus.
Sont considérés comme cadres supérieurs au sens du présent titre, les travailleurs disposant d’une rémunération nettement plus élevée que celle des employés couverts par la convention collective ou barémisés par un autre biais, tenant compte du temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions, si cette rémunération est la contrepartie de l’exercice d’un véritable pouvoir de direction effectif ou dont la nature des tâches comporte une autorité bien définie, une large indépendance dans l’organisation du travail et une large liberté des horaires du travail et notamment l’absence de contraintes dans les horaires.
Il en découle que la convention collective est applicable à l’ensemble du personnel et que, sauf disposition contraire de la convention collective ou encore existence d’une convention collective spécifique applicable aux seuls cadres supérieurs, hypothèses non remplies en l’espèce, les conditions de travail et de rémunération des employés ayant la qualité de cadres supérieurs ne sont pas réglementées par ladite convention collective conclue pour le personnel ayant le statut d’employé. N. soutenant être couverte par la convention collective qui s’applique en principe à l’ensemble du personnel excipant du statut de cadre supérieur de l’intimée, il incombe à la banque d’établir que son ancienne salariée exerçait en son sein des fonctions dirigeantes de cadre supérieur rémunérées de façon nettement plus élevée que celles d’un employé tombant sous le champ d’application de la convention collective.
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Est cadre celui qui exerce au sein d’une entreprise des fonctions relevant d’un pouvoir de direction effectif ou comportant une autorité bien définie. L’octroi d’un pouvoir de signature ne saurait à lui seul faire présumer une telle autorité à défaut par l’employeur de spécifier les attributs liés à cette délégation de signature et d’établir que l’octroi d’une telle procuration était réservé aux seuls cadres dirigeants.
6. Lien de subordination
6.1 Critère essentiel du contrat de travail
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Le lien de subordination n’exige pas que l’employeur exerce sur l’activité de l’employé une direction étroite et permanente, qu’il suffit que le premier ait le droit de donner au second des instructions pour l’organisation et l’exécution du travail convenu ;
que conçue comme un pouvoir de l’employeur, la subordination ne se manifestera que si celui-ci juge bon d’en user, que le louage de service n’exige dons pas une subordination effective de l’employé, qu’il se reconnaît à la seule possibilité juridique d’un tel état ;
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Il y a aussi lieu de s’attacher aux conditions d’exécution du travail employant plus spécialement le lieu de travail, les horaires, son exclusivité ainsi que sa direction et le contrôle. L’activité faisant l’objet de l’engagement n’a pas besoin d’être l’occupation principale et exclusive du salarié.
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Critères.
La subordination juridique s’exprime dans les prérogatives de l’employeur
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La subordination n’exige pas des critères rigides et immuables et le degré de contrôle et de direction de l’employeur s’examine notamment par rapport à la nature du travail exécuté.
La notion classique de subordination, qui place le salarié sous l’autorité de son employeur qui lui donne des ordres concernant à priori la prestation de travail et son exécution. Plus que dans une simple exécution obligatoire de la part du salarié, la subordination trouve sa véritable expression juridique dans les prérogatives de l’autre partie, dans le véritable pouvoir de direction que l’employeur tire de la situation instaurée. Elle s’exprime non seulement par le pouvoir de modeler unilatéralement et au jour le jour les sujétions pesant sur le salarié, mais s’applique à plus long terme sur le plan professionnel (carrière) et sur le plan disciplinaire.
Définition – Appréciation critique de la jurisprudence rendue sur le critère du lien de subordination
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« Le lien de subordination est partout ; il peut surgir par moments, par épisodes, à tout moment, à toute période, à l’aide de tous indices. Mais celui-ci, qui se généralise dans tous les secteurs d’activité, peut aussi inquiéter. Il est en effet facile d’affirmer que tout acte réalisé au profit d’une autre personne peut caractériser un lien de subordination, et, par conséquent, un rapport salarial. On pourrait ainsi se demander si un artisan qui réalise des travaux à un domicile personnel pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines ou plusieurs mois, ne devient pas le salarié du propriétaire de la maison qu’il a pour mission de réparer. Et que dire du boulanger, du charcutier, du boucher qui s’engagent auprès de leurs clients à fournir, de façon régulière, des aliments sains, en se déplaçant au besoin chez eux, tout en sachant que ceux-ci peuvent mettre un terme à cette relation en cas de fourniture d’aliments avariés ? Que penser encore d’un coiffeur qui, dans un salon de coiffure, coupe régulièrement les cheveux d’un client dont l’éventuelle insatisfaction peut entraîner la rupture de toute relation contractuelle ? Avec ces multiples indices qui amènent inéluctablement à la qualité de salarié, avec ces « petits riens » qui transforment une relation contractuelle en une autre que les parties n’avaient pas initialement désirée (du moins en ce qui concerne l’une d’entre elles), on peut se perdre. Qu’est-ce qu’être aujourd’hui un salarié ? La question se pose si l’on considère qu’il suffit de recevoir un ordre, d’exécuter une prestation sous le contrôle d’une personne, etc. De nombreux actes réalisés chaque jour par chacun d’entre nous répondent à de tels critères. Et la notion d’actes réalisés au sein d’un service organisé ne change finalement pas grand-chose puisque l’on peut toujours, en cherchant bien, trouver la trace d’un service de cette nature. Serions-nous alors devenus, sans le savoir, tout à la fois des salariés et des employeurs ? Si l’on en croit la Cour de cassation, c’est par l’affirmation qu’il conviendrait de répondre ».
Catherine PUIGELIER
Professeur à l’Université du Havre
Critère essentiel du contrat de travail
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L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements d’un subordonné.
Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
Subordination juridique dans le cadre d’un contrat de travail s’exécutant au sein d’un groupe économique et commercial – filiales dans le rôle d’agents payeurs
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Faits
– Il n’est pas contesté que le travail fourni par A. tout au long de sa carrière professionnelle de 37 ans au service de la « Centrale Paysanne » a consisté dans l’entretien, la maintenance et la gestion de l’Agrocenter, même quand il fut rémunéré par des sociétés qui n’en utilisaient pas (Agriconsult et Centrale Paysanne Services) ou seulement en partie [Silocentrale (département céréales) et Centralfood (département viandes)] les installations et qu’il n’est pas soutenu par Cepal qu’il ait presté un quelconque travail spécifique pour ses filiales qui l’ont successivement rémunéré (à part la gérance de Centralfood),
– qu’il est constant et qu’il ressort des documents internes de la Centrale Paysanne produits par A. que celui-ci faisait partie de la « Generaldirektion des Agrarmanagements » du « Groupe de la Centrale Paysanne » composée de quatre membres et que la direction générale du groupe entérine les budgets et les plans d’investissement des sociétés et en fixe la stratégie d’entreprise