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Actualités de droit des familles
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Livre électronique852 pages8 heures

Actualités de droit des familles

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À propos de ce livre électronique

Le droit familial est depuis des décennies en effervescence. L’année 2014 a vu l’entrée en vigueur de la loi de 2013 portant création du tribunal de la famille et de la jeunesse. Les règles de l’attribution du nom de famille ont été modifiées. L’année 2015 s’est ouverte le 1er janvier avec l’entrée en vigueur de la loi sur la comaternité dans les couples de femmes homosexuelles. La Cour constitutionnelle n’a de cesse d’intervenir en la matière.

Le présent ouvrage contient l’examen de quelques questions classiques : tribunal de la famille, obligations alimentaires vis-à-vis des enfants ainsi qu’entre conjoints et ex-conjoints et droit de la filiation - à l’aune de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle -, mais aussi des thèmes moins souvent abordés tels que le droit pénal de la famille, le droit international privé des familles et un éclairage de droit comptable et de droit des sociétés en relation avec le droit familial.
LangueFrançais
Date de sortie15 mars 2016
ISBN9782804488376
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    Aperçu du livre

    Actualités de droit des familles - Éditions Larcier

    1

    Le point sur le tribunal de la famille¹

    Didier Pire

    maître de conférences à l’U.Lg.

    avocat

    Sommaire

    Introduction

    Section 1

    Compétence matérielle

    Section 2

    Compétence territoriale

    Section 3

    Procédure

    Section 4

    Effets des décisions du tribunal de la famille

    Introduction

    1. Pour une lecture pragmatique et téléologique du droit judiciaire familial

    Après plus d’un an d’entrée en vigueur², il nous semble utile de faire le point sur l’une des plus importante réforme de la procédure familiale de ces dernières décennies.

    Comme toute réforme d’une certaine ampleur, celle-ci fait l’objet de difficultés d’applications, dont on ne peut s’empêcher de penser qu’elles pourraient être résolues par une lecture pragmatique autant que téléologique, des textes nouveaux : c’est que les dernières législations réformant les procédures familiales – depuis la réforme de la procédure de divorce pour cause déterminée en 1994 jusqu’à celle-ci, en passant par le divorce pour désunion irrémédiable en 2007 – ont toutes eu pour objectif, notamment, de simplifier les règles du jeu ; mais leur mise en œuvre entraîne souvent des résistances dans les palais de justice, comme si l’application d’une loi nouvelle devait nécessairement rendre la vie des praticiens et des justiciables plus compliquée ! On voit ainsi, par exemple, des juridictions imposer le maintien de l’utilisation de nouvelles citation ou requête là où le recours aux conclusions serait possible (infra, no 36), des greffes refuser le recours aux mécanismes de fixation simplifiés par une interprétation a contrario que rien ne justifie (n° 65), quand la loi n’est pas tout bonnement violée par le refus d’unifier le dossier familial, en maintenant des chambres ultra-spécialisées là où il faudrait qu’un même juge connaisse de tout le contentieux d’un même couple (n° 39).

    On plaide donc pour le recours au simple bon sens, appuyé par une lecture du Code judiciaire tendant à la fluidité, en refusant un prétendu « légalisme » qui ne veut pas admettre que les règles de procédure ne sont pas une fin en soi, mais l’articulation de deux contraintes : le droit d’obtenir une décision rapide et efficace, en garantissant le respect des droits de la défense. À l’heure où le législateur vient d’abolir les nullités absolues³, on ne peut que regretter que pour certains la « chicane » reste possible tout simplement parce que les textes sont lus restrictivement.

    Nous nous proposons de parcourir l’essentiel de la loi du 31 juillet 2013, en insistant sur les questions pertinentes qui se sont dégagées de seize mois d’application.

    Section 1

    Compétence matérielle

    2. Matières familiales au sens strict

    L’article 572bis du Code judiciaire confie au tribunal de la famille :

    – les demandes relatives à l’état des personnes (572bis, 1°): mariage, divorce, filiation, etc.;

    – les demandes relatives à l’annulation de la cohabitation légale et des recours contre le refus de l’officier de l’état civil d’acter la déclaration de cohabitation légale, sans préjudice de la compétence attribuée au juge pénal par l’article 391octies du Code pénal et l’article 79quater de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers: art. 572bis, 2°⁴ ;

    – les demandes des époux et cohabitants légaux relatives à l’exercice de leurs droits ou à leurs biens ainsi que des mesures provisoires qui s’y rapportent (572bis, 3°);

    – toutes les compétences civiles qui concernent les enfants: les demandes relatives à l’autorité parentale, l’hébergement ou les droits aux relations personnelles (572bis, 4°); les constats de l’impossibilité durable d’exercer l’autorité parentale visés à l’article 389 du Code civil (572bis, 5°); les demandes visées aux articles 1322bis et 1322decies (enlèvement international d’enfant – 572bis, 6°); l’opposition faite par le titulaire de l’autorité parentale à l’exercice des droits de l’enfant mineur non-émancipé au retrait des sommes inscrites au livret ou carnet d’épargne de ce dernier (572bis, 12°);

    – les demandes liées aux obligations alimentaires (572bis, 7°) à l’exception de celles qui sont liées au droit au revenu d’intégration sociale qui reste de la compétence du juge de paix (art. 591, 14°): nous ne voyons pas l’intérêt de cette exception qui est contraire à l’idée générale de la loi qui donne au tribunal de la famille toutes les compétences en matière d’aliments; pourquoi le juge de paix conserverait-il cette seule compétence lorsque la créance d’aliments est poursuivie par le truchement du C.P.A.S.? Une question préjudicielle a été posée par le juge de paix de Liège 1 à ce sujet⁵.

    – les demandes formées en application de l’article 220, § 3, du Code civil (572bis, 13°): pour rappel, en vertu de l’article 220, § 1er, du Code civil, si l’un des époux est présumé absent, interdit ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, son conjoint peut se faire autoriser par le tribunal à passer seul les actes visés au paragraphe 1er de l’article 215 du même Code: le § 3 de l’article 220 prévoit que dans les cas prévus au paragraphe 1er, le conjoint peut se faire autoriser à percevoir, pour les besoins du ménage, tout ou partie des sommes dues par des tiers.

    3. Droit patrimonial de la famille

    En vertu de l’article 572bis, le tribunal de la famille connaît également :

    – des demandes relatives aux régimes matrimoniaux, aux successions, aux donations entre vifs ou aux testaments (572bis, 9°);

    – des demandes en partage (10°).

    En pratique, on constate que des chambres spécialisées subsistent dans certains tribunaux en raison de la technicité de ces matières (droit patrimonial, mais aussi filiation, etc.). Avec d’autres, nous considérons que cette approche est inopportune puisque d’une part, ces compétences sont directement issues des institutions familiales et susceptibles de les influencer et, d’autre part, la juridiction familiale est composée de juges justement formés à cet effet⁶ (voy. infra, nos 35 et 39).

    4. Interdiction temporaire de résidence

    Il s’agit des demandes fondées sur la loi du 15 mai 2012 relative à l’interdiction temporaire de résidence en cas de violence domestique (572bis, 11°).

    5. Allocations familiales

    Quant aux allocations familiales, le tribunal de la famille est compétent :

    – en matière de litiges relatifs à la détermination du ou des allocataire(s) des allocations familiales relatives à des enfants dont les parents ne vivent plus ensemble, ainsi que des requêtes en opposition au paiement à l’allocataire⁷;

    – de l’opposition faite par le père, la mère, l’adoptant ou le tuteur officieux au paiement à l’allocataire des prestations familiales telle qu’elle est prévue à l’article 69, § 3, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, hormis le cas où le tribunal de la jeunesse a été saisi sur la base de l’article 29 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait hormis le cas où le juge de paix est compétent en vertu de l’article 594, 8° (572bis, 14°);

    – de l’opposition au paiement à l’allocataire des prestations familiales pour travailleurs indépendants, hormis le cas où le tribunal de la jeunesse a été saisi sur la base de l’article 29 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait et hormis le cas où le juge de paix est compétent en vertu de l’article 594, 9° (572bis, 15°).

    6. Appel en matière de protection de la personne des malades mentaux

    La compétence en matière de protection des malades mentaux est attribuée au juge de paix.

    Le tribunal de la famille en est le juge d’appel, mais lorsque la décision est prise par le tribunal de la jeunesse, l’appel est porté devant la cour d’appel (art. 30, § 3, de la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux).

    7. Autres

    Le tribunal de la famille est également compétent :

    – en matière de petits héritages (loi du 16 mai 1900): voy. art. 251 de la loi du 30 juillet 2013;

    – en matière de régime successoral des exploitations agricoles (loi du 29 août 1988): voy. art. 255 et s.;

    – en matière d’actes de l’état civil des agents diplomatiques et consulaires (loi du 12 juillet 1931): voy. art. 260 de la loi;

    – en matière de nationalité (Code de la nationalité belge): voy. art. 261;

    – pour les recours prévus à l’article 27 du Code de droit international privé (art. 262): il s’agit des recours prévu lorsque l’autorité refuse de reconnaître la validité d’un acte authentique étranger qui doit être reconnu en Belgique et des demandes de déclaration exécutoire de ces actes;

    – pour le recours prévu à l’article 31 de même Code (art. 263 – il s’agit du recours prévu en cas de refus de mention et transcription des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers en matière d’état et de capacité);

    – en vertu de l’article 44 de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs lorsque le conjoint du titulaire des prestations fournies en tout ou en partie à l’aide des ressources de l’O.N.S.S. se plaint de ce qu’il les dilapide, le tribunal de la famille se voit attribuer la compétence (précédemment dévolue au juge de paix) de décider qu’elles seront versées au plaignant (sic).

    8. Concubins (cohabitants de fait) – Incompétence du T.F.J. – Constitutionnalité

    Au cours des travaux préparatoires, la question de l’attribution de la compétence au tribunal de la famille des litiges entre concubins ou cohabitants de fait a été vivement débattue, mais il y a été renoncé⁸.

    À ce sujet, un arrêt relativement ancien de la Cour d’arbitrage mérite l’attention. Peu de temps après l’entrée en vigueur de la loi sur la cohabitation légale, le juge de paix du 1er canton de Gand avait posé la question préjudicielle de savoir si l’article 1479, alinéa 3, du Code civil interprété en ce sens que le juge de paix ordonne les mesures urgentes et provisoires justifiées par la cessation de la cohabitation légale mais n’a pas le même pouvoir si la cohabitation dont l’existence de fait est constatée n’est pas légale est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour répond par l’arrêt no 24/2002 du 23 janvier 2002 : il n’y a pas de différence de traitement dès l’instant où, dans un cas il y a une cohabitation légale et pas dans l’autre.

    L’arrêt est néanmoins intéressant car, dans la motivation, la Cour indique (motif B4) : « Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l’application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées ». Et elle ajoute (motifs B5 à B8) : « C’est le droit d’accès à un juge, élément constitutif du droit à un procès équitable, qui est en cause en l’espèce. Il convient d’examiner en particulier si les personnes qui ont cohabité en fait ont accès à un juge auquel elles puissent demander des mesures urgentes, justifiées par la cessation de leur cohabitation. En vertu de l’article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire, le président du tribunal de 1re instance peut, dans les cas urgents, statuer au provisoire en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire. Dès lors que les affaires qui sont une conséquence, de la cessation d’une cohabitation de fait ne sont pas soustraites au pouvoir judiciaire, le président du tribunal de 1re instance peut, dans des cas qu’il estime urgents, statuer au provisoire dans les affaires et ordonner des mesures urgentes. Le droit d’accès à un tribunal n’empêche pas qu’un juge doive décliner sa compétence au bénéfice d’un autre lorsqu’ils satisfont tous deux aux exigences de l’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme. La disposition en cause n’a donc pas pour effet de limiter de manière disproportionnée le droit d’accès à un juge des personnes concernées ».

    C’est parce que la Cour constitutionnelle constate qu’il existe un juge compétent pour intervenir dans les litiges entre concubins que la Constitution n’est pas violée.

    Voilà qui aurait pu inspirer le législateur dans le cadre de la réforme du tribunal de la famille, et qui pourrait entraîner de nouvelles questions préjudicielles…

    9. Concubins – Caractère limité de l’exclusion

    La portée de l’exclusion de la compétence est de toute manière limitée aux relations personnelles entre les (ex)concubins, puisque, bien entendu, toutes les questions relatives à leurs enfants (572bis, 4°) ou au partage de leurs biens (10°) peuvent être jugées par le tribunal.

    Ce qui est principalement exclu, c’est le problème de l’attribution du logement à l’un des deux concubins en cas de litige. Or, si la question se pose au moment de l’introduction d’une demande en partage d’un immeuble appartenant en indivision aux concubins, on peut considérer que le tribunal de la famille peut malgré tout prendre des mesures provisoires sur la base de l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire : ainsi le tribunal peut-il décider lequel des partenaires restera dans l’immeuble indivis durant la procédure en partage⁹.

    Il en va différemment lorsque les concubins sont colocataires d’un même logement. Dans ce cas, le tribunal de la famille ne serait pas compétent sauf éventuellement par connexité avec d’autres difficultés (hébergement des enfants, etc.). Compte tenu de l’évolution de la société¹⁰, on peut s’interroger sur la pertinence – et la constitutionnalité – de cette exclusion.

    10. Renvoi pour connexité ou litispendance

    L’article 565 du Code judiciaire prévoit le regroupement en cas de connexité ou de litispendance en cascade.

    L’article 565, alinéa 2, dispose :

    « Le renvoi a lieu suivant l’ordre de préférence ci-après :

    1° le tribunal de la famille visé à l’article 629bis, § 1er, est toujours préféré ;

    2° le juge de paix visé à l’article aux articles 628, 3°, et 629quater est toujours préféré ;

    3° le tribunal qui a rendu sur l’affaire un jugement autre qu’une disposition d’ordre intérieur est toujours préféré ;

    4° le tribunal de première instance est préféré aux autres tribunaux ; (etc.) ».

    11. Référé présidentiel

    L’article 129 de la loi du 30 juillet 2013 a modifié l’article 584 du Code judiciaire.

    Un alinéa a été inséré entre les alinéas 1er et 2 : « Si l’affaire est de la compétence du tribunal de la famille, le président n’est saisi qu’en cas d’absolue nécessité ».

    A contrario, cela veut dire que le président du tribunal de 1re instance doit renvoyer les causes urgentes qui relèvent de la compétence du tribunal de la famille à celui-ci, via le mécanisme de l’article 88, § 2, du Code judiciaire.

    Il s’agit d’une dérogation au principe de la plénitude de juridiction du président du tribunal de première instance. Pour rappel, celui-ci est compétent en toutes matières sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire et donc, y compris pour les matières qui ressortent normalement de la compétence des tribunaux du travail et du commerce¹¹.

    L’intérêt de cette plénitude de juridiction est d’éviter, dans les cas urgents (par hypothèse en référé) qu’il puisse y avoir un débat sur la compétence matérielle. L’exposé des motifs de la proposition de loi qui a donné lieu à l’adoption de la loi ne justifie en aucune manière cette réforme d’une institution bien connue des praticiens.

    On notera que la loi du 30 juillet 2013 avait également retiré au président la compétence de désignation de séquestre pour l’attribuer au juge de paix. Cette solution curieuse a été rectifiée par la loi du 21 mai 2015 qui a réintroduit la compétence en la matière dans l’article 584 du Code judiciaire et qui, de surcroît, donne également compétence à cet égard au juge des saisies par connexité.

    Section 2

    Compétence territoriale

    12. Généralités

    Les règles de la compétence territoriale du contentieux attribué au tribunal de la famille¹² sont concentrées dans l’article 629bis du Code judiciaire¹³, compliqué et long comme un jour sans pain.

    Il fait plusieurs distinctions : tout d’abord entre les affaires anciennes (A) et les affaires nouvelles, et parmi celles-ci, entre celles qui contiennent une demande relative à un enfant mineur (B) ou non (C), à quoi il peut être dérogé, sous certaines conditions, par les parties ou le tribunal (D).

    A. Affaires anciennes

    13. Le texte

    Dans ce cas, le paragraphe premier prévoit que le dossier reste de la compétence du tribunal précédemment saisi.

    Il dispose :

    « Les demandes entre parties qui, soit, sont ou ont été mariées, soit, sont ou ont été des cohabitants légaux, ainsi que les demandes relatives à des enfants communs des parties ou aux biens de ces enfants ou relatives à un enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un des parents, sont portées devant le tribunal de la famille qui a déjà été saisi d’une demande dans les matières visées à l’article 572bis ».

    Le but du législateur est clairement de consacrer le principe au plan de la compétence territoriale du concept « une famille – un juge – un dossier »¹⁴.

    La place donnée à ce principe dans le texte renforce cette volonté (ce même principe qui justifie aussi la création du « dossier unique » – infra, nos 37 et s.).

    14. Champ d’application rationae personae et materiae

    La règle s’applique aux « parties qui, soit, sont ou ont été mariées, soit, sont ou ont été des cohabitants légaux, ainsi que les demandes relatives à des enfants communs… » : dès lors, le mécanisme ne s’imposera pas, par exemple, aux litiges successoraux, aux partages entre ex-concubins qui n’auraient pas d’enfant…

    15. Règle d’ordre public

    Cette règle de compétence est d’ordre public : en effet, le § 8 de l’article dispose :

    « Sous réserve du § 1er, les parties peuvent, de commun accord, déterminer le tribunal de la famille qui sera compétent pour traiter de leur dossier familial ».

    La loi impose donc aux parties de rester pour toujours devant le juge qui a eu à connaître, même des années auparavant, de leur litige, et même si la procédure ultérieure n’a rien à voir avec la première.

    16. Droit transitoire

    En application des principes généraux du droit transitoire, la loi ne peut pas rétroagir. Cependant, elle s’applique immédiatement aux procédures en cours (C. jud., art. 3).

    Quid dès lors de l’application de l’article 629bis, § 1er, aux procédures qui avaient fait l’objet d’un jugement avant l’entrée en vigueur de la loi (1er septembre 2014) ?

    À nos yeux il faut distinguer selon qu’on est en présence d’une ancienne procédure bénéficiant de la saisine permanente ou non (infra, no 55).

    S’il n’y avait pas saisine permanente, et que le tribunal a tranché le litige (exemple : jugement de divorce, décision du juge de paix dans le cadre des mesures provisoires – anciens articles 221 et 223 du Code civil – décision relative à la liquidation partage, etc.), une nouvelle demande devra être introduite : on ne peut pas donner effet rétroactif à la nouvelle disposition.

    En revanche, si le jugement qui a été rendu l’a été dans le cadre d’une procédure qui bénéficiait déjà du mécanisme de la saisine permanente (c’est-à-dire en matière familiale : le juge des référés pendant l’instance en divorce – ancien article 1280 du Code judiciaire – ou le tribunal de la jeunesse – ancien article 387bis du Code civil), dans ce cas, la saisine permanente existant avant l’entrée en vigueur de la loi de 2013 persiste. Dès lors, on peut considérer que l’article 629bis doit s’appliquer à ces procédures, en vertu du principe de l’application immédiate de la nouvelle loi aux procédures en cours (C. jud., art. 3).

    Bref, si le tribunal de la famille est saisi après le 1er septembre 2014 d’une procédure au cours de laquelle un jugement avait été rendu antérieurement en référé sur la base de l’article 1280 du Code judiciaire ou par le tribunal de la jeunesse dans le cadre de l’article 387bis ancien, on appliquera la règle de la compétence territoriale de l’article 629bis, § 1er.

    B. Affaires nouvelles – Première hypothèse : la demande est relative uniquement ou notamment à l’autorité parentale, l’hébergement et les obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur

    17. Le texte

    Lorsqu’aucun tribunal de la famille n’a été saisi précédemment, l’article 629bis, § 2, prévoit la compétence territoriale du tribunal du domicile de cet enfant :

    « § 2. Les demandes relatives à l’autorité parentale, l’hébergement et les obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur sont portées devant le tribunal de la famille du domicile du mineur ou, à défaut, de la résidence habituelle du mineur.

    En l’absence de domicile ou de résidence habituelle du mineur, le tribunal de la famille de Bruxelles est compétent pour connaître de la demande.

    Dans les causes où les parties ont plusieurs enfants mineurs communs dont les domiciles ou, à défaut, les résidences habituelles sont différents, le tribunal de la famille premièrement saisi est compétent pour connaître par connexité, en vertu de l’article 634, de l’ensemble des demandes formulées par les parties ».

    À nos yeux, ce texte s’applique également aux procédures visées par l’article 375bis du Code civil¹⁵.

    18. Le domicile judiciaire de l’enfant comme facteur de rattachement principal

    Pour rappel, le domicile s’entend, dans le Code judiciaire, comme « le lieu où la personne est inscrite à titre principal sur les registres de la population ».

    La résidence est « tout autre établissement tel le lieu où la personne a un bureau ou exploite un commerce ou une industrie » (C. jud., art. 36).

    La lecture des travaux préparatoires révèle que le critère du domicile a été choisi plutôt que le critère de la résidence pour des raisons de sécurité juridique¹⁶.

    Le texte du § 2 ne précise pas que la règle qu’il énonce s’applique à défaut de celle retenue au § 1er. On pourrait donc penser qu’il s’agit de règles alternatives. Tel n’est évidemment pas le cas. D’une part, on l’a déjà souligné, la volonté du législateur est clairement de favoriser la permanence du dossier familial selon le principe « une famille – un juge – un dossier » : la place du texte (§ 1er alors qu’elle se situait au § 2 dans le projet de la Chambre) montre la volonté des Sénateurs de renforcer le principe. D’autre part, la justification de l’amendement qui a donné lieu au texte retenu par le Sénat¹⁷ ne contient aucune allusion à une quelconque volonté de s’écarter de celui-ci. Au contraire, considérant l’hypothèse du changement de domicile de l’enfant, l’auteur de l’amendement écrit : « Si un dossier familial a déjà été ouvert au sein d’un tribunal, c’est donc ce tribunal qui est compétent territorialement pour connaître de l’affaire ». La règle du § 2 ne s’applique donc qu’en l’absence de tribunal saisi préalablement.

    19. Critique

    Le choix du domicile du mineur comme facteur de rattachement principal n’a pas notre faveur¹⁸. En premier lieu (et le § 7 le démontre – voy. infra, no 28) c’est l’intérêt de l’enfant qui guide le choix du tribunal compétent : or, cet intérêt ne peut être favorisé qu’en traitant le dossier là où le mineur habite, ça paraît évident. Ensuite, on constate que l’inscription domiciliaire dépend essentiellement des pratiques locales de l’administration communale (voire plus prosaïquement encore dans certaines grandes villes du bon vouloir de l’agent de quartier…).

    Il n’est pas rare qu’en violation du principe de l’autorité parentale conjointe, l’un des parents procède à l’inscription administrative d’un enfant chez lui, même lorsqu’il ne dispose pas de l’hébergement principal (cette situation se présente régulièrement au moment de la séparation elle-même)¹⁹.

    Dès lors, agissant de la sorte, le parent concerné pourrait provoquer la compétence territoriale du tribunal du lieu de l’arrondissement où il réside, même s’il ne s’agit pas du lieu où habite l’enfant²⁰. Certes, le critère de la résidence présente comme inconvénient qu’il requiert de rapporter la preuve d’une situation de fait mais c’était le critère précédent de la compétence territoriale devant le tribunal de la jeunesse (art. 44 de la loi du 8 avril 1965) et cela n’entraînait pas de difficulté particulière.

    20. La résidence habituelle du mineur comme facteur de rattachement subsidiaire ²¹

    La justification de l’amendement ayant donné lieu au texte précise : « Quant à la résidence habituelle, il s’agit du critère applicable au niveau européen et en droit international privé. Le fait de faire coïncider les règles de droit judiciaire interne, visées avec le projet, avec celles issues du droit international privé, déjoue un certain nombre de difficultés. De plus, l’application de ce critère n’emporte aucune difficulté particulière (et de citer notre article de 2012). La résidence habituelle est ainsi définie par l’article 4 du Code de droit international privé comme le lieu où le mineur d’âge s’est établi à titre principal même en l’absence de tout enregistrement et indépendamment d’une autorisation de séjourner ou de s’établir. Pour déterminer ce lieu il est notamment tenu compte de circonstances de nature personnelle ou professionnelle qui révèlent des liens durables avec ce lieu ou la volonté de nouer de tels liens »²².

    Il s’agit donc d’une notion de fait comparable à celle contenue dans l’article 36 du Code judiciaire²³.

    En l’absence de domicile ou de résidence habituelle du mineur, le tribunal de la famille de Bruxelles est compétent pour connaître de la demande (art. 629bis, § 2, al. 2).

    21. Pluralité d’enfants

    Si les parties ont plusieurs enfants mineurs communs dont les domiciles (ou à défaut les résidences habituelles) sont différents, le tribunal premièrement saisi est compétent pour l’ensemble des demandes formulées par les parties (art. 629bis, § 2, al. 3).

    22. Champ d’application

    Le texte donne compétence au tribunal du domicile de l’enfant pour « les demandes relatives à l’autorité parentale, l’hébergement et les obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur ».

    À nos yeux, il faut y voir également le droit aux relations personnelles (C. civ., art. 375bis), les mots « hébergement de l’enfant » visant le quod plerumque fit. Au demeurant, l’article 725bis nouveau relatif au dossier familial (infra, no 37) vise explicitement l’article 375bis, et les deux dispositions sont liées.

    A contrario, la règle ne s’applique pas à l’état de la personne de l’enfant (C. jud., art. 572bis, 1° : filiation et adoption). À propos de la filiation, l’article 36 de la loi abroge le 1er paragraphe de l’article 331 du Code civil, qui donnait compétence au tribunal du domicile de l’enfant. Il faudra donc appliquer la règle de l’article 629bis, § 4, (infra) ce qui n’a guère de sens.

    23. Demandes introduites dans le même acte que les demandes relatives à l’autorité parentale, l’hébergement et les obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur

    En vertu de l’article 629bis, § 6, sous réserve du § 1er (affaires anciennes, voy. supra), les causes comportant plusieurs demandes dont une au moins est visée au § 2 (litiges relatifs à l’autorité parentale, l’hébergement et les obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur) sont de la compétence territoriale du tribunal de la famille du domicile ou de la résidence habituelle du mineur.

    Le texte prévoit qu’il faut que le litige soit relatif à l’autorité parentale, etc., de ou des enfants communs : en d’autres termes, les parties qui ont des enfants peuvent saisir le tribunal de la famille d’un autre arrondissement si le litige initial ne concerne pas ceux-ci²⁴. Par exemple, une demande en divorce peut être introduite par un époux devant le juge de la dernière résidence conjugale (art. 629bis, § 4) qui ne correspond pas au domicile de l’enfant, et ce tribunal reste compétent (en vertu de l’article 629bis, § 1er) par la suite, même si l’une des parties introduit ultérieurement une demande relative à l’enfant²⁵ (sous réserve du § 7 – voy. infra).

    C. Affaires nouvelles – Seconde hypothèse : la demande ne porte ni sur l’autorité parentale, ni sur l’hébergement ni sur les obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur

    24. Pension alimentaire hors litige avec enfants

    En vertu de l’article 629bis, § 4, à l’exception des demandes prévues à l’article 629bis, § 2, (obligations alimentaires à l’égard d’un enfant mineur),

    « les demandes relatives aux pensions alimentaires visées à l’article 572bis, 7°, peuvent être portées devant le tribunal de la famille du domicile du demandeur, à l’exception des demandes tendant à réduire ou à supprimer ces pensions alimentaires ».

    Ce texte reprend la règle traditionnelle de l’ancien article 626 du Code judiciaire : le domicile du créancier d’aliments est un facteur de rattachement supplémentaire aux règles de droit commun.

    Le demandeur a donc le choix, sauf lorsqu’il s’agit de demander à réduire ou à supprimer ces pensions alimentaires.

    La règle est d’ailleurs applicable dans l’ordre européen²⁶.

    25. Règles spéciales

    Les causes relatives aux actes de l’état civil, celles visées aux articles 633sexies et 633septies, et celles relatives à une adoption ou relatives aux successions, testaments et donations sont portées devant le tribunal de la famille compétent selon le Code judiciaire (art. 629bis, § 3).

    26. Autres demandes

    Article 629bis, § 5 :

    « À l’exception de celles relatives aux §§ 1er à 4, les demandes sont portées devant le tribunal de la famille du domicile du défendeur ou du lieu de la dernière résidence conjugale ou de la dernière résidence commune des cohabitants légaux ».

    Il s’agit de la règle ancienne en matière de divorce (C. jud., art. 628, 1°).

    Elle sera donc applicable aussi pour la toutes les matières visées à l’article 572bis et qui ne sont pas concernées par les §§ 1 à 3 de l’article 629bis.

    Or, si l’on peut comprendre le rattachement au juge de la dernière résidence conjugale pour les époux ou cohabitant légaux, ce facteur n’a aucun sens pour la filiation, par exemple.

    D. Dérogations

    27. Convention contraire des parties – Règle impérative

    Le § 8 de l’article 629bis dispose :

    « Sous réserve du § 1er, les parties peuvent, de commun accord, déterminer le tribunal de la famille qui sera compétent pour traiter de leur dossier familial ».

    En outre, la place de l’article dans le Code judiciaire a été choisie par le législateur afin que la compétence devienne impérative, et non d’ordre public²⁷.

    Sauf si un dossier est déjà introduit (629bis, § 1er, règle d’ordre public – voy. supra, no 15), les parties peuvent donc choisir leur tribunal, dans le respect de l’article 630 du Code judiciaire (qui vise l’article 629bis.)

    Dès lors, comme pour toute règle de compétence impérative :

    – les parties ne peuvent pas choisir leur tribunal par convention antérieure à la naissance du litige;

    – le déclinatoire de compétence doit être soulevé avant toutes exceptions et moyens de défense (C. jud., art. 854);

    – la partie ne peut décliner la compétence du juge saisi que pour autant qu’elle désigne le juge qui, selon elle, serait compétent (art. 855).

    28. Dérogation judiciaire

    En vertu de l’article 629bis, § 7, du Code judiciaire,

    « Le tribunal de la famille décide de renvoyer le dossier au tribunal de la famille d’un autre arrondissement si l’intérêt de l’enfant le commande.

    Le tribunal de la famille peut décider de renvoyer l’affaire au tribunal de la famille d’un autre arrondissement si un dossier jeunesse y a été constitué, à la demande d’une partie ou du ministère public ou si la bonne administration de la justice commande un tel renvoi.

    La décision prévue aux alinéas 1er et 2 est motivée et n’est susceptible d’aucun recours »²⁸.

    À nos yeux, le renvoi doit se faire d’un arrondissement à l’autre mais non pas d’une division d’un arrondissement à l’autre²⁹.

    Le renvoi peut se faire d’office par le juge³⁰.

    La décision prévue aux alinéas 1er et 2 est motivée mais n’est susceptible d’aucun recours (art. 629bis, § 7, al. 3).

    29. Critique

    Ce texte nous paraît donner un pouvoir trop important au juge, sur la base d’une notion éminemment subjective qui est l’intérêt de l’enfant. À la limite, on pourrait constater que l’alinéa premier du § 7 rend inutiles les paragraphes précédents de l’article 629bis, puisque le juge doit (d’après la justification de l’amendement qui a donné lieu au texte³¹) renvoyer la cause à un autre tribunal. Or, il est évident que l’intérêt de l’enfant ne peut avoir qu’une seule conséquence : le renvoi devant le juge de la résidence effective de l’enfant. Alors pourquoi se casser la tête avec un article de 8 paragraphes et 12 alinéas et décider simplement que, dans tous les cas, le dossier doit suivre l’enfant ? Cela n’a guère de sens !

    30. Le juge peut-il conserver un dossier mal introduit mais qui devrait lui revenir dans l’intérêt de l’enfant   ?

    Le texte prévoit que le juge qui est saisi d’une demande pour laquelle il est normalement compétent peut renvoyer la cause à un autre arrondissement dans l’intérêt du mineur.

    Que se passe-t-il lorsque les parties saisissent par erreur le tribunal dans l’arrondissement duquel, par exemple, le mineur réside sans y être domicilié (et donc en violation de l’article 629bis, § 1er) ? Le texte ne prévoit pas que le tribunal peut constater qu’il est de l’intérêt de l’enfant qu’il conserve le dossier.

    Le tribunal de la famille de Liège a posé une question préjudicielle à ce sujet à la Cour constitutionnelle³². On attend l’arrêt.

    31. Rôle du tribunal d’arrondissement

    Nous avons écrit³³ que le renvoi se faisait sans l’intervention du tribunal d’arrondissement. Nous avons changé avis. L’article 629bis se situe dans le titre III (compétence territoriale) de la 3e partie du Code judiciaire (« De la compétence ») dont le titre IV règle les incidents.

    En conséquence, si le défendeur soulève l’incident de compétence, le demandeur pourra inviter le tribunal à trancher lui-même l’incident ou solliciter le renvoi au tribunal d’arrondissement.

    Si le tribunal soulève d’office son incompétence en application de l’article 629bis, § 7, il devra renvoyer la cause au tribunal d’arrondissement en vertu de l’article 640.

    32. Application nuancée de l’article 660 du Code judiciaire

    L’article 660, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose :

    « Hormis les cas où l’objet de la demande n’est pas de la compétence du pouvoir judiciaire, toute décision sur la compétence renvoie s’il y a lieu la cause au juge compétent qu’elle désigne ».

    À nos yeux, cette disposition n’exclut pas que le tribunal nouvellement saisi puisse, ultérieurement, renvoyer une nouvelle fois la cause à celui d’un autre arrondissement, singulièrement lorsque le mineur déménage encore.

    Section 3

    Procédure

    A. Introduction de la demande

    33. Citation et requête

    Le droit commun de la procédure est applicable devant le tribunal de la famille et de la jeunesse (C. jud., art. 2).

    En conséquence, en règle, la procédure est introduite par citation (art. 700) ou par requête conjointe (art. 706).

    La requête contradictoire (art. 1034bis et s.) est possible lorsqu’un texte le prévoit.

    La question du choix du mode introductif n’a qu’un intérêt pratique limité. L’article 700 du Code judiciaire prévoit que le recours à la citation est prescrit « à peine de nullité ». Or, d’une part, la nullité ne peut pas être prononcée d’office par le juge³⁴. D’autre part, le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si, l’irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l’exception (C. jud., art. 861) c’est-à-dire en l’espèce, que les droits de la défense auraient été malmenés. En conséquence, si une partie devait recourir à la requête même dans les cas qui ne sont pas prévus par la loi, la nullité ne pourra pas être prononcée sauf si la partie défenderesse prouve qu’elle a subi un grief³⁵, ce qui ne sera pas possible si elle comparaît.

    Toutes les demandes relatives aux mesures urgentes et provisoires peuvent être introduites par requête (C. jud., art. 1253 ter/4, § 2, al. 1er).

    Le texte prévoit que lorsque la demande est introduite par requête, l’audience d’introduction doit intervenir dans les 15 jours à dater du dépôt de la requête (ibid., al. 4). Il s’agit d’un délai d’ordre qui n’est pas sanctionné, raison pour laquelle il est rarement respecté par les greffes³⁶.

    La citation est cependant intéressante puisque l’article 1253ter/4, § 2, alinéa 3, dispose : « Si la cause est introduite par citation le délai visé à l’article 1035, alinéa 2 est d’application », c’est-à-dire le délai de citation de 2 jours. Les plaideurs pressés peuvent donc recourir à la citation.

    En cas de citation ce n’est pas le greffe qui détermine la date d’introduction de la demande puisque lorsqu’il signifie l’exploit, l’huissier mentionne la date d’audience (sur la base du règlement du tribunal) et ce n’est qu’ensuite qu’il procède à son inscription au rôle.

    En vertu de la loi, il n’y a aucune raison de traiter différemment les affaires introduites par citation ou par requête, quel que soit le délai de fixation. On ne peut que regretter ici encore que certains tribunaux continuent d’exiger que le plaideur démontre l’urgence pour que l’affaire puisse être traitée suite à une citation. L’urgence n’a pas à être démontrée. L’affaire doit être prise sans préjudice du droit du juge d’exiger des plaideurs d’instruire leur dossier.

    34. Droits de greffe

    En vertu de l’article 269 du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe, tel que modifié par la loi du 28 avril 2015, par dérogation à l’article 269/1 de ce code, et quelle que soit la valeur de la demande et le nombre des parties demanderesses, il est perçu un droit de mise au rôle de 100 euros pour chaque cause inscrite au tribunal de la famille au rôle général, au rôle des requêtes ou au rôle des demandes en référé et qui porte sur des litiges visés aux articles 572bis et 577, alinéa 2, du Code judiciaire. Les causes réputées urgentes visées à l’article 1253ter/7, § 1er, du Code judiciaire sont soumises à un droit unique perçu lors de l’introduction de la première demande.

    En cas d’appel interjeté contre un jugement du tribunal de la famille, il est perçu un droit de mise au rôle de 210 euros.

    En cas de pourvoi en cassation contre les arrêts prononcés en degré d’appel ou contre les décisions rendues par le tribunal de la famille en degré d’appel, il est perçu un droit de mise au rôle de 375 euros.

    35. Cas particulier du divorce pour désunion irrémédiable

    Dans l’article 1254 du Code judiciaire (divorce pour désunion irrémédiable), le mécanisme de la « citation à double détente » a été supprimé par la loi du 30 juillet 2013³⁷.

    Cette suppression était logique puisqu’il n’y a plus de distinction entre le juge « du fond » (précédemment la section civile du tribunal de première instance siégeant dans le cadre par exemple du divorce) et le juge des mesures provisoires (art. 1280 ancien).

    C’est le tribunal de la famille qui est compétent pour le tout.

    Cela veut dire que le tribunal de la famille doit être composé de différentes chambres qui toutes doivent traiter de toutes les matières (à la fois les questions d’état telles que le divorce mais aussi les mesures provisoires avant ou pendant l’instance ainsi que les mesures relatives aux effets du divorce telles que les pensions alimentaires après divorce, la liquidation partage, etc.).

    Comme nous l’avons déjà indiqué, nous ne pouvons donc que regretter la pratique de certaines juridictions qui maintiennent des chambres spécialisées (en particulier des chambres qui traitent des mesures urgentes et la chambre qui traite du divorce et de ses conséquences). Ainsi, il n’est pas normal que des plaideurs doivent répéter devant des magistrats différents des plaidoiries relatives au devoir de secours et, quelques semaines, voire quelques mois plus tard (ou parfois plus tôt compte tenu des aléas des calendriers de procédure) de plaider le même dossier à propos de la pension alimentaire après divorce. C’était précisément contre ce gaspillage d’énergie que la réforme voulait lutter.

    36. Demandes par conclusions   ?

    Compte tenu du mécanisme de la saisine permanente (voy. infra, no 55), il ne fait aucun doute que lorsqu’une demande est introduite dans le cadre des mesures urgentes, à tout moment, les parties peuvent demander au tribunal de statuer sur d’autres mesures qui tombent dans le champ d’application de l’article 1253ter du Code judiciaire (c’est-à-dire les causes réputées urgentes qui restent inscrites au rôle du tribunal de la famille).

    Certains magistrats se plaignent du flot de dossiers qu’ils ont à gérer compte tenu de la facilité que les parties ont à faire refixer l’affaire. C’est oublier les ressources de l’article 780bis du Code judiciaire (dont l’application est d’ailleurs rappelée à l’article 1253ter/7, § 2 – voy. infra, no 64) : une partie qui abuse de la procédure peut être condamnée à des dommages et intérêts.

    Quid cependant d’autres demandes telles qu’une demande en divorce introduite après l’introduction d’une demande relative aux mesures urgentes, une demande de liquidation partage introduite après le divorce, une demande de pension alimentaire après divorce, etc. ?

    Pour ce qui concerne la demande en divorce pour désunion irrémédiable, nous pensons qu’il n’est pas exclu que les parties puissent saisir le tribunal d’une telle demande par conclusions.

    Plusieurs arguments militent en ce sens.

    Tout d’abord, les réformes de 1994 (procédures de divorce), 2007 (désunion irrémédiable) et 2013 (tribunal de la famille) vont toutes dans le sens d’un assouplissement des règles de procédure.

    Ensuite, l’article 807 du Code judiciaire prévoit qu’à tout moment les parties peuvent introduire une demande nouvelle par conclusions contradictoirement prises à condition que celle-ci soit fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation même si leur qualification juridique est différente. Cependant, les exigences propres à cette disposition sont exclues en matière de divorce puisqu’il est recouru au mécanisme dit la demande ampliative (C. jud., art. 1254, § 5) qui permet aux plaideurs d’élargir leur demande tant pour ce qui concerne leur cause que pour ce qui concerne leur objet³⁸.

    Toute autre solution aurait pour conséquence absurde d’imposer au demandeur de citer, ou de déposer une nouvelle requête contre la même partie, devant le même juge en vertu des règles de la compétence territoriale (C. jud., art. 629bis, § 1er) et du mécanisme du dossier unique (C. jud., art. 725bis – voy. infra).

    Enfin, comme on vient de l’indiquer, l’article 700 du Code judiciaire dispose que l’usage de la citation est prescrit à peine de nullité relative, et on n’aperçoit pas quel préjudice pourrait subir le défendeur valablement informé de la fixation de la cause.

    Bref, rien n’empêche une partie d’introduire une demande en divorce par conclusions lorsqu’une procédure est déjà pendante entre les époux.

    B. Le dossier familial

    37. Le texte

    L’article 725bis, § 1er, du Code judiciaire (art. 150 de la loi) dispose :

    « Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les demandes soumises au tribunal de la famille entre des parties qui, soit ont au moins un enfant mineur commun, soit sont ou ont été mariées, soit sont ou ont été des cohabitants légaux sont jointes en un seul dossier appelé dossier familial ».

    Les travaux préparatoires précisent que le dossier familial se compose de tous les dossiers soumis au tribunal de la famille qui se rapportent au couple qui y est défini.

    Cela signifie que lorsqu’un dossier familial est créé, pour toute affaire ultérieure qui intervient entre les mêmes parties, le dossier de la procédure est joint au dossier familial existant³⁹.

    L’alinéa 2 précise :

    « Sont elles aussi jointes au dossier familial visé à l’alinéa 1er, les causes relatives à un enfant dont la filiation n’est établie qu’à l’égard d’un seul parent, ainsi que les causes relatives aux relations personnelles visées à l’article 375bis du Code civil ».

    Quant au § 2, il prévoit :

    « Le dossier familial est ouvert dès la première demande introduite au tribunal de la famille.

    Sous réserve des numéros de rôle attribués à toute cause conformément à l’article 720, il est attribué un numéro spécifique au dossier familial. Ce numéro est mentionné sur tous les actes introductifs d’instance, conclusions et autres pièces du dossier.

    Sous réserve des éléments visés à l’article 721, le dossier familial est composé de toutes les causes successives concernant les mêmes parties et leurs enfants communs nés ou à naître.

    En cas de renvoi d’un tribunal de la famille à un autre, conformément à l’article 629bis, § 7, le dossier familial complet est transféré sans délai. ».

    38. Champ d’application

    Le champ d’application de l’article 725bis du Code judiciaire est plus large que le champ d’application du mécanisme de la saisine permanente (infra, no 55) puisqu’il ne vise pas seulement les mesures urgentes mais de manière plus générale toutes les demandes soumises au tribunal de la famille entre des parties qui soit ont au moins un enfant mineur commun, soit sont ou ont été mariées, soit sont ou ont été des cohabitants légaux⁴⁰.

    Néanmoins, les actions de nature purement patrimoniales entre personnes non mariées (concubins, héritiers, personnes morales…) ne donneront donc pas lieu à l’ouverture d’un dossier familial⁴¹.

    39. Unicité du tribunal ou du juge   ?

    L’article 90, alinéa 5, du Code judiciaire (art. 107 de la loi) dispose :

    « Pour la répartition des affaires entre les chambres de la famille et les chambres de la jeunesse du tribunal de la famille et de la jeunesse, le président veille, dans la mesure du possible à ce que :

    1° les affaires sont réparties selon les critères décrits à l’article 629bis, § 1er ; »

    L’idée du législateur est donc bien de favoriser l’application du mécanisme « Une famille, un dossier, un juge » au bénéfice non seulement d’une même juridiction, mais auprès d’un même juge. Ce principe justifie aussi le caractère d’ordre public de la règle de compétence territoriale contenue dans l’article 629bis, § 1er (supra, no 15) ou encore la suppression du mécanisme de la citation « à double détente » dans la procédure de divorce pour désunion irrémédiable (le même juge connaît de la demande en divorce et des mesures urgentes pendant cette procédure – supra, no 35).

    Comme on l’a déjà indiqué, on ne peut donc que regretter la pratique qui semble être répandue de maintien de chambres dites spécialisées (mesures urgentes, divorce, filiation, régimes matrimoniaux, etc.)⁴².

    40. Dossier protectionnel

    On lit dans les travaux préparatoires que toutes les affaires qui entrent dans le cadre de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, la prise en charge de mineur ayant commis un fait qualifié d’infraction et la réparation du dommage causé par ce fait ne seront pas intégrées au dossier familial car elles ne répondent pas aux critères de l’article 638, § 2. Ces affaires sont reprises dans un dossier protectionnel relatif au même enfant.

    Le lien entre les deux dossiers pourra être fait par le truchement du ministère public notamment en application de l’article 872 du Code judiciaire qui dispose :

    « Dans les matières visées au chapitre Xbis, livre IV, de la quatrième partie⁴³, le tribunal de la famille peut requérir le ministère public, lorsque l’affaire peut lui être communiquée pour avis, de recueillir des renseignements sur les objets que limitativement il précise. Les actes de cette information sont

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