Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

États généraux du droit médical et du dommage corporel: Droit belge
États généraux du droit médical et du dommage corporel: Droit belge
États généraux du droit médical et du dommage corporel: Droit belge
Livre électronique778 pages7 heures

États généraux du droit médical et du dommage corporel: Droit belge

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre le dommage corporel.

Les questions de l’évaluation et de la réparation du dommage corporel sont récurrentes dans la pratique de nombreux professionnels du droit.

Aléa médical, dommage moral, comportement de la victime, capitalisation, aggravation du dommage, rôle des assurances, place de la mutualité… ne constituent qu’un échantillon des aspects susceptibles de retenir l’attention en la matière. Chacun de ceux-ci requiert d’être abordé et analysé avec rigueur, les contours de certains principes applicables demeurant imprécis et malaisés à appréhender.

Cet ouvrage fait le point sur toutes ces notions utiles pour le praticien. Les auteurs apportent des éclairages et exposent les dernières actualités par rapport à un vaste champ de matières. Ils se penchent également sur l’incidence de nouveautés introduites plus ou moins récemment dans l’ordre juridique belge, telles que le Fonds des accidents médicaux, l’action en réparation collective ou encore la réforme dite « pot-pourri I ».

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.

À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie23 août 2017
ISBN9782807200845
États généraux du droit médical et du dommage corporel: Droit belge

Lié à États généraux du droit médical et du dommage corporel

Livres électroniques liés

Essais juridiques pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur États généraux du droit médical et du dommage corporel

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    États généraux du droit médical et du dommage corporel - Isabelle Lutte (dir.)

    1.pngÉtats généraux du droit médical et du dommage corporelÉtats généraux du droit médical et du dommage corporel

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications s.p.r.l. (Limal) pour le © Anthemis s.a.

    Jurisquare

    La version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale ­Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.

    Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

    Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

    ISBN : 978-2-8072-0084-5

    © 2016, Anthemis s.a.

    Place Albert I, 9 B-1300 Limal

    Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be

    Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

    Mise en page : Communications s.p.r.l.

    Sommaire

    La preuve de la bonne exécution du devoir d’information du patient : la révolution copernicienne ?

    Vincent

    Callewaert

    Le Fonds des accidents médicaux : voie parallèle ou chemin de traverse ?

    Marc

    Snoeck

    L’expertise médicale en pleine mutation

    Valérie

    Englebert

    Incapacité personnelle et dommage moral : un mariage blanc ?

    Pascal

    Staquet

    La victime face à son dommage : accoutumance ou adaptation ?

    Isabelle

    Lutte

    Les tables de capitalisation en droit des dommages : à quels choix le praticien se trouve-t-il confronté ?

    Christian

    Jaumain

    L’assurance et la victime face à la mutualité

    Anouk

    Gille

    Action en réparation collective et dommage corporel

    Hakim

    Boularbah

    et Marie-Amélie

    Garny

    La réforme du Code judiciaire dite ­« pot-pourri I » : quelles incidences sur le parcours procédural de la victime ?

    Jean-François

    van

    Drooghenbroeck

    L’aggravation du dommage corporel

    Jean-Luc

    Fagnart

    Synthèse

    Isabelle

    Lutte

    La preuve de la bonne exécution

    du devoir d’information du patient :

    la révolution copernicienne ?

    Vincent Callewaert

    Avocat au barreau de Bruxelles

    Maître de conférences invité à l’UCL

    1.

    Dans un arrêt rendu le 25 juin 2015, la Cour de cassation a souligné qu’« il résulte des règles relatives à la charge de la preuve que c’est à l’avocat qu’il incombe de prouver qu’il s’est conformé à son obligation d’informer son client, et non à ce dernier de prouver le fait négatif que l’information requise ne lui a pas été donnée » ¹.

    Bien que rendu en matière de responsabilité civile professionnelle d’avocats, cet arrêt suscite une certaine inquiétude au sein du corps médical ². Nombreux sont en effet ceux qui craignent que cette décision constitue un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la charge de la preuve des obligations d’information qui pèsent sur bon nombre de professions libérales (avocats, médecins, notaires, comptables, etc.).

    Il est vrai que, depuis le prononcé de deux arrêts rendus le 16 décembre 2004 ³ – sur lesquels nous reviendrons –, la jurisprudence de la Cour de cassation semblait fixer en ce sens que c’est au patient qu’il appartient de prouver que le médecin n’a pas satisfait à son obligation d’information. Quoique critiquée par certains auteurs ⁴, cette solution a été unanimement appliquée jusqu’ici par les juges du fond et a même été retenue, par analogie, dans d’autres domaines que celui de la responsabilité médicale ⁵.

    2.

    Sans nous prononcer à ce stade sur la réalité du revirement de jurisprudence qui vient d’être épinglé, il n’est pas douteux que cet arrêt du 25 juin 2015 sera invoqué par les conseils de patients confrontés à un problème d’information.

    Pour s’en convaincre, il suffit de relever que, dans un jugement encore inédit qui a été prononcé le 29 février 2016, la 11e chambre du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a décidé que « le raisonnement tenu par la Cour dans cet arrêt (du 25 juin 2015) est parfaitement transposable au devoir d’information qui s’impose au médecin et qu’il s’agit en réalité d’un retour salutaire au droit commun de la preuve […] » ⁶.

    3.

    L’enjeu de l’attribution de la charge de la preuve de l’exécution du devoir d’information du patient est évidemment crucial. De sa détermination dépend en effet l’identification de la partie au contrat médical qui, in fine, devra supporter le risque que la preuve ne soit pas rapportée.

    À cet égard, on rappellera que la législation sur l’art de guérir ⁷ autorise implicitement tout médecin à porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui sans encourir de sanctions pénales ni devoir réparer les lésions qu’il a causées pour autant que les actes qu’il pose le soient dans le respect de trois conditions : l’acte doit poursuivre un but thérapeutique, le médecin doit avoir préalablement obtenu le consentement libre et éclairé de son patient et le médecin doit enfin se conformer aux règles de l’art.

    Il n’est évidemment pas douteux que c’est au patient qu’il appartient toujours d’établir que l’acte n’avait pas de but thérapeutique ou que son médecin a adopté un comportement fautif en ce sens que, tenant compte des données acquises de la science, il ne s’est pas comporté comme l’aurait fait un médecin de la même spécialité normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances ⁸. Cette vérité n’est nullement remise en cause par l’arrêt du

    25 juin 2015.

    Comme on l’aura compris, cet arrêt invite en revanche à se demander qui, du médecin ou du patient, doit désormais démontrer que l’obligation d’informer le patient en vue d’obtenir son consentement éclairé a ou n’a pas été correctement exécutée.

    4.

    Dans le cadre de la présente étude, nous ne reviendrons pas sur les contours de cette obligation d’information qui pèse sur le médecin ni sur les conditions qui doivent être réunies pour que le consentement obtenu puisse être qualifié de libre et éclairé. De nombreuses études de qualité ont déjà été consacrées à cette question et nous nous permettons donc d’y renvoyer le lecteur ⁹.

    Bien que l’arrêt rendu le 25 juin 2015 y soit directement lié, nous ne nous pencherons pas davantage sur l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur l’avocat ¹⁰. Nous opérerons certes quelques comparaisons entre l’obligation d’information du patient par le médecin et celle du client par son avocat mais, tenant compte de l’ouvrage dans le cadre duquel cette étude s’inscrit, nous garderons nos projecteurs braqués vers les praticiens de l’art de guérir.

    Suivant un plan tout à fait classique, nous traiterons la question de la preuve de la bonne exécution du devoir d’information du patient en abordant successivement les questions de la charge de la preuve (section 1), de l’objet de la preuve (section 2) et des moyens de preuve (section 3).

    Section 1

    La charge de la preuve

    5.

    Pour appréhender correctement la question de savoir si l’arrêt rendu le 25 juin 2015 annonce un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation, il convient de rappeler brièvement les principes applicables en matière d’attribution de la charge de la preuve (§ 1), de dresser l’inventaire des principaux arrêts rendus par la Cour de cassation dans le contexte des obligations d’information (§ 2) et d’examiner les deux grilles de lecture de l’article 1315 du Code civil qui sont proposées par la doctrine (§ 3). Nous pourrons alors tenter de déterminer les conséquences qui paraissent devoir être tirées de l’arrêt précité (§ 4).

    § 1. Les principes

    6.

    La question de l’attribution de la charge de la preuve est réglée, en Belgique, par les articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire.

    Pour rappel, l’article 1315 du Code civil dispose que :

    « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

    Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

    De son côté, l’article 870 du Code judiciaire énonce, de manière plus synthétique, que :

    « Chacune des parties a la charge de prouver les faits qu’elle allègue ».

    Le texte de l’article 1315 précité est inspiré de R. Pothier, qui enseignait que « celui qui se prétend créancier de quelqu’un est obligé de prouver le fait ou la convention qui a produit sa créance, lorsqu’elle est contestée ; au contraire, lorsque l’obligation est prouvée, le débiteur qui prétend l’avoir acquittée est obligé de prouver le paiement » ¹¹.

    L’article 870 du Code judiciaire trouve quant à lui sa source dans l’enseignement du professeur De Page, qui relevait qu’« en cas de litige, chacune des parties a la charge de prouver les faits qu’elle allègue, et dont elle prétend tirer, à son profit, des conséquences de droit » ¹².

    7.

    La manière dont les dispositions précitées répartissent la charge de la preuve est somme toute assez logique. Ainsi que le souligne le professeur Van Ommeslaghe, cette répartition de la charge de la preuve se fonde en effet « sur l’idée, de sens commun, selon laquelle, en principe, une personne n’est pas supposée être tenue par une obligation, mais que s’il est démontré qu’elle est obligée et qu’elle soutient qu’elle est libérée de cette obligation, il lui appartient alors de l’établir » ¹³.

    Ce système apparaît également comme une forme de consécration de la théorie de la meilleure aptitude à la preuve. Il est en effet « plus aisé pour un créancier de prouver l’existence de sa créance que pour son adversaire de parvenir à démontrer qu’il n’existe dans son chef aucune cause d’obligation » ¹⁴.

    8.

    Dans la pratique, il faut constater que ce système d’attribution de la charge de la preuve ne présente un réel intérêt qu’au terme de l’instruction du dossier par le juge ¹⁵.

    En cours de débats, chaque partie est en effet tenue de collaborer loyalement à l’administration de la preuve ¹⁶. Mais, comme le soulignait le professeur R.O. Dalcq, « lorsque l’on parle de collaboration obligatoire des parties à l’administration de la preuve, on vise davantage le pouvoir du juge » ¹⁷. Après avoir posé les principes de la charge de la preuve en son article 870, notre Code judiciaire rappelle en effet que « le juge peut néanmoins ordonner à toute partie litigante de produire les éléments de preuve dont elle dispose » (art. 871, C. jud.). Dans un sens comparable, l’article 877 du même Code ajoute que, « lorsqu’il existe des présomptions graves, précises et concordantes de la décision par une partie ou un tiers, d’un document contenant la preuve d’un fait pertinent, le juge peut ordonner que ce document ou une copie de celui-ci certifiée conforme, soit déposé au dossier de la procédure ».

    Ce n’est donc que si toutes les preuves ont été produites et qu’aucune d’elles ne paraît décisive que l’application correcte de l’article 1315 du Code civil permet de déterminer celui qui, en définitive, doit supporter le risque de la preuve, c’est-à-dire le risque que la preuve qu’il lui incombe de rapporter ne le soit pas. La Cour de cassation semble avoir confirmé cette notion de risque de la preuve dans un arrêt du 17 septembre 1999 où elle décide que « l’incertitude ou le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent être retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve » ¹⁸.

    9.

    On rappellera enfin que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, si la faute alléguée est une infraction pénale, le demandeur doit prouver que les éléments constitutifs de celle-ci sont réunis, qu’elle est imputable à la partie adverse et, si cette dernière invoque une cause de justification non dénuée de vraisemblance, que cette cause de justification n’existe pas ¹⁹.

    § 2. La jurisprudence la Cour de cassation

    10.

    Notre Cour de cassation s’est vu offrir plusieurs occasions de trancher la question de l’attribution de la charge de la preuve du devoir d’information.

    Certains arrêts ont été rendus en matière de responsabilité médicale (un arrêt du 14 décembre 2001 et deux arrêts du 16 décembre 2004), d’autres dans le contexte du crédit à la consommation (arrêt du 10 décembre 2004), de l’obligation d’information mise à charge des administrations communales (26 janvier 1968) et de la responsabilité professionnelle d’avocats (25 juin 2015).

    Les solutions retenues sont pour le moins divergentes et invitent à s’interroger sur le raisonnement qui les sous-tend. Telle est la raison pour laquelle il nous paraît utile de revenir sur le contexte de chacun de ces arrêts ainsi que de ceux qui ont été rendus par la Cour de cassation française en 1997.

    I. L’arrêt du 26 janvier 1968

    11.

    Ce premier arrêt concernait la violation de l’obligation d’information mise à charge d’une administration communale par une loi du 23 janvier 1925. En substance, cette loi imposait aux communes de signaler immédiatement à la Caisse nationale des pensions de la guerre le décès de tout bénéficiaire d’une pension ainsi que tout changement d’état et toute modification dans la composition de la famille des intéressés qui étaient de nature à modifier leurs droits. Cette loi indiquait également que les communes sont responsables des paiements que, par leur faute, la Caisse nationale effectue indûment.

    En l’espèce, la Caisse nationale avait effectué le paiement d’une pension de guerre, mais ce paiement était en réalité indu en raison du changement d’état de son bénéficiaire. N’ayant pas été informée préalablement de ce changement d’état, la Caisse nationale mettait en cause la responsabilité de la commune aux fins d’obtenir réparation de son dommage.

    Dans ce contexte, la commune faisait valoir que c’est à la Caisse qu’il appartenait de prouver que l’information ne lui avait pas été donnée. La cour d’appel ayant entériné ce raisonnement, la Caisse forma un pourvoi en cassation. Elle y soutenait que « pour être exonérée de sa responsabilité, la commune devrait […] conformément à l’article 1315, alinéa 2, du Code civil, apporter la preuve de ce qu’elle avait donné à la Caisse nationale l’avis prescrit, cette Caisse, pour sa part, n’ayant pas à prouver le fait négatif de l’inexécution de l’obligation en question ».

    La Cour de cassation a favorablement accueilli ce moyen et a décidé qu’« il résulte des règles relatives à la charge de la preuve, telles qu’elles se déduisent de l’article 1315 du Code civil, que c’est à la commune qu’il incombe de prouver qu’elle s’est conformée à son obligation, en donnant avis à la Caisse nationale, et non à celle-ci de prouver le fait négatif que l’administration communale n’a pas donné cet avis » ²⁰.

    II. L’arrêt du 25 février 1997 (France)

    12.

    Après avoir subi une perforation intestinale à l’occasion d’une coloscopie avec ablation d’un polype, monsieur Hédreul agit en responsabilité contre le médecin qui l’a opéré. Il lui reproche de ne l’avoir pas informé du risque de perforation de l’intestin au cours d’une telle intervention.

    La cour d’appel saisie du litige déboute monsieur Hédreul de son action au motif « qu’il lui appartenait de rapporter la preuve de ce que le praticien ne l’avait pas averti de ce risque, ce qu’il ne faisait pas dès lors qu’il ne produisait aux débats aucun élément accréditant sa thèse » ²¹.

    Monsieur Hédreul se pourvoit en cassation à l’encontre de cette décision et la Cour de cassation française casse l’arrêt entrepris.

    Sur le visa de l’article 1315 du Code civil, elle décide en effet que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation » ²².

    Depuis lors, le législateur français a formellement consacré cette solution. L’article L. 1111-2, alinéa 7, du Code de la santé publique, dispose en effet qu’« en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen » ²³.

    III. L’arrêt du 29 avril 1997 (France)

    13.

    La solution retenue par la Cour de cassation française aux termes de son arrêt précité du 25 février 1997 a été confirmée deux mois plus tard en matière de responsabilité professionnelle d’avocats.

    En l’espèce, madame R. reprochait à son avocat d’avoir engagé en son nom une procédure vouée à l’échec. La Cour d’appel de Pau avait déclaré cet avocat responsable des conséquences pour sa cliente de l’appel qu’il avait formé à l’encontre d’un jugement ayant constaté le désistement de sa part d’une instance qu’elle avait engagée.

    Pour motiver cette décision, la Cour d’appel de Pau avait souligné qu’il appartenait à l’avocat « qui avait engagé une procédure, vouée à l’échec et manifestement contraire aux intérêts de sa cliente, de justifier avoir averti celle-ci des risques éminemment prévisibles auxquels elle s’exposait ou d’avoir sollicité de celle-ci une décharge de responsabilité ou, à tout le moins une reconnaissance de sa cliente de ce qu’il l’avait informée des dangers qu’elle encourait en exerçant un recours contre une décision constatant son désistement » ²⁴.

    L’avocat en question forma un pourvoi contre cette décision. Il lui faisait en effet grief d’avoir mis à sa charge la preuve de ce qu’il s’était acquitté de son devoir de conseil.

    La Cour de cassation française rejeta ce pourvoi. Elle estima en effet « qu’en statuant ainsi alors que l’avocat est tenu d’une obligation particulière d’information et de conseil vis-à-vis de son client et qu’il lui importe de prouver qu’il a exécuté cette obligation, la cour d’appel n’a fait qu’appliquer l’article 1315 du Code civil » ²⁵.

    IV. L’arrêt du 14 décembre 2001

    14.

    En raison d’un problème de thyroïde, madame L. doit subir un traitement à l’iode radioactif. L’absorption de cet iode présentant des risques pour son fœtus, il est décidé de procéder à une interruption thérapeutique de grossesse. Son gynécologue lui conseille de profiter de cette intervention pour procéder à une ligature des trompes.

    Lors de son hospitalisation, madame L. se voit remettre un formulaire de consentement pour signature. Il y est indiqué qu’elle demande « la stérilisation tubaire chirurgicale et l’interruption thérapeutique de grossesse ».

    Après l’intervention, madame L. et son mari mettent en cause la responsabilité du gynécologue. D’une part, ils font valoir que le médecin était tenu d’obtenir le consentement non seulement de sa patiente, mais également du mari de cette dernière. D’autre part, ladite patiente fait valoir qu’elle n’a pas donné son consentement libre et éclairé à sa stérilisation, car son gynécologue lui a parlé d’une « ligature des trompes », alors que le formulaire mentionnait une « stérilisation tubaire chirurgicale », termes qui ne lui ont pas été expliqués.

    Saisie de ce litige, la Cour d’appel de Liège fait droit à la demande du couple et décide, sous l’angle de la preuve, qu’une « intervention chirurgicale, spécialement lorsqu’elle n’est ni urgente ni indispensable sur le plan thérapeutique, constitue un acte illégitime si le médecin n’a pas obtenu au préalable le consentement éclairé du patient ». Paraphrasant l’attendu clé de l’arrêt de la Cour de cassation française du 25 février 1997, elle précise ensuite « qu’il en résulte que le médecin qui est légalement et contractuellement tenu de l’obligation d’informer, puis d’obtenir le consentement éclairé de son patient, a la charge de prouver l’exécution de cette obligation » ²⁶.

    15.

    Par son arrêt du 14 décembre 2001, la Cour de cassation casse l’arrêt précité. Appréhendant le consentement du patient – et, partant, la bonne exécution de l’obligation d’information – comme une cause de justification, elle décide en effet que :

    « Attendu qu’en matière civile, il incombe à la partie qui a introduit une demande fondée sur une infraction de prouver que les éléments constitutifs de celle-ci sont réunis, qu’elle est imputable à la partie adverse et, si cette dernière invoque une cause de justification sans que son allégation soit dépourvue de tout élément de nature à lui donner crédit, que cette cause de justification n’existe pas ;

    Attendu que le demandeur a allégué devant la cour d’appel avoir recueilli le consentement libre et éclairé de la défenderesse avant de procéder à l’intervention litigieuse ;

    Attendu que ce consentement avait été de nature à ôter tout caractère culpeux à un acte relevant de l’art de guérir et poursuivant un but curatif ou préventif d’ordre thérapeutique ;

    […]

    Attendu que l’arrêt, qui ne constate pas que la cause de justification alléguée par le demandeur est dénuée de toute crédibilité, mais repose sur la considération que la preuve de cette cause de justification lui incombe et qu’il n’y satisfait pas, renverse le fardeau de la preuve et viole, partant, toutes les dispositions légales visées au moyen […] ».

    16.

    À première lecture, cet arrêt semble manifester le refus de notre Cour de cassation d’adopter la solution retenue par son homologue française aux termes de son arrêt du 25 février 1997.

    La portée de cet arrêt du 14 décembre 2001 a toutefois été mise en doute par une partie de la doctrine au motif qu’il avait fait application d’une règle propre à la charge de la preuve en droit pénal et n’était par conséquent pas transposable comme tel en présence d’une demande qui n’est pas explicitement fondée sur une infraction ²⁷.

    V. L’arrêt du 10 décembre 2004

    17.

    En matière de crédit à la consommation, l’article 15, alinéa 2, de la loi du 12 juin 1991 – alors d’application – impose au prêteur de ne conclure le contrat de crédit « que si, compte tenu des informations dont il dispose ou devrait disposer, notamment sur la base de la consultation organisée par l’article 71, et sur la base des renseignements visés à l’article 10, il doit raisonnablement estimer que le consommateur sera à même de respecter les obligations découlant du contrat ».

    En l’espèce, un couple avait souscrit une ouverture de crédit auprès de la société Europabank pour un montant de 100.000 francs belges. Deux ans plus tard, le même couple conclut un contrat de crédit auprès de la même institution financière pour un montant de 485.000 francs belges remboursable en soixante mensualités. Ne parvenant pas à respecter leur obligation de remboursement, le couple est assigné en justice par la société Europabank.

    Par un jugement du 2 mai 2001, rendu en degré d’appel, le Tribunal de première instance d’Ypres refuse de faire droit à la demande de la société précitée. Il estime en effet que ladite société ne rapportait pas la preuve de ce qu’elle avait correctement rempli sa mission d’information à l’égard du consommateur. Il ajoute que la banque ne pouvait se contenter de demander oralement aux preneurs de crédit s’ils avaient ou non d’autres crédits en cours.

    18.

    La Cour de cassation casse cette décision par son arrêt du 10 décembre 2004.

    Après avoir rappelé le contenu des dispositions pertinentes de la loi sur le crédit à la consommation, elle décide en effet « qu’il suit de la combinaison de ces articles, que le consommateur et le prêteur sont tenus réciproquement d’une information exacte et complète et que le prêteur a l’obligation d’examiner les renseignements sur la situation financière et la faculté de remboursement du consommateur » ²⁸.

    Elle précise ensuite que « le consommateur a la charge de la preuve du manquement du prêteur à ses obligations, sans préjudice du devoir du prêteur de participer à la charge de la preuve dans les limites légalement déterminées » ²⁹.

    VI. Les deux arrêts du 16 décembre 2004

    19.

    Comme nous l’avons relevé plus haut, le prononcé de l’arrêt du 14 décembre 2001 n’a pas convaincu l’ensemble de la doctrine de ce que la Cour de cassation avait refusé de suivre l’enseignement de son homologue française en matière de charge de la preuve de l’obligation d’information qui pèse sur le médecin.

    Le prononcé de deux arrêts rendus le 16 décembre 2004 en matière de responsabilité médicale a levé tout doute à cet égard.

    20.

    Dans la première affaire ³⁰, une patiente reprochait à son gynécologue de ne pas l’avoir informée du risque que les interventions chirurgicales dont elle avait dû faire l’objet entraînent ultérieurement des difficultés dans ses rapports sexuels.

    La Cour d’appel de Gand débouta la patiente au motif qu’elle n’établissait pas que son gynécologue ne lui aurait pas donné l’information en question.

    La patiente forma un pourvoi contre cette décision en reprochant notamment à la juridiction gantoise d’avoir interverti la charge de la preuve en violation des articles 1315 et 1147 du Code civil. Elle invoquait également le fait que le consentement du patient est nécessaire pour permettre de porter atteinte à son intégrité physique et qu’il incombe au médecin de prouver qu’il a satisfait à son devoir d’information « qui constitue une obligation de résultat ».

    La Cour de cassation rejette ce pourvoi dans les termes suivants :

    « En vertu de l’article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a la charge de prouver les faits qu’elle allègue.

    Lors d’une contestation civile portant sur un dommage à indemniser, la charge de la preuve relative à la faute, au dommage et au lien de causalité incombe à celui qui demande l’indemnisation du dommage qu’il a subi.

    Le devoir d’information du médecin ne constitue pas une obligation de résultat.

    Un patient qui invoque que le médecin n’a pas satisfait à son devoir d’information doit en fournir la preuve » ³¹.

    Ainsi que le relève le professeur Kirkpatrick, « en affirmant, contrairement à ce que soutenait le moyen, que le devoir d’information du patient ne constitue pas une obligation de résultat, l’arrêt paraît impliquer que, s’il se fût agi d’une telle obligation, il aurait incombé au médecin de prouver qu’il avait satisfait à son devoir d’information en vertu de l’article 1315, alinéa 2, du Code civil » ³². Une telle interprétation semble toutefois contredite par la généralité des termes du motif précédent qui rappelle que la charge de la preuve incombe au demandeur en réparation ³³.

    21.

    Dans la seconde affaire, une patiente qui avait quitté l’hôpital à un moment où ses plaies étaient encore humides reprochait à son médecin de ne pas l’avoir informée des risques que ce départ prématuré lui faisait courir.

    S’appuyant sur la jurisprudence française, la Cour d’appel de Gand décida que, conformément à l’article 1315, alinéa 2, du Code civil, c’est au médecin qu’il incombait de prouver qu’il avait rempli son devoir d’information.

    La Cour de cassation casse cette décision pour les motifs que voici :

    « En vertu de l’article 870 du Code judiciaire, chacune des parties a la charge de prouver les faits qu’elle allègue.

    Lors d’une contestation civile portant sur un dommage à indemniser, la charge de la preuve relative à la faute, au dommage et au lien de causalité incombe à celui qui demande l’indemnisation du dommage qu’il a subi.

    Il n’y est pas dérogé par l’article 1315, alinéa 2, du Code civil, selon lequel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Le juge peut, certes, considérer que la preuve d’un fait négatif ne doit pas être apportée avecla même rigueur que celle d’un fait affirmatif, mais il ne peut dispenser de cette preuve la partie demanderesse et imposer à la partie adverse la preuve du fait positif contraire » ³⁴.

    22.

    À la lecture de ces deux arrêts, et contrairement à la solution retenue en France, la Cour de cassation belge semble donc attachée à la règle selon laquelle c’est au patient qu’il appartient de prouver que le médecin a failli à son devoir d’information et, partant, qu’il n’a pas obtenu un consentement libre et éclairé.

    VII. L’arrêt du 25 juin 2015

    23.

    Bien que les deux arrêts précités (16 décembre 2004) l’aient été en matière de responsabilité médicale, la majorité de la doctrine et de la jurisprudence s’est accordée à considérer que, par analogie, la solution ainsi adoptée par la Cour de cassation était parfaitement transposable au devoir d’information de l’avocat ³⁵.

    À l’exception d’une décision rendue le 8 novembre 2001 par le Tribunal de première instance de Huy³⁶, la majorité de la jurisprudence a suivi cette application analogique. Un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 16 mai 2002 a ainsi décidé qu’il appartient au client de prouver la mauvaise exécution de l’obligation d’information et de conseil de l’avocat ³⁷.

    24.

    L’arrêt rendu le 25 juin 2015 prend le contre-pied de cette application par analogie.

    En l’espèce, un client assigné en paiement d’honoraires reprochait à son avocat de ne l’avoir pas informé de son droit de bénéficier de l’aide juridique alors qu’un règlement déontologique dispose explicitement que « lorsque l’avocat constate qu’un client est susceptible de bénéficier de l’aide juridique ou de l’assistance judiciaire, il a l’obligation de l’en informer ».

    Parmi d’autres moyens, l’avocat affirmait avoir informé verbalement son client de son droit à l’aide juridique, et ce, dès la première consultation.

    Aux termes d’un arrêt du 21 juin 2013, la 7e chambre de la Cour d’appel de Bruxelles a confirmé le jugement par lequel le Tribunal de première instance de Bruxelles avait débouté l’avocat – ou, plus exactement, la société civile dont il relevait – de sa demande. La cour d’appel a en effet décidé qu’« il appartient à Me A., qui prétend avoir informé son client, de rapporter la preuve du fait qu’il allègue ».

    L’avocat en question a formé un pourvoi contre cet arrêt sur le visa notamment des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire. Il y relevait qu’en décidant que c’est à lui qu’il appartient de prouver qu’il n’avait pas commis la faute qui lui est imputée, l’arrêt attaqué renverse illégalement la charge de la preuve.

    En réponse au deuxième moyen de ce pourvoi, la Cour de cassation énonce ce qui suit :

    « Dès lors qu’il résulte des règles relatives à la charge de la preuve que c’est à l’avocat qu’il incombe de prouver qu’il s’est conformé à son obligation d’informer son client, et non à ce dernier de prouver le fait négatif que l’information requise ne lui a pas été donnée, l’arrêt ne viole pas les dispositions légales visées au moyen en décidant qu’il appartient à maître A., qui prétend avoir informé son client, de rapporter la preuve du fait qu’il allègue » ³⁸.

    Il est intéressant d’observer que, sur le site Juridat, la publication de cet arrêt est suivie de la référence à un seul et unique arrêt de la Cour de cassation, à savoir celui… du 26 janvier 1968.

    § 3. Les deux grilles de lecture proposées

    25.

    L’inventaire des arrêts que nous venons d’établir révèle à quel point la question de l’attribution de la charge de la preuve est délicate à appréhender. Il est vrai que la dialectique qu’induit l’article 1315 du Code civil n’est guère aisée à mettre en œuvre, en particulier lorsqu’il s’agit de l’appliquer à l’obligation d’information.

    Deux grilles de lecture divergentes de cette disposition sont généralement proposées à cet égard par la doctrine.

    Selon la première, la charge de la preuve du devoir d’information pèserait toujours sur son créancier, à savoir en l’occurrence le patient (I). Selon la seconde, c’est au débiteur de l’information, et donc au médecin, qu’il appartiendrait d’établir la preuve de la bonne exécution de son devoir d’information (II).

    Il est piquant de constater que, pour justifier ces solutions, les tenants de ces deux thèses diamétralement opposées se revendiquent quasiment tous d’une « lecture rigoureuse » de l’article 1315 du Code civil.

    Mais examinons plus précisément le raisonnement qui sous-tend chacune de ces lectures.

    I. La preuve incombe au créancier de l’information

    26.

    Pour une part importante de la doctrine, c’est au demandeur en réparation, et donc au créancier de l’information, qu’il appartient d’établir la réalité des faits qui justifient sa prétention, à savoir en l’occurrence la violation de son droit à l’information ³⁹.

    Selon cette conception, l’article 1315, alinéa 1er, du Code civil, n’exigerait donc pas seulement du créancier de l’information qu’il établisse l’existence de son droit, mais qu’il démontre également sa violation par le professionnel.

    Les tenants de cette première lecture se réfèrent bien souvent à la théorie des dispenses de preuves développée par H. Motulsky.

    Dans la note fouillée qu’il a consacrée à l’arrêt rendu le 10 décembre 2004 en matière de crédit à la consommation, le bâtonnier Buyle souligne ainsi que « le droit dont se prévaut le créancier d’information est celui qui va lui permettre d’en tirer des conséquences avantageuses, ou réparatrices, ce qui présuppose dès lors que le droit subjectif dont il va se prévaloir sera celui qui découle de la violation de son droit primaire, à savoir sa créance d’information. Or, pour reprendre la terminologie développée par Motulsky, il lui appartient de rapporter les faits générateurs de son droit subjectif, ce qui englobe la violation matérielle de son droit primaire afin de démontrer la genèse du droit opposé à son débiteur, tel par exemple le droit à la réparation du dommage subi en raison de la faute de son débiteur » ⁴⁰.

    27.

    Dans le contexte de la responsabilité médicale, certains auteurs font également valoir que, si la charge de la preuve doit toujours rester à charge du patient, c’est en raison de la qualification pénale du manquement dont la réalité est discutée.

    Le professeur J.-L. Fagnart souligne en ce sens que :

    « Lorsqu’un patient reproche au médecin d’avoir procédé à une intervention sans avoir recueilli son consentement éclairé, la question qui se pose est celle de l’existence d’une infraction pénale. Il faut donc appliquer non pas les règles de preuve en droit civil, mais bien celles qui gouvernent le droit pénal.

    Dans ce domaine, le principe de base est la présomption d’innocence consacrée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

    Ce principe s’applique également lorsque, devant une juridiction civile, la demande est fondée sur un fait pouvant être qualifié d’infraction.

    Il appartient dès lors à la partie demanderesse d’apporter la preuve des éléments constitutifs de l’infraction ; en outre, si le prévenu ou le défendeur allègue une circonstance qui exclut sa responsabilité et si cette allégation n’est pas dépourvue d’éléments de nature à lui donner du crédit, il incombe à la partie demanderesse d’en prouver l’inexactitude.

    Il faut en déduire que, si le médecin allègue qu’il a donné à son patient une information suffisante et si cette allégation n’est pas dépourvue de tout élément permettant de lui accorder du crédit, il appartient au patient de démontrer l’absence d’information suffisante et adéquate » ⁴¹.

    28.

    Il va sans dire que l’ensemble des partisans de cette première « grille de lecture » de l’article 1315 du Code civil approuvent les arrêts rendus en 2001 et 2004 par la Cour de cassation en matière de crédit à la consommation et de responsabilité médicale. Ces quatre arrêts considèrent en effet tous que la charge de la preuve du défaut d’information pèse sur le créancier de l’information, à savoir, selon le cas, le consommateur et le patient.

    II. La preuve incombe au débiteur de l’information

    29.

    Si les arrêts de 2001 et 2004 ont été favorablement accueillis par la majorité de la doctrine, ils ont également fait l’objet de critiques parfois sévères de certains auteurs ⁴².

    En substance, ces auteurs reprochent à la solution retenue par la Cour de cassation dans ses arrêts précités de procéder à une application erronée de l’article 1315 du Code civil.

    À leur estime, le premier alinéa de l’article 1315 du Code civil impose uniquement au créancier de l’information d’établir la réalité de son droit et, en application de l’alinéa 2 de cette disposition, c’est ensuite au professionnel qui se prétend libéré qu’il appartient alors d’établir qu’il a correctement rempli son devoir d’information.

    Le professeur Fr. Glansdorff développe ce raisonnement dans des termes particulièrement éclairants :

    « […] il est bien évident […] que la charge de la preuve de la faute, du dommage et du lien de causalité pèse sur celui qui les invoque. Mais ici, on se trouve à un stade antérieur, qui est de savoir si l’obligation existe et si elle a été exécutée. Ce n’est qu’après, si cette inexécution est établie, qu’on se demandera s’il y a faute ou non, en fonction notamment du caractère de moyens ou de résultat de l’obligation en question. Au premier stade où nous nous plaçons, l’article 1315 du Code civil, en ses deux alinéas, est très clair :

    celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver : c’est donc au client, au patient, à l’acheteur, etc., qu’il incombe de prouver l’existence de l’obligation d’information ;

    réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation : c’est donc au professionnel, médecin, avocat, banquier, vendeur, etc., qu’il incombe de justifier qu’il a exécuté son obligation, et non l’inverse.

    Il n’est pas question, ce faisant, de faire peser une quelconque présomption de faute sur le débiteur de l’obligation. Il est simplement question de dire à ce débiteur, une fois établie l’existence même de l’obligation d’information : c’est à présent à vous qu’il incombe de prouver que vous avez satisfait à cette obligation. Imposer, à l’inverse, au créancier de l’obligation d’établir que le débiteur n’y a pas satisfait, c’est lui imposer la preuve d’un fait négatif, ce que n’exige certainement pas

    l’article 1315 » ⁴³.

    § 4. Analyse

    30.

    Les deux grilles de lecture qui viennent d’être évoquées présentent chacune des éléments séduisants. Le caractère laconique des arrêts de la Cour de cassation ne permet cependant pas d’affirmer avec certitude que celle-ci aurait clairement fait choix d’une lecture plutôt qu’une autre.

    Il en va d’autant plus ainsi qu’il est déjà délicat d’affirmer que, par son arrêt du 25 juin 2015, la Cour aurait consacré un véritable revirement de sa jurisprudence en matière de charge de la preuve de la bonne exécution du devoir d’information ⁴⁴. S’il est certes exact que la majorité de la doctrine considérait jusqu’ici, en se référant aux arrêts de 2004, que c’est au client qu’il appartient d’établir que son avocat

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1