L’assurance R.C. auto: Les 25 ans de la loi du 21 novembre 1989
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À propos de ce livre électronique
L’assurance R.C. auto occupe une place privilégiée dans le secteur de l’assurance. Obligatoire depuis ses origines en 1956 (loi du 1er juillet), elle est actuellement régie par la loi du 21 novembre 1989.
Si cette loi connaît une relative stabilité, elle n’est toutefois pas exempte de critiques. Certaines sont connues de longue date (pensons aux limites du contrat-type actuel), mais d’autres sont apparues au fur et à mesure de l’évolution du cadre juridique global des assurances.
Au moment où le droit du contrat connaît une évolution importante – par l’adoption de la loi du 4 avril 2014 – et à l’occasion des 25 ans de la loi relative à l’assurance R.C. auto, les auteurs de cet ouvrage portent un regard prospectif sur les évolutions qui pourraient survenir. Plusieurs thèmes, sélectionnés au regard de leur importance pratique ou des difficultés constantes qu’ils suscitent, font l’objet d’un examen approfondi :
• l’article 19bis-11, § 2 ;
• l’article 29bis et les controverses qui l’entourent ;
• les compétences du Fonds commun de garantie belge ;
• les compétences du Bureau belge des assureurs automobiles ;
• l’action récursoire et le contrat-type ;
• les conventions Assuralia en matière d’assurance automobile.
L’ensemble des contributions intéressera tous les praticiens de la matière, magistrats, avocats, gestionnaires de compagnies et intermédiaires en assurances.
Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels
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Aperçu du livre
L’assurance R.C. auto - Collectif
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications sprl (Limal) pour le © Anthemis s.a.
47039.png La version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.
© 2014, Anthemis s.a.
Place Albert I, 9 B-1300 Limal
Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be
ISBN : 978-2-87455-884-9
Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.
Mise en page : Communications s.p.r.l.
COLLECTION DROIT DES ASSURANCES
sous la direction de Claude Devoet, Jean-Luc Fagnart et Catherine Paris
La collection rassemble des ouvrages traitant du droit des assurances au sens large.
Elle a pour vocation de couvrir tous les thèmes qui intéressent les professionnels évoluant dans ce secteur : juristes d’entreprise, avocats, magistrats et consultants.
Cette collection propose ainsi aux lecteurs des études pointues sur les différents aspects du droit des assurances, des commentaires avisés sur les dernières évolutions législatives et jurisprudentielles en cette matière, ainsi que des réflexions sur les tendances et idées qui gouvernent ce secteur.
Fondés sur une excellente analyse juridique, les ouvrages ne se limitent pas à un commentaire du droit des assurances mais en abordent également les thèmes périphériques : la responsabilité civile, la circulation routière, l’expertise médicale, la fiscalité des assurances, etc.
Les matières sont abordées en droit belge, dans un cadre européen et international.
Parus dans cette collection :
– La réparation du dommage, Questions particulières, ouvrage collectif, 2006.
– Les assurances de personnes (1re éd.), Claude Devoet, 2006.
– L’institution de retraite professionnelle, Mémento des nouveaux fonds de pension, Pierre Doyen, 2007.
– L’indemnisation des victimes faibles d’accidents de circulation, L’article 29bis, Hélène de Rode, 2008.
– Les assurances de personnes (2e éd.), Claude Devoet, 2011.
– L’assurance maladie privée, Jean-Christophe André-Dumont, 2012.
– L’intermédiation et la distribution en assurances, Christophe Verdure, 2012.
– Précis de droit de la circulation routière, Bernard Dewit et Virginie Katz, 2014.
Sommaire
Les vingt-cinq ans de la loi du 21 novembre 1989 : état des lieux et perspectives d’avenir
Jean
Van Rossum
L’article 19bis-11, § 2, ou la réparation des dommages consécutifs à un accident impliquant plusieurs véhicules dont la responsabilité ne peut être établie
Anthony
Rondao Alface
Article 29bis – Vingt ans de controverses
Jean-Luc
Fagnart
Le Fonds commun de garantie belge et le Bureau belge des assureurs automobiles: télescopage ou complémentarité ?
Philippe
Galand
et Pierre-Antoine
Lazarski
L’action récursoire en assurance R.C. auto
Bernard
Dewit
et Catherine
Van Gheluwe
Les conventions Assuralia en matière d’assurance automobile : des initiatives des assureurs en faveur des victimes d’accidents de la circulation
Bruno
Didier
Les vingt-cinq ans de la loi du 21 novembre 1989 : état des lieux et perspectives d’avenir
Jean Van Rossum
Avocat au barreau de Bruxelles (Delacroix et Associés)
Section 1
Les évolutions de la législation sur l’assurance de responsabilité civile automobile
§ 1. La loi du 21 novembre 1989 et celle du 1er juillet 1956
1. La loi du 21 novembre 1989, dont nous célébrons les vingt-cinq ans d’existence, qui a mis près de vingt-cinq ans à être rédigée, votée et publiée, n’a pas réformé fondamentalement la loi initiale du 1er juillet 1956, sur l’assurance R.C. auto.
C’est la loi du 1er juillet 1956, fruit, notamment, du Traité Benelux du 7 janvier 1955, qui a réellement été innovatrice.
2. La loi du 1er juillet 1956 a tout d’abord imposé l’obligation d’assurance sous peine de condamnation pénale. Elle est une des premières assurances obligatoires de la responsabilité. Depuis, les assurances de responsabilité obligatoires se sont multipliées¹.
3. La loi de 1956 a également rendu inopposables aux victimes les exceptions, nullités et déchéances. Cette disposition a été généralisée à toutes les assurances obligatoires par l’article 87 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre, devenu l’article 151, § 1er, de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances.
4. C’est toujours la loi de 1956 qui a instauré l’action directe au bénéfice des victimes. À l’époque, cette action directe était rare. Elle n’existait que dans la législation sur les accidents du travail et pour certaines assurances de responsabilité en matière de transport. Une fois de plus, la loi du 25 juin 1992 a étendu l’action directe à toutes les assurances de responsabilité. Ainsi, les victimes n’ont plus été obligées de recourir à l’artifice juridique consistant à citer l’assureur en intervention forcée et en déclaration de jugement commun et à demander le bénéfice du privilège visé par l’article 9 de la loi hypothécaire. L’action directe est organisée par l’article 86 de la loi du 25 juin 1992, devenu l’article 150 de la loi de 2014.
5. Enfin, corollaire de cette inopposabilité, l’assureur dispose dans un certain nombre de cas d’une action récursoire à l’encontre de son assuré². Encore une fois, la loi du 25 juin 1992 a maintenu cette possibilité de recours en la réglementant et imposant, notamment, en son article 88 (devenu 152 de la loi de 2014), l’obligation pour l’assureur de prévenir son assuré « aussitôt qu’il a connaissance du motif » de l’action récursoire.
§ 2. Objectifs de la loi du 21 novembre 1989
6. Initialement, la loi du 21 novembre 1989 visait principalement à mettre en concordance notre législation avec, d’une part, le Traité Benelux, d’autre part, les directives européennes.
Même si les modifications par rapport à la loi de 1956 ne sont pas fondamentales³, la nouvelle loi renforce la protection des victimes et étend la couverture de l’assurance. Il s’agit d’une constante dans l’évolution de l’assurance de responsabilité civile automobile.
7. La loi de 1989 modifie tout d’abord le régime des remorques, et de tout ce que le véhicule assuré tracte. Sous l’empire de la loi de 1956, le véhicule désigné était le véhicule automoteur décrit aux conditions particulières. L’article 1er de la loi stipulait que la remorque attelée ou non était considérée comme en faisant partie ; seule était une remorque, assimilée au véhicule désigné et, partant, couverte par l’assureur du véhicule tracteur, un engin conçu spécialement pour être tracté. La loi de 1989 a décidé que quel que soit le véhicule tracté, même non destiné à être remorqué, par exemple un véhicule automoteur en panne, il était assuré par l’assureur du véhicule tracteur⁴.
8. La loi de 1989 étend la couverture d’assurance aux passagers du véhicule assuré. La loi de 1956 ne visait en effet que la responsabilité des propriétaires, conducteurs et détenteurs.
9. La loi de 1989 s’est adaptée à celle du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, qui exonère la responsabilité civile du salarié qui n’a pas commis de faute lourde ou de faute légère habituelle. Afin d’éviter toutes difficultés, et dans la mesure où l’employeur est civilement responsable, la loi de 1989 a dès lors couvert également la responsabilité civile de celui-ci.
10. La loi de 1956 ne prévoyait en son article 3 qu’une exclusion à l’égard du voleur (celui qui s’était rendu maître du véhicule par vol ou violence). La loi de 1989 a étendu cette exclusion au receleur.
11. La loi de 1989 a réduit considérablement la liste des bénéficiaires exclus. Elle supprime l’exclusion du preneur d’assurance et de tous ceux dont la responsabilité civile est couverte par la police.
12. La loi de 1989 a réduit l’exclusion d’indemnisation des biens transportés en prévoyant une exception pour les vêtements et bagages personnels.
13. Enfin, la loi a organisé les changements de véhicule. L’article 12 de la loi du 1er juillet 1956 se limitait à préciser qu’en cas de transfert de propriété du véhicule le preneur d’assurance ou ses ayants droit devaient dans les huit jours en aviser l’assureur. L’article 17 de la loi du 21 novembre 1989 prévoit que l’assureur du véhicule automoteur dont la propriété a été transférée reste tenu à l’égard de la personne lésée pendant un délai de seize jours à dater du transfert et qu’il doit notamment couvrir la responsabilité relative au véhicule de remplacement.
§ 3. Le contrat type de 1992
14. Un contrat type, rédigé en 1957, existait déjà sous l’empire de la loi du 1er juillet 1956.
Le contrat type de 1957 a été entièrement revu, à l’aune de la loi du 21 novembre 1989. Cette nouvelle version du contrat type est le fruit d’une concertation au sein d’Assuralia. Sa grande nouveauté est qu’il a été entériné par l’arrêté royal du 14 décembre 1992 et fait donc partie du droit positif ⁵.
15. Ce nouveau contrat type revêt une importance capitale pour deux raisons :
– il apporte des précisions que la loi ne comporte pas, comme la définition du véhicule assuré ;
– il impose des garanties et des couvertures largement supérieures aux exigences minimales de la loi, comme la couverture de la responsabilité en cas de conduite d’un véhicule de remplacement ou de conduite occasionnelle du véhicule d’un tiers non assuré⁶.
16. Alors que la loi de 1989 n’impose l’obligation d’assurance que pour la circulation sur la voie publique, les terrains ouverts au public et les terrains non publics, mais ouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de les fréquenter⁷, le contrat type étend la garantie aux sinistres survenus « sur la voie publique ou sur les terrains publics ou privés »⁸. Mais cette extension contractuelle ne concerne pas l’article 29bis.
§ 4. Les lois des 2 et 22 août 2002
17. La loi du 21 novembre 1989 a été modifiée par la loi du 2 août 2002. Celle-ci a instauré un chapitre 2bis et les articles 9bis à 9quinquies en instituant un bureau de tarification et en organisant celui-ci lorsque des assurés ne parvenaient pas à obtenir une couverture d’assurance.
Il est intéressant de relever que cette technique du bureau de tarification a été réutilisée par l’article 68-9 de la loi du 25 juin 1992, devenu l’article 131 de la loi du 4 avril 2014⁹.
18. Quant à la loi du 22 août 2002, elle a principalement pour but de transposer en droit belge la directive 200/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000¹⁰. La loi impose notamment que chaque compagnie d’assurance agréée ait un représentant dans les pays de la Communauté et impose que les compagnies d’assurance fassent des offres dans des délais précis sous peine de pénalité¹¹.
§ 5. La cinquième directive
19. La loi de 1956 prévoyait déjà en son article 7 que la victime pouvait assigner directement l’assureur soit devant le juge compétent en fonction de l’endroit de l’accident, soit devant le juge compétent en fonction du siège de l’assureur, soit, et ceci était dérogatoire au droit commun, devant le juge de son propre domicile.
Cette possibilité a été confirmée par l’article 15 de la loi de 1989.
Elle a été étendue sur le plan européen. Dorénavant, sur la base de la cinquième directive R.C. auto de 2005, la victime peut assigner l’assureur étranger, contre qui elle dispose d’une action directe, devant la juridiction du pays où elle réside. En d’autres termes, la victime d’un accident à l’étranger n’est pas obligée de porter son action directe devant une juridiction de l’État où l’accident est survenu¹² ou du siège de l’assureur étranger.
§ 6. L’article 29bis
20. La modification la plus fondamentale apportée à la loi du 21 novembre 1989 est celle de l’indemnisation automatique des usagers faibles. C’est la loi du 30 mars 1994 qui a inséré le nouvel article 29bis qui lui-même a subi plusieurs corrections.
§ 7. La Cour d’arbitrage puis la Cour constitutionnelle
21. La Cour constitutionnelle a joué un rôle extrêmement important dans l’évolution de la loi du 21 novembre 1989. La Cour a limité les personnes exclues du bénéfice de l’assurance autres que le conducteur. Ces exclusions étaient justifiées par une crainte de collusion. Les personnes exclues étaient le preneur d’assurance, son conjoint, le conducteur, ou leurs parents et alliés en ligne directe. La Cour a décidé que le caractère absolu de la présomption de fraude était disproportionné.
La Cour a également considérablement étendu la portée de l’article 29bis, ne fût-ce, par exemple, qu’en décidant que cette disposition s’appliquait également aux véhicules sur rail¹³.
§ 8. La loi du 4 avril 2014
22. La loi du 4 avril 2014 sur les assurances ne concerne pas spécifiquement l’assurance responsabilité civile auto. Elle la vise cependant indirectement. Elle impose, en effet, certaines règles aux assurances obligatoires et aux assurances de responsabilité, ce qui est le cas de l’assurance R.C. auto.
L’article 68 de la loi prévoit, notamment, que lorsque l’assureur effectue un paiement à un mineur ou à un incapable, il doit le faire sur un compte spécifique.
La loi prévoit également qu’en cas d’action récursoire, celle-ci est limitée à la part de responsabilité de l’assuré. Cette disposition semble mettre fin à une controverse, notamment en cas d’action récursoire à la suite des décaissements effectués uniquement sur pied de l’article 29bis¹⁴.
Section 2
Difficultés encore existantes
23. Bien que la loi de 1989 et la nouvelle police type soient en vigueur depuis vingt-cinq ans, elles suscitent encore de nombreuses controverses. Les principales ont trait à l’indemnisation des usagers faibles (article 29bis), aux actions récursoires, et aux dispositions de l’article 19bis. Ces questions font l’objet des contributions spécifiques ci-après.
En dehors de ces trois cas, il existe encore de nombreux problèmes, plus mineurs.
Il est impossible de les examiner tous dans le cadre de la présente étude. En voici, cependant, quelques-uns.
§ 1. Les bagages
24. Toutes les victimes qui ne sont ni le conducteur, ni le passager du véhicule assuré sont indemnisées de l’entièreté de leur préjudice, sous réserve de la limite de l’article 3, § 2, de la loi de 100 millions d’euros indexés par sinistre.
Si les passagers du véhicule assuré sont indemnisés de l’intégralité de leur préjudice corporel, en revanche, les objets qu’ils transportent ne le sont pas. Les dommages aux choses transportées ne sont en effet pas indemnisables. Le législateur a ainsi voulu exclure la problématique des transports onéreux ou gratuits. Il craignait un risque de collusion.
Mais cette exception comporte elle-même une exception. Les biens transportés sont indemnisés, s’il s’agit des vêtements et bagages personnels, à concurrence de 100.000 BEF par personne transportée¹⁵.
25. Cette disposition entraîne peu de conflits en ce qui concerne les vêtements. La notion semble claire. Mais il y a parfois eu des controverses à propos de la notion de « bagages personnels ». La réponse tombe sous le sens lorsqu’il s’agit, par exemple, d’une valise dans laquelle se trouvent des vêtements et des objets personnels. Compte tenu de l’évolution des techniques actuelles, l’on pourrait également soutenir que l’ordinateur portable d’un passager est un bagage personnel.
En revanche, les discussions sont nées à propos des bicyclettes transportées par le véhicule assuré. Il a été jugé qu’une bicyclette placée sur le toit du véhicule assuré n’était pas un bagage personnel¹⁶. Ce jugement a, à bon droit, été réformé¹⁷. Il s’agit en réalité d’une question de fait. Si le véhicule est destiné à transporter des objets et particulièrement des bicyclettes, et que le propriétaire n’y a pris place qu’exceptionnellement comme passager, on peut considérer qu’il ne s’agit pas de bagages personnels. Par contre, on pourrait se demander si la bicyclette ne constituerait pas un bagage personnel si un groupe d’amis part dans l’intention de faire une excursion chacun avec son vélo.
26. Ces difficultés pourraient être résolues si le projet de nouveau contrat type était entériné (voy. section 3, ci-après).
§ 2. Exclusion pour vol ou recel
27. L’assureur n’intervient pas si l’accident est causé par le voleur ou le receleur du véhicule. Cette exclusion, d’interprétation stricte, ne concerne pas d’autres hypothèses, comme l’abus de confiance ou l’usage abusif du véhicule. L’assureur doit indemniser les victimes, mais dispose éventuellement d’une action récursoire.
28. Il est unanimement admis que la charge de la preuve des conditions de l’exclusion incombe à l’assureur. Il doit établir, d’une part, que le véhicule assuré a été volé, d’autre part, que l’accident a été causé par le voleur ou le receleur.
29. Il n’est généralement pas très difficile d’établir que le véhicule a été volé. En revanche, la preuve que le véhicule était conduit par le voleur ou le receleur, au moment de l’accident, est beaucoup plus délicate. Le plus souvent, en effet, le voleur ou le receleur, auteur d’un accident, prend la fuite.
Certains juges du fond semblent trop stricts en ce qui concerne la charge de la preuve que le véhicule était conduit pas le voleur. Ils exigent de l’assureur une preuve certaine, qu’il est pratiquement impossible de rapporter en cas de fuite du voleur. Il faut nécessairement se contenter de présomptions précises et concordantes.
C’est dès lors à bon droit que la Cour d’appel de Bruxelles¹⁸ a estimé que l’assureur apportait la preuve que l’accident avait été causé par un voleur lorsque celui-ci était survenu deux heures et demie après le vol.
En revanche, le jugement ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2013¹⁹ nous paraît excessif. Le véhicule volé avait servi à un hold-up. Il avait ensuite été retrouvé dans le canal. Il était hautement probable que les voleurs l’avaient précipité dans le canal. Le juge du fond avait cependant estimé que l’assureur n’en apportait pas la preuve certaine.
§ 3. Prescription de l’action directe de la victime
30. Conformément à l’article 34, alinéa 2, de la loi de 1992, l’action directe de la victime contre l’assureur de la responsabilité du tiers se prescrit par cinq ans à partir du fait générateur du dommage ou de l’infraction. En matière de roulage, ce fait générateur est évidemment l’accident de la circulation.
L’article 34, alinéa 2, de la loi prévoit deux exceptions :
– la prescription quinquennale ne court pas contre les mineurs, les interdits et les autres incapables ;
– le délai de cinq ans ne prend pas cours au moment de l’accident, mais peut le prendre plus tard si la victime n’a eu connaissance qu’ultérieurement de son droit envers l’assureur ce qui suppose, notamment, qu’elle connaisse les coordonnées de celui-ci. Ce cas est relativement fréquent lorsque la victime est transférée d’urgence depuis le lieu de l’accident dans un hôpital parce qu’elle a été gravement blessée et qu’un dossier répressif a été ouvert. Bien souvent, la victime doit attendre avant d’avoir accès au dossier répressif et de connaître les coordonnées de l’assureur du responsable.
Il incombe à la victime de prouver qu’elle s’est trouvée dans la situation et qu’elle n’a connu qu’ultérieurement son droit envers l’assureur²⁰. L’avocat, le courtier ou l’assureur protection juridique doivent donc être extrêmement prudents et conserver toute la correspondance et toutes les pièces établissant qu’ils ont pris contact avec le parquet pour avoir accès au dossier répressif et mentionner au parquet que cet accès est nécessaire pour connaître les coordonnées de l’assureur.
31. En toute hypothèse, l’action directe est définitivement prescrite dix ans après l’accident.
Il s’agit d’un délai de prescription et non d’un délai préfix. Il peut donc être interrompu par des actes interruptifs classiques, notamment par une citation ou une mise en demeure²¹.
32. Les délais de prescription de l’action directe sont donc différents de ceux de l’action de droit commun contre le responsable, organisé par l’article 2262bis du Code civil. Cette différence ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution²².
33. L’article 10 de la loi de 1956 (qui imposait une prescription de trois ans à l’action directe au lieu de cinq ans) prévoyait déjà que cette prescription pouvait être interrompue à l’égard de l’assureur par tous pourparlers.
L’article 35, § 4, de la loi du 25 juin 1992 (devenu actuellement l’article 89, § 5, de la loi de 2014) supprime la notion de pourparlers. La prescription est interrompue dès que l’assureur est informé de la volonté de la personne lésée d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.
Cette notion floue a évidemment fait l’objet de nombreuses contestations. Tout est en réalité une question de fait, laissée à l’appréciation du juge du fond²³.
§ 4. Extensions contractuelles : véhicule de remplacement ou véhicule conduit occasionnellement
34. L’article 4 de la police type contient deux extensions de garantie qui ne sont pas visées par la loi de 1989. Elles concernent exclusivement le preneur d’assurance, son conjoint et ses enfants cohabitants. Les extensions de garantie s’appliquent à la conduite d’un véhicule non assuré de remplacement ou du véhicule d’un tiers non assuré conduit occasionnellement. Si le véhicule de remplacement ou si le véhicule du tiers n’est pas assuré, le responsable de l’accident, pour autant qu’il soit le preneur d’assurance, son conjoint ou un de ses enfants cohabitants, bénéficie donc d’une extension de garantie. Sa responsabilité est couverte.
Il s’agit sans doute d’une des dispositions les plus compliquées du contrat type²⁴.
La Cour de cassation a prononcé trois arrêts intéressants assez récemment.
Dans un premier arrêt, qui est interpellant, du 21 juin 2011²⁵, la Cour décide que le conducteur qui bénéficie de l’extension d’assurance et celui qui conduit un véhicule de remplacement ou le véhicule d’un tiers non assuré commet néanmoins l’infraction d’avoir conduit un véhicule automoteur dont la responsabilité civile n’était pas couverte. On peut se demander si cette décision ne va pas à l’encontre de l’interprétation restrictive de la loi pénale.
Dans un autre arrêt du 31 janvier 2008²⁶, la Cour a, à juste titre, rappelé que les extensions de garantie ne concernaient que le preneur d’assurance, son conjoint et ses enfants cohabitants. Toute autre personne ne bénéficie pas de l’extension. En conséquence, il s’agit d’un cas de non-assurance que l’assureur peut opposer aux personnes lésées.
Enfin, dans un arrêt du 26 avril 2013²⁷, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas de conduite occasionnelle lorsqu’elle avait été préalablement prévue. Il importe peu, selon la Cour, que le preneur d’assurance ne conduise pas fréquemment le véhicule automoteur du tiers non assuré. Une conduite peu fréquente n’implique pas qu’il s’agit d’une conduite occasionnelle.
La Cour d’appel d’Anvers a statué dans le même sens, en décidant que la conduite d’un véhicule de location n’était pas occasionnelle²⁸.
§ 5. La direction du procès
35. Afin de permettre à l’assureur d’exercer la direction du procès, l’assuré a l’obligation de déclarer le sinistre aussitôt que possible²⁹, de transmettre à l’assureur tout acte judiciaire ou extrajudiciaire³⁰, de comparaître en justice et de se soumettre à une mesure d’instruction ordonnée par le tribunal³¹, de s’abstenir d’indemniser ou de permettre d’indemniser la victime et de reconnaître sa responsabilité³². L’assuré peut uniquement reconnaître la matérialité des faits.
De son côté l’assureur a l’obligation d’assumer la direction du procès et de prendre fait et cause pour son assuré.
36. Les litiges en cette matière sont rares. D’une part, l’assureur et l’assuré ont le plus souvent des intérêts identiques ; d’autre part, l’assureur doit prouver qu’il a subi un dommage en raison de la négligence ou de l’inertie de son assuré ce qui est une preuve difficile³³.
La Cour d’appel de Bruxelles a cependant examiné le cas d’un assuré qui par oubli, négligence ou ignorance n’avait pas adressé en temps utile à son assureur les actes judiciaires qui lui avaient été notifiés. Il ne s’agissait pas d’une assurance automobile, mais d’une assurance responsabilité civile vie privée. Les principes retenus par la cour peuvent cependant s’appliquer à l’assurance automobile.
Les faits de la cause étaient les suivants. L’assuré avait causé un accident de ski à l’étranger. Une victime avait mis en cause sa responsabilité. L’assuré avait été assigné devant le tribunal étranger. Il n’avait transmis ni citation ni signification du jugement le condamnant qui était devenu définitif. Il avait ensuite agi en garantie contre son assureur afin que celui-ci indemnise la victime. L’assureur avait invoqué l’article 80 de la loi de 1992 et avait refusé de couvrir le sinistre. La cour d’appel lui a donné raison.
37. On peut cependant se demander si la décision de la cour n’est pas excessive. L’article 80 de la loi de 1992 (article 144 de la loi du 4 avril 2014) ne permet pas à l’assureur de refuser de couvrir le sinistre. Il l’autorise uniquement à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi. Or il est parfaitement possible qu’un assureur qui n’a pas été avisé d’une citation, d’un jugement ou d’une signification n’ait subi aucun dommage, pour le motif bien simple que la responsabilité de son assuré est incontestable. Si cette responsabilité est discutable, le préjudice de l’assureur ne se limite-t-il pas à une perte de chance ?
38. Le fait que l’assureur ait la maîtrise du procès lui impose de tenir son assuré au courant, notamment s’il interjette appel³⁴. Si cette maîtrise du procès l’autorise à conclure une transaction avec la victime sans perdre son droit à une éventuelle action récursoire, c’est à la condition que cette transaction ne lèse pas son assuré³⁵.
39. La généralisation d’indemnisation en R.D.R. amène parfois les assureurs à indemniser trop rapidement les victimes, ce qui entraîne pour l’assuré une majoration de prime.
La Cour d’appel de Bruxelles a été saisie de cette question, assez fréquente. Par un arrêt du 22 février 2007³⁶, la cour a décidé