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Mesures d'exécution et procédures collectives: Confrontation des règles de l'exécution et du droit des entreprises en difficulté
Mesures d'exécution et procédures collectives: Confrontation des règles de l'exécution et du droit des entreprises en difficulté
Mesures d'exécution et procédures collectives: Confrontation des règles de l'exécution et du droit des entreprises en difficulté
Livre électronique389 pages4 heures

Mesures d'exécution et procédures collectives: Confrontation des règles de l'exécution et du droit des entreprises en difficulté

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À propos de ce livre électronique

Le droit des mesures d’exécution a pour objectif de permettre à un créancier, détenteur d’un titre exécutoire, d’obtenir une satisfaction individuelle. Le droit des entreprises en difficulté, pour sa part, ambitionne de répondre aux difficultés de l’entreprise, en lui proposant diverses formules de traitement. Quand cela n’est plus possible, une technique de saisie collective des biens du débiteur est là pour apporter, dans la mesure du possible, une satisfaction collective aux créanciers : la liquidation judiciaire. Le carrefour des deux disciplines, antagonistes par nature, sans avoir été ignoré du législateur, recèle de nombreuses difficultés, auxquelles les contributions contenues dans le présent ouvrage s’emploient à apporter réponse.
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie11 janv. 2013
ISBN9782802739067
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    Mesures d'exécution et procédures collectives - Bruylant

    9782802739067_Cover.jpg9782802739067_TitlePage.jpg

    © Groupe De Boeck s.a., 2013

    EAN : 978-2-8027-4046-9

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Softwin pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

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    Partie I

    Colloque national du Crajefe. Mesures d’exécution et procédures collectives

    Titre I

    Des contours de la règle de l’arrêt des voies d’exécution

    Chapitre 1

    Le périmètre de la règle de l’arrêt des voies d’exécution

    par

    Françoise Perochon

    Professeur à la Faculté de droit de Montpellier

    1. Les voies d’exécution sont les procédures qui tendent au paiement forcé de la créance et grâce auxquelles le créancier peut obtenir le paiement lorsque le débiteur ne l’effectue pas spontanément, ce qui nous paraît inclure naturellement les procédures de distribution aboutissant au paiement effectif du créancier, une fois le bien saisi réalisé. On y rattache généralement en amont les mesures conservatoires, mesures préventives destinées à préserver le gage du créancier et comprenant les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires.

    2. Par principe, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête et interdit toutes les voies d’exécution lato sensu. L’arrêt des voies d’exécution est une composante importante du principe d’arrêt des poursuites individuelles, qui est lui-même « la conséquence directe du caractère collectif de la procédure, laquelle marque la fin du prix de la course et le début d’une période de discipline commune » (1).

    L’arrêt des poursuites prolonge très logiquement la règle de l’interdiction des paiements et constitue le second pilier du gel du passif, ensemble de règles qui manifeste la discipline collective commandée par le principe d’égalité entre les créanciers chirographaires. La règle est « destinée à éviter l’anarchie » des poursuites (2), dans un contexte traditionnel de pénurie (3). Conforme à l’égalité, l’arrêt des poursuites favorise aussi, depuis 1985 et comme tout le gel du passif, le sauvetage de l’entreprise, en assurant au débiteur un répit propice à la réorganisation de celle-ci.

    Ce principe très puissant opère de façon automatique et le juge doit au besoin d’office en relever les effets (4). La Cour de cassation y voit un principe « à la fois d’ordre public interne et international » (5).

    3. Mais l’arrêt des voies d’exécution, s’il participe du gel du passif entretient aussi des rapports étroits avec ce que l’on pourrait appeler le gel de l’actif, sorte de mise sous main de justice de tous les actifs du débiteur et cristallisation de sa situation patrimoniale au jour du jugement d’ouverture : je vise par là l’effet de saisie universelle, de saisie collective du gage des créanciers opéré par la procédure, en d’autres termes, l’« effet réel de la procédure », selon l’expression désormais consacrée d’un auteur (6).

    4. La portée du principe de l’arrêt des voies d’exécution est précisée par l’article L. 622-21, II, aux termes duquel le jugement d’ouverture « arrête ou interdit […] toute procédure d’exécution […] ». L’ouverture de la procédure prive aussitôt d’effet en principe toutes les procédures d’exécution qui étaient en cours de mise en œuvre (7) et dont l’effet terminal ne s’était pas encore produit, et il interdit aux créanciers concernés d’en exercer à l’avenir.

    L’arrêt des voies d’exécution affecte également toutes les mesures (mal) dites conservatoires dès lors que la vente des biens qui, seule, les fait sortir du patrimoine du débiteur, n’est pas intervenue avant l’ouverture de la procédure collective. Ainsi la saisie conservatoire ne peut pas être convertie en saisie-attribution ou en saisie-vente à partir du jugement d’ouverture, et elle « n’emporte plus [...] affectation spéciale et privilège au profit du créancier saisissant » (8).

    5. Je ne m’attarderai pas sur la portée du principe d’arrêt des voies d’exécution, parce que le thème que m’a confié Pierre-Michel Le Corre, directeur scientifique et grand maître de ce colloque, est celui du périmètre de cette règle. Je vais donc m’attacher à répondre aux deux questions que suggère l’article L. 622-21, II, quant à la détermination d’une part des biens, d’autre part des personnes auxquels s’applique l’arrêt des voies d’exécution. D’où deux développements, consacrés respectivement au périmètre réel, puis au périmètre personnel du principe de l’arrêt des voies d’exécution.

    Section 1. – Le périmètre réel du principe de l’arrêt des procédures d’exécution

    6. Le périmètre réel de l’arrêt des voies d’exécution est clairement le reflet de l’effet réel universel de la procédure collective : le principe est donc très simplement celui de l’arrêt des voies d’exécution sur tout le patrimoine du débiteur, avec néanmoins un certain nombre de distorsions.

    1§. – Le principe d’arrêt des voies d’exécution sur tout le patrimoine du débiteur

    7. L’article L. 622-21 II commande par principe l’arrêt des poursuites et des voies d’exécution potentiellement sur tout le patrimoine et seulement sur le patrimoine du débiteur : il ne fait pas obstacle, en revanche, à des poursuites dirigées contre la personne du débiteur, d’où la jurisprudence déduit par exemple la possibilité pour l’ancien bailleur d’agir en expulsion contre le débiteur durant la procédure collective (9).

    8. Par principe et en accord avec l’effet réel universel de la procédure, est soumis à l’arrêt des voies d’exécution tout le patrimoine du débiteur, c’est-à-dire l’ensemble des biens figurant à l’actif de ce patrimoine (l’« actif de la procédure »), qui constituent en principe, conformément aux articles 2284 et 2285 du Code civil, le gage de ses créanciers.

    Lorsque le débiteur est un EIRL, pourvu de deux patrimoines (voire trois ou davantage, à partir de 2013…), l’arrêt des poursuites s’applique exclusivement au patrimoine visé par la procédure : en effet, pour respecter le cloisonnement issu de la déclaration d’affectation, l’article L. 680-1 C. com. prescrit de raisonner patrimoine par patrimoine. Dès lors, dans le cas simple de l’entrepreneur qui a choisi d’exercer son activité professionnelle au sein du patrimoine affecté, celui-ci seul est soumis à l’arrêt des poursuites édicté par l’article L. 622-21. Un créancier dont la créance n’est pas née à l’occasion de l’activité professionnelle et qui a donc au minimum pour gage le patrimoine non affecté (10), pourra en principe librement agir contre le débiteur et poursuivre l’exécution sur des biens demeurés dans le patrimoine non affecté, sauf, bien sûr, si le débiteur est admis au bénéfice d’une procédure de surendettement au titre de ce patrimoine (11).

    9. La limitation au patrimoine du débiteur justifie également le maintien de l’efficacité de la saisie-attribution effectuée avant le jugement d’ouverture : en application de l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution (12), la créance du débiteur sur le tiers saisi est en effet attribuée au saisissant dès la signification de l’acte de saisie, et sort ainsi, définitivement en principe, du patrimoine du débiteur, la survenance d’une procédure collective ne remettant pas en cause l’attribution. La solution régit également les créances à exécution successive (13).

    Le créancier doit toutefois veiller à dénoncer la saisie au débiteur dans les huit jours à peine de caducité (anc. art. 58, décr. 31 juill. 1992 – art. R. 211-3 CPCE). Mais, si le débiteur est soumis à une procédure collective avant l’expiration du délai de contestation d’un mois (anc. art. 66, décr. 31 juill. 1992 – art. R. 211-11 CPCE), le délai de contestation est interrompu, et une nouvelle dénonciation de la saisie au liquidateur le cas échéant, est alors nécessaire pour faire courir à son égard le délai de contestation (14).

    10. En revanche, comme le spécifie désormais clairement l’alinéa 1er de l’article R. 622-19 applicable dans les trois procédures (15), « les procédures de distribution du prix de vente d’un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d’un meuble ne faisant pas suite à une procédure d’exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques ». Il en résulte que même le séquestre conventionnel (16) ne permet plus d’échapper à l’arrêt des voies d’exécution en cours, les fonds devant être remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre (17).

    11. Lorsque le débiteur est un époux commun en biens, l’actif de la procédure inclut, outre ses biens personnels, les biens communs, en application de l’article 1413 du Code civil. L’arrêt du 16 mars 2010 (18), dans lequel la Cour de cassation évoque pour la première fois « l’effet réel » de la procédure, illustre la persistance, voire la rétroactivité de cet effet réel sur les biens communs : en l’espèce, la liquidation judiciaire de l’épouse avait été clôturée pour insuffisance d’actif en 1995 sans qu’ait été réalisé un immeuble commun figurant donc à son actif ; d’où, en l’absence de délai légal, la réouverture justifiée de la liquidation à fins de réalisation de cet immeuble huit ans plus tard, en 2003, alors même que le juge-commissaire de la procédure ouverte entre-temps à l’égard de l’époux de la première débitrice avait cru pouvoir autoriser la vente dudit immeuble, qu’il croyait appartenir à l’actif de celui-ci. Visant notamment l’article 1413 du Code civil et les principes régissant l’excès de pouvoir, la Cour de cassation décide que « lorsque des époux mariés sous le régime de la communauté légale ont été, par des décisions successives, mis, chacun, en liquidation judiciaire, la vente de gré à gré des biens communs, soumis dès son prononcé à l’effet réel de la procédure collective première ouverte, ne peut être autorisée que par le juge-commissaire de cette procédure ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de M. X... a excédé ses pouvoirs en autorisant la vente de gré à gré d’un immeuble commun déjà inclus dans l’actif de la liquidation judiciaire de Mme X... par l’effet rétroactif de la reprise de cette procédure […] ».

    12. Le principe est donc simple : le périmètre réel de l’arrêt des voies d’exécution est celui du seul patrimoine du débiteur visé par la procédure, et de tout ce patrimoine. Mais ce périmètre est quelque peu brouillé par diverses distorsions.

    2§. – Les distorsions

    13. Nonobstant le principe, l’arrêt des voies d’exécution s’exerce parfois au-delà ou en-deçà des frontières du patrimoine du débiteur, extensions et restrictions qu’il convient maintenant d’évoquer.

    A. Les extensions

    14. En vertu de dispositions spéciales, l’arrêt des voies d’exécution est étendu aux biens des garants personnes physiques (1) et également, sous une forme atténuée, à certains actifs fiduciaires transférés par le débiteur mais dont il a conservé la jouissance (2).

    1. Extension aux biens des garants personnes physiques

    15. Cette extension connue de longue date pour les cautions est plus largement applicable, en vertu de l’ordonnance du 18 décembre 2008, aux personnes physiques « garants en tout genre » du débiteur : en application de l’article L. 622-28, alinéa 2, l’arrêt des voies d’exécution se propage aux biens affectés, de quelque façon que ce soit, à la garantie du créancier par une personne physique et, le cas échéant, s’il s’est porté garant personnel, à tout son patrimoine. L’irrecevabilité se prolonge durant toute la période d’observation de la sauvegarde ou du redressement judiciaire, et cette fin de non-recevoir édictée dans le seul intérêt du garant peut être invoquée en tout état de cause même en appel, mais pas pour la première fois devant la Cour de cassation (19).

    16. Le même garant bénéficie ensuite des délais et remises du seul plan de sauvegarde, par opposition au plan de redressement. En cas de liquidation ou d’adoption d’un plan de redressement, il peut encore se voir octroyer par le tribunal des « délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans » (art. L. 622-28, al. 2).

    17. L’article L. 622-28, alinéa 3 autorise toutefois le créancier à prendre des mesures conservatoires, dans les conditions de droit commun (art. R. 622-26, al. 2), dont l’articulation avec la suspension légale soulève une difficulté : en effet, la mesure conservatoire est caduque si le créancier n’engage pas dans le mois qui suit l’action au fond pour obtenir un titre exécutoire. La jurisprudence décide en conséquence que le créancier doit engager l’action au fond dans le délai d’un mois, l’action ainsi engagée étant aussitôt suspendue, conformément à la lettre de l’article L. 622-28, alinéa 2, jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation du débiteur principal ; l’action pourra ensuite reprendre sans nouvelle assignation (20). La Cour de cassation a récemment transposé la solution au cas de mesures conservatoires prises par le créancier durant l’exécution du plan de sauvegarde du débiteur principal, décidant que le créancier est autorisé à poursuivre la caution à cette fin, même si le débiteur principal est à jour dans le paiement des dividendes du plan, l’action étant aussitôt suspendue (21).

    2. Extension aux actifs fiduciaires dont le débiteur conserve la jouissance

    18. L’article L. 622-23-1 interdit à peine de nullité tout transfert d’un actif fiduciaire dont le débiteur constituant conserve l’usage ou la jouissance durant la période d’observation de la sauvegarde ou du redressement, et même au-delà, comprend-on, durant l’exécution du plan : ce texte vise essentiellement à interdire durant la préparation et l’exécution du plan la mise en œuvre de la fiducie-sûreté portant sur un bien d’exploitation dont le débiteur n’a plus la propriété mais qu’il continue à utiliser. Cette mise en œuvre passe en effet nécessairement par une cession du bien, soit au bénéficiaire, soit à un tiers (22) : l’interdiction du transfert – couplée à la possible continuation de la convention de jouissance en tant que contrat en cours (23) – est édictée en faveur du plan.

    19. Le périmètre de l’arrêt des voies d’exécution, qui déborde ainsi celui du patrimoine du débiteur, est à d’autres égards moins étendu.

    B. Les restrictions

    20. Si les poursuites et voies d’exécution ne peuvent par principe s’exercer sur l’ensemble du patrimoine du débiteur, certains biens échappent à cet arrêt général : il en est ainsi pour certains biens situés à l’étranger (1), pour des biens indivis (2) et, last but not least, pour des biens insaisissables (3).

    1. Restriction résultant de l’article 5 du règlement européen 1346/2000

    21. Le principe d’arrêt des poursuites sur l’ensemble du patrimoine du débiteur est tenu en échec sur les biens grevés de sûretés et autres droits réels situés dans un autre État membre lors du jugement d’ouverture de la procédure (art. 5 du règlement). En effet, si la loi de l’État d’ouverture détermine en principe « les effets de la procédure d’insolvabilité sur les poursuites individuelles, à l’exception des instances en cours » (art. 4, § 2, f), l’article 5, § 1er, dispose que « L’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur des biens […] [de toute sorte] appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l’ouverture de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre » (§ 1) (24). L’expression « droit réel » est explicitée par le § 2 comme visant notamment « le droit de réaliser ou de faire réaliser le bien et d’être désintéressé sur le produit ou les revenues de ce bien, en particulier en vertu d’un gage ou d’une hypothèque » (1), mais aussi « le droit exclusif de recouvrer une créance, notamment en vertu de la mise en gage ou de la cession de cette créance à titre de garantie » (2).

    Cette disposition tend à la sécurité juridique des créanciers et autres tiers confiant dans les droits que leur reconnaît l’État membre où sont situés les biens (25).

    2. Restriction relative aux biens indivis

    22. L’arrêt des poursuites et des voies d’exécution est également tenu en échec sur les biens appartenant en indivision au débiteur au jour de l’ouverture de la procédure collective (indivision antérieure à la procédure collective). En effet, la jurisprudence déduit de l’article 815-17 du Code civil que l’actif de la procédure collective ne comprend ni le bien indivis (26), ce qui est logique (27), ni même la quote-part du coïndivisaire, ce qui est moins évident mais en tout cas certain. Elle en tire toutes les conséquences. Comme le rappelle un arrêt du 7 février 2012, « les créanciers de l’indivision préexistante à l’ouverture de la procédure collective de l’un des indivisaires, qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu’il y eût indivision, conservent leur droit de poursuivre la licitation de ces biens, malgré l’ouverture de cette procédure ; que la cour d’appel en a exactement déduit que l’extinction de la créance, faute de déclaration au passif de l’indivisaire soumis à la procédure collective, est sans incidence sur le droit de la banque, créancière de l’indivision, de poursuivre la réalisation des biens indivis […] » (28). Les « créanciers de l’indivision » préexistante peuvent ainsi saisir librement le bien indivis, alors même qu’ils auraient omis de déclarer leur créance dans la procédure de l’indivisaire et sans avoir à y être autorisés par le juge-commissaire.

    23. Le même arrêt précise que ce droit de poursuite ne saurait être contrarié par « l’inaliénabilité temporaire décidée par le tribunal arrêtant le plan de continuation de cet indivisaire » : la solution ne résulte pas, selon l’arrêt, du fait que l’inaliénabilité ne peut en principe grever que les biens appartenant au débiteur, mais bien du respect du droit de poursuite des créanciers de l’indivision « indépendamment de la publicité foncière », et elle conduit la Cour de cassation à approuver la cour d’appel d’en avoir « exactement déduit que l’inaliénabilité ne revêtait pas le caractère d’une insaisissabilité s’imposant aux créanciers de l’indivision […] », l’insaisissabilité étant en effet la source d’une troisième restriction du périmètre de l’arrêt des voies d’exécution, qu’il convient maintenant d’évoquer.

    3. Restriction relative aux biens insaisissables

    24. L’article L. 112-2 CPCE (anc. art. 14 L. 1991) dispose que « Ne peuvent être saisis […] les biens que la loi déclare insaisissables ». Selon l’article 38 du décret du 31 juillet 1992, « tous les biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur peuvent faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée ou d’une mesure conservatoire, si ce n’est dans les cas où la loi prescrit ou permet leur insaisissabilité ». Les biens insaisissables sont ainsi très logiquement exclus du gage général des créanciers. Comme le montre la liste dressée par l’article l12-2 CPCE, les insaisissabilités sont d’origines diverses mais, classiquement, elles interdisent à tous les créanciers (sauf rares exceptions telles parfois le vendeur […]) de saisir le bien.

    Il en va autrement pour l’insaisissabilité relative issue de la déclaration qui permet à tout entrepreneur individuel de déclarer « insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale » (texte de 2003), solution étendue en 2008 à « tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel » : en effet, la loi spécifie que cette déclaration, dûment publiée, « n’a d’effet n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant » (art. L. 526-1 C. com.). D’où la question, longtemps controversée, de ses effets dans la liquidation judiciaire (29), sur laquelle la Cour de cassation a rendu récemment d’importantes décisions de nature à promouvoir ce dispositif, face auquel on ne pouvait jusqu’alors qu’être très circonspect.

    25. Un premier arrêt du 28 juin 2011 décide que « le débiteur peut opposer la déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée […] avant qu’il ne soit mis en liquidation judiciaire, en dépit de la règle du dessaisissement » de sorte que « le juge-commissaire ne pouvait autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir, le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques de cet immeuble dont l’insaisissabilité lui était opposable » (30). La décision, qui n’explique pas pourquoi la déclaration est opposable au liquidateur, ne pouvait que satisfaire ceux qui se fondaient en particulier sur l’esprit de la loi du 1er août 2003 pour estimer que le liquidateur ne devait pas pouvoir réaliser le bien (31). Les commentateurs de tous bords (32) en inféraient que, selon la Cour de cassation, l’immeuble déclaré insaisissable ne faisait donc pas partie du gage commun des créanciers, dont le liquidateur a précisément la charge. La suite logique en étant que cet immeuble, échappant apparemment à l’effet réel de la procédure collective et à l’arrêt des poursuites (33), devrait pouvoir être saisi dans les conditions de droit commun par tout créancier ayant l’immeuble dans son gage, c’est-à-dire par tout créancier non professionnel ou professionnel antérieur du débiteur (34). Sur le même fondement, il devrait pouvoir être réalisé par le débiteur lui-même « en dépit de la règle du dessaisissement » (35), ces deux conséquences n’étant nullement énoncées, mais seulement suggérées par l’arrêt.

    26. Or cette analyse, qui faisait à notre avis bon marché de l’intérêt collectif (36), a été considérablement aggravée le 13 mars 2012 (37) par un arrêt décidant que le liquidateur n’a pas qualité pour agir en inopposabilité d’une déclaration d’insaisissabilité qu’il estime irrégulièrement publiée, au motif que, ce faisant, il agirait dans l’intérêt des seuls créanciers professionnels postérieurs à la publication alors qu’il « ne peut légalement agir que dans l’intérêt de tous les créanciers et non dans l’intérêt personnel d’un créancier ou d’un groupe de créanciers » : en résumé, selon la Cour de cassation, puisque le liquidateur n’agirait pas dans l’intérêt de 100% des créanciers, mieux vaut lui interdire d’agir ! Les hauts magistrats ont reproduit en 2012 cette formule inexacte, empruntée à un arrêt de 2004 dont la problématique était fort distincte (38), sans en mesurer – du moins peut-on l’espérer- les conséquences théoriques et pratiques et la formidable régression qu’elle implique : comme le souligne le professeur Julien Théron, elle opère un « amalgame entre intérêt collectif et intérêt commun » (39), alors que « par définition, l’intérêt collectif transcende les intérêts concrètement en présence » (40). Identifié à la somme de tous les intérêts, l’intérêt collectif n’existe plus, « et n’a plus […] d’intérêt puisqu’il s’évanouit à la première divergence d’intérêt entre créanciers » (41).

    27. En interdisant au liquidateur de faire écarter une déclaration irrégulière – mais que la Cour de cassation juge néanmoins efficace pour réduire le gage commun ! –, l’arrêt incite puissamment à la fraude à la loi et aux droits des créanciers, fraude que le liquidateur n’aura pas qualité pour combattre (42), et une telle incitation est fort mal venue, pour ne pas dire irresponsable. Le professeur Théron observe justement que la clause « aura plus d’efficacité en droit des procédures collectives qu’en droit commun » (43). Le professeur Vallansan ironise en ces termes : « on sait à présent que l’entrepreneur n’a même pas à la faire publier » […] (44), et ajouterions-nous, dans cette logique, on reprochera bientôt aux avocats de ne pas préconiser aux débiteurs la souscription d’une déclaration in extremis, juste avant de déposer leur bilan (pourvu qu’ait pu naître au moins une dette professionnelle postérieure [...]) (45).

    La solution heurte tellement le bon sens, que même les laudateurs de l’arrêt du 28 juin 2011 expriment des réserves (46).

    28. Quoi qu’il en soit, pour la Cour de cassation, il est clair que l’immeuble déclaré insaisissable, même in extremis et même de façon irrégulière ou frauduleuse, ne fait pas partie du gage général des créanciers, et échappe à l’arrêt des voies d’exécution.

    D’où, à notre avis, une entière liberté de poursuite pour les créanciers à qui la déclaration est inopposable, à l’instar de ce qui est admis pour les créanciers de l’indivision (47) et, en théorie, la possibilité pour le débiteur de racheter dans l’année un immeuble insaisissable avec le solde du prix, une fois ces créanciers désintéressés […] (48). D’où aussi, au demeurant, leur liberté de ne pas agir, s’ils comptent être payés au titre de la procédure collective dont ils ne sont nullement exclus (49), toutes solutions demandant à être confirmées !

    29. Le périmètre réel de l’arrêt des poursuites est ainsi calqué a priori sur celui du patrimoine du débiteur, mais il s’en écarte parfois dans un sens ou dans l’autre. Qu’en est-il maintenant du périmètre personnel ?

    Section 2. – Le périmètre personnel du principe de l’arrêt des procédures d’exécution

    30. L’arrêt des voies d’exécution est un principe traditionnel de la matière, mais son domaine quant aux personnes n’a cessé de s’étendre au fil des réformes (1§), en dépit d’un certain nombre d’exceptions d’ampleur diverse (2§).

    1§. – Un principe en expansion

    31. Si l’expansion légale du périmètre de l’arrêt des voies d’exécution est dans la logique de l’évolution générale de la matière (A), c’est plutôt une boursouflure disgracieuse que lui a récemment infligée la jurisprudence (B).

    A. Expansion légale

    32. L’arrêt des poursuites et voies d’exécution est inhérent à la procédure collective. Il est donc de tous temps et de tous lieux. Mais durant des siècles, comme encore dans de nombreux pays, il a régi les seuls créanciers chirographaires, par opposition aux titulaires de sûretés spéciales, qui demeuraient libres de solliciter la réalisation du bien grevé, indépendamment de la procédure. Il en était encore ainsi selon la loi du 13 juillet 1967 (art. 35), jusqu’à ce qu’un arrêt, audacieux et contesté (50), décide que les titulaires de sûretés spéciales ne pouvaient exercer ce droit de poursuite sans avoir au préalable déclaré leur créance et été admis au passif du débiteur.

    La loi du 25 janvier 1985 est allée au-delà en imposant clairement l’arrêt des poursuites et des voies d’exécution à tous les créanciers antérieurs, sans distinguer selon qu’ils étaient ou non titulaires de sûretés spéciales (art. 47).

    La loi du 26 juillet 2005 a étiré encore le périmètre de l’arrêt des poursuites et

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