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Créances & Recouvrement: Guide pratique des procédures d'ordre et de distribution par contribution (législation belge)
Créances & Recouvrement: Guide pratique des procédures d'ordre et de distribution par contribution (législation belge)
Créances & Recouvrement: Guide pratique des procédures d'ordre et de distribution par contribution (législation belge)
Livre électronique451 pages5 heures

Créances & Recouvrement: Guide pratique des procédures d'ordre et de distribution par contribution (législation belge)

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À propos de ce livre électronique

Conseils et astuces destinés aux professionnels du droit et de la finance face aux débiteurs en Belgique

Ce guide pratique revisite avec des mots simples les procédures de règlement de créanciers impayés, déterminés à s’arracher le patrimoine d’un débiteur. En bons arbitres, le notaire et l’huissier de justice sifflent la fin de la mêlée et règlent les conflits par une approche bien huilée de la législation.

L’ouvrage aborde tout d’abord la répartition par les huissiers du prix de la vente (ou de la saisie arrêt) de mobilier; puis la répartition par les notaires du prix de la vente d’un immeuble. En outre, les parallèles dressés entre les deux professions aident à mieux traiter les différences et capitaliser sur les similitudes.

Si le praticien (incluant aussi l’avocat, le juge des saisies, le médiateur de dettes, le liquidateur et le curateur) bénéficie de modèles, trucs & astuces et adresses internet enrichies, le créancier s’y retrouve aussi. L’examen à la loupe des responsabilités respectives de l’huissier et du notaire va l’aider à mieux reconquérir son capital.

Ce guide pratique présente de précieux conseils pour organiser la vente ou la saisie du patrimoine
LangueFrançais
Date de sortie1 juin 2015
ISBN9782874033704
Créances & Recouvrement: Guide pratique des procédures d'ordre et de distribution par contribution (législation belge)

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    Aperçu du livre

    Créances & Recouvrement - Quentin Debray

    2013

    CHAPITRE 1.

    DE LA DISTRIBUTION PAR CONTRIBUTION

    § 1. INTRODUCTION

    A la recherche d’ouvrages de référence en matière de distribution, nous avons constaté que des études axées sur la pratique font cruellement défaut. Ceci laisse l’huissier de justice bien dépourvu lorsqu’il s’agit de résoudre certaines questions au quotidien.

    Notre volonté est de combler ce vide en offrant à tout praticien débutant, expérimenté ou chevronné, un ouvrage basé sur une longue expérience. Toutes les difficultés auxquelles nous avons été confrontés ces dix dernières années y sont abordées. De même, la jurisprudence, tant en matière de distribution par contribution qu’en matière d’ordre, a été intégrée à cette étude.

    Le manque d’ouvrages pratiques s’est surtout fait ressentir depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 1997. Cette décision, largement commentée, adopte une position claire après plus de dix ans d’attente : la saisie-arrêt est une saisie mobilière. Elle est dès lors soumise à l’obligation de distribution des fonds saisis. C’est donc assez logiquement que le nombre de procédures de distribution par contribution s’est vu décuplé.

    Beaucoup de zones d’ombre semblent malgré tout subsister. En témoigne l’afflux de questions que suscite cette procédure au succès récent. Ces questions émanent de toutes les parties, en ce compris nos propres requérants ou encore les services sociaux. Partant de ce constat, nous avons volontairement tourné notre ouvrage non seulement vers le praticien de tous les jours qu’est l’huissier de justice, mais également vers toute personne confrontée à ce type de procédure.

    Le but est de leur offrir la possibilité d’appréhender cette matière qui peut paraître fort abstraite et nébuleuse de prime abord, alors que, bien expliquée, elle est simple dans ses principes … elle l’est moins dans sa mise en œuvre !

    Nous aborderons dans un premier temps le contexte dans lequel cette procédure prend place et le rôle de l’huissier de justice. Dans un deuxième temps, nous entrerons dans le vif du sujet en étudiant la procédure sous tous ses angles en tentant d’apporter une réponse pratique à un grand nombre de difficultés.

    Tout praticien s’est déjà vu confronté à la naissance d’un autre type de concours et s’est sans doute posé la question du sort réservé à la procédure collective qu’il était en train de mener. Si le débiteur vient à mourir au beau milieu de la procédure de distribution, quelle attitude adopter ? Faut-il s’adresser aux héritiers éventuels ? Dans ce cas, comment les identifier ? Si la société débitrice est déclarée en faillite, devons-nous nécessairement adresser les fonds au curateur ? Nous aborderons tous les cas de figure, en ce compris la nouvelle procédure de réorganisation judiciaire.

    Cet ouvrage intéressera également le médiateur de dettes qui se trouve confronté à la répartition dans deux hypothèses. D’une part, lorsqu’une procédure de règlement collectif de dettes a été décidée après la mise en œuvre d’une saisie-arrêt exécution par un huissier de justice, d’autre part, en cas de révocation de la procédure en question. Dans ce dernier cas, en effet, il incombera au médiateur de procéder lui-même à la répartition des fonds obtenus dans le cadre de la procédure de règlement collectif de dettes et encore en sa possession, mais cette fois-ci en tenant compte, entre autres, des privilèges.

    Cet ouvrage se veut également un outil pratique. Le ton est volontairement simple, afin de le rendre accessible au plus grand nombre.

    Gageons que nous atteindrons notre but !

    Je serais bien ingrat de ne pas exprimer mes remerciements à tous ceux qui ont collaboré de façon directe ou indirecte à la rédaction et à la publication de cet ouvrage. Je commencerai par ma famille et le soutien inconditionnel qu’elle m’accorde, mais également mes collaborateurs qui m’ont permis de dégager le temps nécessaire à la rédaction et à l’élaboration de ce travail, de même qu’aux candidats huissiers de justice qui ont collaboré activement et avec enthousiasme à cet ouvrage, sans oublier l’accueil chaleureux et le soutien de la maison d’édition la Charte.

    Quentin Debray

    Mars 2013

    § 2. PRINCIPES GÉNÉRAUX

    I. Siège de la matière

    La procédure de distribution par contribution est définie par M. de LEVAL comme « la procédure qui a pour objet la répartition du prix de vente d’objets mobiliers ou de deniers entre créanciers en concours »¹.

    « C’est dans les procédures de répartition que se concrétise pleinement le caractère collectif des saisies et que s’actualise le concours assurant le respect de l’égalité des créanciers »².

    Il s’agit d’une procédure judiciaire collective diligentée par l’huissier de justice suite à des mesures individuelles d’exécution qui ont abouti à la réalisation (d’une partie) du patrimoine de la partie débitrice. Ce patrimoine étant le gage commun des créanciers, il y a lieu de tenir compte des droits de tous les créanciers qui doivent être traités sur pied d’égalité³, sauf, dit le texte, s’il existe une cause de préférence⁴, ce qui justifie l’organisation d’une procédure spéciale visant à créer le concours et à respecter ces privilèges.

    Dans ce cas, l’huissier de justice intervient comme gestionnaire (d’une partie) du patrimoine de la partie débitrice, en agissant dans l’intérêt et pour le compte de la masse des créanciers, en vertu du pouvoir accordé par le Code judiciaire (au nom de la Loi).

    La distribution par contribution interviendra obligatoirement par voie d’huissier de justice après :

    - la vente judiciaire d’effet mobilier,

    - la saisie-arrêt exécutoire,

    - la saisie de deniers,

    - la saisie de fruits pendants par racines ou saisie-brandon (art. 1538 C. jud.),

    - la vente de fonds publics ou de devises (art. 1638 C. jud.),

    - la vente judiciaire du gage sur fonds de commerce⁵,

    - la vente amiable telle qu’organisée par l’article 1526bis du Code judiciaire⁶,

    - la vente de fonds publics ou de devises, telle qu’organisée par l’article 1523 du Code judiciaire,

    - la vente de meubles dans le cadre du règlement collectif de dettes⁷, et

    - la vente de meubles dans le cadre de la procédure de réorganisation judiciaire⁸.

    Les fonds provenant des saisies arrêts dites simplifiées dans le cadre des articles 164 du Code des impôts sur les revenus de 1992 et 86bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée échappent actuellement à la procédure de distribution par contribution. Cependant, cette « exemption » fait actuellement l’objet d’une procédure pendante devant la Cour d’appel de Bruxelles suite à un arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2005⁹, cassant partiellement un arrêt de la Cour d’appel de Liège¹⁰.

    Les fonds provenant de la vente d’un immeuble saisi seront répartis par le notaire instrumentant suivant la procédure d’ordre décrite aux articles 1639 du Code judiciaire et suivants¹¹, sous réserve de ce qui est dit au § 7, III. (p. 105). Nous vous renvoyons à cet égard à la seconde partie de cet ouvrage.

    De même, les fonds provenant de la vente d’un navire feront l’objet d’une procédure de distribution par contribution. Celle-ci est réglée séparément par les articles 1655 du Code judiciaire et suivants, de par la spécificité des matières maritimes et ne sera pas analysée dans le cadre du présent ouvrage¹².

    La procédure de distribution par contribution est décrite aux articles 1627 et suivants du Code judiciaire.

    Pas plus de 11 articles pour définir la procédure de distribution, en ce compris les voies de recours. C’est dire comme le sujet est pointu et pourtant si vaste !

    II. L’huissier de justice, auxiliaire de justice

    ¹³

    La procédure de distribution par contribution est plus souple que les autres procédures de partages judiciaires. Cette souplesse se caractérise entre autres par le fait que l’huissier de justice n’est pas désigné par le tribunal¹⁴.

    L’huissier de justice n’est dès lors pas commis par un juge, mais bien par l’article 1627 et suivants du Code judiciaire, ce qui lui confère un statut particulier, à l’instar du notaire commis dans les procédures de partage judiciaire. Ses fonctions sont celles d’un auxiliaire de justice¹⁵.

    Le Code judiciaire n’a pas prévu de causes de récusation de l’huissier de justice répartiteur, hormis les hypothèses d’incompatibilité spécialement prévues par l’article 517 du Code judiciaire.

    Cette fonction exige une impartialité objective de l’huissier de justice qui doit être bien comprise. Investi d’une mission judiciaire, l’huissier de justice participe, sensu lato, à l’œuvre de justice. Il est le premier juge dans le règlement des différends qui surgissent entre les créanciers entre eux et vis-à-vis du débiteur. Sa mission, légalement définie, s’inscrit et se déroule dans le cadre d’une procédure contentieuse spécialement réglée par le Code judiciaire.

    L’exigence d’impartialité signifie que l’huissier de justice ne peut en aucun cas, dans le déroulement des opérations, donner l’impression d’avoir un parti pris ou un préjugé à l’égard d’une partie.

    M. VAN COMPERNOLLE insiste sur le fait que l’impartialité objective est centrée sur la théorie de l’apparence. Dans le cadre du partage judiciaire, ce qui est en cause est de savoir si les liens ou les rapports que le notaire peut ou a pu avoir avec l’une des parties n’est point de nature à créer, dans l’esprit des autres parties, un doute raisonnable quant à son impartialité.

    Dès lors que l’huissier de justice intervient dans toute procédure judiciaire ou extrajudiciaire avec cette unique qualité d’auxiliaire de justice dès l’introduction de la cause, on ne peut douter de son impartialité¹⁶. C’est sans doute pour cette raison que l’huissier de justice, dans le cadre des exécutions, n’est jamais désigné par le tribunal : chaque requérant a le choix de l’huissier de justice.

    III. Rôle de l’huissier de justice dans l’étude des créances produites

    La doctrine considère de façon constante que l’huissier de justice n’a pas de pouvoir d’appréciation sur les créances qui lui sont produites. Tout au plus peut-il écarter les créances sérieusement contestées.

    Une nuance à cette position doctrinale semble pouvoir être apportée.

    En ce début de 21ème siècle, l’huissier de justice a poursuivi et sans doute accentué son habitude – non pas d’écarter des créances – mais bien de discuter des privilèges qui sont invoqués et d’éventuellement les rejeter. Il apprécie donc dans la pratique les privilèges éventuels qui garantissent les créances.

    C’est de nos jours un des points essentiels de la mission de l’huissier de justice.

    Discuter des privilèges évite bon nombres de procédures de contredit qui n’auraient pour effets que d’encombrer les tribunaux.

    L’huissier de justice a été institué dans le cadre de la répartition comme le représentant de la loi, assurant de la sorte le respect des droits de chacune des parties. Nous avons le sentiment qu’il y joue pleinement le rôle que le législateur lui a donné. Il agit dans l’intérêt de la société et de toutes les parties en cause, bien au-delà du mandat qu’il a reçu de son requérant.

    Il semblerait que le nombre de procédures de contredit n’ait pas augmenté ces dernières années, alors que le nombre de répartitions a véritablement explosé. Cette augmentation du nombre de procédures de distribution provient d’une part de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 1997¹⁷ qui confirme l’application de l’article 1627 du Code judiciaire à la procédure de saisie-arrêt et d’autre part de l’accès qui a été donné aux huissiers de justice sur production d’un jugement contenant condamnation, aux registres à caractère social, dont l’ONSS, ce qui lui permet de prendre connaissance très facilement de l’identité des employeurs.

    Il est à noter qu’à la lecture de décisions judiciaires récentes, cette prérogative de rejeter un privilège est reconnu à tout le moins implicitement par les juges des saisies.

    Ainsi le juge des saisies de Bruxelles a été amené à se pencher sur un contredit impliquant pas moins de 36 créanciers.

    Dans son jugement du 25 juin 2003¹⁸, le juge constate, que l’huissier de justice instrumentant « ne retient en revanche pas la créance du 36ème créancier (…) qui invoquait un privilège pour des lettres de change demeurées impayées ; ce refus se justifie au motif qu’aucune provision n’avait été constituée conformément à l’article 81 de la Loi sur le billet à ordre ».

    Les faits sont clairs : l’huissier de justice en question a étudié les privilèges invoqués et n’a pas hésité à en rejeter un qu’il estimait non fondé. Le juge des saisies confirme implicitement qu’il en a le droit et nous serions même tentés de dire qu’il en a l’obligation. Que les choses soient claires : c’est bien le privilège invoqué que l’huissier de justice écarte et non la créance, qu’il ne fait que rabaisser au rang de créance chirographaire. Dès lors que les fonds ont été absorbés par des créances privilégiées, ce créancier n’a rien perçu. Mais il est vrai que ce n’était pas un élément essentiel au jugement puisqu’aucune partie n’a contesté ce rejet.

    La Cour d’appel de Bruxelles a confirmé ce jugement par son arrêt du 5 octobre 2004¹⁹.

    Nous pouvons également citer quelques exemples de privilèges invoqués que nous avons vus récemment écartés par un huissier de justice diligentant une procédure de répartition, sans que cela n’aboutisse à un quelconque contredit :

    - Le privilège que le receveur de l’enregistrement invoquait sur base de l’article 150 du Code de l’enregistrement pour se voir payer la totalité de l’enregistrement sur jugement avant le bénéficiaire des condamnations, alors que la jurisprudence²⁰ confirme la limitation à la moitié de ce que ce dernier perçoit. Il réclamait également ce même privilège pour les intérêts, alors que la loi ne le prévoit pas.

    - Dans une autre répartition, un receveur des contributions – et c’est malheureusement classique et courant – avait fait glisser une amende dans la colonne des impôts privilégiés²¹.

    - Citons également cet ex-employé qui réclamait un privilège pour la totalité de ses arriérés de salaire, alors que l’article 19, 3°bis de la Loi hypothécaire limite ce privilège à 7.500,00 €.

    - Ou encore cet autre qui réclamait le même privilège pour une prime annuelle de retraite, alors qu’en vertu de l’article 2 de la Loi du 12 avril 1965 relative à la protection de la rémunération des travailleurs, un complément des avantages accordés par les diverses branches de la sécurité sociale n’est pas à considérer comme rémunération. La prime annuelle de retraite ne jouit dès lors pas du privilège prévu à l’article 19, 3°bis de la Loi hypothécaire.

    - Une banque prétendait devoir être payée par priorité parce qu’elle était bénéficiaire d’une cession de rémunération par acte sous seing privé, alors que cette cession avait été notifiée à l’employeur postérieurement à la saisie-arrêt. Une répartition au marc le franc est intervenue (voyez à ce sujet le § 7, III. (p. 105)).

    - Pour terminer, un receveur des amendes pénales réclamait le privilège prévu à l’article 19, 1° de la Loi hypothécaire pour les frais d’exécution qu’il avait exposé. Le privilège invoqué a dû être écarté, dès lors que cet article doit être interprété limitativement, ne s’appliquant qu’aux frais d’exécution exposés dans l’intérêt des autres créanciers.

    Ce rôle est d’ailleurs reconnu au notaire²². A mission similaire, statut égal, on comprendrait mal pourquoi le notaire pourrait vérifier les créances et non l’huissier de justice.

    Comme le précise Michèle GREGOIRE²³, le notaire a un devoir complexe de discerner quelle est la hiérarchie des prétentions des divers créanciers, ce qui exige une réflexion appropriée, qu’il est impossible d’enfermer dans une méthodologie reproductible. Le même devoir repose sur les épaules de l’huissier de justice.

    IV. Obligation de répartir

    L’obligation pour l’huissier de justice de procéder à la répartition après la vente mobilière judiciaire ou la saisie de deniers était anciennement consacrée par l’article 1390, alinéa 6 du Code judiciaire.

    La Cour de cassation est également d’avis que cet article s’applique à la procédure de saisie-arrêt, qui est une sorte de saisie mobilière²⁴.

    Depuis cet arrêt, un nouvel article 1390quinquies du Code judiciaire reprenant cette obligation de répartition lors d’une procédure de saisie-arrêt a été adopté²⁵. Cet article est entré en vigueur le 29 janvier 2011²⁶ et remplace l’ancien article 1390, alinéa 6.

    Il s’agit d’une réelle obligation à laquelle il ne peut être dérogé, dès lors que l’article 1629 du Code judiciaire est d’ordre public²⁷.

    Cette obligation s’impose aux parties et à l’huissier de justice, même si le saisissant est le seul créancier connu au moment dit pour l’organisation de la procédure de répartition²⁸, dès lors que d’autres pourraient toujours survenir par la suite²⁹. Dans ce dernier cas, et à défaut d’avoir mené la procédure de distribution, l’huissier de justice pourrait être forcé de procéder à une répartition, alors même qu’il n’est plus en possession des fonds ou être poursuivi en responsabilité par les créanciers lésés, à concurrence des sommes qui leur auraient été attribuées³⁰. (Voyez à ce propos le § 6, IV. (p. 100))

    Il est à remarquer que le saisi peut contester une partie de la créance produite par son créancier unique³¹, ce qui permet d’affirmer avec force que l’huissier de justice doit diligenter une procédure de répartition, même s’il n’y a qu’un seul créancier.

    De même, en cas de faillite, si l’huissier de justice a transmis les fonds saisis-arrêtés à son mandant sans qu’un projet de distribution par contribution n’ait été dressé, la distribution n’est pas définitive avant le prononcé de la faillite du saisi et le paiement que l’huissier de justice a effectué pourrait être déclaré inopposable à la masse de la faillite³².

    Il est donc exclu que les créanciers se mettent d’accord de ne pas recourir aux formes prévues par le Code judiciaire (une telle convention serait en effet inopposable aux tiers, ce qui pourrait mettre en cause la responsabilité de l’huissier de justice instrumentant)³³. Le requérant ne peut dès lors plus décharger l’huissier de justice de sa mission légale de répartir³⁴.

    L’huissier de justice agit dans ce cadre au nom de la loi, comme gestionnaire (d’une partie) du patrimoine de la partie débitrice, en agissant dans l’intérêt et pour le compte de la masse des créanciers, en veillant au respect de leurs différents intérêts. Il représente la masse des créanciers. Mme LINSMEAU fait état d’une double qualité que l’huissier de justice aurait tout au long de la procédure, agissant comme officier public, et par là chargé d’un mandat légal d’intérêt collectif, mais aussi comme mandataire du créancier saisissant³⁵. Ne s’agit-il pas plutôt d’un mandat sui generis et ne serait-il pas plus cohérent de ne reconnaître qu’une seule qualité à l’huissier de justice, celui de mandataire de justice, ce qui préviendrait bien des malentendus³⁶. Dans le cadre de la distribution, il ne subsiste clairement qu’un mandat légal d’intérêt collectif.

    Il est à épingler que si le tiers-saisi omet de transmettre les fonds à l’huissier de justice et mène lui-même la répartition, la doctrine est d’avis que cette distribution a malgré tout lieu sous la responsabilité de l’huissier de justice qui aurait dû l’assurer³⁷. Il appartient donc à l’huissier de justice de veiller à ce que les fonds saisis ne soient pas soustrait à la procédure de répartition.

    Si la saisie-arrêt intervient entre les propres mains du créancier, celui-ci doit malgré tout respecter la procédure de distribution par contribution³⁸.

    L’huissier de justice ne peut également s’abstenir d’ouvrir la procédure de distribution au motif que son requérant n’en tirerait aucun dividende³⁹.

    V. Sur les épaules de quel huissier de justice repose l’obligation de répartir ?

    A. Plusieurs huissiers de justice interviennent dans la même procédure de saisie-arrêt

    Il arrive régulièrement, pour des questions de compétence territoriale⁴⁰, qu’un huissier de justice chargé d’une exécution adresse des pièces préparées de saisie-arrêt à un autre confrère local.

    Appartient-il à ce dernier qui a signifié la saisie-arrêt de répartir ?

    La Cour de cassation a été amenée à se prononcer en cette matière. Il appartient à l’huissier de justice chargé par un créancier de l’exécution d’un jugement et portant de ce fait la responsabilité de l’ensemble de la procédure d’exécution, de mener la procédure de répartition, même si, pour des raisons de compétence territoriale, il s’est substitué un confrère pour procéder à la signification de l’exploit de saisie-arrêt exécution⁴¹.

    B. Plusieurs huissiers de justice interviennent dans la même procédure de saisie mobilière et de vente

    A notre sens, le même raisonnement doit être suivi.

    Il arrive qu’un huissier de justice se fasse remplacer par un huissier de justice du même arrondissement pour pratiquer une saisie mobilière ou pour procéder à une vente.

    Nous voyons que dans la pratique, c’est l’huissier de justice chargé par un créancier de l’exécution d’un jugement et portant de ce fait la responsabilité de l’ensemble de la procédure d’exécution, qui mène la procédure de répartition.

    L’arrêt de la Cour de cassation est donc conforme à la pratique, puisque cette pratique était antérieure à cet arrêt.

    La question peut être également posée lorsque, dans le cadre de l’article 1522 du Code judiciaire la vente a lieu dans une salle de vente publique, lieu plus avantageux en cas de vente de mobilier de valeur ou de collection.

    Cette vente judiciaire est généralement réalisée par l’huissier de justice tenant la plume lors des ventes publiques volontaires, bien qu’il n’existe pas de règle. Rien n’empêche pourtant l’huissier de justice chargé de l’exécution de tenir le procès-verbal et de céder sa place lorsque la vente concerne des lots de la vente publique volontaire, à la condition, bien entendu, qu’il soit territorialement compétent. Il s’agit en tout état de cause de deux procès-verbaux distincts, quoiqu’il arrive, même si les deux ventes sont concomitantes.

    A notre sens, si l’huissier de justice chargé de l’exécution se fait uniquement substituer pour tenir le procès-verbal de vente, c’est à lui que revient l’organisation de la procédure de répartition, même si c’est par incompétence territoriale. Il est à remarquer qu’il est d’ailleurs territorialement mieux placé pour consulter les différentes sources de données.

    C. Plusieurs saisies-arrêts sont signifiées auprès du même tiers-saisi

    Comme relevé par Mme STRANART, la loi ne détermine pas à qui incombe la répartition en cas de saisies-arrêts multiples pratiquées par des huissiers de justice différents⁴².

    Le juge des saisies d’Anvers a jugé que lorsque plusieurs saisies-arrêts sont signifiées entre les mains d’un même tiers-saisi, il appartient au premier huissier de justice saisissant de recevoir les fonds et de procéder à la répartition⁴³.

    Il nous semble par contre que si la première saisie-arrêt a été effectuée à titre conservatoire, il appartiendra à l’huissier de justice signifiant la première saisie-arrêt exécutoire de recevoir les fonds et de diligenter la procédure de répartition. C’est effectivement sa saisie-arrêt exécutoire et son invitation au tiers-saisi à vider ses mains, sur présentation de la dénonciation, qui fait naître l’obligation dans le chef du tiers-saisi de vider ses mains en celles de l’huissier de justice (art. 1543 C. jud.), et qui fait naître dans le chef de l’huissier de justice l’obligation de diligenter la procédure de distribution.

    Si le premier huissier de justice saisissant tarde à sommer le tiers-saisi de vider ses mains, Mme LINSMEAU est d’avis que l’huissier de justice du créancier le plus diligent pourrait prendre l’initiative⁴⁴.

    Quant à nous, nous sommes d’avis que la première saisie-arrêt fait naître dans le chef du tiers-saisi l’obligation de conserver les sommes ou effets qui font l’objet de la saisie (art. 1451 C. jud.). Ce n’est que la première sommation de vider ses mains qui fait naître l’obligation de vider ses mains (art. 1543 C. jud.). Dès lors, il revient à l’huissier de justice ayant le premier sommé le tiers-saisi de vider ses mains, de mener la procédure de répartition.

    Si les sommations sont concomitantes, nous préconisons d’appliquer la règle sus-énoncée établie par le juge des saisies d’Anvers. Si les saisies le sont également, le bon sens doit prévaloir et la concertation entre eux s’impose. Le cas échéant, le juge des saisies peut trancher les difficultés rencontrées dans le cadre des exécutions (art. 1395 C. jud.).

    D. Le cas particulier de la saisie de fonds publics ou de devises

    Bien qu’en toute logique cette mission devrait revenir à l’huissier de justice saisissant, le législateur a prévu que le juge désigne, sur requête de la partie la plus diligente, un huissier de justice chargé de procéder à la distribution (art. 1638 C. jud.).

    La pratique suit souvent la logique et l’intervention du juge est souvent « oubliée ».

    Le praticien bien avisé veille quant à lui à demander non seulement la désignation d’un agent de change, mais également celle d’un huissier de justice, ce dès la requête déposée dans le cadre de l’article 1523 du Code judiciaire⁴⁵.

    VI. Timing

    A quel moment la répartition intervient-elle ?

    En cas de vente mobilière, la question n’a guère d’intérêt, dès lors que la loi est claire : quinze jours au plus tard après la vente, l’huissier de justice invite les créanciers à produire leur créance (art. 1627 C. jud.). Passé le délai pour introduire les déclarations de créance, et au plus tard dans les 15 jours de l’invitation qui lui en est donnée par la partie la plus diligente, l’huissier de justice dresse un projet de répartition (art. 1629 C. jud.).

    L’intérêt de la question réside en cas de saisie-arrêt sur des créances qui se renouvellent périodiquement : c’est le cas dans le cadre de la saisie-arrêt sur salaires, indemnités ou commissions ou encore sur des loyers.

    Il est généralement admis que pour des raisons pratiques et d’économies de frais, l’huissier de justice attende que la somme à distribuer ait atteint quelque consistance⁴⁶.

    Nous avons relevé une proposition déjà ancienne de M. de LEVAL⁴⁷ qui suggérait de compléter l’article 1630 du Code judiciaire par la disposition suivante : Lorsque la saisie se renouvelle périodiquement, si des distributions successives doivent être effectuées, moyennant adaptation éventuelle du tableau de répartition, il n’est procédé à celles-ci que si les sommes réunies représentent 30 % du montant des créances sans pouvoir dépasser le délai de six mois depuis le premier encaissement. Cette règle n’est pas applicable aux créanciers protégés par l’article 1412 (C. jud.).

    Vu la multiplication des procédures de saisie-arrêt aboutissant nécessairement à une procédure de répartition, depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 1997, la question garde toute son actualité.

    Dans la pratique, c’est intuitivement le genre de solution proposée par M. de LEVAL que les huissiers de justice ont mis en place. La très grande majorité des études ont pris l’habitude de mener une procédure de répartition dès que le seuil de mille cinq cents euros à répartir est atteint, ce qui correspond environ selon les cas à une répartition tous les 2 à 6 mois (à l’occasion des congés payés et de la prime de fin d’année). Ceci a le mérite de trouver un certain équilibre entre les frais de répartition qu’il n’y a pas lieu de multiplier et l’accumulation des intérêts sur les créances produites.

    La proposition de M. de LEVAL répondrait donc tout à fait aux attentes des praticiens.

    Notons que l’avant-projet de loi projetant de modifier le statut de l’huissier de justice approuvé par le Conseil des Ministres du 29 mars 2013 prévoit en son article 522, § 3, alinéa 3 que « lorsqu’une dette, les pensions alimentaires exceptées, est acquittée, après une saisie-arrêt, au moyen de paiements échelonnés, l’alinéa premier n’est pas applicable si le total des recettes n’excède pas deux mille cinq cents euros. Si les recettes atteignent la somme de deux mille cinq cents euros, l’huissier de justice doit procéder au décompte dans le mois, sans préjudice des dispositions des articles 1627 et suivants ».

    Il semble opportun de rappeler que le patrimoine du débiteur (actif et passif) évolue dans le temps et justifie dès lors que l’huissier de justice diligente après chaque

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