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Droit des groupes de sociétés: Questions pratiques
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Livre électronique716 pages8 heures

Droit des groupes de sociétés: Questions pratiques

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À propos de ce livre électronique

Les groupes de sociétés sont une réalité économique incontournable et la crise financière a particulièrement attiré l’attention sur les enjeux que les grands groupes font peser sur l’économie de l’Union européenne.

Les spécificités de l’appartenance à un groupe de sociétés, que ce soit en matière de conflits d’intérêts, de responsabilité des administrateurs, d’entreprise en difficulté, de droit du travail, de droit pénal ou de droit fiscal, sont une source quotidienne de questions, les situations étant traditionnellement abordées en termes de société individuelle.

Avec une approche résolument orientée vers la pratique et en proposant des solutions aux problèmes rencontrés, cet ouvrage traite :
• de l’organisation du pouvoir dans les groupes ;
• des spécificités des filiales en difficulté ;
• du droit du travail dans les groupes ;
• du fonctionnement du groupe au regard des principes de droit pénal ;
• des aspects fiscaux ;
• des évolutions récentes de droit européen et des transferts de sièges et restructurations.

Le droit des groupes interpelle tous les praticiens, avocats, juristes d’entreprises, experts… qui conseillent les groupes ou les sociétés qui en font partie, en période de stabilité comme en cas de crise.
LangueFrançais
Date de sortie21 mars 2013
ISBN9782804462284
Droit des groupes de sociétés: Questions pratiques

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    Aperçu du livre

    Droit des groupes de sociétés - Cédric Alter

    9782804462284_Cover.jpg9782804462284_TitlePage.jpg

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.larcier.com

    © Groupe De Boeck s.a., 2013 Éditions Larcier Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    ISBN 978-2-8044-6228-4

    La collection de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles rassemble les actes des colloques organisés par ses soins et reconnus pour leur grande qualité scientifique. Ils couvrent différents domaines juridiques, notamment le droit des sociétés, le droit des obligations, le droit de la concurrence, le droit social, le droit judiciaire ou encore le droit pénal.

    La collection est dirigée par le Président de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles.

    Derniers ouvrages parus dans la collection :

    L’entreprise en difficulté, 2012

    Cédric Alter, Pia Sobrana Gennari Curlo, Frédéric Georges, Michèle Grégoire, Frabrice Mourlon Beernaert, Charlotte Musch

    Les obligation et les moyens d’action en droit de la construction, 2012

    Sous la direction de Marie Dupont

    Les mesures provisoires devant la Cour européen des droits de l’homme. Un référé à Strasbourg ?, 2011

    Sous la direction de Frédéric Kenc

    Les pratiques du marché. Une loi pour le consommateur, le concurrent et le juge, 2011

    Sous la direction de Laurent de Brouwer

    La cession d’entreprise : les aspects sociaux, 2011

    Sous la direction de Loïc Peltzer et Emmanuel Plasschaert

    Les avocats face au blanchiment, 2011

    Sous la direction de Benoît Dejemeppe et Damien Vandermeersch

    La réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. Première approche thèmatique, 2012

    Sous la direction de Frédéric Gosselin

    La fraude à la T.V.A en matière pénale, 2013

    Sous la direction de Laurent Kennes et Emmanuel Rivera

    Remerciements

    124193.png

    Cet ouvrage contient les rapports qui ont été présentés lors du colloque organisé les 21 et 26 mars 2013 par la Conférence du jeune barreau de Bruxelles.

    La Conférence remercie vivement les auteurs et intervenants, et plus particulièrement le bâtonnier Georges-Albert Dal qui a accepté d’assurer la direction scientifique des travaux.

    La Conférence remercie également chaleureusement Me Renaud Vanbergen, commissaire en charge des activités scientifiques de la Conférence, pour son concours précieux dans la préparation de ce colloque.

    Vincent Bodson

    Président de la Conférence du jeune barreau de Bruxelles

    1

    Evolution du droit des groupes en droit européen : nouveaux concepts

    Thierry Tilquin

    Avocat au barreau de Bruxelles

    Chargé de conférences au Mastère Spécial en Gestion Fiscale à la Solvay Business School (ULB)

    Section I
Introduction

    Section II
Initiatives au niveau de l’Union européenne

    Section III
L’intérêt de groupe : enjeux

    Section IV
Gouvernance d’entreprise

    Section V
Secteur des établissements financiers et de l’assurance

    Section VI
Conclusion

    I.

    Introduction

    1. Le groupe de sociétés appréhendé de manière globale – Le phénomène économique des groupes de sociétés et la spécificité de leur fonctionnement sont une source régulière de réflexions au niveau européen.

    Le groupe de sociétés, et non la société individuelle, est en effet la forme d’organisation des entreprises importantes dans l’Union européenne¹ ; le groupe est considéré comme un « phénomène économique utile »² et un « moyen légitime de faire des affaires »³ ; son succès s’explique par la flexibilité qui résulte des équilibres entre un contrôle centralisé et une autonomie locale des filiales⁴.

    Les autorités européennes avaient initialement envisagé de réglementer les groupes par une directive, dont l’avant-projet n’a toutefois pas connu de suite (infra, § 4)⁵.

    Les réflexions plus récentes sont davantage centrées sur l’analyse des équilibres au sein du groupe, qui mènent nécessairement à examiner comment se combinent l’« intérêt du groupe », l’intérêt des créanciers des filiales et l’intérêt des actionnaires minoritaires de ces dernières (infra, §§5 et 6 et §§ 8 et s.) et conduisent aussi à une approche globale du groupe de sociétés en termes de gouvernance d’entreprise (§ 6 et §§ 12 et s.), le cas échéant plus « structurante » dans le secteur financier et des assurances (§ 7 et §§ 16 et s.).

    La société-mère apparaît dans ce cadre comme initiatrice de la stratégie du groupe, gardienne de l’intérêt de groupe et chargée de sa mise en œuvre et, le cas échéant, point d’entrée pour le contrôle prudentiel.

    Ces évolutions font apparaître de nouveaux concepts, mais ramènent aussi à certaines mêmes difficultés fondamentales liées à la protection des intérêts tiers et des actionnaires minoritaires (infra, §§ 8 et s.)⁶.

    Ces questions n’intéressent en outre pas uniquement les groupes dont la société de tête est cotée ; des enseignements peuvent aussi être tirés pour tous les groupes de grande ou moyenne importance⁷.

    2. Notion de groupe de sociétés – On s’accorde généralement à considérer que le groupe est un ensemble de sociétés indépendantes juridiquement, mais unies par des liens divers qui font qu’elles sont soumises à une direction unique⁸.

    La notion de groupe n’est toutefois pas homogène : elle recouvre des ensembles de sociétés organisées selon des techniques différentes, avec des finalités différentes et dans des structures différentes⁹.

    Le groupe de sociétés se caractérise par une stratégie commune pour les diverses sociétés qui le composent ou, à tout le moins, pour les diverses sociétés qui composent un sous-groupe (ce qui s’exprime juridiquement par la prise en compte de l’intérêt de groupe) et par une imbrication administrative et organisationnelle entre les sociétés qui en font partie : les techniques de production, les standards de qualité, le marketing ou l’image font, à des degrés divers, l’objet d’une organisation centrale de même que les activités de support (finance, contrôle, service juridique, back office, sécurité, etc.)¹⁰.

    L’intensité de cette imbrication est variable, selon qu’on a affaire à un holding, un conglomérat, un groupe totalement intégré, etc.

    Le droit des sociétés n’est en outre que l’une des disciplines juridiques permettant d’appréhender ce phénomène économique, à côté du droit du travail, du droit fiscal, du droit comptable (dont les dispositions sont intégrées dans le Code des sociétés), du droit de la concurrence, de certaines réglementations spécifiques comme la réglementation des établissements financiers et des entreprises d’assurances, … et ces disciplines retiennent une conception du groupe en fonction des intérêts qu’elles protègent, même si, de plus en plus, le législateur renvoie à la définition du groupe qui figure dans la réglementation des comptes consolidés¹¹.

    3. Contraintes juridiques – La difficulté centrale dans l’analyse du groupe de sociétés est la tension entre l’approche juridique individualisante de chaque société et la réalité économique, qui est que les groupes s’organisent de manière globale et transfrontalière en regroupant les lignes d’activité et les diverses activités de support : en droit positif chaque société est censée fonctionner de manière autonome, ce qui, à première vue, ferait obstacle à la prise en compte de l’intérêt du groupe ou au pouvoir des représentants de certaines sociétés du groupe de donner des injonctions aux autres.

    L’absence de personnalité juridique du groupe n’empêche certes pas la prise en compte de mécanismes correcteurs qui permettent de modaliser les conséquences de cette approche « individualisante » dans toutes les sociétés qui font partie du groupe et simultanément, l’application de techniques destinées à prévenir les fraudes ou à réprimer les abus dans le fonctionnement du groupe de sociétés¹².

    Cette approche a cependant longtemps amené le droit des sociétés à se préoccuper essentiellement de la protection directe des intérêts des créanciers et des actionnaires minoritaires des sociétés appartenant au groupe¹³ et non à appréhender le groupe de sociétés de manière globale¹⁴ ; mais tel ne semble désormais plus être le cas.

    II.

    Initiatives au niveau de l’Union européenne

    4. Avant-projet de directive – Dans la ligne des grandes directives en matière de droit des sociétés, il fut question de réglementer le phénomène des groupes de sociétés par une directive, fondée sur le modèle du droit des groupes en droit allemand¹⁵. Cette directive n’a cependant pas dépassé le stade d’un avant-projet, publié dans les années quatre-vingt¹⁶.

    À la fin des années nonante, l’initiative privée du « Forum Europaeum sur le droit des sociétés » entendait de même organiser, de manière plus limitée, la mise en place d’un corps de « normes minimum pour la direction des groupes et pour la protection des investisseurs, associés minoritaires et créanciers des filiales »¹⁷.

    Le projet de directive a été abandonné¹⁸, notamment en raison de la perception du manque de souplesse des règles qu’il contenait. Le Groupe de haut niveau (infra, § 5) n’était guère favorable à une nouvelle tentative pour faire aboutir la proposition de neuvième directive¹⁹ et la Commission européenne s’était ralliée à cette position²⁰. Le Groupe de réflexion (infra, § 6) conforte cette idée²¹. Le Parlement européen a récemment semblé vouloir orienter la réflexion vers « un ensemble de règles communes » et a invité la Commission à reprendre les travaux sur la neuvième directive²², ce qui n’est toutefois pas à l’ordre du jour.

    5. Réflexions du Groupe de haut niveau et Plan d’action 2003 – La difficulté d’instaurer une réglementation complète invitait en conséquence à régler les problèmes liés aux groupes de sociétés de manière ponctuelle, et notamment par la prévention ou la sanction de certains comportements répréhensibles.

    Cette recherche des nécessaires points d’appui de l’action législative a inspiré, il y a une dizaine d’années, les recommandations du Groupe de haut niveau d’experts en droit des sociétés (le « Groupe de haut niveau » et le « Rapport du Groupe de haut niveau »)²³ et les positions de la Commission européenne dans son plan de « Modernisation du droit des sociétés et renforcement du gouvernement d’entreprise dans l’Union européenne » (le « Plan d’action 2003 »)²⁴.

    Ces recommandations se fondaient d’une part sur des objectifs d’information et de transparence (infra, § 13) et d’autre part sur la reconnaissance d’une politique de groupe moyennant la mise en place de certains mécanismes correcteurs, à savoir « pour autant que les intérêts des créanciers de ces sociétés soient efficacement protégés et qu’un juste équilibre entre les intérêts des différents actionnaires soit garanti dans la durée »²⁵.

    La Commission envisageait à l’époque de présenter une proposition de directive-cadre.

    6. Groupe de réflexion et Plan d’action 2012 – Le thème des groupes de sociétés est à nouveau abordé dans le « Report of the reflection Group on the Future of EU Company law » (le « Groupe de réflexion » et le « Rapport du Groupe de réflexion »)²⁶.

    Le Groupe de réflexion constate que l’information sur les groupes de sociétés est désormais fort complète (infra, §§ 8 et 13), mais suggère que le fonctionnement des groupes soit à ce stade abordé au niveau européen sous la forme d’une recommandation, qui emporterait la reconnaissance de l’intérêt du groupe (infra, § 10)²⁷.

    Ce rapport fut suivi d’une consultation sur l’avenir du droit européen des sociétés²⁸, dont la synthèse des réponses²⁹ fait apparaître une majorité de réponses positives³⁰. Dans son nouveau projet de plan d’action (le « Projet de plan d’action 2012 »)³¹ la Commission a souligné qu’« une simplification de la communication de la structure des groupes à l’adresse des investisseurs et une initiative à l’échelon de l’UE pour la reconnaissance de la notion d’« intérêt de groupe » seraient jugés bienvenues par les milieux intéressés » et qu’elle proposerait en 2014 une initiative « visant à améliorer tant l’information disponible sur les groupes que la reconnaissance de la notion d’‘intérêt de groupe’ », sachant que « l’idée d’un cadre légal complet de l’UE pour les groupes de sociétés » n’était par contre pas à l’ordre du jour³².

    Ces documents traduisent une évolution entre les approches du début des années 2000 (supra, § 5) et les réflexions actuelles. Le Groupe de réflexion et la Commission peuvent davantage considérer comme acquis que la prise en compte du groupe de manière globale et en se fondant sur des règles de gouvernance d’entreprise désormais bien établies apportant la nécessaire structuration du groupe qui découle d’une approche centralisée (infra, § 15)³³.

    Le Groupe de réflexion recommande aussi de favoriser la création d’un statut sociétaire pour les petites et moyennes entreprises membres d’un groupe.

    7. Crise financière – Cette approche fondée sur le caractère inéluctable de l’organisation sous forme de groupe et sur une gouvernance d’entreprise axée sur le groupe est encore plus marquée dans les réglementations touchant au secteur financier et des assurances, qui forment sans nul doute un laboratoire du droit des groupes.

    La crise financière a en effet amené à sensiblement modifier l’approche de ce secteur et des groupes de sociétés qui y sont actifs, que ce soit, comme on le verra, dans la proposition de directive sur les établissements de crédit (la « directive CRD IV »)³⁴, la directive 2009/138/CE sur l’accès aux activités de l’assurance et la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (la « directive Solvabilité II »)³⁵, dans les directives sur les conglomérats financiers³⁶, ou dans la proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement (la « proposition de directive résolution des défaillances d’établissements de crédit »)³⁷.

    Le groupe en tant que tel est parfaitement intégré dans la philosophie de ces directives, non seulement, à l’évidence, par les dispositions sur les comptes consolidés³⁸ et par une série de dispositions quantitatives (ratios) qui s’apprécient au niveau consolidé, mais plus généralement, et ce sont les aspects qui seront examinés ci-après, par un contrôle prudentiel qui vise à induire des comportements spécifiques en matière de structuration et d’organisation du groupe et invite à la prise en compte de tous les intérêts concernés (infra, §§ 16 et s.).

    III.

    L’intérêt de groupe : enjeux

    8. Introduction – Le droit des groupes comporte, au regard du droit des sociétés (et comptable), les volets suivants :

    (i) L’information sur la structure du groupe, qui est essentielle pour les tiers. Cette information est largement fondée sur les dispositions en matière de comptes consolidés³⁹. Le Groupe de haut niveau avait attiré l’attention sur la nécessité d’assurer une meilleure information⁴⁰ et nombre d’interventions législatives ont pris place depuis, qui permettent au Groupe de réflexion⁴¹ de n’aborder que brièvement ces questions (infra, § 13).

    (ii) La transparence sur le fonctionnement du groupe qui, au-delà des dispositions en matière de comptes consolidés, pourrait être renforcée par l’élément de publicité de la gouvernance d’entreprise. Le Groupe de haut niveau avait déjà attiré l’attention sur ces questions⁴² et le Groupe de réflexion propose une modification de la directive 2006/46/CE⁴³ tendant à ce que les déclarations de gouvernance d’entreprise rendent plus facilement compréhensible la structure et les relations du groupe pour les investisseurs des sociétés cotées (infra, § 13).

    (iii) Les préoccupations de protection des actionnaires minoritaires et des créanciers des filiales, sans pour autant abandonner le principe de la responsabilité limitée de la société-mère, que rappelle également le Groupe de réflexion (infra, §§ 10 et s.)⁴⁴.

    Ces aspects sont bien sûr liés : les mécanismes de prévention que constituent l’information et la transparence sont bien connus en droit des sociétés et, en matière de fonctionnement des groupes de sociétés, ils sont de nature à prévenir certains comportements et à induire la confiance des tiers, ce qui devrait permettre de ne sanctionner que certains types de comportements abusifs – mais aussi de les prévenir⁴⁵.

    9. Reconnaissance de l’intérêt de groupe – Le Groupe de haut niveau considérait que les États membres devraient être tenus de « mettre en place une règle-cadre couvrant les groupes qui permettrait aux dirigeants des sociétés appartenant à un groupe d’adopter et de mettre en œuvre un politique de groupe coordonnée, pour autant que les intérêts des créanciers de leurs sociétés soient effectivement protégés et qu’un juste équilibre entre charges et intérêts des actionnaires (extérieurs) des différentes sociétés soit préservé dans la durée »⁴⁶.

    Le Groupe de réflexion amplifie cette réflexion sur la reconnaissance d’un intérêt de groupe (supra, § 6)⁴⁷ :

    (i) Droit et obligation de la société-mère – La société-mère serait titulaire d’un droit mais aussi d’une obligation de gérer le groupe et les entités qui le composent dans l’intérêt de l’ensemble du groupe⁴⁸, étant précisé que certains membres du Groupe de réflexion hésitent sur la nécessité de créer une telle obligation de la société-mère d’endosser cette responsabilité.

    (ii) Cadre pour la responsabilité des administrateurs des filiales – Les administrateurs des filiales devraient en principe, mais ne pourraient être contraints de, prendre en compte cet intérêt ; on créerait ainsi néanmoins un « safe harbour » pour les administrateurs de filiales à travers l’Union européenne, permettant d’uniformiser l’analyse des actes potentiellement posés par ceux-ci quel que soit l’État membre de la filiale⁴⁹ et simplifiant donc la position des administrateurs de filiales (et sans doute aussi celle des administrateurs de sociétés-mères)⁵⁰.

    Cette reconnaissance du groupe invite à une plus grande transparence de ces derniers, du moins lorsqu’ils sont cotés (supra, § 8 et infra, § 13).

    10. Intérêt de groupe et assouplissement des règles – La reconnaissance du groupe comme donnée économique, mais aussi juridique conduit à accepter certains aménagements des règles légales.

    La notion d’intérêt de groupe, appréhendée avec pragmatisme⁵¹, est un facteur d’assouplissement des intérêts à prendre en compte au sein des filiales ; le concept semble connu, certes avec des nuances, dans divers États membres⁵² :

    (i) Intérêt commun de l’ensemble des sociétés du groupe – L’intérêt de groupe vise l’intérêt de l’ensemble des composantes de celui-ci et pas seulement de l’intérêt propre de la société-mère⁵³, l’intérêt de groupe est l’intérêt commun de l’ensemble des sociétés du groupe, qui infléchit la prise en compte de l’intérêt social par les sociétés du groupe et est arbitré ou imposé par la société mère⁵⁴. L’intérêt de groupe apparaît dans ce cadre comme une « simple composante de l’intérêt social, en ce sens qu’elle n’aurait que pour seul effet de repréciser les contours de l’intérêt social sous l’angle de la situation particulière des groupes »⁵⁵. La mise en œuvre de la stratégie du groupe peut de ce fait s’intégrer dans le fonctionnement de chacune des filiales, sans qu’il faille y voir une opposition⁵⁶, étant précisé cependant que les organes restent gardiens de l’intérêt de leur propre société.

    (ii) Supervision de l’intérêt de groupe – La prise en compte de cet intérêt est une des mesures de l’action des organes de la société-mère qui doit organiser de manière efficiente les opérations du groupe en ayant égard à ses synergies, étant entendu que cet intérêt sera défini de manière très variable selon la nature du groupe : cet intérêt n’est pas l’intérêt propre de la société-mère mais un intérêt qu’elle « gère »⁵⁷.

    (iii) Intérêt multilatéral – Outre l’équilibre entre les intérêts de la société-mère et des filiales⁵⁸, il faut tenir compte des équilibres et déséquilibres provisoires entre les multiples sociétés composant le groupe ; l’intérêt de groupe est donc « multilatéral » et se construit aussi au niveau des filiales⁵⁹.

    L’intérêt de groupe est parallèlement la mesure de l’action des administrateurs désignés par la société-mère au sein d’une filiale qui ne peuvent ignorer l’existence du groupe et agir comme si leur société était autonome :

    (i) Injonctions – L’appartenance au groupe implique « le droit pour l’entreprise qui se trouve à la tête du groupe de donner des instructions aux sociétés ou entreprises membres qui devront s’y conformer »⁶⁰. La question est controversée⁶¹ mais on n’aperçoit pas ce qui, dans un groupe intégré, ferait obstacle à ces injonctions, à tout le moins dans le cadre d’un « going concern » (infra, § 11, (a)), étant entendu que les administrateurs de la filiale devront, spécialement pour les décisions de « crise » (infra § 11, (b)), s’assurer qu’elles sont compatibles avec les intérêts qui doivent être pris en compte par la filiale, sous peine d’engager, le cas échéant, leur responsabilité personnelle⁶². Il faut d’ailleurs relever que ce ne sont pas seulement les injonctions de la société-mère à sa filiale qui permettent de mettre en œuvre la politique du groupe, mais aussi les procédures de planification, de budgétisation et de reporting mises en place au sein du groupe, qui « aboutissent à faire guider l’action de la filiale par des décisions prises au niveau du groupe »⁶³.

    (ii) Accès à l’information – Même en présence d’un actionnaire minoritaire extérieur au groupe⁶⁴, le rôle reconnu aux administrateurs « représentant » l’actionnaire prépondérant⁶⁵ implique que celui-ci ait un « droit de regard … sur le fonctionnement de la société à travers le conseil d’administration »⁶⁶. L’étendue des informations qui peuvent être communiquées à cet actionnaire dépend du degré d’autonomie industrielle et commerciale de la filiale et de la nature de l’information. Le conseil d’administration pourra le cas échéant décider qu’une information revêt un caractère confidentiel même à l’égard de l’actionnaire prépondérant⁶⁷. Plus généralement, les administrateurs de la société-mère ont le droit, voire l’obligation, de demander des informations relatives aux filiales, dans les limites précitées, qui dépendent bien sûr de la nature du groupe. L’établissement de comptes consolidés requiert d’ailleurs un large accès à l’information et les comités d’audit en particulier se voient souvent confier des missions qui impliquent un large accès à l’information (infra, § 16).

    11. Intérêt de groupe en going concern et en situation de crise – Le Rapport du Groupe de réflexion souligne aussi qu’une distinction mérite d’être opérée entre la situation en going concern et la situation de crise⁶⁸ :

    (a) Intérêt de groupe en going concern – Le respect de la stratégie d’ensemble du groupe et l’accomplissement d’opérations en « going concern » ne sont généralement pas susceptibles de faire l’objet de critiques, sous réserve de la création d’un déséquilibre manifeste ou d’une politique menée par un actionnaire au sein de la société pour favoriser ses propres intérêts. Certes, ces opérations exposent la filiale aux risques du groupe, mais on ne peut critiquer les dirigeants d’avoir exposé leur société à un tel risque, présent, avec plus ou moins d’intensité, du fait de l’insertion dans un groupe. Tout au plus faut-il se demander s’il n’appartient pas à la société-mère qui a une vision globale de ce risque d’éviter, sous peine d’engager sa responsabilité, qu’une filiale prenne un risque inconsidéré⁶⁹.

    (b) Intérêt de groupe en situation de crise – Les sacrifices au profit d’une autre société du groupe, fût-ce à l’occasion d’opérations visées au point précédent ou à l’occasion d’un problème ponctuel, même si les instruments du droit commun des sociétés suffisent en principe à les résoudre (par exemple l’aide à une société en difficulté) posent des problèmes plus délicats (comp. infra, § 23 pour le secteur financier)⁷⁰. On ne peut résoudre ces problèmes de manière abstraite, il faut ici également tenir compte de la nature du groupe et des relations au sein du groupe⁷¹. En synthèse, on retiendra toutefois que « le préjudice subi par une société donnée du fait d’une transaction particulière peut se justifier lorsqu’elle tire de l’appartenance au groupe suffisamment d’avantages pour que ses intérêts soient globalement préservés »⁷².

    IV.

    Gouvernance d’entreprise

    12. Notion et adéquation pour les groupes – L’analyse du groupe de sociétés au regard des principes de gouvernance d’entreprise est, au-delà de la reconnaissance d’un intérêt de groupe, devenue une caractéristique essentielle du droit des groupes.

    La flexibilité des règles de gouvernance d’entreprise la rend particulièrement bien adaptée aux groupes. L’analyse en termes de gouvernance d’entreprise permet au législateur de prévoir des règles spécifiques aux groupes. De même, sur la base de principes de « soft law », qui sont essentiellement ceux examinés ci-après, les intéressés peuvent appliquer des règles de gouvernance en fonction des caractéristiques et de la structure de leur groupe – fût-elle induite par les organes ou comités mis en place par le législateur⁷³.

    Les Codes de corporate governance visent usuellement les sociétés individuelles et en principe cotées, et ne comportent pas un corps de dispositions propres au groupe⁷⁴ et, étrangement, le livre vert de la Commission sur la gouvernance d’entreprise⁷⁵ n’aborde pas la question des groupes, même si certaines règles y font référence.

    Ainsi, le Code belge de Gouvernance d’Entreprise vise systématiquement « la société »⁷⁶, étant précisé que certaines dispositions concernent les relations avec l’actionnaire de référence⁷⁷ ou les opérations avec les sociétés liées⁷⁸ et que les dispositions relatives au comité d’audit (infra, § 15) et à la rémunération (infra, § 15) tiennent compte des relations de groupe⁷⁹.

    13. Déclaration de gouvernance et transparence sur le fonctionnement du groupe – Le Plan d’action 2003, s’inspirant des recommandations du Groupe de haut niveau⁸⁰, insistait sur le fait qu’« une information et une transparence complètes sur la structure des groupes et les relations en leur sein sont un préalable indispensable, si l’on veut assurer que leur mode de fonctionnement reste compatible avec les intérêts de leurs actionnaires et de leurs créanciers, à quelque niveau que ce soit », et soulignait que l’information concernant les comptes consolidés était insuffisante à cet égard⁸¹ et qu’outre les informations découlant de certaines dispositions européennes relatives aux sociétés cotées, « des initiatives supplémentaires seraient souhaitables, en vue d’améliorer, dans la mesure nécessaire, l’information financière et non financière publiée par les groupes dans lesquels la société-mère n’est pas cotée »⁸².

    Le Groupe de haut niveau soulignait que les déclarations de gouvernance devraient donner des indications sur « la structure de gouvernement du groupe, y compris pour ce qui concerne les participations croisées et les éventuels pactes d’actionnaires ayant un impact sur le contrôle du groupe »⁸³ et sur l’organisation des services intragroupes et leur répartition au sein des sociétés du groupe, les opérations internes au groupe ou avec des parties liées, ainsi que le mode de gouvernance du groupe de sociétés afin que les tiers puissent disposer d’une image claire de la structure de gouvernement du groupe⁸⁴.

    Le Groupe de réflexion insiste à nouveau sur ce dernier aspect tout en soulignant que les règles existantes en matière de transparence et d’information sont pour l’essentiel satisfaisantes, le Groupe de réflexion visant ainsi les apports de la 7e directive et de ses amendements et de l’adoption de nombreux standards IFRS ⁸⁵ et la directive 2006/45/CE, outre les informations qui découlent de la réglementation en matière de prospectus.

    Le Groupe de réflexion souligne à cet égard la différence de nature entre les déclarations de gouvernance et les informations contenues dans les comptes consolidés : le but des premières est de donner des informations clés d’une manière qui soit « investor friendly » et l’expertise nécessaire pour étudier des déclarations de gouvernance est très éloignée de celle que requiert l’étude d’états financiers⁸⁶.

    14. Déclaration de gouvernance et structure de gouvernance – Le Groupe de haut niveau soulignait que les recommandations générales formulées sur le gouvernement d’entreprise sont applicables au niveau du groupe⁸⁷ et le propos du Groupe de réflexion peut certainement se reposer davantage sur un cadre de pensée qui intègre désormais largement les règles de gouvernance d’entreprise.

    Ainsi, même si ces observations ne sont pas uniquement liées aux groupes de sociétés, le Groupe de réflexion souligne que la gouvernance d’entreprise permet par sa flexibilité, de tenir compte des diversités nationales, des différentes formes d’organisation, etc.⁸⁸.

    Le Groupe de réflexion invite à prendre appui, en matière de groupe, sur la déclaration sur la gouvernance d’entreprise visée à l’article 46bis de la directive 78/660/CEE⁸⁹ telle que modifiée par la directive 2006/46/CE, pour y intégrer les éléments de la politique de gouvernance du groupe, et en particulier :

    (a) Composition et mode de fonctionnement des organes – La nécessité d’exposer « la composition et le mode de fonctionnement des organes administratifs, de gestion et de surveillance et de leurs comités » (art. 46bis, f) invite dans les groupes à la transparence sur le fonctionnement et la gestion, ce qui vise les relations entre les différentes sociétés du groupe⁹⁰, le Groupe de réflexion recommandant toutefois d’examiner s’il n’y a pas un besoin d’information de base sur le fonctionnement et la gestion dans les déclarations de gouvernance⁹¹.

    (b) Système de contrôle – Dès lors qu’« une description des principales caractéristiques des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de la société dans le cadre du processus d’établissement de l’information financière » (art. 46bis, c), est visée une information sur le contrôle des risques et le contrôle interne doit être donnée au niveau du groupe⁹².

    Le fait de devoir donner « toutes les informations pertinentes relatives aux pratiques de gouvernement d’entreprise appliquées allant au-delà des exigences requises par le droit national » (art. 46bis, a) iii)) invite sans doute aussi à la transparence sur le groupe et les sociétés cotées sont d’ailleurs sensibles à l’utilité de donner des informations sur le fonctionnement de leur groupe dans leurs rapports annuels ou documents relatifs à la corporate governance⁹³.

    15. Pratique des groupes – La gouvernance s’articule dans le groupe autour des éléments suivants :

    (a) Stratégie du groupe – Le conseil d’administration est chargé de définir la stratégie du groupe et de contrôler la manière dont cette stratégie est mise en œuvre (supra, § 10)⁹⁴.

    (b) Gestion des risques – Le Groupe de réflexion attire aussi l’attention sur la problématique des risques et souligne que leur identification, leur gestion et leur limitation sont un élément du fonctionnement de la société, qui doit être expressément et systématiquement pris en compte par le management, sous la supervision générale du conseil d’administration⁹⁵, mais il ne considère pas que les groupes devraient établir une fonction indépendante de gestion des risques (comp. pour les groupes financiers, infra, § 18, (b)) : une personne ou un comité ayant un statut important dans l’entité, disposant d’une ligne de communication avec le conseil d’administration, devrait suffire⁹⁶. Cette appréciation du risque doit, par définition, couvrir l’ensemble du groupe.

    (c) Supervision des filiales – Le conseil d’administration supervise les entités faisant partie du groupe, dont les intérêts sont par définition étroitement liés à celui-ci. La supervision ne porte pas seulement sur les aspects financiers mais implique un suivi de la mise en œuvre de la stratégie du groupe, du respect des procédures instaurées au sein du groupe (concernant, par exemple, la couverture de certains risques), du contrôle des risques, etc.

    (d) Comités – Au sein de la société-mère, les comités d’audit ou de rémunération ou de nomination doivent tenir compte du groupe et deviennent de fait des comités de groupe, instaurés comme tels⁹⁷.

    (i) Le comité d’audit, tel qu’il est visé en droit belge par le Code des sociétés est celui de la société individuelle et a notamment des missions de suivi et de contrôle des processus et des systèmes en matière d’information financière, de contrôle interne et de gestion des risques⁹⁸. Le comité d’audit doit cependant nécessairement être organisé en ayant égard à la structure du groupe et une consultation s’impose avec les autres comités d’audit du groupe pour vérifier si les contrôles exercés sur les filiales sont suffisants ou examinant les risques qui pourraient affecter de manière significative la situation financière du groupe. Le Code de gouvernance d’entreprise 2009 invite à cet égard les sociétés-mères à s’assurer que « les audits réalisés et les rapports qui en sont faits couvrent le groupe dans son ensemble »⁹⁹. Ainsi, le comité d’audit doit s’intéresser également aux filiales, notamment par des contacts suivis avec les comités d’audit qui auraient été instaurés dans diverses filiales¹⁰⁰.

    (ii) Le comité de rémunération, tel qu’il est organisé en droit belge, doit notamment faire des propositions au conseil d’administration sur la politique de rémunération et la rémunération individuelle des administrateurs, des membres de comité de direction, du délégué à la gestion journalière et des autres dirigeants¹⁰¹. Dans ce cadre, le comité est amené à évaluer la rémunération des administrateurs ou managers perçue dans les filiales¹⁰² et le comité de rémunération de la société-mère est aussi amené à se prononcer sur les rémunérations des dirigeants de filiales.

    Le conseil d’administration instaurera aussi le cas échéant un comité stratégique qui aura égard à la politique du groupe.

    V. Secteur des établissements financiers et de l’assurance

    V.1. Principe

    16. Organisation sous forme de groupe de sociétés – Les établissements financiers et les entreprises d’assurances sont très généralement organisés sous forme de groupes de sociétés, dont l’imbrication opérationnelle est complexe et souvent très achevée¹⁰³, et la réglementation qui les régit en tient compte.

    La gouvernance des établissements financiers et entreprises d’assurances, qui en elle-même présente des spécificités, doit avoir égard à la structure de groupe, comme le traduisait déjà, en droit belge, la circulaire « relative aux attentes prudentielles en matière de bonne gouvernance des établissements financiers » (la « Circulaire ») ¹⁰⁴ (infra, § 17).

    La crise financière a toutefois fait apparaître certaines insuffisances de la gouvernance (infra, § 18) et la prise en compte du mode de fonctionnement des groupes est désormais un acquis très net dans les directives sur les établissements de crédit (infra, § 23), les entreprises d’assurances et de réassurance (infra, § 20) et les conglomérats (infra, § 21) et donne lieu à des dispositions particulières et novatrices en matière de « résolution » des défaillances des établissements financiers (infra, § 23).

    17. Gouvernance spécifique – La réflexion sur la gouvernance dans le secteur des établissements de crédit et plus généralement ce que l’on qualifiera de secteur des établissements financiers, n’est pas neuve. Ainsi le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire avait-il préparé, il y a quelques années, des rapports sur le « Renforcement de la gouvernance d’entreprise dans les établissements bancaires »¹⁰⁵. En droit belge, la FSMA a édicté en 2007 la Circulaire précitée¹⁰⁶, qui s’applique aussi aux entreprises mères qui sont à la tête de groupes financiers et qui tient compte de manière très complète de la gouvernance spécifique des établissements financiers et de l’articulation des groupes de sociétés, dont il est utile de rappeler ici quelques éléments¹⁰⁷ :

    (a) Rôle central de la société mère – L’approche du groupe repose sur plusieurs idées :

    – la société mère définit « généralement la politique générale et la stratégie du groupe et des entités qui le composent »¹⁰⁸ ;

    – la société mère exerce en principe la gestion matricielle et le business line management¹⁰⁹ ;

    – la société mère sera en principe amenée à donner des instructions aux filiales¹¹⁰ ;

    – tant la société mère que la filiale devront toutefois tenir compte de l’existence de personnes morales indépendantes¹¹¹ et respecter les règles auxquelles sont soumises les entreprises sous statut¹¹².

    (b) Connaissance et transparence de la structure – La circulaire invite la direction à connaître la structure opérationnelle de l’établissement et invite en particulier :

    – d’une part, l’établissement qui se trouve lui-même à la tête d’un groupe à « disposer d’informations sur toutes les entités pertinentes du groupe, y compris en ce qui concerne leur éventuel impact sur le groupe sur le plan des risques »¹¹³ ;

    – d’autre part, les établissements financiers qui font partie d’un groupe à « pouvoir informer l’autorité de contrôle quant à la structure du groupe dont ils font partie, y compris en ce qui concerne les mécanismes de pilotage et de contrôle du groupe qui leur sont applicables » ; la transparence sur ces structures est de même une des « pierres angulaires de la bonne gouvernance »¹¹⁴.

    (c) Mémorandum de gouvernance des groupes – La Circulaire comporte des règles de bonne gouvernance dans un contexte de groupe¹¹⁵ et invite à établir un « mémorandum de gouvernance du groupe », qui traite « outre les aspects pertinents des filiales qui font partie du groupe, la situation de l’entreprise mère holding et du groupe en tant que tel, et notamment :

    (i) la description de la finalité et de l’intérêt du groupe face aux domaines d’activité et intérêts des filiales ;

    (ii) la détermination du pilotage du groupe et de l’organisation du contrôle des filiales par le groupe ;

    (iii) la répartition concrète des compétences entre l’entreprise mère et les filiales, et notamment la définition des compétences propres des filiales ;

    (iv) l’organigramme, en ce compris tous les organes et/ou personnes portant une responsabilité pour l’administration et la stratégie, la direction opérationnelle du groupe et de ses entités, pour les business lines et les services centralisés, ainsi que pour toutes les fonctions pertinentes sur le plan prudentiel au sein de l’entreprise mère et des filiales (audit interne, compliance, gestion des risques, actuaire désigné, comptabilité…) ;

    (v) la politique et les règles que le groupe prend en considération en matière de sous-traitance intragroupe, de gestion des intérêts conflictuels… »¹¹⁶.

    V.2. Crise financière et réforme du secteur

    18. Réflexions liées à la crise financière – La crise financière a toutefois fait apparaître avec acuité certaines limites de la gouvernance d’entreprise appliquée dans le secteur des établissements financiers et la nécessité de mieux identifier les conséquences de l’existence d’intérêts tiers spécifiques¹¹⁷ et d’interférer plus en profondeur avec la culture d’entreprise¹¹⁸ :

    (a) Intérêts tiers – Il est apparu nécessaire d’être plus attentif encore à la nature particulière de ce secteur et à l’importance d’une gouvernance tenant compte des créanciers et de l’économie en général : « dans le secteur des services financiers le gouvernement d’entreprise doit tenir compte à parité des intérêts d’autres parties prenantes (déposants, épargnants, détenteurs de police d’assurance vie, etc.) ainsi que de la stabilité du système financier, de par le caractère systémique de nombreux acteurs » et « les intérêts des créanciers des établissements financiers (déposants, détenteurs de polices d’assurances ou bénéficiaires des plans de retraite et, dans un certaine mesure, employés) sont potentiellement opposés à ceux de leurs actionnaires »¹¹⁹.

    (b) Contrôle des risques – Une des conséquences est l’importance d’organiser une gouvernance davantage orientée vers le contrôle des risques, qui doit être présente dans toutes les composantes des groupes du secteur financier¹²⁰. Cette analyse invite d’une part à inviter le conseil d’administration à définir le risque et à le superviser¹²¹, et d’autre part à créer une fonction de gestion des risques autonome¹²², tendance que l’on retrouve d’ailleurs dans le secteur des fonds¹²³.

    (c) Insuffisance d’une gouvernance « formelle » – Paradoxalement, il est apparu que la gouvernance d’entreprise « classique »¹²⁴ pouvait être dépassée par le processus décisionnel quotidien et il a semblé nécessaire de passer à un niveau différent, qui induit une culture d’entreprise nouvelle, épaulant la réflexion sur la gestion des risques¹²⁵.

    À ce titre, il est apparu que des principes devaient être énoncés qui permettent d’éviter des comportements contraires aux intérêts concernés suscités par la structure de rémunération. L’idée va au-delà de ce que l’on connaît dans les sociétés cotées et est d’aligner les rémunérations sur une « gestion saine et efficace des risques »¹²⁶. Ces réflexions ont débouché sur la directive 2010/76/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 modifiant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE en ce qui concerne les exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations, et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération¹²⁷ et les « Guidelines on Remuneration Policies and Practices » du 10 décembre 2010 du Comité européen des contrôleurs bancaires. En droit belge, la FSMA a diffusé une communication 2010-23 du 17 novembre 2010 intitulée « Attentes concernant la mise en œuvre du volet « rémunérations » de CRD III », un Règlement, le 8 février 2011, qui a été approuvé par un arrêté royal du 22 février 2011 et a établi une Circulaire adressée aux établissements financiers concernant la mise en place d’une bonne politique de rémunération » (CBFA-2011-05 du 14 février 2011)¹²⁸.

    (d) Groupes – Ces réflexions tiennent bien évidemment compte du droit des groupes¹²⁹. On soulignera sur ce point les principes non équivoques énoncés par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire¹³⁰ : d’une part, le conseil d’administration de la société-mère a la responsabilité d’ensemble de la mise en place d’une structure de gouvernance à travers tout le groupe et doit s’assurer que soient mis en place des politiques et des mécanismes en matière de gouvernance appropriés à la structure, à l’entreprise et aux risques du groupe et de ses composantes¹³¹ et d’autre part, les conseils d’administration des entités réglementées doivent adhérer aux valeurs et aux principes de gouvernance adoptés par la société-mère¹³².

    Les comités et fonctions au niveau du groupe jouent dans ce cadre un rôle essentiel. Tel est par exemple le cas de la fonction de gestion des risques, qui doit couvrir l’ensemble des entités du groupe¹³³. De même, la récente circulaire de la FSMA et de la BNB au sujet de la fonction de compliance¹³⁴ énonce le principe selon lequel « la politique d’intégrité et la fonction de compliance dans un groupe sont pilotées de manière centralisée par l’établissement mère »¹³⁵.

    19. Établissements de crédit et entreprises d’investissement – La proposition de directive concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (la « proposition de directive CRDIV »)¹³⁶ accorde une importance particulière à la gouvernance d’entreprise, en soulignant que la « prise de risque excessive était due en partie aux lacunes de la gouvernance d’entreprise des établissements financiers, en particulier des banques »¹³⁷.

    Les considérants de cette proposition insistent sur la nécessaire efficacité de la gouvernance en matière de risque et souligne que cette finalité « passe par les objectifs opérationnels suivants :

    – améliorer l’efficacité de la surveillance des risques par les conseils d’administration ;

    – améliorer le statut de la fonction de gestion des risques ; et

    – assurer un suivi efficace de la gouvernance en matière de risques par les autorités de surveillance »¹³⁸.

    Les autorités compétentes devront donc veiller à ce que tout établissement dispose d’un « dispositif solide de gouvernance d’entreprise »¹³⁹, qui intègre notamment les principes de la proposition de directive visant notamment la responsabilité de l’organe de direction, le rôle du comité de nomination et du comité de rémunération, et la politique de rémunération (art. 86 et s.).

    Ces dispositifs doivent être respectés sur une base consolidée ou sous-consolidée, « de manière à assurer la cohérence et la bonne intégration des dispositifs, procédures et mécanismes requis par ces dispositions et à pouvoir fournir toute donnée et toute information utiles à la surveillance »¹⁴⁰. La surveillance s’effectue de même sur une base consolidée¹⁴¹.

    20. Activité de l’assurance et de la réassurance – La directive Solvency II traduit une évolution sensible du modèle de fonctionnement des sociétés d’assurance¹⁴² qui repose entre autres sur un système de gouvernance qui se veut adapté et transparent, sur un système de gestion des risques et sur des fonctions de compliance, d’audit interne et actuarielle importantes¹⁴³. Elle est également fondée sur un « modèle innovant de contrôle dans lequel un rôle essentiel est attribué au contrôleur du groupe »¹⁴⁴, qui se substitue à la « surveillance complémentaire » instaurée par la directive 98/78/CE¹⁴⁵.

    Ce contrôle particulier est organisé par le Titre III – « Contrôle des entreprises d’assurance et de réassurance faisant partie d’un groupe » et repose clairement sur l’idée que la structure opérationnelle des groupes permet d’opérer un contrôle au niveau de l’entreprise mère¹⁴⁶.

    Manifestement, la mise en place et l’application de modèles internes de calcul du capital de solvabilité et l’évaluation interne des risques et de la solvabilité par les entreprises d’assurance au niveau du groupe imposent à la société-mère de structurer son système de gouvernance en manière telle qu’elle peut s’assurer du respect d’une stratégie qui permet de les respecter¹⁴⁷. La directive invite donc à un contrôle consolidé de la gouvernance du groupe et précise en particulier que « les systèmes de gestion des risques et de contrôle interne ainsi que les procédures de déclaration sont appliqués de façon cohérente dans toutes les entreprises rentrant dans le champ d’application du contrôle de groupe conformément à l’article 213, paragraphe 2, points a) et b), afin que ces systèmes et procédures puissent être contrôlés au niveau du groupe »¹⁴⁸.

    Cette directive induit en tout cas une série de procédures internes qui peuvent pour certaines s’inspirer des techniques pratiquées dans les établissements de crédit.

    On observera dans ce cadre le rôle délicat des contrôleurs prudentiels, qui se voient davantage intégrés dans l’appréciation du fonctionnement des modèles quantitatifs et des structures qualitatives internes à l’entreprise¹⁴⁹.

    21. Conglomérats financiers – Le marché a vu se développer, il y a quelque temps, des groupes financiers, appelés « conglomérats financiers », qui fournissent des produits et services relevant de différents secteurs des marchés financiers.

    La directive 2002/87/CE relative aux conglomérats financiers¹⁵⁰ tendait à tenir compte de cette évolution en organisant une surveillance prudentielle consolidée des établissements de crédit, entreprises d’assurances et entreprises d’investissement qui en font partie¹⁵¹, destinée à « porter remède aux risques prudentiels additionnels, de manière à garantir une surveillance saine des groupes financiers exerçant des activités transsectorielles »¹⁵².

    Outre l’application des règles sectorielles des entités réglementées, une surveillance complémentaire est ainsi organisée sur l’adéquation des fonds propres, la concentration des risques et les transactions intragroupes¹⁵³ ; la directive institue l’obligation de mettre en place des procédures de gestion des risques et des dispositifs de contrôle interne au niveau du conglomérat financier¹⁵⁴ ; la société de tête doit fournir aux autorités et de publier « une description de (sa) structure juridique, de (son) système de gouvernance et de (sa) structure organisationnelle »¹⁵⁵.

    Cette directive a été adaptée par la directive 2011/99/UE¹⁵⁶ pour tenir compte des évolutions de la réglementation des établissements de crédit et des entreprises d’assurance. Le but, limité, est de s’assurer d’une surveillance complémentaire appropriée tout en comblant des lacunes qui étaient apparues dans le contrôle en raison de définitions divergentes figurant dans les directives sectorielles¹⁵⁷. Une modification plus en profondeur de la directive sur les conglomérats financiers, alignant notamment davantage la gouvernance sur celle des réglementations propres aux entités qui composent le groupe, est en cours d’examen¹⁵⁸.

    22. Nécessité de structuration du groupe – Ces diverses réglementations invitent à aller au-delà de la gouvernance classique des groupes et conduisent, ou conduiront, nécessairement les groupes à se structurer de manière plus contraignante pour les filiales, en

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