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Le secret: Secret ou transparence en droit administratif - Protection des secrets d'affaires - Protection des sources journalistiques et lanceurs d'alerte
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Livre électronique384 pages4 heures

Le secret: Secret ou transparence en droit administratif - Protection des secrets d'affaires - Protection des sources journalistiques et lanceurs d'alerte

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À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre le secret en droit.

Le secret en droit administratif
par Marc Joassart, premier auditeur au Conseil d’Etat, collaborateur scientifique à l’UCL

Alors qu’il aura longtemps été la règle en droit administratif, le secret est aujourd’hui devenu l’exception. Le droit d’accès aux documents administratifs est consacré par la Constitution. Les législations relatives à la publicité de l’administration et celle relative à la motivation formelle des actes administratifs fixent les modalités d’application de ce droit fondamental pour le public. Il n’est toutefois pas absolu et le secret reste d’application dans certains domaines. Les hypothèses dans lesquelles le secret reste admis en droit administratif seront examinées, ainsi que le régime des habilitations de sécurité et la confidentialité des pièces devant le Conseil d’État.

La directive du 8 juin 2016 sur la protection des secrets d’affaires
par Vincent Cassiers, chargé de cours à l’UCL, avocat au barreau de Bruxelles
et Alain Strowel, professeur à l’USL-B et à l’UCL, avocat au barreau de Bruxelles

La directive sur les secrets d’affaires harmonise la protection juridique de toutes les informations confidentielles des entreprises. Cette directive équilibre des libertés fondamentales en tension en identifiant des actes licites et des actes illicites relatifs à l’obtention, l’utilisation et la divulgation des secrets d’affaires. La directive comprend impose aussi des mesures et des procédures permettant de combattre les atteintes aux secrets d’affaires et dans le cadre desquelles la confidentialité doit être préservée.

La protection des sources journalistiques et des lanceurs d’alerte
par Quentin Van Enis, chargé d’enseignement à l’UNamur (CRIDS), chargé de cours invité à l’UCL, avocat au barreau de Bruxelles, membre du Conseil de déontologie journalistique (CDJ)

Les secrets se dévoilent rarement d’eux-mêmes. Dans ce contexte, le rôle des journalistes et des lanceurs d’alerte est essentiel pour assurer l’information des citoyens sur des questions qui peuvent les concerner au plus haut point. La présente contribution vise à faire la lumière sur le droit des journalistes à la confidentialité de leurs sources d’information et sur la protection des lanceurs d’alerte lorsque ces derniers décident de révéler publiquement les manquements qu’ils dénoncent.

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.

À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie23 août 2017
ISBN9782807204614
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    Le secret - Collectif

    ENIS

    Le secret en droit administratif

    Marc JOASSART

    Premier auditeur au Conseil d’État

    Collaborateur scientifique à l’UCL

    Introduction

    1. Le secret de l’administration était initialement son principe de fonctionnement. Pourtant, déjà au début du XXe siècle, M. Hauriou écrivait : « la conscience moderne exige que l’administration agisse au grand jour. On lui a, pendant très longtemps, toléré des décisions secrètes. Maintenant, on veut que toutes ses décisions et toutes ses actions soient publiques et l’on a le sentiment que ce qui n’a pas été fait publiquement n’est pas régulier » ¹. La recommandation no R (81) 19 du Comité des ministres aux États membres du Conseil de l’Europe sur l’accès à l’information détenue par les autorités publiques insiste également sur « l’importance que revêt pour le public dans une société démocratique une information appropriée sur la vie publique » ². Dans le même sens, la Cour européenne des droits de l’homme juge que « le danger d’arbitraire apparaît avec une netteté singulière là où un pouvoir de l’exécutif s’exerce en secret » ³. Pourtant, ce n’est qu’en 1993 que le droit à la transparence administrative est inscrit dans la Constitution à l’article 24ter devenu, après la coordination de la Constitution, l’article 32 ⁴.

    2. Depuis l’adoption de cette disposition, le secret de l’administration n’a pas entièrement disparu, mais il est devenu une exception au principe de la publicité de l’administration qui permet à chacun de consulter un document administratif et de s’en faire remettre une copie. Un document administratif ⁵ est toute information, peu importe la forme, dont dispose une autorité administrative ⁶. Conformément à l’article 32 de la Constitution, les exceptions à ce principe sont fixées par la loi, le décret ou l’ordonnance ⁷ . Cela signifie que le secret pourra être prévu dans une loi fédérale, mais également dans la législation des entités fédérées. Chaque législateur est compétent pour édicter des exceptions qui s’appliqueront non seulement fonctionnellement à ses services, mais également matériellement aux autres autorités administratives. Ainsi, une autorité régionale devra refuser la communication d’un document visé par une exception fédérale ⁸ et inversement. La section de législation du Conseil d’État a précisé à cet égard que « la seule limitation à cette compétence est celle qui impose que les motifs d’exception relèvent de la compétence matérielle de l’autorité concernée et, plus particulièrement, que le seul lien requis entre le document administratif sur lequel porte le motif d’exception et l’autorité qui a fixé celui-ci est le préjudice que la publicité du document peut porter aux intérêts de cette autorité » ⁹.

    3. La Cour constitutionnelle veille cependant à ce que ces exceptions ne portent pas une atteinte excessive au droit constitutionnel à la transparence administrative. Selon la Cour, « [e]n permettant qu’un législateur puisse prévoir dans quels cas et à quelles conditions il peut être dérogé au principe de la transparence administrative, le Constituant n’a pas exclu que l’accès à certains documents soit soumis à des conditions ou soit limité, pour autant que ces restrictions soient raisonnablement justifiées et n’entraînent pas d’effets disproportionnés. Il convient, à cet égard, de souligner que la transparence administrative participe à l’effectivité de l’exercice du droit de recours des administrés devant le Conseil d’État ou devant les juridictions judiciaires » ¹⁰. En application de ces principes, elle a censuré une législation wallonne qui soustrayait entièrement à la publicité de l’administration les avis de la Commission d’avis pour les exportations de produits liés à la défense ¹¹.

    4. L’État fédéral et toutes les entités fédérées ont adopté des législations relatives à la publicité de l’administration ¹². Dans le cadre de ces législations, différentes commissions d’accès aux documents administratifs (CADA) ¹³ ont été instituées par chaque niveau de pouvoir, à l’exception de l’autorité flamande qui a créé une instance de recours composée de fonctionnaires et désignée par le gouvernement flamand ¹⁴ et de la Communauté germanophone qui n’a pas créé une telle commission. Ces commissions sont chargées de rendre des avis sur les refus d’accès aux documents administratifs. Leur jurisprudence, spécialement celle de la CADA fédérale, sera brièvement évoquée dans le cadre de l’examen des différentes hypothèses de secret ¹⁵.

    5. À côté du régime général, un régime spécifique est prévu par l’autorité fédérale et les Régions dans le domaine de l’environnement afin de se conformer aux exigences de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement ¹⁶. Cette directive impose une obligation de transparence plus importante pour les informations environnementales ¹⁷. Elle entend appliquer la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, faite à Aarhus le 25 juin 1998 ¹⁸. De même, certaines décisions de la Cour européenne des droits de l’homme imposent des obligations spécifiques dans ce domaine ¹⁹. Ce régime plus spécifique sera étudié en parallèle avec le régime général car les exceptions à la publicité de l’administration et à l’information environnementale se recoupent largement. Des commissions spécifiques ont été créées par l’autorité fédérale ²⁰ et la Région wallonne ²¹, tandis que la Région de Bruxelles-Capitale et la Région flamande ont préféré confier la compétence en matière d’information environnementale à la même instance que celle prévue en matière de publicité administrative ²². Ces instances se voient reconnaître un pouvoir de décision en matière d’accès à l’information ²³.

    6. Il existe également des législations relatives à la réutilisation des informations du secteur public ²⁴ qui transposent la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public ²⁵, modifiée récemment par la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ²⁶. Ces législations ont un objet différent des précédentes puisqu’il ne s’agit plus uniquement de l’accès à certains documents du secteur public, mais bien de la réutilisation qui pourra en être faite par la suite ²⁷. Cette question ne sera pas abordée dans le cadre de cet exposé qui a trait au secret.

    7. La possibilité de demander l’accès à un document administratif ou à une information environnementale est appelée la publicité passive par opposition à la publicité active qui implique une initiative de l’administration, notamment l’indication d’une personne de contact dans la correspondance et la mention des voies de recours possibles en cas de décision administrative. La demande d’accès doit en principe être écrite et préciser les documents ou informations concernés ²⁸.

    8. Le demandeur ne doit pas justifier d’un intérêt, sauf s’il s’agit de données à caractère personnel, c’est-à-dire « une appréciation ou un jugement de valeur relatif à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, ou la description d’un comportement dont la divulgation peut manifestement causer un préjudice à cette personne » ²⁹. L’absence d’intérêt ne peut être opposée à un contribuable qui demande des documents relatifs à sa situation fiscale ³⁰.

    9. Par ailleurs, les données à caractère personnel font l’objet d’une législation spécifique en ce qui concerne leur « traitement » dans la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel, transposant la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, qui vient d’être remplacée par le Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ³¹. Cette question ne sera pas non plus abordée dans la suite de cet exposé.

    10. Les différentes législations relatives à la publicité de l’administration et à l’information environnementale connaissent plusieurs degrés de secret ³². Le secret est en principe absolu lorsque la simple atteinte à l’intérêt protégé conduit au refus de la production du document ou de l’information. Le secret n’est que relatif lorsque cette atteinte doit être mise en balance avec l’intérêt de la publicité du document ou de l’information et ce n’est qu’au cas où ce dernier intérêt ne l’emporte pas sur l’intérêt protégé que ce refus peut être imposé. Enfin, le secret facultatif vise l’hypothèse où l’administration dispose de la faculté de refuser l’accès à un document ou à une information sans qu’une balance des intérêts soit opérée. Lorsque le secret ne s’applique qu’à une partie du document concerné, la consultation, l’explication ou la communication sous forme de copie est limitée à la partie restante ³³, sauf bien évidemment si cette partie restante ne présente plus aucun intérêt ³⁴.

    11. Si une demande de document administratif porte sur une œuvre protégée par le droit d’auteur, l’autorisation de l’auteur ou de la personne à laquelle les droits de ce dernier ont été transmis ne sera pas requise pour permettre la consultation sur place ou pour fournir des explications à son propos, mais une communication sous forme de copie ne sera permise que moyennant l’autorisation préalable de l’auteur ou de la personne à laquelle les droits ont été transmis ³⁵. Dans tous les cas, l’autorité indiquera expressément que l’œuvre est protégée par le droit d’auteur ³⁶.

    12. Dans tous les cas, la décision explicite refusant l’accès à un document administratif ou à une information environnementale devra être motivée ³⁷. Dès lors que les exceptions légales au droit aux documents administratifs le sont à un droit fondamental garanti par la Constitution, qu’à ce titre, elles sont d’interprétation restrictive et qu’elles sont limitativement énumérées par la loi, il revient à l’autorité administrative compétente de s’en prévaloir expressément, c’est-à-dire d’indiquer précisément quelle cause légale de refus de communication des documents administratifs elle entend opposer à ce droit ³⁸. Ainsi, par exemple, l’autorité qui fait application d’une exception relative est tenue d’examiner si, au regard des informations dont elle dispose, la divulgation est effectivement susceptible de porter atteinte à l’intérêt protégé par ladite exception et si tel est le cas, sa décision de refus doit faire apparaître le raisonnement qui a été suivi de façon à permettre d’une part aux intéressés de connaître les justifications de la décision de refus afin de défendre leurs droits et d’autre part au juge d’exercer son contrôle, cette motivation ne pouvant en outre consister en une simple formule de style. L’autorité est tenue de procéder à une balance des intérêts en présence et la motivation doit faire apparaître concrètement les raisons qui ont fait prévaloir l’intérêt protégé par l’exception relative sur le droit d’accès à l’information ³⁹.

    13. En cas de refus d’accès à un document administratif, le demandeur pourra en général introduire un recours administratif en « reconsidération » auprès de l’autorité administrative elle-même, ce qui donnera lieu à un avis de la CADA compétente ⁴⁰. Comme on l’a vu, en Flandre et dans le domaine de l’environnement, c’est un recours administratif devant une commission spécifique qui est prévu ⁴¹. Que la décision finale soit prise par l’autorité elle-même dans le cadre du recours en reconsidération ou par cette commission, un recours juridictionnel cette fois pourra être introduit devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État. La haute juridiction administrative pourra consulter le document administratif afin de prendre sa décision sans que ce document soit pour autant déposé dans le dossier de la procédure ⁴². Le droit à la transparence administrative pouvant constituer un droit subjectif, une action devant les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire est également possible ⁴³.

    14. Les différentes catégories de secret seront abordées dans l’ordre prévu dans la législation fédérale en matière de publicité de l’administration mais en relevant, le cas échéant, les divergences existantes dans les législations communautaires et régionales qui sont, dans l’ensemble, assez similaires.

    15. La loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs impose que tout acte administratif comporte « l’indication, dans l’acte, des considérations de droit et de fait servant de fondement à la décision » ⁴⁴. Toutefois, elle comporte également certaines exceptions similaires à celles prévues par la législation relative à la publicité de l’administration ⁴⁵. Les similitudes seront relevées dans les différents types de secret.

    Section 1

    Le secret absolu

    16. Malgré le droit à la transparence administrative, certaines hypothèses de secret « absolu », c’est-à-dire sans mise en balance des intérêts en présence, subsistent. Selon D. Déom, Th. Bombois et L. Gallez, « les exceptions absolues sont constitutionnelles pour autant qu’elles respectent une triple condition. Elles ne peuvent tout d’abord se muer en suprématie formelle d’un droit fondamental sur l’autre ; la formulation de l’exception absolue ne saurait donc viser un droit fondamental en tant que tel. Le caractère absolu de ces exceptions doit ensuite être raisonnablement justifié par la nature des intérêts qu’elles entendent protéger. Enfin, elles ne peuvent priver l’administration de tout pouvoir discrétionnaire. Il doit toujours y avoir une appréciation, au cas par cas, de la réalité de l’atteinte à l’intérêt protégé par l’exception absolue » ⁴⁶. Selon le Conseil d’État, le caractère absolu du secret ne dispense pas l’autorité de démontrer concrètement en quoi la divulgation du document litigieux risque de porter atteinte à l’intérêt protégé par ce secret ⁴⁷. La CADA fédérale a tendance à se montrer critique à l’égard de ce secret absolu. Elle a plutôt tendance à en restreindre la portée ⁴⁸, comme nous allons le voir.

    § 1. L

    A

     

    VIE

     

    PRIVÉE

    ,

    SAUF

    CONSENTEMENT

    DE

     

    LA

     

    PERSONNE

    CONCERNÉE

    17. À la différence des autres libertés fondamentales, la vie privée se voit reconnaître par le législateur fédéral un caractère absolu ⁴⁹, sauf dans le domaine de l’environnement ⁵⁰. La seule invocation d’une atteinte à cet intérêt suffit pour pouvoir refuser l’accès à un document administratif. Le projet initial prévoyait un traitement similaire avec les autres libertés fondamentales mais à la suite d’un amendement parlementaire, la possibilité de procéder à une balance des intérêts est supprimée ⁵¹.

    18. Cette différence de traitement est critiquée par la doctrine. Comme le relèvent certains auteurs, « comment justifier, surtout, que la vie privée soit portée au pinacle des droits fondamentaux à protéger alors que tous les autres droits – en ce compris le droit à la vie – doivent se contenter d’une protection relative » ⁵² ? De même, la section de législation du Conseil d’État a estimé, dans l’avis concernant le projet de décret flamand relatif à la publicité de l’administration, que toutes les exceptions au droit d’accès devraient être relatives afin de respecter le droit fondamental inscrit à l’article 32 de la Constitution ⁵³. Toutefois, ce caractère absolu de la vie privée est atténué par la jurisprudence qui exige que le secret soit justifié par une véritable atteinte et non un simple lien avec la vie privée ⁵⁴.

    19. La Commission fédérale d’accès aux documents administratifs et le Conseil d’État ont également tendance à opérer une certaine balance des intérêts prétorienne nonobstant le caractère absolu de cette exception à la transparence administrative ⁵⁵. Ainsi, par exemple, la section du contentieux administratif a estimé que le caractère en principe confidentiel d’un dossier fiscal peut s’estomper à l’égard de l’ex-conjoint d’un contribuable lorsqu’il comporte des éléments nécessaires à ce dernier pour comprendre et le cas échéant contester un impôt dont il est codébiteur ⁵⁶. Il en va de même à l’égard d’une commune en ce qui concerne un dégrèvement affectant les impôts additionnels qu’elle perçoit ⁵⁷. Par ailleurs, la personne concernée peut également donner explicitement son consentement et ce secret ne lui est pas opposable ⁵⁸.

    20. La vie privée est interprétée par la CADA fédérale conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 22 de la Constitution ⁵⁹, c’est-à-dire d’une manière assez large. Est protégée d’une manière générale l’identité des personnes dans la mesure où la divulgation d’informations pourrait porter atteinte à leur vie privée ⁶⁰, ce qui peut inclure les traits de personnalité de candidats à une promotion dans la fonction publique ⁶¹. La protection de la vie privée constitue également une exception à l’obligation de motivation formelle ⁶².

    § 2. L’

    OBLIGATION

    DE

     

    SECRET

    INSTAURÉE

    PAR

     

    LA

     

    LOI

    21. Toutes les hypothèses de secret ne figurent pas dans les législations relatives à la publicité de l’administration ⁶³. Il existe également de nombreuses autres législations prévoyant une obligation de secret ou de confidentialité. Il s’agit notamment du secret professionnel garanti par l’article 458 du Code pénal. Le secret professionnel constitue également l’une des exceptions prévues dans la loi relative à la motivation formelle des actes administratifs ⁶⁴. Ainsi, les consultations données par un avocat à une autorité administrative échappent à la publicité de l’administration ⁶⁵. La Commission fédérale d’accès aux documents administratifs a estimé qu’une telle situation pourrait être discriminatoire à l’égard des administrations qui s’appuient sur les avis émis par leur propre service juridique qui ne bénéficie pas de la même protection. Une proposition de loi a entendu limiter la confidentialité des consultations d’avocat ⁶⁶ mais la section de législation du Conseil d’État a estimé qu’elles participent également au droit au procès équitable ⁶⁷.

    22. En ce qui concerne le secret professionnel des membres du personnel d’une autorité administrative, la jurisprudence de la Commission fédérale d’accès aux documents administratifs et du Conseil d’État est plus nuancée ⁶⁸. Cette jurisprudence prend en considération à la fois la finalité du secret, les personnes auxquelles il est imposé, celles à qui il est opposable ainsi que les documents visés par la disposition législative. Selon la CADA fédérale, une obligation individuelle de secret dans le chef d’un fonctionnaire ne signifie pas nécessairement que l’organisme dont il relève est tenu par cette obligation de secret. Cet organisme est lui-même tenu d’évaluer une demande d’accès à la lumière des motifs du secret et de motiver concrètement le refus d’accès ⁶⁹. Par exemple, les fonctionnaires de l’inspection spéciale des impôts ne peuvent opposer le secret de l’instruction ou de l’information judiciaire puisqu’ils n’y participent pas ⁷⁰.

    23. Selon la CADA fédérale, le secret fiscal visé notamment à l’article 337 C.I.R. 92 « n’est pas en réalité un secret professionnel mais un secret fonctionnel renforcé par la loi qui repose sur les agents de l’administration fiscale et auxquels, en cas de méconnaissance, une sanction pénale est applicable, comparable à celle applicable en matière de méconnaissance du secret professionnel » ⁷¹. Ce secret fiscal n’est pas applicable lorsqu’il s’agit de donner aux autorités visées par la disposition précitée, dont font partie les communes, les renseignements nécessaires pour assurer l’exécution des dispositions légales ou réglementaires dont ils sont chargés ⁷². D’une manière plus générale, le secret professionnel ne peut s’opposer à ce qu’une personne puisse vérifier le fondement d’une réclamation de somme au titre de dette, celle-ci fût-elle fiscale ⁷³.

    24. Pour être opposable dans le cadre de la publicité de l’administration, l’obligation de secret doit figurer dans une disposition ayant valeur législative ⁷⁴. Il ne suffit pas qu’elle figure dans un arrêté royal ⁷⁵ ou un règlement d’ordre intérieur ⁷⁶. En outre, la présence, dans les documents dont la communication est sollicitée, d’informations couvertes par le secret professionnel ne peut justifier le refus global de communication lorsqu’une communication partielle est possible ⁷⁷.

    § 3. L

    E

     

    SECRET

    DES

     

    DÉLIBÉRATIONS

    DU

     

    GOUVERNEMENT

    25. Le secret des délibérations du gouvernement ⁷⁸ vise à éviter que la discussion politique soit paralysée par la crainte que soient rendues publiques les différentes opinions et positions adoptées dans le cadre de négociations. Ce secret ne s’applique pas aux documents que le gouvernement a choisi de rendre publics comme les communiqués de presse ou les informations transmises au Parlement. Ce secret ne couvre que les positions et argumentations exprimées à titre personnel par chacune des parties. Ce secret vise non seulement les délibérations des membres du gouvernement fédéral, mais également celles « des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif fédéral ou auxquelles une autorité fédérale est associée » ⁷⁹. Il couvre par conséquent les documents préparatoires à la délibération du gouvernement, tels que les procès-verbaux d’un groupe de travail du Comité de concertation ⁸⁰ ou d’une réunion intercabinet ⁸¹, ainsi que la note au gouvernement déposée par le ministre compétent ⁸². Il en va de même des communications internes et des messages échangés entre le cabinet d’un ministre et l’administration ⁸³. En revanche, le secret ne peut être opposé au résultat des délibérations, c’est-à-dire les décisions prises par l’organe collégial. Seul le processus de délibération est protégé par ce motif d’exception et non le résultat de cette délibération ⁸⁴. L’autorité doit vérifier in concreto si la divulgation du document risque de porter atteinte au secret des délibérations ⁸⁵. Le procès-verbal pourra être communiqué moyennant la suppression des passages exprimant la position personnelle des différentes parties ⁸⁶.

    26. Dans le même ordre d’idées, la doctrine considère que le principe constitutionnel de l’inviolabilité du Roi implique également que « nul ne peut découvrir la Couronne » afin d’éviter que soient dévoilées les opinions du Roi ⁸⁷, sauf lorsqu’elles figurent dans un document contresigné par un ministre qui s’en rend responsable. Les travaux préparatoires de la loi du 11 avril 1994 précisent à cet égard que le Roi ne doit être considéré comme une autorité administrative que « pour les affaires couvertes par la responsabilité ministérielle » ⁸⁸ et que « les pièces et la correspondance qui se trouvent chez le Chef de l’État ne tombent en aucun cas sous l’application de la présente loi » ⁸⁹.

    § 4. L

    ES

     

    INTÉRÊTS

    VISÉS

    À

     

    L

    ARTICLE

     3

    DE

     

    LA

     

    LOI

     

    DU

     11 

    DÉCEMBRE

    1998

    RELATIVE

    À

     

    LA

     

    CLASSIFICATION

    ,

    AUX

     

    HABILITATIONS

    ,

    ATTESTATIONS

    ET

     

    AVIS

    DE

     

    SÉCURITÉ

    27. L’article 3, § 1er, de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification, aux habilitations, attestations et avis de sécurité prévoit une série d’intérêts stratégiques qui sont protégés et par conséquent soustraits à publicité de l’administration ⁹⁰ :

    a) la défense de l’intégrité du territoire national et des plans de défense militaire ;

    b) l’accomplissement des missions des forces armées ;

    c) la sûreté intérieure de l’État, y compris dans le domaine de l’énergie nucléaire, et la pérennité de l’ordre démocratique et constitutionnel ;

    d) la sûreté extérieure de l’État et les relations internationales de la Belgique ;

    e) le potentiel scientifique et économique du pays ;

    f) tout autre intérêt fondamental de l’État ;

    g) la sécurité des ressortissants belges à l’étranger ;

    h) le fonctionnement des organes décisionnels de l’État ;

    i) la sécurité des personnes auxquelles, en vertu de l’article 104, § 2, du Code d’instruction criminelle, des mesures de protection spéciales sont octroyées.

    28. Les « informations, documents ou données, le matériel, les matériaux ou matières, sous quelque forme que ce soit », peuvent être classifiés en trois catégories : très secret, secret ou confidentiel en fonction du degré d’atteinte que leur utilisation inappropriée pourrait faire courir à l’un des intérêts protégés ⁹¹. On observera que le secret absolu prévu par la loi sur la publicité de l’administration s’applique non seulement lorsque les documents ont été expressément classifiés mais également lorsqu’ils sont susceptibles de l’être ⁹², ce qui est beaucoup plus large.

    29. Cette situation est regrettée par la CADA fédérale. En ce qui concerne les documents classifiés, elle adopte une position restrictive ⁹³. Elle considère en effet que le simple fait qu’un document soit classifié n’est pas suffisant pour en refuser l’accès ⁹⁴. Selon elle, l’autorité doit également vérifier si la procédure de classification a été opérée correctement et, le cas échéant, s’il n’est pas opportun de déclassifier le document auquel un accès est demandé. D’une manière plus générale, la CADA fédérale regrette qu’il n’y ait pas une meilleure cohérence entre les intérêts protégés dans les lois du 11 avril 1994 et du 11 décembre 1998 ⁹⁵. Elle

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