Modes alternatifs de règlement des conflits: Réformes et actualités
Par Olivier Caprasse et Collectif
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À propos de ce livre électronique
Plus que jamais, la recherche de la voie procédurale la plus appropriée est au cœur des préoccupations des justiciables, de leurs conseils, des juges et du législateur. On pense ainsi aux nombreuses initiatives prises par différents tribunaux et barreaux et aux réformes législatives actuellement en discussion. Cet ouvrage de la CUP devrait permettre au lecteur de faire le point sur ce que sont devenus certains modes alternatifs de règlement des conflits ainsi que sur ce qu’ils pourraient devenir, en faisant en tout cas le tour des possibilités qu’ils offrent, qu’il s’agisse de l’arbitrage, de la médiation, de la tierce décision obligatoire ou encore du droit collaboratif.
Découvrez un ouvrage qui se propose de faire le point sur ce que sont devenus certains modes alternatifs de règlement des conflits.
EXTRAIT
L’O.V.B. et avocats.be ont sollicité le retrait de cette disposition qui paraît contraire au libre choix de l’avocat, mais également au caractère volontaire des modes alternatifs, qui constitue, pour nous, l’un des fondements essentiels de leur mise en œuvre. Imposer une méthode qui ne recueille pas l’assentiment des parties nous paraît contre-productif, a fortiori lorsqu’il s’agit de mode alternatif. Il nous semble indispensable qu’avant de suggérer – voire d’imposer – tel ou tel mode alternatif, les magistrats recentrent le débat sur l’intérêt des justiciables, sur l’écoute et la compréhension de leurs besoins, ce qui implique une analyse précise de la demande formulée, sans vouloir leur imposer un mode amiable de résolution pour leur litige. Certaines personnes auront en effet toujours besoin de s’en remettre au juge pour trancher leur différend. Les justiciables ne sont pas « tous coulés dans le même moule » et la possibilité ouverte à ceux-ci de pouvoir choisir la voie judiciaire ou l’un des modes alternatifs, pour régler le conflit auquel ils sont confrontés, constitue assurément un atout. Il n’existe pas une seule et unique manière de résoudre une situation. Vouloir contraindre et forcer les personnes à entreprendre un mode amiable de règlement de leur litige, à l’encontre de leur volonté, nous paraît une attitude rigide et peu soucieuse des besoins fondamentaux des personnes en présence, alors que l’essence même des modes alternatifs est précisément d’offrir une large place à l’écoute de ceux-ci.
A PROPOS DES AUTEURS
Sous la direction de Olivier Caprasse, de nombreux auteurs ont participé à l'élaboration de cet ouvrage : Anne-Marie Boudart, Benoît Kohl, Pierre-Paul Renson, Alexandre Rigolet et Carine Vander Stock.
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Modes alternatifs de règlement des conflits - Olivier Caprasse
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Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles© 2017, Anthemis s.a. – Liège
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Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.
Dépot légal : D/2017/10.622/51
ISBN : 978-2-8072-0488-1
Mise en page : Communications s.p.r.l.
ePub : Communications s.p.r.l.
Couverture : Vincent Steinert
Sommaire
1 – La médiation : comment remettre l’ouvrage vingt fois sur le métier ?
Pierre-Paul Renson, avocat spécialiste en droit des biens, médiateur agréé en matière civile et commerciale, signataire de la charte de droit collaboratif, collaborateur scientifique à l’U.C.L., secrétaire de la commission fédérale de médiation
2 – Le droit collaboratif à l’aube de sa reconnaissance légale ?
Carine Vander Stock et Anne-Marie Boudart, avocates au barreau de Bruxelles, médiatrices familiales agréées, signataires de la charte de droit collaboratif
3 – Le droit de l’arbitrage après la loi « pot-pourri iv »
Olivier Caprasse, professeur à l’ULiège et à l’U.L.B., avocat au barreau de Bruxelles
4 – La tierce décision obligatoire, un mode alternatif de règlement des litiges
Benoît Kohl, professeur ordinaire à l’ULiège, avocat au barreau de Bruxelles
Alexandre Rigolet, assistant à l’ULiège, avocat au barreau de Bruxelles
1
La médiation : comment remettre l’ouvrage vingt fois sur le métier ?
Pierre-Paul Renson
avocat spécialiste en droit des biens
médiateur agréé en matière civile et commerciale
signataire de la charte de droit collaboratif
collaborateur scientifique à l’U.C.L.
secrétaire de la commission fédérale de médiation
Sommaire
Introduction
Section 1
Est-il judicieux de définir légalement la médiation ?
Section 2
Le champ d’application de la médiation doit-il être étendu (art. 1724 C. jud.) ?
Section 3
La médiation contractuellement obligatoire (art. 1725 C. jud.)
Section 4
Faut-il réformer certaines exigences minimales à remplir pour devenir médiateur agréé (art. 1726 C. jud.) ?
Section 5
Le titre de médiateur agréé doit-il être protégé ?
Section 6
Le Code judiciaire doit-il expressément exclure le cumul des fonctions de juge et de médiateur agréé ?
Section 7
Est-il nécessaire de réformer la structure et les missions de la commission fédérale de médiation (art. 1727 C. jud.) ?
Section 8
La confidentialité doit-elle être améliorée (art. 1728 C. jud.) ?
Section 9
Le caractère volontaire de la médiation (art. 1729 C. jud.) et les incitants
Section 10
La médiation est-elle moins onéreuse qu’un procès ?
Section 11
La prise en charge des coûts
Section 12
La demande de médiation
Section 13
Les effets de la médiation en matière de prescription et sur les procédures en cours
Section 14
De la prémédiation à la transcription de certains accords
Section 15
La responsabilité du médiateur agréé
Section 16
Faut-il légalement conférer à la négociation collaborative une protection similaire à la médiation ?
Conclusion
Introduction
1. La septième partie du Code judiciaire a fait couler beaucoup d’encre depuis son entrée en vigueur le 30 septembre 2005¹. Depuis 2007, nous avons modestement alimenté le débat en lui consacrant bon nombre de publications (sous divers formes et supports²), de cours et d’exposés. Il est loin le temps où le Professeur van Drooghenbroeck écrivait, très justement, en guise de préface des actes d’un premier colloque sous notre coordination, que « Voici presque quatre ans que ladite loi est entrée en vigueur. En vigueur ? Dire qu’elle est applicable serait plus judicieux. Sans laisser leur enthousiasme s’émousser, tous les signataires civilistes de ce livre concèdent l’absence de succès de la médiation auprès de ses véritables destinataires »³. Ainsi, plus de trois cents praticiens et théoriciens se réunirent le 15 septembre 2015, à Louvain-la-Neuve, pour contribuer activement aux premiers États généraux de la médiation et réfléchir à une probable réforme législative concernant ce mode alternatif de règlement des conflits.
2. Le mouvement est en marche, la médiation gagne peu à peu du terrain sur le « tout à la justice » et de plus en plus de praticiens se décident à franchir le pas soit en devenant médiateurs agréés, soit en assistant leurs clients en qualité de conseils en médiation. Rien d’étonnant donc à ce que la commission fédérale de médiation ait recensé, à la rentrée judiciaire 2017, quelque 1.650 médiateurs agréés en Belgique⁴. Il n’en demeure pas moins que l’ignorance des spécificités de la médiation est encore largement répandue, entre autres, dans la population. Ceci est d’autant plus regrettable que l’immense majorité des justiciables reste dans l’attente d’une réponse concrète à la crise de confiance dont elle fait montre, depuis de nombreuses années, à l’égard de la justice⁵. Ainsi, en 2016, 67,2 % des citoyens ayant eu affaire à la justice⁶ estiment que les juges ne traitent pas les citoyens de manière égale⁷. Pire, 25 % des justiciables ayant déjà été en contact avec un tribunal considèrent, comme 24,1 % des avocats et 1 % des magistrats, que les juges enveniment le conflit. C’est à ce point grave que 25,6 % des justiciables et 15,2 % des avocats sont d’avis qu’un robot rendrait des décisions plus objectives.
3. La présente contribution a deux objectifs principaux. D’une part, expliciter, de manière théorique et pratique, les articles 1724 à 1737 du Code judiciaire. D’autre part, contribuer à la réflexion initiée en 2015 à propos d’une probable réforme en profondeur de la septième partie du Code judiciaire. Cette contribution a plusieurs niveaux de lecture afin de satisfaire non seulement les médiateurs agréés, les conseils en médiation, les magistrats, mais aussi les béotiens.
Section 1
Est-il judicieux de définir légalement la médiation ?
A. Ce qui distingue la médiation au sens de la septième partie du Code judiciaire des autres MARC
1. Médiation et conciliation
4. Bon nombre de justiciables, mais aussi de praticiens, peinent à distinguer la médiation des autres modes alternatifs de règlement des conflits (MARC en abrégé⁸). L’amalgame le plus fréquent concerne la médiation et la conciliation. Alors que la loi du 21 février 2005 a consacré le caractère volontaire⁹ et confidentiel¹⁰ de la médiation, la conciliation est de longue date légalement obligatoire dans certains cas¹¹ et non confidentielle par nature. Néanmoins, le législateur a exceptionnellement conféré un caractère confidentiel à certaines formes de conciliation, par exemple à propos de tout ce qui se dit ou s’écrit au cours des audiences de règlement amiable au sein du tribunal de la famille¹². La réforme annoncée de la septième partie du Code judiciaire consacrée à la médiation pourrait, par ailleurs, rendre cette dernière obligatoire dans certains cas¹³. Il n’en demeure pas moins que « le rôle de conciliateur est inhérent à la fonction du juge »¹⁴, contrairement à celui de médiateur. Soulignons, enfin, que bon nombre de conciliations illustrent encore, pour l’heure, le recours à la négociation sur position¹⁵, qui est une technique inappropriée dans l’immense majorité des cas.
2. Médiation et arbitrage
5. La médiation se distingue également de l’arbitrage. La première est consacrée par la septième partie du Code judiciaire¹⁶, alors que le second est réglé par la sixième partie du même Code¹⁷. Le médiateur agréé n’a aucun pouvoir décisionnel quant à l’issue du différend¹⁸. À l’inverse, le rôle du tribunal arbitral est, en principe, de trancher le litige conformément aux règles de droit choisies par les parties comme étant applicables en l’espèce¹⁹. À cette fin, il rendra une décision appelée « sentence arbitrale », qui pourra faire l’objet d’une exécution forcée moyennant le respect préalable de certaines formalités procédurales (de la compétence du tribunal de première instance)²⁰. Contrairement à la médiation, l’arbitrage présente un risque financier non négligeable pour les parties. L’arbitre doit, en effet, décider à qui incombe les frais. Or, ces derniers comprennent, sauf convention contraire, « les honoraires et frais des arbitres et les honoraires et frais des conseils et représentants des parties, les coûts des services rendus par l’institution chargée de l’administration de l’arbitrage et tous autres frais découlant de la procédure arbitrale »²¹.
3. Médiation sensu stricto et médiation institutionnelle
6. Rares sont les justiciables qui distinguent clairement la médiation au sens de la septième partie du Code judiciaire et la médiation institutionnelle²². Contrairement à certains « médiateurs » institutionnels, les médiateurs agréés n’ont ni pour mission ni pour compétence de trancher le litige dans lequel ils interviennent²³. De plus, les « médiateurs » institutionnels ne remplissent pas les conditions d’indépendance, d’impartialité et de neutralité requises des médiateurs agréés²⁴. Enfin, les médiateurs agréés sont soumis à la confidentialité et au secret professionnel de telle manière qu’ils sont dans l’impossibilité d’établir un rapport annuel précis et détaillé des dossiers dans lesquels ils sont intervenus²⁵.
4. Autres formes de « médiation »
7. La médiation au sens de la septième partie du Code judiciaire est également étrangère à d’autres institutions qualifiées de « médiation » (sensu lato), telles que la médiation de dette²⁶ et la médiation pénale²⁷. Ainsi, contrairement à la médiation volontaire ou judiciaire, la médiation pénale dépend non seulement de l’accord des parties, mais aussi de l’accord d’un tiers, le procureur du Roi. Elle requiert la réparation du dommage. Ce à quoi la victime d’un préjudice pourrait renoncer dans le cadre d’une médiation volontaire ou judiciaire²⁸. La médiation pénale se distingue, par ailleurs, de la médiation volontaire ou judiciaire en ce qu’elle n’est, en principe, pas menée par un médiateur agréé et en ce que la confidentialité prête à discussion, entre autres, dans la mesure où elle n’est pas expressément confirmée par le Code d’instruction criminelle²⁹.
5. Médiation et négociation collaborative
8. S’il est préférable d’être assisté par un avocat en médiation³⁰, ce n’est pas obligatoire. La négociation collaborative est, quant à elle, un processus consensuel et structuré auquel recourent les parties afin de régler amiablement leur différend en étant assistées d’avocats qui ont suivi une formation spécialisée et qui s’engagent à se décharger de leur mission en l’absence d’accord transactionnel entre parties³¹. Contrairement à la médiation, la négociation collaborative exclut tout recours à un tiers indépendant, impartial et neutre dont la fonction est strictement réglementée.
B. Une pluralité de définitions de la médiation
9. En 2003, la médiation fut définie de manière succincte par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone³² comme étant « un processus volontaire et confidentiel de gestion des conflits par lequel les parties recourent à un tiers indépendant et impartial, le médiateur »³³. Les auteurs de la loi du 21 février 2005 ont préféré, quant à eux, s’abstenir de définir expressément ce mode alternatif de règlement des conflits³⁴. Il ressort toutefois des travaux préparatoires que la médiation est « un processus de concertation entre parties désireuses d’y recourir sur une base volontaire »³⁵. Relevons également que la directive du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale définit la médiation en ces termes : « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur »³⁶.
10. Parmi les nombreuses définitions doctrinales, rappelons que nous avons proposé de retenir que la médiation est un processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties entre lesquelles il existe un différend géré par un tiers neutre, indépendant et impartial, qui n’a aucun pouvoir juridictionnel et dont le rôle consiste avant tout à créer les conditions nécessaires pour (r)établir ou faciliter la communication entre parties, mais aussi à inciter celles-ci à redéfinir leurs relations, entre autres en les aidant à trouver elles-mêmes une ou plusieurs solutions au différend et à en sélectionner une³⁷.
C. Pourquoi définir légalement la médiation ?
11. Si le procédé est relativement singulier, envisager de consacrer une définition légale de la médiation aurait le mérite d’éviter les confusions sémantiques. La difficulté de l’exercice réside dans la nécessité de rappeler, de manière simple et concise, les spécificités qui distinguent la médiation au sens de la septième partie du Code judiciaire des autres MARC (la conciliation, l’arbitrage, la négociation collaborative, etc.) et plus spécialement des autres formes de « médiation » qui lui sont étrangères (notamment la médiation institutionnelle, la médiation de dette et la médiation pénale). Dans ce cadre, contrairement à l’avis exprimé par plusieurs membres de la commission fédérale de médiation (C.F.M. en abrégé) à l’occasion de la rédaction (en 2015-2016) d’un avant-projet de loi visant à réformer la septième partie du Code judiciaire, nous avons estimé que notre définition doctrinale n’avait certainement pas vocation à être consacrée légalement³⁸. Si celle-ci a le mérite d’illustrer rapidement la complexité inhérente à tout processus de médiation, il n’en demeure pas moins que le trop est l’ennemi du bien dans la rédaction législative. Une définition légale de la médiation devrait néanmoins insister sur les exigences fondamentales d’indépendance, d’impartialité et de neutralité³⁹ que doit remplir tout médiateur agréé⁴⁰.
Section 2
Le champ d’application de la médiation doit-il être étendu (art. 1724 C. jud.) ?
A. Ratione materiae
12. Tout différend susceptible d’être réglé par transaction peut faire l’objet d’une médiation⁴¹. Le champ d’application de la médiation est donc particulièrement vaste puisque sont susceptibles d’être réglés par transaction, non seulement les litiges où les parties ont des prétentions contraires, voire contradictoires, auxquelles elles pourraient mettre fin volontairement moyennant des concessions réciproques, mais aussi les contestations à naître pour autant que les parties aient l’intention de les prévenir et qu’il y ait des concessions réciproques⁴² ⁴³.
13. Si l’on peut recourir à la médiation pour tenter de régler la plupart des conflits civils⁴⁴, un accord ne pourra être conclu en médiation que pour autant qu’il ne viole pas l’ordre public et les bonnes mœurs⁴⁵ ⁴⁶. Il est donc notamment exclu que des voisins s’accordent pour modifier sensiblement le relief du sol de leur héritage en l’absence de tout permis d’urbanisme⁴⁷. De même, l’accord de médiation ne peut avoir pour objectif, direct ou indirect, d’éluder l’impôt⁴⁸.
14. Rien ne justifie de déroger au principe actuellement acquis selon lequel un accord ne pourra être conclu en médiation que pour autant qu’il ne viole pas l’ordre public et les bonnes mœurs. Il serait, par contre, opportun de revoir le libellé de l’article 1724 du Code judiciaire en supprimant la liste de matières susceptibles de médiation car celle-ci induit en erreur certains justiciables sur son caractère simplement illustratif⁴⁹. À cette occasion, le législateur pourrait également confirmer que la médiation est susceptible de régler des différends transfrontaliers.
B. Ratione personae
15. Toute personne capable de transiger peut participer à une médiation. Rappelons cependant que le Code judiciaire, en ce qu’il exige toujours une loi ou un arrêté délibéré en conseil des ministres pour autoriser les personnes morales de droit public (l’État, les communautés, les régions, les provinces, les communes, etc.) à participer à une médiation volontaire ou judiciaire⁵⁰, viole le droit européen depuis le 21 mai 2011⁵¹. Si l’on peut soutenir que l’article 1er de la directive européenne 2008/52/CE dispose d’un effet direct qui imposerait à tout juge et à toute autorité administrative⁵² d’appliquer directement l’autorisation faite par la directive aux personnes morales de droit public de recourir à la médiation volontaire ou judiciaire pour résoudre certains de leurs litiges transfrontaliers⁵³, cela ne règle pas en tant que tel le sort des litiges internes⁵⁴. Or, on voit mal ce qui justifierait de traiter différemment le recours à la médiation selon que le différend est transfrontalier ou interne⁵⁵. Partant, il y a lieu de modifier l’article 1724 du Code judiciaire afin que les autorités publiques soient autorisées, sans restriction, à participer à une médiation menée par un médiateur agréé.
Section 3
La médiation contractuellement obligatoire
(art. 1725 C. jud.)
A. Principe
16. Toute personne peut contractuellement prévoir qu’en cas de différend suscité par la formation, l’exécution, l’interprétation et/ou la rupture du contrat, une médiation devra être mise en mouvement préalablement à tout autre mode de règlement des conflits⁵⁶. Cette clause dite de médiation, qui ne fait nullement obstacle aux mesures conservatoires et provisoires⁵⁷, permet d’obtenir la suspension temporaire de l’examen de l’affaire par l’arbitre ou le juge saisi, tant qu’une médiation n’a pas été tentée, et ce pour autant que ce moyen soit soulevé au début du procès, avant tout autre argument, que la clause soit valable et qu’elle n’ait pas pris fin en ce qui concerne le différend⁵⁸.
B. Effets d’une clause de médiation
17. La clause de médiation crée une obligation personnelle à charge des parties⁵⁹. Les successeurs universels (c’est-à-dire ceux qui ont vocation à recueillir la totalité du patrimoine du défunt) ou à titre universel (c’est-à-dire ceux qui ont vocation à recueillir une fraction du patrimoine du défunt) des parties devront également respecter cette clause, pour autant que le décès ne soit pas une cause d’extinction du contrat. En effet, de tels héritiers sont censés poursuivre, juridiquement, la personnalité du défunt, de telle manière qu’ils sont assimilés aux parties contractantes⁶⁰.
C. Illustration – Le cas de la copropriété
18. La copropriété est l’un des terreaux particulièrement fertiles pour la médiation. Mais peut-on imposer le recours à la médiation dans les statuts et dans le règlement de copropriété ? L’article 577-4, § 4, du Code civil répute « non écrite, toute clause des statuts qui confie à un ou plusieurs arbitres le pouvoir juridictionnel de trancher des conflits qui surgiraient concernant l’application de la présente section ». Considérant que tout ce qui n’est pas interdit est permis et que l’arbitrage diffère significativement de la médiation, aucune disposition légale ne s’oppose à l’inclusion d’une clause de médiation dans les statuts⁶¹. Bien au contraire, l’efficacité, la rapidité et le coût modéré des médiations civiles plaident en faveur de l’inclusion de pareille clause dans les statuts.
Le règlement de copropriété comprend la description des droits et des obligations de chaque copropriétaire quant aux parties privatives et aux parties communes⁶². Puisque la formation, l’exécution et l’interprétation des règlements de copropriété donnent lieu à de multiples différends, il serait judicieux de généraliser l’inclusion de clauses de médiation dans pareils règlements, étant rappelé que « toute disposition du règlement d’ordre intérieur […] (peut) être directement (opposée) par ceux à qui elles sont opposables […] (à) toute personne titulaire d’un droit réel ou personnel sur l’immeuble en copropriété »⁶³, et ce moyennant le respect des conditions visées par l’article 577-10, § 4, du Code civil.
L’inclusion d’une clause de médiation peut également s’avérer opportune dans les contrats conclus entre la copropriété et les tiers, qu’il s’agisse d’entreprises de nettoyage, d’entreprises de construction, d’architectes, d’avocats ou autres⁶⁴.
D. L’attrait et la rédaction d’une clause de médiation
19. L’attrait d’une clause de médiation est, entre autres, de préserver les relations entre les parties et de limiter, autant que faire se peut, les aléas, le coût et la durée du règlement des différends. Ainsi, afin d’éviter toute difficulté d’exécution ou d’interprétation de pareille clause, il est opportun de préciser dans celle-ci l’identité du ou des médiateurs agréés auxquels les parties acceptent de soumettre tout éventuel différend. Dès l’instant où chaque médiateur agréé peut ne pas être en mesure de prendre en charge l’un ou l’autre conflit et où il est susceptible de renoncer à son agrément, ou de se le voir retirer par la C.F.M., il est judicieux d’inclure dans la clause de médiation une liste de médiateurs agréés et de préciser que l’intervention de tout médiateur recensé dans cette liste est conditionnée par le maintien de son agrément⁶⁵. Le cas échéant, l’on spécifiera également l’ordre d’intervention des médiateurs choisis d’un commun accord⁶⁶. Pour parer à toute éventualité, l’on peut enfin charger un tiers de désigner un médiateur dans l’hypothèse où aucun des médiateurs choisis contractuellement ne serait en mesure d’intervenir, et de préciser qu’à défaut pour ce tiers de remplir sa mission dans un délai déterminé, les parties s’accorderont elles-mêmes sur le nom du médiateur auquel elles soumettront leur différend⁶⁷.
20. La rédaction d’une clause de médiation n’est pas chose aisée. Il serait d’ailleurs hasardeux de reproduire sans nuance une clause trouvée au hasard de diverses lectures (sur internet par exemple)⁶⁸. Partant, qui mieux qu’un avocat veillera lors de la rédaction de pareille clause à éviter toute difficulté d’exécution ou d’interprétation⁶⁹ ?
Section 4
Faut-il réformer certaines exigences minimales à remplir pour devenir médiateur agréé (art. 1726 C. jud.) ?
A. La distinction entre les médiateurs agréés et les autres médiateurs
1. Principe
21. Deux catégories de médiateurs coexistent : les médiateurs agréés et les médiateurs qui ne disposent d’aucun agrément. Si tout un chacun peut être médiateur, l’obtention d’un agrément ne peut se faire que moyennant le respect de conditions strictes⁷⁰.
22. Il se déduit de l’article 1727, § 4, du Code judiciaire – qui règle la composition de la commission fédérale de médiation – qu’une spécialisation des médiateurs est prévue, pour l’heure, selon qu’ils interviennent en matières familiale, civile et commerciale, ou sociale. Rappelons, de manière succincte, que :
–les litiges en matière familiale résultent des relations familiales, en ce compris les unions libres ;
–les différends en matière civile et commerciale ⁷¹ portent sur le droit des biens et le droit des obligations ;
–les conflits en matière sociale sont liés aux relations de travail ⁷².
La frontière entre les trois spécialités reconnues n’est pas toujours évidente à cerner⁷³. Ainsi, un conflit entre concubins relatif à l’hébergement des enfants communs relève de la compétence d’un médiateur agréé en matière familiale. Par contre, un différend qui oppose deux concubins à propos de la vente d’un immeuble commun relève, en principe, de la compétence d’un médiateur agréé en matière civile⁷⁴.
2. Les exigences requises de tout candidat médiateur agréé
23. Aux termes de l’article 1726 du Code judiciaire, le candidat médiateur agréé doit au minimum :
« 1° posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ;
2° justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ;
3° présenter les garanties d’indépendance et d’impartialité nécessaires à l’exercice de la médiation ;
4° ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation inscrite au casier judiciaire et incompatible avec l’exercice de la fonction de médiateur agréé ;
5° ne pas avoir encouru de sanction disciplinaire ou administrative, incompatible avec l’exercice de la fonction de médiateur agréé, ni avoir fait l’objet de retrait d’agrément »⁷⁵.
24. La C.F.M. a précisé, quant à elle, que le candidat médiateur agréé doit également :
–« soit avoir suivi avec succès une formation du niveau bachelor conformément à l’accord de Bologne, ou équivalent, avec en