Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Audimat - Revue n°5: Revue de critique musicale
Audimat - Revue n°5: Revue de critique musicale
Audimat - Revue n°5: Revue de critique musicale
Livre électronique158 pages2 heures

Audimat - Revue n°5: Revue de critique musicale

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Découvrez le numéro 5 d'Audimat, une revue musicale qui transcende l'actualité pour apporter un regard de fond sur la musique !

Dans ce numéro :

• « The Blue Nile, un artisanat de l'artifice », Frédéric Junqua
• « Critique moderne et révisionnisme pop », James Parker & Nicholas Croggon
• « Gangsta-Rap : un post-scriptum (2005-2015) », Pierre Evil & Fred Hanak
• « Le hip-hop des 90s ou l'illusion du sacré », Laurent Fittoni
• « L’inclassique Olivier Greiff », Quentin Delannoi
• « Le grand complot des presets », Stefan Goldmann

Un discours critique exigeant sur la pop music, son histoire, son écoute et sa diffusion dans le monde.

EXTRAIT

Ça continue : c’est le cinquième volume d’Audimat — le sixième si on compte notre « mythique » numéro zéro sorti en 2012. Nous continuons, grands fous, à vouloir diffuser dans les écrits que nous publions la même intensité de sentiment et de pensée que nous éprouvons à écouter et à partager la musique. Nous persistons à croire que l’expérience sonore peut être aisément retranscrite par des phrases, à prétendre que l’approche factuelle résignée de la presse spécialisée n’est qu’un pur hasard. Pour ne rien arranger, nous avons le bon goût de devenir toujours plus intransigeants avec nos auteurs. Est-ce que ce choix de forme convient vraiment à ce qui cherche à être dit ? Ce passage n’est-il pas un peu too much, voire over-the-top ? N’aurait-on pas déjà lu ailleurs ce genre d’idées, exprimées avec moins de manières ? Ou aussi parfois : est-ce en fait si grave que l’écriture de tel ou tel nous paraisse un peu trop précieuse ou un peu trop « daronne », puisqu’en l’état le résultat nous électrise de joie ?

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un effort éditorial inédit : des textes sur la musique en long format qui abordent des sujets souvent pointus tout en évitant l’obscurantisme. - GQ

Une grande réussite grâce à des textes passionnants. - Global Techno

La revue est vraiment stimulante et se lit d’un bout à l’autre sans ennui. - L’éditeur singulier

Audimat se lit avec suffisamment d’intérêt et d’excitation pour qu’aucune ligne ne soit laissée de côté. - Noise

Audimat enterre définitivement les problématiques typiques de la génération des baby-boomers comme « Existe-t-il une critique rock ? » - Magic

À PROPOS DE LA REVUE

Audimat est une revue de critique musicale éditée par le festival Les Siestes Électroniques.
Notre projet : une écriture sur la musique libérée des contraintes d‘actualité et des formats de la presse périodique. Audimat veut rendre compte de la situation actuelle de la pop music, et l‘éclairer par son histoire. Il s’agit de recenser ce qui se passe, d‘aller s‘entretenir avec la musique et son évolution, de se plonger méthodiquement dans l‘expérience musicale, et dans ce qu‘elle implique sur le plan des médiations, de l’imaginaire, de la société, de la pensée, de l’affectivité.
LangueFrançais
Date de sortie19 févr. 2018
ISBN9782954786742
Audimat - Revue n°5: Revue de critique musicale

En savoir plus sur Collectif

Auteurs associés

Lié à Audimat - Revue n°5

Livres électroniques liés

Musique pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Audimat - Revue n°5

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Audimat - Revue n°5 - Collectif

    Copyright

    Édito

    Ça continue : c’est le cinquième volume d’Audimat — le sixième si on compte notre « mythique » numéro zéro sorti en 2012. Nous continuons, grands fous, à vouloir diffuser dans les écrits que nous publions la même intensité de sentiment et de pensée que nous éprouvons à écouter et à partager la musique. Nous persistons à croire que l’expérience sonore peut être aisément retranscrite par des phrases, à prétendre que l’approche factuelle résignée de la presse spécialisée n’est qu’un pur hasard. Pour ne rien arranger, nous avons le bon goût de devenir toujours plus intransigeants avec nos auteurs. Est-ce que ce choix de forme convient vraiment à ce qui cherche à être dit ? Ce passage n’est-il pas un peu too much, voire over-the-top ? N’aurait-on pas déjà lu ailleurs ce genre d’idées, exprimées avec moins de manières ? Ou aussi parfois : est-ce en fait si grave que l’écriture de tel ou tel nous paraisse un peu trop précieuse ou un peu trop « daronne », puisqu’en l’état le résultat nous électrise de joie ?

    Dans ce numéro, il sera ainsi question d’un groupe dont a longtemps voulu qualifier la musique de sophisti-pop pour yuppies mélancoliques, The Blue Nile, mais dont Frédéric Junqua révèle des racines moins évidentes. On reviendra aussi sur le destin du gangsta rap au cours de ces dix dernières années, grâce à deux anciens universitaires en conditionnelle, Pierre Evil et Fred Hanak. On abordera également, avec Laurent Fintoni, la problématique nostalgie d’une frange de la communauté hip-hop pour le son new-yorkais des années 1990. Quentin Delannoi nous parlera d’un compositeur de musique classique méconnu et mort prématurément, Olivier Greif, passé par l’hindouisme et les rengaines pop. Deux auteurs basés à Melbourne, James Parker et Nicholas Croggon, s’intéresseront quant à eux au réflexe rétromaniaque de la critique musicale contemporaine. Pour finir, ce sera une interview de l’influent concepteur de logiciels Mike Daliot, ancien de chez Native Instruments, extraite du livre Presets – digital shortcuts to sound, coordonné par le producteur techno Stefan Goldmann.

    L’idée même d’une revue comme Audimat, c’est de demander à plusieurs personnes d’écrire sur des choses auxquelles elles croient profondément sans bien savoir si elles arriveront à transmettre leur passion, ni à isoler le précipité de leur conviction. Comme nous parlons de musique, le matériau sur lequel repose cet échange est d’autant plus vacillant, parfois presque inexistant. Mais comme lorsque l’on croise par hasard dans une foule le regard de celle ou celui qu’on aime, cette communication du miracle est pourtant possible, imaginable.

    On a longtemps cru avoir rêvé The Blue Nile. Personne ne nous avait jamais parlé de ces Écossais, cousins éloignés de Talk Talk ou d’Aztec Camera, ni de leur élégant désespoir, de cette pop faussement ligne claire, très mélancolique et très produite. Rien, dans leur effondrement serein, mouillé, presque fade à force de retenue, ne semblait avoir existé. Aussi a-t-on cru revivre le songe lorsqu’on a l’an dernier entendu leur chanson « From a Late Night Train » discrètement placée en arrière-fond d’une scène de Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin. Mais il s’agissait bien de la voix du crooner malgré lui Paul Buchanan et des claviers alors dernier cri de Paul Moore qui scintillaient dans l’aube roubaisienne accompagnant les deux jeunes héros de l’histoire. On a donc contacté, sans trop savoir quoi lui dire, le superviseur musical du projet, Frédéric Junqua, qui nous a appris quil était aussi écrivain, et à moitié écossais. Il devenait alors difficile de ne pas lui demander un article sur The Blue Nile pour Audimat. Le texte qu’il nous a donné ne se contente pas de palper la réalité du trio de Glasgow : il décrit les éléments moraux, sociaux ou techniques que fait résonner leur musique. Et surtout, il plonge sans crainte au cœur de l’attachement irraisonné qu’elle déclenche.

    Ce fut une chapelle d’artistes polyvalents en butte aux pesanteurs académiques d’un XIXe siècle qui finissait. L’École de Glasgow comporta un noyau énergisant de quatre personnalités, The Four, raillés comme ralliés sous le nom de « Spook School ». Leur agent en chef, Rennie Mackintosh, se distingua, architecte inspiré dans son travail influent par des traits du japonisme tels que la retenue des volumes, l’économie de moyens, la modestie des effets, la diversité des textures, les entrées généreuses en jour et ainsi de suite. Son style propre valorise l’espace, le jeu de l’ombre et de la lumière, organise une continuité entre le tracé rectiligne des masses et les ornements intérieurs aux formes soufflées par la nature. On y pratique un culte, si l’on veut, voué à l’accomplissement d’un artisanat porté au pinacle, entier versé dans une soif de calme et de paix. Cet écheveau souple de principes et disciplines semble avoir servi de ressort aux musiciens écossais assemblés en groupe sous le nom de The Blue Nile, partant leur capacité organique à suspendre le temps et à déplier l’espace puis, grâce à l’admiration qu’ils suscitent, à les traverser. Sous le couvert d’une atmosphère éthérée où palpitent une basse replète et une rythmique simple, leur musique bouillonne d’un questionnement anxieux sur le désir et l’amour, leur irrémédiable dissolution.

    Dans l’ethos qui guida la fabrication tortueuse de quatre albums un rien disparates, on repère au moins trois des principes de la confrérie préraphaélite, laquelle aussi a rapport au japonisme et anima la cristallisation du « Glasgow Style ». L’on ne sait mieux que les promouvoir, aussi je paraphrase : avoir des idées originales et vraies, se donner les moyens de les exprimer de manière sincère et droite, se consacrer à une production de la plus haute qualité. La transparence, la fluidité, la minutie, la netteté chromatique, le goût du détail franc, l’ordonnancement raffiné des compositions du groupe font comme un écho à l’apanage des Préraphaélites, jusqu’à en reproduire les marqueurs psychologiques de la détermination, du cœur, de la fusion créative exclusive résultant d’un vortex expérimental, dont l’obstacle déclencheur aura été l’absence paradoxale de compétence formelle. Comment enfin ne pas déceler en partage des uns et des nôtres le sceau d’un romantisme échevelé, propre à la jeunesse et aux capacités transformatrices de la musique au Royaume-Uni ? On vérifierait que l’auteur et interprète Paul Buchanan a étudié la littérature et l’histoire du Moyen Âge, et l’on connaît déjà l’obsession primordiale pour la culture médiévale des Préraphaélites, tandis que ses partenaires suivaient les mathématiques et l’électronique, nommément Robert Bell et Paul Joseph Moore. De jeunes hommes éduqués issus d’un cursus où l’art et la technique vont de pair : une alliance féconde reçue en héritage des réflexions agitées par le mouvement Arts & Crafts, dont The Blue Nile exprimerait un pendant musical.

    À cent ans de distance, la formation s’absorbe d’un modernisme circonspect, celui des années 1980 naissantes. Leur désir d’innovation, puisant autant à l’impéritie qu’à l’intention, se résume à l’approche fonctionnelle et pragmatique d’un artisanat avide d’apprentissage de formes pures et de nouvelles technologies effectives : comment avancer ? Ainsi de nouvelles perspectives qui selon toute probabilité empruntent à la vie en ville et aux aspirations abstraites d’une classe moyenne cultivée, affranchie du labeur industriel que ravage l’obstination thatchérienne. On les imagine conscients de leurs efforts, animés d’une attention modeste au processus de fabrication, bientôt l’ingénieur du son prendra toute sa place aux côtés des interprètes. On soupçonne un rejet pratique du conventionnel ou du préfabriqué en quête de sons et de traitements inusités. On agrée dans l’écriture l’esquive du réalisme blafard au moyen d’une poésie abstraite, cajolant quelque moment pioché à rebours d’une urbanité pressée et, surtout, les passions qui brûlent et consument.

    Glasgow n’est pas Londres, ce n’est pas tout à fait la ville anonyme, la vie universitaire y est pédestre, ce sera le tempo des morceaux. Par le truchement des grands ensembles dressés lors de la rénovation urbaine, la cité du Nord est aussi une agglomération post-industrielle humide rehaussée d’électricité chatoyante. Un théâtre de fictions éparses, un patchwork de carreaux éclairés au petit matin, un creuset de sonorités mécaniques — un folklore métallique. C’est en cela que dépourvus de la maîtrise des instruments traditionnels du rock, quoique envieux de la fougue du punk, les impétrants au départ en bricolent d’autres, synthétiques : des pads de fortune au déclenchement capricieux ou des boîtes à rythme pré-programmées. Bientôt, et cette concordance dans l’avènement est au cœur de l’intégrité des sonorités du groupe, The Blue Nile exploite l’authenticité de synthétiseurs analogues polyphoniques sophistiqués, le Jupiter-8 de Roland, pour Hats, sa variante le Juno-106, ainsi que les innovations illimitées d’échantillonneurs séquenceurs numériques de légende, les ruineux quoique révolutionnaires Fairlight CMI. Le programme : embrasser la machine et s’armer de discernement, la plier à une vision exacte.

    Alors The Blue Nile façonne un lexique sonore synthétique sincère dont l’élan intemporel n’a pas encore percuté le mur du désenchantement. Ce fut peut-être l’ultime âge de l’innocence pour les jeunes hommes britanniques, que favorisent une bohème soutenable, le coût abordable des premiers matériels, les studios montés par la jeune garde des ingénieurs du son, avant que l’industrie ne s’abîmât défoncée dans l’avalanche de cash forcissant sans discontinuer jusqu’à la banqueroute morale et financière de la fin des années 1990. Certes il faut encore passer par les fourches caudines des managers, labels et éditeurs, des radios et de la presse, encore qu’après la secousse punk les officines laissent la bride sur le cou des formations qui vont éclore partout dans le royaume, vitalisées par le punk dont elles retiennent le sens de la débrouille et l’éclectisme des débuts, avant, décidément, que la faction aggro ne se saborde en surenchère tabloïd. The Blue Nile se constitue sur le terreau d’une new wave, dans ses penchants romantiques, et d’un post-punk, aux ramifications glam et kraut.

    Le terrain sonique n’était pas vierge. Il avait été dégagé par les bourrasques sévères d’Ultravox (Systems Of Romance, 1978), les comptines euphorisantes d’OMD (Orchestral Manoeuvres In The Dark, 1980), l’habitus cyborg de Gary Numan (The Pleasure Principle, 1979), le psychédélisme angulaire de Simple Minds (Real To Real Cacophony, 1979). Il avait été défriché par leurs inspirateurs Kraftwerk, Neu ! ou Cluster, dont l’ingénieur du son Konrad « Conny » Plank fut un rouage capital de la new wave et de la synth pop anglaises. Ces groupes fixent un horizon avant-gardiste, ballardien. Les titres abrupts de leurs morceaux sont autant d’injonctions paradoxales à célébrer ravis le zeitgeist. Leurs déferlantes soniques vampent les quotidiens alors nonchalants, tantôt sémillantes tantôt âpres, sans doute pour nous subjuguer, alors que tout autour rage la dislocation des anciennes communautés fragilisées par le chômage, la pauvreté et le racisme.

    The Blue Nile est donc loin de ces préoccupations. Il y a bien l’utilisation des synthétiseurs et des boîtes à rythmes mais l’approche pop et la dynamique rythmique sont négligées. Les motifs circulaires, la tentation de scies émoussées, l’oubli du chorus ou de la variation, les nappes persistantes, les notes isolées, les pizz à la Bartók, la cadence lancinante, cette sorte de motorik défait, l’ample ligne de basse, tout œuvre à générer un groove alangui et trouble, disjoint, parfois une disco dépareillée, un funk blanc et métallique sur portées de violons rêches, où se déploie à coups d’ailes le croon tourmenté de Paul Buchanan. Bref, une atmosphère, une profondeur, une romance — un vécu ? De cette voix de baryton on a dit qu’elle captait quelque chose du Sinatra tardif, de Bowie ou de Walker, sans qu’elle cédât au feulement de Ferry — on résume : une voix de velours caressé à contre-fil. Peu à peu on accoste la soul, dont les complaintes de The Blue Nile, languissantes ou haletantes de désir ardent, comme mises bas à contrecœur par leurs géniteurs, conservent les emprunts au jazz, la grâce involontaire, la part

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1