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Audimat - Revue n°4: Revue de critique musicale
Audimat - Revue n°4: Revue de critique musicale
Audimat - Revue n°4: Revue de critique musicale
Livre électronique176 pages2 heures

Audimat - Revue n°4: Revue de critique musicale

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À propos de ce livre électronique

Découvrez le numéro 4 d'Audimat, une revue musicale qui transcende l'actualité pour apporter un regard de fond sur la musique !

Dans ce numéro :

• « Contre les Tops 10 », Drew Daniel
• « Français, deuxième langue », Agnès Gayraud
• « Ghoulardi, premier punk de l’Ohio », David Thomas
• « Une histoire d’Ocora », Étienne Menu
• « L’âge d’or de la techno-pop japonaise », Olivier Lamm
• « À propos de Plastics », W. David Marx
• « L’ère du glitch » ; Olivier Quintyn
• « "Le" free jazz n’existe pas », Francis Marmande

Un discours critique exigeant sur la pop music, son histoire, son écoute et sa diffusion dans le monde.

EXTRAIT

Contre la quantification du beau : treize raisons pour lesquelles je ne peux choisir mes treize disques préférés.

Pratique embarrassante du journalisme en ligne, contestable dans la forme comme dans le fond, les listicles (néologisme obtenu par la contraction des mots liste et article) sont le douloureux quotidien de l’amateur de musique du troisième millénaire. Attrape-clics, auto-promo, raccourcis problématiques... Ils condensent à eux seuls à peu près toutes les tares de la presse en ligne dédiée à la musique. En septembre 2014, dans les pages de The Quietus, Drew Daniel, moitié du duo électronique Matmos, professeur de littérature américaine et musicophage insatiable, retournait l’exercice, l’éventrait et en extirpait toutes les humeurs, pour mieux en exposer la profonde perversion.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un effort éditorial inédit : des textes sur la musique en long format qui abordent des sujets souvent pointus tout en évitant l’obscurantisme. - GQ

Une grande réussite grâce à des textes passionnants. - Global Techno

La revue est vraiment stimulante et se lit d’un bout à l’autre sans ennui. - L’éditeur singulier

Audimat se lit avec suffisamment d’intérêt et d’excitation pour qu’aucune ligne ne soit laissée de côté. - Noise

Audimat enterre définitivement les problématiques typiques de la génération des baby-boomers comme « Existe-t-il une critique rock ? » - Magic

À PROPOS DE LA REVUE

Audimat est une revue de critique musicale éditée par le festival Les Siestes Électroniques.
Notre projet : une écriture sur la musique libérée des contraintes d‘actualité et des formats de la presse périodique. Audimat veut rendre compte de la situation actuelle de la pop music, et l‘éclairer par son histoire. Il s’agit de recenser ce qui se passe, d‘aller s‘entretenir avec la musique et son évolution, de se plonger méthodiquement dans l‘expérience musicale, et dans ce qu‘elle implique sur le plan des médiations, de l’imaginaire, de la société, de la pensée, de l’affectivité.
LangueFrançais
Date de sortie19 févr. 2018
ISBN9782954786735
Audimat - Revue n°4: Revue de critique musicale

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    Aperçu du livre

    Audimat - Revue n°4 - Collectif

    Sommaire

    Édito

    Contre les Tops 10 – Drew Daniel

    Français, deuxième langue – Agnès Gayraud

    Ghoulardi, premier punk de l’Ohio – David Thomas

    Une histoire d’Ocora – Étienne Menu

    L’âge d’or de la techno-pop japonaise – Olivier Lamm

    À propos de Plastics – W. David Marx

    L’ère du glitch – Olivier Quintyn

    « Le » free jazz n’existe pas – Francis Marmande

    Copyright

    Édito

    Depuis son lancement, Audimat essaie de parler de ces choses « complexes » que sont les « émotions liées à la musique », pour paraphraser une des premières lignes de ce numéro. Nous pensons que ce n’est pas parce qu’il est simple de consommer des disques que l’on est obligé de négliger la densité de ce que l’on ressent en les écoutant. Tout comme la joie ou l’excitation procurée par un bon morceau ne doit dispenser de s’interroger sur l’interaction elle-même, sur ses ruses ou son usure.

    On le répète encore : être « pointu », comme disent les caves — ou disons plutôt être exigeant, précis, érudit, couper les cheveux en quatre, et donc retourner une évidence, examiner de très, très près une chanson ou un son, digresser ou s’emballer — est une démarche qui vise avant tout à varier, élargir et raffiner les expériences d’écoute et de partage. En les intensifiant, les renversant, les déclinant pour les éprouver différemment. Ce n’est rien d’autre, finalement, qu’une quête de sensations toujours plus riches.

    Audimat continue donc avec ce quatrième volume de préférer aux formules définitives auto-satisfaites des textes bien longs, bien touffus, dont il faut parfois relire des phrases pour être sûr de les avoir comprises. Pour ce nouveau numéro, nous avons voulu le retour de deux auteurs amis, Agnès Gayraud et Olivier Lamm, dont la sensibilité continue de résonner avec la nôtre. Mais nous avons également cherché à perméabiliser nos tissus. Aussi sommes-nous honorés d’avoir pu inviter quelqu’un comme Francis Marmande, même si c’est pour qu’il souligne au passage nos illusions. Nous avons également l’honneur de donner la parole à des musiciens, ce que sont également Agnès et Olivier : on retrouvera ainsi David Thomas, leader de Pere Ubu, et Drew Daniel du duo électronique Matmos.

    On va donc ici s’intéresser, en vrac, à une « new-wave » japonaise et à un label d’État dédié aux musiques traditionnelles. On s’interrogera sur l’existence du free jazz ou sur les natures du français chanté dans la pop. On exhumera le glitch de la fin des années 1990, mais aussi la carrière d’un animateur d’une télé régionale américaine qui, dans les sixties, a été la principale inspiration de la scène punk de l’Ohio. Et on commence donc, avec Drew Daniel, par démonter l’obsession des classements et des listes, dans un texte aux allures de statement, fragile mais volontaire, dans lequel nous nous reconnaissons forcément.

    Pratique embarrassante du journalisme en ligne, contestable dans la forme comme dans le fond, les listicles (néologisme obtenu par la contraction des mots liste et article) sont le douloureux quotidien de l’amateur de musique du troisième millénaire. Attrape-clics, auto-promo, raccourcis problématiques... Ils condensent à eux seuls à peu près toutes les tares de la presse en ligne dédiée à la musique. En septembre 2014, dans les pages de The Quietus, Drew Daniel, moitié du duo électronique Matmos, professeur de littérature américaine et musicophage insatiable, retournait l’exercice, l’éventrait et en extirpait toutes les humeurs, pour mieux en exposer la profonde perversion.

    Il y a quelques semaines, The Quietus m’a demandé d’écrire pour sa rubrique « Baker’s Dozen » [« Treize à la douzaine »], un exercice léger consistant à choisir mes treize enregistrements préférés, à écrire un court paragraphe sur chacun d’entre eux, et voilà*, mission accomplie. Je me suis souvent prêté à ce genre d’exercice par le passé, alors pourquoi ne pas retenter ? Je me suis attelé à la tâche, passant mentalement en revue quelques-uns des disques qui ont compté pour moi, tapant quelques noms sur mon clavier. Puis, subitement, j’ai dû m’arrêter. Je ne pouvais pas continuer. Mon cerveau refusait obstinément cette idée, la recrachant comme une bouchée de nourriture avariée. J‘étais mal à l‘aise à l‘idée d‘alimenter le monceau de listes spécieuses qui jonchent désormais notre culture de la musique en ligne. Mal à l’aise de jouer à ce jeu-là avec quelque chose d’aussi complexe que mes émotions liées à la musique, d’isoler quelques élus, de laisser entendre que ces treize enregistrements seraient pour une raison ou pour une autre les meilleurs. Les meilleurs à quoi ? Dans quel but ? J’ai donc demandé à écrire plutôt sur ce rejet entêté, on m’a répondu que ça ferait l’affaire. Voici donc les treize raisons pour lesquelles, précisément, je refuse de choisir mes treize disques préférés.

    1. Promotionnel donc biaisé.

    Les musiciens qui évoquent leurs disques préférés peuvent être drôles, vulnérables et charmants : ils se fendent de lettres d’amour aux disques qui les ont sauvés, aidés, fait avancer, inspirés, bousculés, à ceux qui leur ont résisté ou à ceux qui leur sont restés farouchement inaccessibles mais vers lesquels sans cesse ils reviennent. Mais trop souvent, il ne s’agit que d’une énorme imposture : ces artistes réécrivent leur propre histoire, en façonnant leur image pour le lecteur, leur belle âme, leur « bon goût », leur accès à des choses rares et obscures, réservées aux initiés, leur pertinence sur la scène X ou leur statut de porte-parole d’une communauté Y. Les transactions « couverture médiatique contre travail » sont aujourd’hui monnaie courante dans cette nouvelle économie du partage ; les artistes produisent gratuitement du contenu pour les sites web, en échange d’une validation implicite de leur image publique par les sites en question. Il se dégage un âcre et nauséabond parfum de narcissisme lorsqu’un artiste écrit sur lui-même. Il ne fait aucun doute que listes et tops font office d’autoportraits indirects, et, dans un sens, d’exercices d’auto-marketing. Lana Del Rey susurrant dans « Brooklyn Baby », avec un détachement savamment étudié, qu’elle possède une « collection de disques de jazz rares » est un exemple douloureusement parlant. L’infortunée narratrice est transparente, c’est bien Lana qui parle. Faire ainsi publiquement étalage de ses goûts a quelque chose de suspect et de foncièrement intéressé.

    2. Le « disque préféré », une idée conceptuellement incohérente.

    Dans son essai « The Irreducible complexity of objectivity » [¹], la philosophe Heather Douglas soutient que le mot « objectivité » possède au moins huit acceptions distinctes, sans qu’aucune ne soit équivalente à une autre, et que toutes sont, pour reprendre ses mots, « opérationnellement accessibles ». On pourrait en dire autant du mot « préféré », en le décomposant en autant des sens qu’il peut adopter. L’expression « disque préféré » signifie-t-elle « un disque qui a eu un impact profond sur ma perception de ce que peut être la musique » ? Signifie-t-elle « un disque que j’ai adoré avec la plus grande intensité subjective à un moment-clé de ma vie » ? Signifie-t-elle « un disque dont l’acuité du propos en tant qu’œuvre d’art m’a frappé » ? Signifie-t-elle « un disque que j’écoute fréquemment et avec constance depuis des années » ? Signifie-t-elle « un disque dont je souhaite assurer la survie culturelle envers et contre tout » ? Chacun de ces sens envisageables appelle au moins une objection basique. Pourquoi les influences contextuelles de l’un devraient avoir du sens pour un autre ? Pourquoi s’y fier ? Que signifie la « réussite » quand on évoque une œuvre d’art ? Comment mesurer l’intensité d’une expérience esthétique ? Pourquoi le nombre d’écoutes serait-il à corréler avec la qualité ? Passé au tamis de tous ces sens particuliers, l’épithète « préféré » s’avère d’un manque de précision inquiétant. Si l’on considère le nombre incommensurable de ses définitions potentielles et l’improbabilité qu’un seul mot puisse les contenir toutes, le concept même de « disque préféré » est voué à une incohérence fatale et il serait plus avisé de l’abandonner.

    3. Une démarche en réalité souvent raciste ou sexiste...

    Sans donner de noms, on connaît tous ces Tops 10 dans lesquels un producteur mâle et blanc est censé produire une liste de ses albums préférés : il établit alors consciencieusement une liste des Grands Chefs-d’œuvre de l’Homme Blanc. La pseudo objectivité de la liste, et ses prétentions numériques à établir les supposés meilleurs, transforme de facto un espace dévolu à la célébration de l’art en tribune dédiée à la célébration de mâles blancs par d’autres mâles blancs. Soyons clairs : je suis un homme blanc, et de surcroît, j’enseigne Shakespeare, je gagne donc ma vie en étant un homme blanc vantant les mérites d’un autre homme blanc à qui veut bien écouter. Mais ce faisant, je ne défends pas l’affirmation absurde qui voudrait que Shakespeare soit « le plus grand auteur de langue anglaise », car je pense que l’expression « le plus grand » n’est rien d’autre qu’un raccourci facile pour englober un ensemble bien précis, très balisé, d’hypothèses, de pratiques historiquement spécifiques, de débats critiques toujours en cours, et de bourbiers méthodologiques concernant les critères du jugement esthétique. J’aime la littérature, mais je n’aime pas que l’on parle de ses « plus grandes » figures, et pour exactement les mêmes raisons, je n’aime pas que l’on parle des « plus grands » groupes de punk rock, des « plus grandes » divas house ou des « plus grands » chanteurs honky tonk. Quand on adosse ce discours de domination à une longue tradition patriarcale et raciste, on choisit de renforcer une façon de classer les êtres humains en terme de supériorité et d’infériorité, de gagnants et de perdants, de meilleur et de pire. Qui entre ? Pourquoi ? Qui reste à la porte ? Pourquoi ?

    4. … qui, par réaction, entraîne des postures artificielles.

    Sans donner de noms, on connaît tous ces Tops 10 dans lesquels un artiste respecté associé au genre Y se fend d’une liste de huit ou neuf « classiques » révolutionnaires et influents, directement issus du genre en question, dans laquelle, pour donner un peu de relief, il glisse timidement une ou deux œillades aux genres X ou Z. Le contenu évolue avec les décennies, par exemple l’option dite du « compositeur-classique-qu’il-est-cool-d’aimer-pour-un-fan-de-rock » (salut Messiaen, adieu Gorecki). Mais la posture un peu forcée reste la même. Il serait mesquin et injuste de prétendre que tel artiste rockabilly n’aime pas vraiment Kind of Blue de Miles Davis, ou que ce chanteur folk n’apprécie pas tant que ça Enter the 36 Chambers du Wu-Tang Clan, ou que cet austère producteur de glitch n’est pas réellement fan du Reign in Blood de Slayer. Mais dans chaque cas, cette diversité spécieuse (même si bien intentionnée) n’amène pas réellement le lecteur à explorer le genre en question, les artistes choisis étant généralement des incontournables au sein de leur scène, de leur communauté ou de leur profil démographique. Ces postures artificielles et transparentes sont vaines.

    5. Ignorer ses amis est malhonnête, les classer est malsain.

    Vous vous souvenez de MySpace ? Vous vous rappelez de la rubrique Top 8, dans laquelle vous deviez choisir vos huit amis préférés ? De la cruauté crasse du procédé, aussi minuscules qu’en soient les enjeux ? En quoi choisir ses enregistrements préférés serait-il moins embarrassant ? Si vous répondez « Euh, parce que les disques ne sont pas des gens dont les sentiments peuvent être heurtés », c’est que vous n’avez jamais remarqué que les musiciens ont tendance à être amis avec d’autres musiciens, et collaborent souvent avec, ou sont influencés par, des musiciens qui deviennent leurs amis ou même intègrent leur groupe. Lister mes disques préférés en excluant les albums de mes amis serait malhonnête et mensonger. Je ferais semblant de ne pas avoir parmi mes disques préférés ceux de mes amis. Mais de la même manière, la perspective d’en glisser dans la liste et d’en laisser d’autres de côté me hérisse. Une telle complexité émotionnelle s’ajuste mal à cette logique d’exclusion qui limite à treize le nombre de places à table. L’idée de quantifier son amour et ses liens amicaux en public est horripilante.

    6. Écoute et appréciation évoluent avec le temps.

    Au lieu de vous engager pour le reste de votre vie aux côtés de Jésus, Satan

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