Depuis longtemps, certes, Jacques Dutronc a pris le maquis, en Balagne, à Monticello, mais c’est un ermite sociable qui regarde les choses en farce et prône l’augmentation du goût de la vie. Il aime, ainsi qu’il le dit, vivre . Depuis son village corse – perché – d’adoption, il regarde la société en surplomb : il est persuadé qu’elle ment sur les rapports entre les êtres humains, il la tient donc en suspicion. Il ne prend pas du recul mais de la hauteur. S’il cultive son jardin, ce n’est pas, tant s’en faut, à la manière de Candide, au figuré, mais au propre : il y passe une bonne partie de la journée, les mains dans la terre et s’attache aux teintes de ses kakis, de ses jujubiers ou de ses lumbagos. Ce désillusionniste se cache – à découvert – derrière ses lunettes, son cigare, son humour et sa légende. La pudeur est sa politesse, son savoir-vivre. Il ne se déboutonne pas à l’envi. Il est affable pour en dire le moins possible sur lui. Il sait placer, comme personne, le point d’ironie à la fin d’une phrase où il a jugé, peut-être, qu’il confessait trop avant et ses turpitudes et ses angoisses métaphysiques. Fin, subtil, désabusé, rêveur, ensemble léger et profond – ce qui n’est en rien contradictoire même si ce raffole de la contradiction –, on ne : il devrait être remboursé par la sécurité sociale. Sa lecture provoque immédiatement l’empathie et, partant, la connivence. On se prend à sa nostalgie joyeuse. Dutronc convoque ses souvenirs et ses anecdotes comme un bistrotier vous remet une tournée. On trinque, on s’attarde au bar – un bar dans lequel il serait encore permis de fumer un puro gros module. À consommer sans modération.
Jacques Dutronc Le réfractaire
Dec 17, 2023
8 minutes
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