AVEC SA voix NOIRCIE par la cigarette, Mellencamp incarne mieux que personne le fameux "One-Eyed Jack", "comme cette carte du valet… ce valet avec son visage de profil dont on ne voit qu'un œil, explique d'emblée le chanteur. "Nous regardons nos vies s'évanouir", chante-t-il sur son vingtcinquième album studio. L'honnêteté de cette déclaration est frappante, presque aussi frappante que le rauque coassement de sa voix, qui se rapproche désormais de ses héros et/ou amis, Bob Dylan et Tom Waits. "Ce que j'ai découvert à mon âge avancé, c'est que nous sommes tous en confinement solitaire à l'intérieur de notre propre peau, et que nous n'apprenons pas vraiment à connaître qui que ce soit." Cette rudesse est peut-être due à ses origines, le Midwest, le vrai, dont il est une sorte de héraut, portant haut les couleurs de son Indiana natal, où il vit encore; cette Amérique des campagnes, des small towns et des pink houses. La vivifiante chanson country-rock "Lie to Me" nous plonge dans un monde de faux et de tricheurs, avec des connotations politiques évidentes.
Aussi, celui qui s'était surnommé "Cougar" il y a bien des décennies, reste le même. La musique de ce chantre du heartland rock, qu'il incarne à la perfection, n'a pas vraiment changé, toujours aussi sérieuse, à la fois brute et raffinée avec ces accents rustiques americana, genre qu'il a notablement contribué à inventer. "J'ai écrit une chanson qui disait: "Ce que vous dites de vous est ce que vous êtes." Et quand je l'ai écrite, je ne savais pas vraiment ce que ça voulait dire, mais maintenant, je le sais, affirme Mellencamp. Ce que tu crois sur toi-même est ce que tu es." Son songwriting n'a pas énormément évolué, il écrit comme ça lui vient, ne sachant pas exactement comment démarre le processus créatif: "Je suis souvent surpris parce que, comme je l'ai dit bien souvent, je ne sais même pas sur quoi j'écris. Ça me tombe dessus, directement, à croire que ces chansons m'ont été simplement envoyées. Je dois avoir une muse ou un ange qui m'inspire naturellement."