Diapason

Esa-Pekka Salonen

« On annule plus facilement un concert qu’un contrat d’hydrocarbures »

Est-il le plus parisien des grands chefs internationaux ? Le plus assidu, certainement, auprès des phalanges de la capitale. Une histoire d’amour entamée il y a près de trente-cinq ans, d’abord partagée entre l’Orchestre philharmonique de Radio France et l’Orchestre de Paris, puis resserrée sur le second depuis une petite décennie, après le triomphe d’une fameuse Elektra aixoise. Avec les musiciens qu’il dirige désormais près de dix fois par an dans les murs de la Philharmonie de Paris, il retrouve cet été les terres provençales. Loin du confort des théâtres, ce retour aura pour cadre le Stadium de Vitrolles, structure abandonnée il y a un quart de siècle. La Symphonie n° 2 « Résurrection » de Mahler paraissait le choix idoine pour une réouverture d’aprèspandémie mondiale… et prend naturellement une résonance plus sombre dans un contexte de guerre en Europe. Qu’en pense le chef d’orchestre, ainsi que des convulsions d’une époque où les musiciens se voient sommés de prendre parti ?

L’idée de mettre en scène un ouvrage symphonique qui n’était pas conçu dans une telle optique vous enthousiasme-t-elle d’emblée, ou avez-vous besoin d’en être convaincu ?

Je n’ai aucune objection sur le principe, c’est le choix de l’œuvre et du metteur en scène qui emportent ou non ma conviction. J’aurais besoin d’arguments très forts pour une symphonie de Mozart ou Beethoven… Avec Mahler, qui repousse les limites du concept symphonique jusqu’à sa quasi-dissolution, je suis tout ouïe. Nous voilà ramenés à ce mystère : pourquoi n’at-il jamais écrit d’opéra, alors qu’il fut l’un des plus grands chefs lyriques de l’histoire ? La deuxième section de la « » est ce qui s’en rapproche le plus, et de Goethe dont est tiré le texte ! La « » est plus claire dans sa forme comme dans sa thématique et sa trame narrative. Pierre Audi [le directeur du Festival d’Aix, NDLR] m’a appelé un jour, avançant d’abord sur la pointe des pieds : « J’ai une proposition insolite à te faire. » Puis il s’est jeté à l’eau : « Que dirais-tu de diriger la de Mahler, mise en scène par Romeo Castellucci, dans un stadium abandonné à l’extérieur d’Aix ? » Je n’ai même pas demandé de temps pour réfléchir ; « J’en suis », lui ai-je répondu du tac au tac. Je l’ai senti un peu désarçonné de m’entendre accepter si vite !

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