Diapason

Riccardo Muti Le dernier des dieux

Yaurait-il deux Riccardo Muti, ou l’ombre d’un malentendu? Le premier serait ce personnage apulien, napolitain. Celui qui, selon une plaisanterie bien connue des musiciens d’orchestre, utiliserait pour se recoiffer la goutte d’eau tombée du ciel s’il était perdu dans le désert. Celui qui peut instaurer une terreur théâtrale en se déchaînant contre un photographe en répétition – mais gratifiera en coulisses le malheureux d’un sourire indulgent quand il viendra, tout penaud, s’excuser d’avoir troublé le travail sacré. Celui qui, à quatre-vingts ans bientôt, serait capable d’injures d’une verdeur toute adolescente à l’égard de son collègue Riccardo Chailly, pourtant venu le saluer à l’issue du concert où il dirigeait à la Scala le Philharmonique de Vienne en tournée – Muti n’aurait pas accepté que son successeur sur le trône milanais ait ajouté un concert la veille du sien, afin que les musiciens du théâtre jouent les premiers dans le temple vide de public depuis plus de six mois. L’athlète des podiums, dont la virtuosité et la perfection technique flirteraient avec le cabotinage – courez revoir sur YouTube les images des répétitions de en 1986. Cette même séquence donne cependant quelques clés du second, ou du véritable Muti. , quoi qu’il en coûte. La performance, éblouissante, ne consiste pas à jouer plus vite que personne avant lui, mais comme Verdi l’a demandé. L’âge venant, on a pourtant vu le chef prendre ses distances avec le métronome – hérité de son professeur, l’illustre et un peu oublié Antonino Votto, bras droit de Toscanini. Dans le vespéral réglé par sa fille Chiara, que le plus grand mozartien vivant donnait en 2018 à Naples pour son retour au San Carlo après trente-quatre ans d’absence, comme déjà avec ses messes de Cherubini légendaires au tournant du millénaire à Saint-Denis, avec l’Orchestre national de France, ainsi qu’au fil des voyages avec son Chicago Symphony, le temps s’étire désormais. Se déploie alors dans les cordes un à la fois majestueux et subtil, que nul ne maîtrise aujourd’hui à ce point, sans pourtant s’alanguir jusqu’à la complaisance, tant restent puissante l’impulsion et ferme l’armature rythmique. Car

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