Il est le dernier. Avec le retrait de Daniel Barenboim, lui seul incarne désormais cette génération de chefs venus après la guerre, avant les crises de notre siècle. Quand l’orchestre et l’opéra, sûrs de leurs traditions, portés par la croissance, signifiaient la culture au singulier. On peint donc souvent Riccardo Muti en chef marmoréen, classique entre tous, pour le confronter aux mouvements de société actuels. Lors de son dernier entretien àDiapason, au sortir de la pandémie, il confiait àl’ami Vincent Agrech sa vision des temps qui changent, depuis les Etats-Unis où se poursuit un heureux compagnonnage avec le Chicago Symphony Orchestra. Alors qu’il retrouve l’Europe avec sa phalange américaine, toujours prompt àciter Dante ou les pères latins, on voudrait lui demander aujourd’hui ce qui de son art, de sa pensée, demeure àtravers les décennies.
Le changement est là, pour le meilleur et pour le pire. Il appartient àl’histoire du monde et de l’humanité. Mais le message de la musique reste fondamental, surtout àl’heure où la spiritualité, la culture et le dialogue nous font cruellement défaut. L’idée même de jouer, chanter ensemble (ce que les Grecs nommaient « symphonie ») forme le meilleur socle pour penser notre société telle qu’elle devrait être. Une société harmonieuse où coexistent heureusement des idées différentes, mais qui s’unissent pour le bien de tous. Saint Augustin disait: « », le chant appartient àceux qui aiment, qui croient àl’Amour avec un grand A, celui dont Dante dit qu’il met tout l’univers en mouvement.