ARTISTE DE L’ANNÉE
LOCATELLI: Concerti grossi op. 1 no 11, op. 1 no 8 (Pastorale), op. 7 no 6 « Il pianto d’Arianna ». Concertos pour violon op. 3 nos 2 et 11.
Isabelle Faust (violon), Il Giardino Armonico, Giovanni Antonini. Harmonia Mundi.
Pure virtuosité, les concertos de Locatelli? Pas avec Isabelle Faust et Giovanni Antonini qui misent sur l’architecture, la recherche des sonorités, l’interaction avec l’orchestre.
STRAVINSKY: Concerto pour violon. Apollon Musagète (extrait).
Trois pièces pour quatuor à cordes. Concertino. Pastorale. Double Canon.
Isabelle Faust (violon), Les Siècles, François-Xavier Roth. HM.
En un dialogue exemplaire, Isabelle Faust et Les Siècles de François-Xavier Roth livrent du Concerto pour violon de Stravinsky une lecture d’une exceptionnelle incandescence.
Isabelle Faust: « Ces deux projets prennent racine dans des histoires d’amitié. J’ai abordé Stravinsky par L’Histoire du soldat avec des musiciens que je connaissais depuis longtemps – Lorenzo Coppola avec qui j’ai enregistré l’Octuor de Schubert ou le bassoniste Javier Zafra. Nous avons alors expérimenté avec des instruments contemporains de la création afin de voir si la démarche était intéressante. Le résultat, concluant, m’a donné envie de poursuivre en compagnie du compositeur. Nous en avons parlé avec François-Xavier Roth dont Les Siècles se prêtent à merveille à ce genre de jeu. Cependant, le Concerto pour violon tombe à une période de transition entre boyau et métal; comme il s’agit d’une œuvre qui attaque bien la corde, je me suis dit que cela aurait valeur de test. Dès la première minute, nous avons été convaincus par les couleurs, l’articulation, par le côté plus physique, plus vivant du son apporté par le boyau. Le but est bien celui-ci, non de tirer la partition vers des modèles baroques avec lesquels Stravinsky avait d’ailleurs pris ses distances, malgré les titres donnés aux différents mouvements. Comme je me suis sentie à l’aise avec l’orchestre, j’ai travaillé avec ses membres les quelques pièces plus chambristes enregistrées en complément. Je repense à mon professeur hongrois, qui était furax quand je lui disais, à l’époque, que je ne comprenais pas ce concerto! Aujourd’hui, c’est une œuvre que je trouve magnifique mais dont la richesse me semble encore mésestimée, en particulier dans le dialogue entre pupitres et soliste qui jette sur ce dernier un éclat inaccoutumé.
L’album Locatelli incarne mon envie de poursuivre le compagnonnage avec Giovanni Antonini et son Giardino Armonico, dans le sillage de notre travail intense sur les concertos de Mozart en 2016. Ce fut une étape passionnante, très importante pour moi, de progresser à leur contact, de me glisser dans leur style. J’avais très envie d’aborder le répertoire italien avec eux sans arriver aussitôt aux grands noms comme Vivaldi, plutôt en cherchant un compositeur moins connu mais aussi intéressant. Tombés d’accord sur Locatelli, nous n’avions cependant aucune certitude. Les concerts nous ont permis de mieux cerner sa parle au cœur. On est loin de la démonstration des démoniaques qui montrent comment un violoniste peut devenir fou! Nous avons préféré nous concentrer sur la dimension sensible, si prenante parfois dans les mouvements lents, en nous approchant au plus près de son langage. Le sens du détail, du phrasé, la passion qui anime Giovanni et ses musiciens sont un grand bonheur. Je ne cesse d’apprendre grâce à eux. »
