La DDA et les nouvelles règles en matiere de distribution d' assurances: Analyse
Par Tran Hoang Dieu et Alice Arbane
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À propos de ce livre électronique
L’assurance est un secteur en pleine mutation. Pour faire face aux nouveaux défis qui émergent, le secteur a intensifié la modernisation de ses dispositifs législatifs et réglementaires. Cette adaptation traduit la volonté des autorités européennes et nationales de promouvoir le double objectif du soutien à la solidité prudentielle des organismes d’assurance et surtout de l’instauration d’un degré élevé de protection des consommateurs européens. Si le premier dessein a déjà été pris en charge par la directive Solvabilité II, le deuxième fait actuellement l’objet d’une refonte en profondeur portée par la directive 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurance (DDA). C’est cette réforme et ses conséquences qu’analyse le présent ouvrage.
Un ouvrage complet et éclairant sur les dernières nouveautés législatives et réglementaires dans le secteur de l'assurance, par deux enseignants spécialistes du domaine.
EXTRAIT
Depuis 2002, les modalités d’exercice de l’intermédiation en assurance ont fortement évolué. C’est donc au niveau de la définition organique de cette activité que la directive 2016/97 a le plus apporté de modifications.
Jusqu’à présent, les éléments de définition de l’intermédiation en assurance relevaient de la directive 2002/92 du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 (DIA1) et étaient repris par l’article L.511-1 du Code des assurances.
Selon le premier niveau de définition, cette activité « consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ». Les opérations visées étaient caractérisées par « le fait pour toute personne physique ou personne morale de solliciter ou de recueillir la souscription d’un contrat ou l’adhésion à un tel contrat, ou d’exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou un adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d’un contrat. » (Article R511-1 du Code des assurances).
Toutefois, les interventions portant « exclusivement » sur « la gestion, l’estimation et la liquidation des sinistres » n’étaient pas considérées comme de l’intermédiation en assurance ou en réassurance. (Article L.511-1 du Code des assurances).
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alice Arbane, titulaire d’un master en Assurances de l’Université Panthéon-Assas Paris II. Actuellement Contrôleur Permanent en Assurance Vie (Groupama Gan Vie), elle est aussi chargée d’enseignement à l’Institut de Formation de la Profession de l’Assurance (IFPASS) et à l’Ecole Nationale d’Assurance (ENASS).
Tran Hoang Dieu, titulaire d’un doctorat en droit privé de l’Université Panthéon-Assas Paris II. Actuellement Responsable pédagogique (IFPASS) et chargé d’enseignement à l’Ecole Nationale d’Assurance (ENASS), il a exercé au sein du groupe Le Conservateur et MACIF.
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Aperçu du livre
La DDA et les nouvelles règles en matiere de distribution d' assurances - Tran Hoang Dieu
Partie I
DÉCRYPTAGE DE LA RÉFORME DE LA DISTRIBUTION D’ASSURANCES
L’assurance est un secteur en pleine mutation.
Sous l’effet d’entraînement d’un certain nombre de facteurs de transformation, cette industrie a entrepris d’importantes réformes structurelles afin de maintenir son niveau de performance et de préserver sa résilience face aux contraintes imposées par l’émergence de nouvelles normes disruptives (Big Data, développement du digital, etc.).
De manière à répondre efficacement à ces changements de paradigme, outre l’innovation qui apparaît comme une réponse incontournable, le secteur a aussi intensifié la modernisation de ses dispositifs législatifs et réglementaires. Nécessaire, cette adaptation des normes de régulation aux contextes changeants traduit, de manière sans équivoque, la volonté des autorités européennes et nationales de promouvoir le double objectif prégnant constitué par le soutien à la solidité prudentielle des organismes d’assurance et surtout par l’instauration d’un degré élevé de protection des consommateurs européens.
Si le premier dessein a déjà été pris en charge par la directive Solvabilité II¹, le deuxième fait actuellement l’objet d’une refonte en profondeur portée par la directive 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances (DDA).
1. Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice.
Titre I
Mobiles de la réforme impulsée par la directive DDA
Au cœur de ce processus d’évolution des normes, on discerne distinctement un ensemble de motifs qui trouve sa source dans la transformation des modes de consommation et de distribution des produits d’assurance.
Impacts de la dématérialisation
Sous les effets constitutifs de la révolution numérique, les nouveaux usages des preneurs d’assurance, devenus agiles et informés, ont bouleversé les schémas traditionnels de leur relation d’affaires avec les entreprises d’assurance. Avec les pratiques omnicanales, la distance n’impose plus une barrière insurmontable. Mieux, elle est devenue une habitude pour les uns et une véritable opportunité de développement pour les autres, avec au cœur des nouveaux procédés, une certaine inclination pour la stratégie de l’expérience client.
Paradoxalement, et ce dans le même temps, le contact on-line est devenu une source de fragilisation potentielle pour les consommateurs, notamment au niveau de la banalisation de l’information. Présumées être fiables, parce que reprises massivement par la « toile » et les réseaux sociaux, les données contractuelles transmises peuvent rapidement devenir un piège pour les profanes, principalement à cause du risque d’asymétrie d’information.
De plus, le canal internet n’est pas tout à fait l’exemple d’un modèle vertueux de précision au niveau des renseignements et des conseils délivrés. La vente est l’acte premier, les informations passent au second plan, sans oublier qu’en cas de litiges, les procédures de réclamation deviennent plus hasardeuses et incertaines.
Si ces déséquilibres désavantagent les preneurs d’assurance, ils deviennent aussi une source d’altération de la fiabilité pour les entreprises d’assurance. Le sujet de préoccupation réside cette fois-ci dans le contrôle de l’accès à l’activité de certaines entités nouvellement entrées sur le marché et qui ne sont pas soumises au même niveau de contraintes et de respect des normes de certification que ceux imposés aux opérateurs traditionnels.
À l’évidence, et c’est la crainte majeure pour les régulateurs, ces éléments de rupture d’égalité peuvent rapidement former un motif de distorsion de concurrence et venir perturber le bon fonctionnement du marqué unique.
Mutation des produits
En sus, la mutation digitale, qui renforce le nomadisme, laisse envisager des changements radicaux dans l’appréciation de la propriété. Le succès grandissant des sociétés d’interface comme Uber, Blablacar, Airbnb, Cityscoot, etc., fait émerger la notion de propriété partagée au détriment de la propriété exclusive. Bientôt, l’usage remplacera même la propriété, entraînant dans l’émergence d’un écosystème global, la fin probable du modèle dominant au profit des valeurs de mobilité et de libre accès.
En matière de produits d’assurance, l’impact est déjà conséquent. De prime abord, certains contrats commencent à généraliser des mécanismes de tarification basés sur l’usage (usage-based insurance), au premier rang desquels le « pay as you drive » ou encore le « pay how you drive ».
Mais de façon plus tangible, l’usage prend tout son sens, principalement dans le domaine de l’autopartage. À l’image des autolibs, l’assurance est comprise dans le prix de l’abonnement. Cette couverture inclut la responsabilité civile, les dommages corporels et les autres garanties classiques comme le vol, les dommages au véhicule. L’adossement des mécanismes de tarification aux références du conducteur est inopérant. L’assurance devient désincarnée. C’est l’usage qui devient la seule variable de fixation du prix.
Dans de tels contextes, peut-on encore parler d’assurance sous l’angle technique traditionnel, organisé autour des quatre notions cardinales que sont la prime, l’aléa, la garantie et les statistiques, sans oublier le système des réductions et majorations (bonus ‒ malus) ?
Complexification accrue des produits d’investissement
Si les habitudes de consommation ont évolué dans les assurances de dommages et de responsabilité, en général, elles s’observent aussi au niveau de l’épargne, en particulier, et ce sous l’égide de la profusion des produits financiers, désormais omniprésents dans le secteur de l’assurance.
Outre leur généralisation, les supports de capitalisation distribués par les entreprises d’assurance tendent à devenir de plus en plus sybillins et complexes. Cette évolution est la résultante de l’irrésistible immixtion des véhicules d’investissement adossés à des valeurs de marché ou à des sous-jacents et autres composites difficiles à appréhender par des consommateurs peu initiés aux mécanismes boursiers et peu préparés à la gestion de pertes financières subies par leur contrat.
Là de nouveau, et de par cette évolution, des zones entières de vulnérabilités sont apparues, soulevant simultanément des questions relatives à la protection des investisseurs inexpérimentés. Ce décalage est tout particulièrement préoccupant car il est concomittant au développement des contrats d’épargne assurance-vie et à l’importance du volume des encours (1 676 milliards d’euros de provisions mathématiques et de provisions pour participation aux bénéfices à fin décembre 2017²).
Avec ces phénomènes émergents, il y a fort à parier que les bouleversements de la pratique de l’assurance se produiront à un rythme accéléré. C’est pourquoi, la protection des consommateurs, de manière directe, et la transformation des règles d’intermédiation, de manière indirecte, sont devenues indissociables l’une de l’autre,