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Questions actuelles en droit des étrangers: Droit belge
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Livre électronique286 pages3 heures

Questions actuelles en droit des étrangers: Droit belge

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À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre le droit des étrangers.

1. LE REGROUPEMENT FAMILIAL : LA JURISPRUDENCE BELGE AU CROISEMENT DES SOURCES INTERNES ET EUROPÉENNES
La jurisprudence interne en matière de regroupement familial fait très fréquemment référence aux droits européens en cette matière. L’objectif est d’étudier les arrêts du Conseil du Contentieux des Étrangers et du Conseil d’État à l’aune des normes européennes, d’analyser leur pertinence, leur évolution et de dégager des pistes de réflexion visant à assurer une meilleure cohérence entre ces ordres juridiques.
Sylvie Saroléa, professeur à l’UCL, avocate
Julien Hardy, avocat
2. LA DÉSIGNATION DE L’ÉTAT RESPONSABLE DE L’EXAMEN DE LA DEMANDE D’ASILE
Le règlement Dublin désigne l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile. Sa mise en oeuvre se heurte cependant à de nombreuses difficultés, à l’origine de multiples réformes et développements jurisprudentiels devant la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme. La contribution entend analyser la jurisprudence et la pratique belge, à la lumière de ces réformes et développements jurisprudentiels européens.
Luc Leboeuf, chercheur post-doctoral à l’UCL, avocat
3. LES EUROPÉENS
Un premier exposé traite de la libre circulation des personnes et de la citoyenneté européenne en privilégiant une approche critique au regard des droits fondamentaux. Replaçant ces notions de liberté de circulation et de citoyenneté européenne dans leur contexte, l’auteure analyse quelques questions pratiques choisies qui présentent un intérêt actuel. Un second exposé examine spécifiquement le droit des citoyens européens aux prestations d’assistance sociale.
Céline Verbrouck, avocate
Julia Heneffe, assistante à l’Université Saint-Louis – Bruxelles

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.

À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie23 août 2017
ISBN9782807201217
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    Aperçu du livre

    Questions actuelles en droit des étrangers - Bernadette Renauld (dir.)

    couverturepagetitre

    © 2016, Anthemis s.a.

    Place Albert I, 9 B-1300 Limal

    Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be

    Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

    Dépôt légal : D/2016/10.622/93

    ISBN : 978-2-8072-0121-7

    Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.

    Sommaire

    Le regroupement familial : la jurisprudence belge au croisement des sources internes et européennes

    Sylvie SAROLÉA & Julien HARDY

    La désignation de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile

    Luc LEBOEUF

    La libre circulation et la citoyenneté européenne des Européens en Belgique

    Céline VERBROUCK

    Le droit des citoyens européens aux prestations d’assistance sociale

    Julia HENEFFE

    Le regroupement familial :

    la jurisprudence belge au croisement des sources internes et européennes

    Sylvie SAROLÉA

    Professeur à l’UCL, avocate au barreau du Brabant wallon

    JULIEN HARDY

    Avocat au barreau du Brabant wallon

    La présente contribution fait le point sur la jurisprudence belge en matière de regroupement familial, en attirant l’attention du lecteur sur la référence qui y est réservée aux sources européennes pertinentes. Ce texte comporte deux limites. Premièrement, il ne s’agit pas d’une étude doctrinale, mais plutôt d’une photographie sélective de la jurisprudence. Deuxièmement, la période étudiée porte principalement sur les années 2014-2015 et sur ce début d’année 2016 ¹.

    Un premier point dégage certains principes transversaux, procéduraux ou matériels (section 1). Un deuxième analyse la manière dont les conditions à respecter sont interprétées par les juges (section 2). La troisième partie conclut sur la manière dont les sources légales s’agencent et s’appliquent aux différents régimes de regroupement familial, parfois de manière conjointe, parfois distincte (section 3).

    Section 1

    Questions transversales

    Plusieurs questions transversales ont été retenues. La première est l’intérêt supérieur de l’enfant, concept riche et complexe, encore exploité de manière hésitante, si pas réticente. La deuxième est l’impact des interdictions d’entrée, outil institué par la directive « retour », dont les effets sur le regroupement familial sont certains mais débattus. Le troisième point traite de l’ordre public qui peut être une exception au regroupement familial et dont la jurisprudence s’efforce de déterminer les contours.

    Sous les points 4, 5 et 6, nous aborderons respectivement la jurisprudence en matière de retrait de séjour, quant à l’effet suspensif et au « droit d’être entendu ».

    § 1. L’

    INTÉRÊT

    SUPÉRIEUR

    DE

     

    L

    ENFANT

    Si un arrêt récent mérite d’être épinglé, c’est certainement l’arrêt Jeunesse rendu en Grande Chambre par la Cour européenne des droits de l’homme le 3 octobre 2014 (no 12738/10). Ladite Cour y souligne notamment qu’il appartient aux États parties, lorsqu’ils doivent statuer sur une situation mettant en cause le droit fondamental à la vie familiale, de « tenir dûment compte de la situation de tous les membres de la famille » (§ 117). La Cour affirme aussi que, « pour accorder à l’intérêt supérieur des enfants qui sont directement concernés une protection effective et un poids suffisant, les organes décisionnels nationaux doivent en principe examiner et apprécier les éléments touchant à la commodité, à la faisabilité et à la proportionnalité d’un éventuel éloignement de leur père ou mère ressortissants d’un pays tiers » (§ 109).

    La Grande Chambre confirme par cet arrêt une jurisprudence apparue depuis plusieurs années. Ces arrêts s’étaient appuyés sur l’intérêt supérieur de l’enfant pour nuancer une position de principe affirmant qu’il ne se déduit de l’article 8 aucun droit pour les familles de choisir tel ou tel pays d’installation commune. En présence d’enfants mineurs qui ont la nationalité de l’État concerné ou qui y sont autorisés au séjour, leur intérêt supérieur peut justifier que le regroupement soit le moyen « le plus adéquat » de permettre la vie familiale (voy. not. Nunez c. Norvège, 2011, § 84 ; Mugenzi c. France, 2014, § 45 ; Tuquabo-Tekle et autres c. Pays-Bas, 2005, §§ 47 à 52). Un critère de faisabilité se substitue à celui de l’existence d’« obstacles insurmontables ». Une décision toute récente vient préciser la portée de l’intérêt supérieur de l’enfant lorsque les enfants, dont certains sont mineurs, restés à l’étranger, sollicitent de pouvoir rejoindre leur parent vivant au Royaume-Uni, (I.A.A. et autres c. Royaume-Uni, 2016). La Cour de Strasbourg déclare la requête irrecevable, soulignant que même si l’intérêt supérieur de l’enfant prime, il ne peut signifier un droit d’entrée automatique (« a trump card ») pour le seul motif que les enfants vivraient mieux au Royaume-Uni, alors qu’ils ne résident plus avec leur mère depuis onze ans, celle-ci ayant pris la décision de se séparer d’eux pour s’installer avec son second époux au Royaume-Uni (§ 46). Cette décision ne remet pas en question l’intérêt supérieur de l’enfant mais souligne qu’il ne signifie pas automatiquement un droit au regroupement familial, soumis à une analyse individualisée.

    Via l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, « CEDH »), dont l’effet direct n’est pas contesté, l’intérêt supérieur de l’enfant peut être invoqué sans qu’il soit utile de débattre quant à l’effet direct ou non de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CCE, 26 juin 2014, no 126.353 ; CCE, 16 décembre 2015, no 158708). Ceci étant, l’entrée en vigueur du protocole additionnel à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (Protocole du 18 décembre 2011) qui autorise la saisine individuelle du Comité des droits de l’enfant, l’organe de surveillance de cette convention, permettra dans les mois et années qui viennent que des décisions soient rendues quant à la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et quant à son interprétation dans le contentieux migratoire (voy. déjà CRC/C/69/D/1/2017, déc. du 5 juin 2015, A.H. c. Espagne, relative à un MENA, déclarant la requête irrecevable ratione temporis).

    Dans ses lignes directrices relatives à l’application de la directive 2003/86, du 3 avril 2014, la Commission insiste, elle aussi et à plusieurs reprises, sur l’importance d’une réelle prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant impacté par la décision (voy. not. pp. 8, 17, 22 et 26 et les références à l’article 5 de la directive et à l’arrêt CJUE, 6 décembre 2012, O. et S., aff. C-356/11 et C-357/11, pt 80). La Commission affirme également que le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant peut impliquer qu’il soit dérogé à certaines conditions légales, en soulignant l’analogie avec l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, Parlement c. Conseil, du 27 juin 2006 (aff. C-540/03, pts 66, 88, 99 et 100).

    Au niveau des demandes d’autorisation de séjour, et bien que plusieurs dispositions de la loi du 15 décembre 1980 rappellent la nécessité de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant (not. art. 10ter et 12bis), celui-ci a finalement peu d’incidence. Le Conseil d’État et le Conseil du contentieux des étrangers ne semblent pas considérer que le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant puisse amener à déroger à certaines conditions mises à l’exercice du droit de vivre en famille par la loi nationale (CE, 26 juin 2015, no 231.772 ; CCE, 6 février 2014, no 118.470). Par contre, il impose une analyse soignée, intégrant les éléments relatifs à cet intérêt. Ainsi, s’agissant des enfants de l’ex-conjoint d’une Belge, demeurés avec elle après qu’elle a quitté le territoire belge, le Conseil du contentieux des étrangers relève que la requérante élève les enfants depuis plusieurs années. Il s’ensuit qu’une décision de retrait de séjour motivée par le fait que les conditions du regroupement familial ne sont plus réunies en raison du divorce manque d’effectuer une mise en balance correcte des intérêts en présence.

    « Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, les actes attaqués sont des décisions mettant fin à un séjour acquis, et qu’il appartenait donc [à l’administration] de montrer qu’elle a eu le souci de ménager un juste équilibre entre le but visé et la gravité de l’atteinte. Or, force est de constater que la lecture desdites décisions, d’une part ne révèle pas que [l’administration] ait accordé un quelconque égard à la vie familiale existant entre la première partie requérante et les trois enfants de son ex-mari et d’autre part, qu’elle ait opéré une mise en balance des intérêts en jeu afin d’attester que ces décisions étaient nécessaires au respect des objectifs limitativement énumérés par l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH. »

    En ce qui concerne la définition de la famille, le juge fait référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, soulignant que « la première requérante se comporte à tous égards comme la mère des enfants, que sont les trois dernières parties requérantes, depuis 2008, les a pris en charge depuis leur plus jeune âge et n’a cessé de s’en occuper, de sorte que des liens familiaux existent de facto entre eux et qu’il a existé et existe entre eux une vie familiale effective » (CCE, 27 août 2015, no 151.297).

    Statuant dans le même sens, sous l’angle ici de l’obligation de motivation adéquate, le Conseil du contentieux des étrangers a jugé que l’Office des étrangers n’avait pas dûment pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans une demande de regroupement familial introduite par un ressortissant de pays tiers directement sur le territoire belge.

    L’Office des étrangers estimait que « la présence de cet enfant n’est pas de nature à l’empêcher d’accomplir les formalités prévues par la loi et ne le dispense pas de se soumettre à la procédure en vigueur, à savoir lever le visa requis au pays d’origine. D’autant qu’aucun élément ne justifie l’impossibilité que l’enfant l’accompagne le temps, limité, nécessaire qu’elle accomplisse les démarches ad hoc auprès du poste diplomatique compétent ». Le Conseil du contentieux des étrangers annule la décision lui reprochant de ne pas avoir « spécifiquement et précisément répondu à l’argument relatif à la prise en compte de l’intérêt de l’enfant mineur de la requérante à rester auprès de ses deux parents » (CCE, 29 avril 2014, no 123.190).

    Selon le Conseil d’État également, l’Office des étrangers doit tenir compte des éléments dont il a connaissance, et particulièrement de ceux à propos desquels la loi rappelle explicitement qu’ils doivent être pris en compte (comme l’intérêt supérieur de l’enfant, l’état de santé, la vie familiale…), même si ceux-ci n’ont pas été portés à la connaissance de l’Office des étrangers dans le cadre d’une demande de séjour (CE, 29 octobre 2015, no 232.758).

    Le droit au respect de la vie familiale, en ce compris l’intérêt supérieur de l’enfant, permet de faire valoir des liens familiaux en dehors de la famille nucléaire, par exemple entre un majeur et un ascendant, entre collatéraux, entre tuteur et pupille, et leur équivalent dans d’autres droits, par exemple, dans ceux liés au droit musulman avec les institutions de la kefala, du mafkoul ou du kafil. La Cour constitutionnelle a souligné la nécessité d’un examen individualisé, lorsque la vie familiale est en cause. La référence à la vie familiale protégée par l’article 8 de la CEDH sera, en ce cas, importante (C. const., 26 juin 2008, no 95/2008). S’agissant du séjour des enfants recueillis dans le cadre d’une kefala, dans deux arrêts, Chbihi et Loudoudi c. Belgique (2014) et Harroudj c. France (2012), la Cour européenne des droits de l’homme a conclu au défaut de violation de l’article 8 de la CEDH. L’impossibilité de convertir une kefala en adoption ne viole pas l’article 8, dès lors et à condition que le droit au respect de la vie familiale soit suffisamment protégé par le droit de séjour octroyé et qu’il y ait une possibilité de facto de mener une vie familiale. Dans la première affaire, si le droit belge ne reconnaît pas le regroupement familial sur la base d’une kefala et n’admet pas l’adoption, la jeune fille a pu obtenir un titre de séjour illimité, après plusieurs titres de séjour limités, et n’est demeurée que quelques mois en situation irrégulière (pts 129 à 139). Dans la deuxième affaire, si la France n’autorise pas davantage l’adoption, elle octroie un titre de séjour sur la base du regroupement familial et facilite l’accès à la nationalité (pt 27). S’agissant d’une demande de visa fondée sur l’article 9 au profit d’une enfant recueillie par des tuteurs belges dans le cadre d’une kefala, le Conseil du contentieux des étrangers a annulé la décision de refus d’octroi d’un visa en raison de sa motivation inadéquate.

    « Le Conseil ne comprend nullement la motivation de l’acte attaqué, en ce qu’il est fait grief aux tuteurs de l’absence de mesures entreprises par ces derniers auprès du Service Public Fédéral Justice dans la mesure où [l’administration] a, dans un premier temps, refusé de considérer l’ordonnance de kefala comme équivalente à une adoption et s’empresse, par la suite, de reprocher aux requérants de ne pas avoir initié une procédure devant le Service Public Fédéral Justice afin d’obtenir la reconnaissance de la kefala, ce qui ne saurait être retenu comme une motivation adéquate. »

    Ensuite, l’administration « devait indiquer de manière non équivoque la raison pour laquelle l’ordonnance de kefala, acte non équipollent à une adoption mais dont la validité n’a pas été remise en cause, ne pouvait suffire à établir une prise en charge par les deux tuteurs de la troisième requérante et ce, d’autant plus que ladite ordonnance mentionne clairement que les requérants disposent des qualités matérielles et que l’enfant est sous leur responsabilité » (CCE, 29 septembre 2015, no 153.472, pt 4.3).

    À la différence de la France, la Belgique ne garantit aucun droit au regroupement familial de l’enfant recueilli auprès de son tuteur, même si la kefala se double d’une convention de tutelle officieuse. La seule possibilité est l’introduction d’une demande sous l’angle des articles 9 ou 9bis, ou de l’article 47/1 si le tuteur est un citoyen de l’Union (voy. infra, section 2, § 1). Une solution pourrait être l’extension de l’article 47/1 à tous les régimes de regroupement familial, à tout le moins en ce qui concerne les mineurs dépendants, qui font partie du « ménage ». La Cour européenne des droits de l’homme n’a en effet rejeté les requêtes dans les dossiers Harroudj et Chbihi que parce que l’enfant avait un titre de séjour.

    § 2. I

    NTERDICTION

    D

    ENTRÉE

    Sans pouvoir reprendre ici toutes les questions que les « interdictions d’entrée » peuvent poser au regard du regroupement familial, et sans pouvoir retracer toutes les évolutions qu’ont connues tant la pratique de l’Office des étrangers que la jurisprudence, nous proposons de décrire la jurisprudence la plus récente (l’évolution des pratiques de l’Office des étrangers est notamment épinglée dans l’arrêt du Conseil du contentieux des étrangers, no 135.627, du 19 décembre 2014) et les questions les plus fréquentes.

    A. Champ d’application personnel

    Une première question qui se pose est celle de savoir qui peut faire l’objet d’une interdiction d’entrée. En effet, les dispositions nationales relatives aux « interdictions d’entrée », à l’instar de l’ensemble du Titre IIIquater de la loi, visent les « ressortissants de pays tiers en séjour illégal ». Il s’agit de dispositions transposant la directive 2008/115 du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retour ». Les citoyens européens et les membres de leur famille ne sont pas visés ².

    La difficulté qui se pose est celle de l’effet d’une interdiction d’entrée au sens de la directive 2008/115 sur une personne dont le statut a changé et qui n’est donc plus un « ressortissant de pays tiers » au sens de la directive « retour ». Ni la directive « retour » ni le règlement citoyen ne tranchent cette question.

    Le Conseil d’État semble avoir soulevé cette question en premier, dans une ordonnance d’admissibilité no 11.182 du 26 mars 2015 :

    « vu l’acquisition nouvelle de la qualité de conjoint de Belge ; que cela implique la disparition de l’ordonnancement juridique, non seulement de l’ordre de quitter le territoire du 17 juillet 2014[,] mais aussi de son accessoire qu’est l’interdiction d’entrée, puisque le requérant n’est plus considéré comme un ressortissant d’un pays tiers, tel que visé à l’article 1er, 3°, de la loi du 15 décembre 1980 et partant, à l’article 74/11 précité ».

    Il s’agissait, en l’espèce, d’un étranger ayant, postérieurement à l’interdiction d’entrée dont il a fait l’objet, contracté mariage avec une ressortissante belge et introduit une demande de reconnaissance de son droit au séjour en cette qualité. Le Conseil d’État considère que cette « nouvelle qualité » empêche qu’il soit encore considéré comme un ressortissant de pays tiers au sens de l’article 74/11, sans toutefois préciser si c’est à la suite du mariage, de la demande de séjour, de l’émission de l’annexe 19ter ou de la délivrance de l’attestation d’immatriculation que l’étranger peut se prévaloir de cette qualité.

    Dans plusieurs arrêts, le Conseil du contentieux des étrangers reprend cette jurisprudence, et la formulation du Conseil d’État, ne permettant pas de distinguer clairement si la seule qualité de « membre de la famille » d’un Belge ou d’un Européen exclut une interdiction d’entrée ou s’il est nécessaire qu’une demande de séjour soit pendante (voy., not., CCE, 15 décembre 2015, no 158.594 ; CCE, 24 février 2016, no 162.713 ; CCE, 7 avril 2016, no 165.390 ; CCE, 7 avril 2016, no 165.387 ; CCE, 7 avril 2016, no 165.388).

    Plusieurs questions préjudicielles relatives à ces situations ont récemment été adressées par le Conseil du contentieux des étrangers à la Cour de justice de l’Union européenne, au regard de l’article 20 TFUE, les articles 5 et 11 de la directive « retour » et les articles 7 et 24 de la Charte (CCE, 8 février 2016, no 161.497 ; CJUE, K. e.a., no C-82/16). La problématique concerne plus précisément les demandes de séjour de membres de la famille (ressortissants de pays tiers) de Belges « statiques » qui ne sont pas prises en considération au motif que le membre de la famille est soumis à une interdiction d’entrée définitive, sans qu’il soit tenu compte de la vie familiale, de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni de la citoyenneté de l’Union du regroupant belge. Or, par l’effet immédiat et étendu sur tout le territoire Schengen d’une interdiction d’entrée, cette pratique généralisée peut mettre en péril la jouissance effective des droits principaux que ces Belges « statiques » tirent de leur citoyenneté de l’Union.

    B. Refus

    Le Conseil du contentieux des étrangers a pu souligner que la loi n’autorisait pas l’Office des étrangers à rejeter une demande introduite sur pied des articles 40 et suivants, au motif que l’étranger faisait l’objet d’une interdiction d’entrée.

    En effet, face à une certaine pratique de l’Office des étrangers, qui demandait aux communes de ne pas prendre en considération les demandes introduites par un étranger faisant l’objet d’une interdiction d’entrée, ou qui adressait un courrier déclarant l’enregistrement de la demande comme étant illégale et, donc, « inexistante », le Conseil du contentieux des étrangers a été amené à réaffirmer que toute décision qui a pour effet de refuser le traitement de la demande constitue un « refus de séjour » (CCE, 2 avril 2015, no 142.682 ; CCE, 9 septembre 2015, no 152.039 ; CCE, 16 septembre 2015, no 152.574 ; CCE, 25 septembre 2015, no 153.305). Les recours introduits contre de telles décisions ont donc un effet suspensif de plein droit (art. 39/79) ³.

    Le Conseil du contentieux des étrangers précise également que, même si l’interdiction d’entrée a été prise pour des motifs d’ordre public et que la loi autorise, dans certaines circonstances, à refuser la demande pour des motifs liés à l’ordre public, la motivation du refus consistant en un renvoi à l’interdiction d’entrée est illégale (CCE, 19 décembre 2014, no 135.627 ; CCE, 26 février 2015, no 139567).

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