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Evaluation du dommage, responsabilité civile et assurances: Liber amicorum Noël Simar (Droit belge)
Evaluation du dommage, responsabilité civile et assurances: Liber amicorum Noël Simar (Droit belge)
Evaluation du dommage, responsabilité civile et assurances: Liber amicorum Noël Simar (Droit belge)
Livre électronique1 227 pages11 heures

Evaluation du dommage, responsabilité civile et assurances: Liber amicorum Noël Simar (Droit belge)

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage rassemble près de trente contributions gravitant autour des thèmes chers au dédicataire: l’évaluation et l’indemnisation du préjudice corporel, les mécanismes souvent complexes de mise en oeuvre de la responsabilité civile (avec ou sans faute), le recours subrogatoire, les spécificités du droit des assurances (spécialement en accidents du travail), sans oublier plusieurs questions spéciales de procédure et ce à l'égard du droit belge.

Cette oeuvre collective répond à la volonté commune de ses auteurs, issus du barreau, du monde académique et de celui des assurances, de mettre en valeur le parcours professionnel remarquable de Noël Simar.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie9 avr. 2015
ISBN9782874557897
Evaluation du dommage, responsabilité civile et assurances: Liber amicorum Noël Simar (Droit belge)

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    Aperçu du livre

    Evaluation du dommage, responsabilité civile et assurances - Collectif

    matières

    Avant-propos

    Des premiers pas à la nécessité

    Yvon H

    ANNEQUART

    Ancien bâtonnier

    C’est avec un très grand plaisir teinté d’émotion que je témoigne de la valeur insigne de la collaboration apportée par Noël Simar aux activités et au développement de l’association d’avocats au sein de laquelle nous avons œuvré ensemble depuis son entrée en stage au cours du dernier trimestre de 1971.

    Mon témoignage ne porte cependant que sur ce qui s’est passé jusqu’en mars 1998, puisque j’ai alors cessé d’exercer la profession d’avocat.

    Il n’a pas fallu longtemps pour que Noël se manifeste excellent dans l’art de la plaidoirie. Faisant bien la différence entre le travail de rédaction des conclusions ou des mémoires et la prestation orale devant les juridictions, il s’est vite révélé par la justesse de choix des arguments sur lesquels il convient d’insister, à la barre, pour persuader le juge.

    Son talent oratoire ne l’a jamais porté à négliger l’importance des conclusions soigneusement charpentées et formulées par lui avec une grande rigueur dans le raisonnement.

    Dans les cas difficiles, Noël n’a jamais été de ceux qui se résignent facilement à capituler. Pour défendre au mieux les intérêts légitimes de ses clients, il fouille alors les faits dans toute leur complexité comme en tous leurs tenants et aboutissants, tout en sondant le droit sous tous ses aspects afin de dégager et mettre en valeur le bon droit parfois caché sous des apparences juridiques fallacieuses ou sous un imbroglio factuel.

    J’ai toujours vu et entendu Noël pratiquer, avec bienveillance et amabilité, l’accueil, l’écoute, le dévouement à l’égard de ses clients, tout en sachant préserver son indépendance dans l’exercice de la profession.

    Je l’ai cependant souvent perçu comme atteint par une souffrance morale bien réelle, quand un jugement lui apparaissait profondément injustifié ou quand il était confronté à une grave lacune dans le fonctionnement de la justice ou dans l’organisation judiciaire.

    Cette souffrance provoquait parfois chez lui de la tristesse, de la mélancolie, de l’inquiétude qui risquaient de le décourager.

    À ces contrariétés, Noël a cependant su opposer une sensibilité généreuse qui l’a rapidement conduit à plus de sérénité. Non pas qu’il ait perdu son aptitude fondamentale à l’indignation, mais il a appris à tempérer celle-ci sous l’effet d’une sagesse qui a accru en lui son emprise. La sagesse: cette vertu réactive à la justice, mais ouverte à la patience, à l’indulgence et à la prudence, mais soucieuse d’éviter toute précipitation et de pratiquer la modération dans l’exigence du progrès.

    Je m’en voudrais si je n’évoquais pas l’extraordinaire transformation de lui-même que Noël a accomplie au cours de son stage. Je garde le souvenir précis du jeune avocat qui allait pour la première fois, à tout le moins en ma présence, plaider devant le tribunal correctionnel. Il avait si peu confiance en lui, si peur de ne pas être à la hauteur de sa tâche que le désarroi l’a poussé, pendant le trajet en voiture jusqu’à Huy, à me dire qu’il valait mieux que j’assume seul la défense du client et que je le dispense d’intervenir ce jour-là à la barre.

    Sur mon insistance, mes encouragements et mes paroles de réconfort, Noël s’est alors finalement déterminé à affronter l’épreuve de cette plaidoirie. Il l’a d’ailleurs fait de manière telle que je l’en ai félicité.

    Il reste que cette anecdote demeure révélatrice du manque d’assurance qui affectait Noël au début de son stage. Il paraissait parfois si timoré que Roger Rasir et moimême nous sommes, pendant quelques mois, demandé si sa personnalité était bien compatible avec l’exercice de la profession d’avocat. Mais nos rapports avec lui et la qualité des prestations accomplies par lui nous ont vite convaincus de son aptitude.

    Il reste dès lors surtout que je désire à l’occasion des 65 ans de Noël lui exprimer toute mon admiration pour cette transformation de lui-même qu’il a su si vite et si excellemment réaliser.

    À ce point qu’il a, dès la fin de son stage, acquis auprès de ses associés, de sa clientèle, de ses confrères et de nombreux magistrats, une réputation que beaucoup pourraient envier. À ce point que cette réputation s’est, d’après les informations que j’ai pu recueillir, encore fortement accrue depuis 1998, notamment dans le monde universitaire et du fait de l’estime que lui valent divers écrits juridiques particulièrement appréciés.

    Noël peut se réjouir et être fier des félicitations chaleureuses et des souhaits d’excellent anniversaire qui lui sont adressés, mais aussi des vœux qui les accompagnent et qui l’informent de l’attente insistante de le voir pendant plusieurs années encore couronner brillamment sa carrière à la grande satisfaction de sa clientèle et des membres d’Elegis, pour son bonheur personnel et celui de tous ses proches et amis.

    Bibliographie de Noël Simar

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    Partie 1

    L’évaluation du dommage

    Pourrait-on évaluer le cas Noël Simar ?

    Pierre L

    UCAS

    Agrégé Professeur honoraire à la Faculté de Médecine de l’Université Libre de Bruxelles

    Introduction

    Pourrait-on évaluer le cas Noël Simar? Que signifie cette question bizarre? A priori, Noël Simar n’est pas un cas; ensuite, que voudrait-on évaluer chez lui; enfin, pourquoi ne le pourrait-on pas?

    La question peut en effet sembler bizarre, mais elle procède simplement d’un raccourci familier aux juristes et aux médecins experts: il s’agit du cas que deviendrait Maître Simar si, méchante hypothèse que l’amitié ne veut point entendre, il était victime d’une atteinte traumatique à l’intégrité physico-psychique. Noël Simar, dans l’absolu, pourrait donc être un cas.

    Que voudrait-on évaluer chez lui? Rappelons qu’avec ses amis de l’OPEP¹ dont nous faisons partie, il est le coauteur d’une approche nouvelle des préjudices corporels². Cette conception, que le Tableau indicatif 2012³ fait sienne et qui sous-tend la nouvelle mission d’expertise médicale qu’il recommande, prescrit d’évaluer avant tout l’aide de la tierce personne (oublions, car les blessures de Noël ne sauraient être de cette gravité) et les aides techniques (n’y pensons pas, pour la même raison), puis l’incapacité personnelle, l’incapacité ménagère (tout le monde sourit), l’incapacité de travail (travailler moins ne lui ferait aucun tort, mais est-ce de cela qu’il s’agit?), ensuite les préjudices particuliers (nul n’imagine qu’il puisse subir un préjudice d’ordre esthétique ou sexuel ou souffrir de douleurs exceptionnelles, mais peut-être mériterait-il un préjudice d’agrément même s’il vient, avec son groupe, de le redéfinir de manière plus restrictive), enfin les éventuelles réserves pour l’avenir ne peuvent être oubliées. Oserions-nous suggérer de songer à un état antérieur?

    Pourquoi ne pourrait-on pas évaluer les préjudices que Noël Simar aurait encourus dans notre hypothèse qui, heureusement, ne se traduira jamais dans les faits? Il s’agit d’une question, pas d’une affirmation. La réponse nécessite de longs développements, mais il est parfois utile de retourner aux sources de notre routine professionnelle: cet exercice amène à relativiser la valeur de beaucoup de nos actes devenus presque réflexes, et impose de facto une prudente modestie à celui qui s’y livre. Essayons…

    Section 1

    Comment s’est imposée la nécessité d’évaluer le préjudice corporel

    Qu’il soit admis, une fois pour toutes, que le dommage corporel comprend les atteintes au psychisme aussi bien que les lésions purement somatiques. Vers la fin du XXe siècle, certains psychiatres et certains spécialistes de la réadaptation ont suggéré que l’on parle du dommage humain: « […] En effet, les conséquences d’une violence intentionnelle ou non qui atteint et, parfois, endommage le corps de l’homme ne s’arrêtent pas aux blessures visibles, objectivables et mesurables d’un ou plusieurs organes. »⁴ Comme si le corporel n’englobait pas la sphère psychique, comme si la pensée et les affects flottaient quelque part en dehors d’un corps dont elles ne seraient solidaires que par une mystérieuse attraction à distance, comme si notre spiritualité ne prenait pas prosaïquement naissance dans un cerveau fait de matière au même titre que les membres et les viscères, comme si le cerveau n’était pas un organe. Le dommage corporel a survécu et, grâce aux indéniables progrès de la psychiatrie et des méthodes psychotechniques, les troubles de la psyché sont aujourd’hui évaluables de manière reproductible, et qui plus est dans le même système de référence que les lésions du soma⁵.

    C’est à la lumière du passé que le présent s’explique et que le futur se prépare. L’homme de culture sait que « l’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien; que c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner. Mais que pour donner il faut posséder, et que nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé… »⁶ L’histoire raisonnée de la réparation du préjudice corporel dans les différentes sociétés est la seule école qui permette d’en appréhender les fondements, l’évolution de la pensée du législateur, la raison d’être des jurisprudences qui reflètent l’état d’esprit d’un groupe humain. Loin de nous le désir d’être complet, ce qui serait à la fois impossible et fastidieux. À la recherche des racines de notre système, nous avons choisi, de manière volontairement subjective et arbitraire, les moments de l’histoire qui nous semblent représenter des jalons riches d’acquis ou de potentialités.

    Qu’il faille réparer le préjudice corporel est une notion spontanée, tant chez les primitifs que dans les sociétés civilisées.

    L’obligation de la réparation, son objet, son quantum, ses modalités sont à chaque époque calqués sur les consensus sociaux et législatifs, reflets toujours un peu décalés de l’état d’une société.

    Certains courants de pensée ne répondant pas toujours à une organisation cartésienne des esprits, des époques de lumière et des zones d’ombre, des progrès et des ruptures se sont succédé dans l’histoire de la réparation du préjudice corporel dont les multiples facettes et leurs interactions prennent ainsi toute leur signification.

    § 1. La vengeance privée

    Tout a commencé par la vengeance privée. Tu m’as frappé, à mon tour je te frappe: je me venge et tu ne recommenceras plus. Dans le droit primitif, la réparation est basée sur le principe de la culpabilité, et la punition corporelle infligée au coupable est supposée être à la fois curative et dissuasive. Elle apaise la colère de la victime et de ses ayants droit.

    Tu m’as frappé, je vais te tuer! Qui oserait soutenir que pareil propos, cristallisant la forme élémentaire de la vengeance privée, n’a jamais parcouru son cerveau reptilien? En effet, l’exercice de la vengeance privée est une réaction quasi instinctive, mais il est également vrai qu’elle n’a pas nécessairement de limite et peut donc, comme dans ce cri belliqueux, excéder la gravité du dommage. En rendent bien compte les textes bibliques: « […] Caïn est vengé sept fois, mais Lameck septante sept fois »⁷.

    Comme, au fil du temps, la civilisation a ancré dans l’esprit des hommes des règles nées de la réflexion, qui sont devenues des automatismes et, en principe, traduisent le progrès, la menace, heureusement, n’est généralement pas suivie de sa réalisation.

    § 2. La tablette Nippur no 3191

    La tablette Nippur no 3191 est, au monde, le plus ancien texte législatif écrit découvert à ce jour. Datant de – 2050, elle reflète la loi du roi d’Ur dans l’antique Sumer. Elle n’est autre que la préfiguration d’un barème indemnitaire pour les lésions corporelles. Ainsi prévoit-elle 18 sicles d’argent pour l’amputation d’un pied, 60 sicles pour une fracture, 40 sicles pour l’amputation du nez.

    Cette loi est étonnante. Non seulement elle ne fait aucune mention de l’archaïque vengeance privée, mais elle ignore également la loi du talion propre aux civilisations sémitiques mais inconnue à Ur, cette loi du talion qui, trois siècles plus tard, marquera profondément le texte législatif le plus célèbre de l’antiquité, le code de Hammourabi.

    La loi d’Ur-Nammu privilégie la réparation du préjudice et la codifie. Si nous faisions semblant d’oublier l’indigence de bien des lois de notre temps, mal rédigées, à la hâte, souvent à la suite d’un événement médiatisé, dans un but d’immédiateté électoraliste, presque toujours redondantes par rapport à des lois plus anciennes bien pensées et qu’il suffirait d’appliquer, nous pourrions dire de la tablette Nippur qu’elle est une loi moderne.

    Malheureusement, il n’est pas exceptionnel qu’à une avancée presque prémonitoire succède un recul dans les concepts ou les coutumes, pour faire place, plus tard, au progrès à la faveur d’une nouvelle orientation de la pensée collective. Ainsi va l’Histoire.

    § 3. Le talion

    « Œil pour œil, dent pour dent », cela ressemble à une règle simple, mais est-ce vraiment un progrès par rapport à la vengeance privée? C’est effectivement une règle, et elle est simple, voire simpliste. C’est un recul par rapport à la loi du roi d’Ur, mais c’est un progrès par rapport à la vengeance privée. C’est la Loi du talion.

    Le talion veut qu’une offense soit réparée par une sanction identique à cette offense⁸. La mémoire populaire a retenu l’adage « œil pour œil, dent pour dent », qui illustre parfaitement cette forme élémentaire de justice, le plus souvent sans savoir qu’elle emprunte cette formule au Lévitique⁹. Madame Lambert-Faivre exprime que « […] l’atteinte à l’intégrité corporelle a de tout temps constitué le dommage suprême dont la punition devait être à la hauteur du trouble social et du préjudice individuel causés. La loi du Talion, œil pour œil, dent pour dent, demeure le symbole archaïque de l’équilibre mythique et quasi religieux ainsi rétabli entre la victime et le responsable »¹⁰.

    Succédant, au fil de l’évolution des sociétés, à la vengeance privée, le talion est un progrès parce qu’il répond au principe de la stricte réciprocité. Ce principe peut être garanti par une autorité qui prononce la peine et vérifie sa correcte application. Le talion est ainsi la forme la plus ancienne de réparation du préjudice corporel répondant à une règle de portée générale.

    L’usage du talion peut apaiser l’homme blessé, mais elle ne lui apporte qu’un soulagement psychologique, sans qu’il en tire une vraie réparation ou même une compensation du dommage qu’il a subi. Il est manifestement moins utile que les prescriptions de la loi d’Ur.

    Le talion s’est généralisé et il a résisté à l’usure du temps. Force est de constater que, malgré des lois plus humanistes, entre autres celles favorisant la réintégration sociale des condamnés, le talion existe encore de nos jours, même dans les sociétés les plus avancées. Il est toujours profondément inscrit dans la coutume de certains États non européens. Sa licéité est sporadiquement discutée dans nos pays lors des sursauts vengeurs succédant à des actes d’abjection ou de barbarie pour lesquels la justice, quelle que soit sa rigueur, semble trop clémente, mais la foi dans le pouvoir de rédemption de l’homme reprend vite le dessus…

    § 4. Le code de Hammourabi

    À Babylone, vers – 1750, le code de Hammourabi¹¹, comme l’a appelé la mémoire collective, est bien plus qu’un code. C’est un recueil très complet des lois en vigueur à son époque, exposant, en 3.500 caractères, 28 articles lisibles.

    Dans notre domaine, le code de Hammourabi préconise le talion pour les atteintes à un homme libre, énonçant ainsi le principe d’une vengeance encadrée par des limites bien définies: œil pour œil (art. 196), fracture pour fracture (art. 197), dent pour dent (art. 200). En revanche, si la victime est un vilain, sont prévues des pénalités fixes allant d’une mine d’argent pour la perte d’un œil à 1/3 de mine pour la perte d’une dent. Mieux encore, si la victime est un esclave, la réparation est fixée en fonction de la valeur perdue par l’esclave, donc de son incapacité de travail.

    Devenu homo economicus, l’homo sapiens se rend compte que le talion, s’il assouvit peutêtre le ressentiment, n’est par ailleurs pas très utile. Il conçoit alors la réparation en nature. Mais la réparation en nature n’est pas chose aisée en matière de blessures. C’est pourquoi est née la réparation par équivalent, la réparation monétaire du préjudice corporel. Ce système, plus efficace que le talion, garantit aussi le maintien de l’ordre dans la société. Il était logique que, dans les litiges entre citoyens, la réparation monétaire s’impose. Elle a vu sa hauteur fixée par les usages, afin qu’elle ne soit pas disproportionnée par rapport au préjudice. On pourrait en inférer, anticipant sur l’histoire, qu’il faut réparer le dommage, tout le dommage, mais rien que le dommage, principe fondamental de la réparation dans le cadre de la responsabilité civile de droit commun.

    § 5. Le Talmud

    La Mishna, codification de la loi mosaïque orale aux IIe et IIIe siècles, et la Gémara, ses commentaires araméens du IVe au VIe siècle, constituent le Talmud, qui est l’un des textes fondamentaux du judaïsme. Il dispose que celui qui blesse son prochain doit s’acquitter de cinq sortes de paiements, sans qu’il y ait de tarif fixe car l’évaluation se fait sur des bases réelles: la réparation du dommage, l’argent de la douleur, les frais de traitement, le temps perdu, l’argent de la honte.

    Il n’échappe à personne que les composants essentiels de l’actuelle réparation du préjudice corporel sont ainsi déjà envisagés.

    § 6. Le traité du cheikh Nedjm El Din

    Rédigé en l’an 670 de l’Hégire¹², le traité du cheikh Nedjm El Din cristallise la pensée musulmane à sa maturité. Bien que forfaitaire, il préfigure un barème fonctionnel.

    Il estime que la perte complète de tout groupe anatomique vaut une diya, c’est-à-dire la totalité du prix du sang, équivalant alors à cent chameaux. Par groupe anatomique, il entend par exemple tous les cheveux, toutes les dents, les deux yeux, les deux oreilles, les dix doigts, les deux jambes, le pénis. La perte d’un œil, d’une oreille ou de cinq doigts vaut la moitié, soit ½ diya. La perte partielle est calculée au prorata.

    La perte complète d’une fonction (on peut citer, parmi bien d’autres fonctions, l’intelligence, la vue, l’ouïe, l’odorat, l’émission séminale) vaut également une diya. Cette particularité fait du traité du cheikh Nedjm El Din une œuvre étonnamment moderne. Il n’y a pas si longtemps, en effet, qu’en Belgique, pays où l’évaluation du préjudice corporel est cependant une discipline très évoluée, on a fini par admettre que la perte fonctionnelle d’un organe crée un préjudice de même gravité que sa perte anatomique et doit être évaluée de la même manière. En quoi l’existence d’une main paralysée et insensible, donc totalement inutile, serait-elle préférable à son amputation? En rien, puisqu’elle est en outre gênante et que sa seule présence crée un risque d’accident. Les seules restrictions à cette affirmation sont que l’amputation perturbe le schéma corporel du patient, et qu’il existe un préjudice esthétique né de la perte anatomique bien que l’octroi d’une prothèse de parade en diminue l’impact social.

    Le traité du cheikh Nedjm El Din recommande des tests de sincérité ainsi que certaines épreuves fonctionnelles d’objectivation des séquelles, ce qui lui confère une vraie valeur médico-légale. Parmi ces épreuves, on trouve des tests d’acuité visuelle, ainsi que des tests d’acuité auditive tel celui de la voix perçue, correspondant à notre audiométrie vocale. En cas d’anosmie déclarée est préconisée l’épreuve des odeurs repoussantes, fort proche du test à la pyridine qui n’a cédé la place que depuis deux décennies environ à des investigations plus précises de type électro-physiologique. Le principe en est l’introduction dans l’air respiré par le patient se prétendant anosmique, et ceci à son insu, d’une substance nauséabonde, la pyridine. Elle provoque chez le faux anosmique des réactions incontrôlées s’inscrivant sur l’enregistrement continu de divers paramètres dont le rythme respiratoire. La preuve objective est ainsi fournie de la non-sincérité du sujet qui a conservé l’odorat et tente, pour des raisons utilitaires d’indemnisation, d’abuser l’examinateur.

    Enfin, le traité ébauche un raisonnement médico-légal dans le cas du borgne devenant aveugle: l’oeil détruit vaut 1 diya s’il s’agit d’un borgne congénital; il ne vaut qu’½ diya si le patient avait déjà touché la valeur de l’oeil préalablement perdu. Ce mode de pensée un peu restrictif, oublié aujourd’hui car la notion de fonction visuelle globale à réparer s’est logiquement progressivement imposée, était encore répandu en Belgique et enseigné par certains auteurs¹³ il y a un demi-siècle.

    § 7. Les barèmes des anciens Germains

    Les anciens Germains rédigèrent leurs coutumes après avoir envahi l’Empire romain.

    Chez eux, le rachat du talion est une somme versée à la victime en fonction de barèmes en pourcentages, tel celui du Roi Alfred; elle est variable selon les lésions, les séquelles, le statut social du blessé.

    Dans ces barèmes destinés à des peuples guerriers, les amputations de doigts sont particulièrement détaillées; des références sont faites à des gestes complexes et à des fonctions: porter la main à la bouche, soulever des armes, tirer à l’arc; les pertes fonctionnelles sont évaluées à la moitié des pertes anatomiques; les lésions esthétiques sont tarifées. Nous n’avons pas encore, aujourd’hui, d’explication à la valeur importante donnée à l’annulaire.

    Pierre ajoutée à la lente construction de l’édifice qui deviendra notre dispositif régissant la réparation du préjudice corporel, la loi des Longobards¹⁴, par son article 74, prévoit dès le VIIe siècle ce qui préfigure un délai de révision. Même si la victime a été indemnisée en totalité, l’action peut être rouverte si le blessé vient à mourir des suites de ses blessures¹⁵.

    § 8. La Révolution française

    L’apport majeur de la Révolution à notre discipline est l’article 1382 du code Napoléon, qui en contient toute la matière. Jurisprudence et doctrine ont peu à peu précisé la manière d’estimer le dommage.

    Au XIXe siècle, le droit de la responsabilité laisse à la victime la charge de la preuve d’une faute du responsable. Si l’on fait abstraction de l’assurance de responsabilité, la réparation conserve un caractère punitif.

    L’évaluation des séquelles traumatiques des atteintes à la personne humaine n’est que le reflet d’une coutume médico-légale, d’un consensus médical évolutif approuvé par les juristes. C’est à juste titre qu’un expert français a pu dire qu’« un barème n’est qu’une jurisprudence abrégée »¹⁶. L’évaluation préside logiquement à la réparation dont elle permet de fixer la hauteur.

    § 9. La Révolution industrielle

    C’est en 1884 que Bismarck promulgue la première loi sur les accidents du travail, suivi en 1897 par l’Angleterre, en 1898 par la France, en 1900 par l’Espagne et enfin, en 1903, par la Belgique.

    Cette période consacre l’essor de la responsabilité sans faute prouvée, en instituant un régime particulier de responsabilité sans égard à la faute d’un tiers, pour les victimes d’accidents du travail.

    Depuis lors, le régime de la responsabilité pour faute prouvée est progressivement devenu l’exception. En effet, la réparation des accidents du travail s’effectue sans recherche d’une faute; les usagers faibles de la route sont indemnisés sans devoir prouver la faute d’un autre; la collectivité indemnise les actes intentionnels de violence; les accidents par produits défectueux engagent la responsabilité objective du producteur; l’aléa thérapeutique est pris en charge par le Fonds des accidents médicaux (FAM). Finalement, la responsabilité fondée sur la faute prouvée se cantonne aux accidents dus au secteur des services, dont la médecine… Aujourd’hui, le droit commun n’est presque plus celui de l’article 1382. Mais nous anticipons.

    Lors de la mise en œuvre de la loi de 1903 sur les accidents du travail, les assurances établissent des barèmes d’invalidité, sans filiation avec les anciens barèmes germaniques. Ce ne sont en aucune manière des œuvres scientifiques et les médecins n’en sont pas les auteurs. Ce sont simplement des recueils de jurisprudences groupées d’après la nature des lésions, sans référence à l’âge du patient ni à sa profession, déterminant des pourcentages sous forme de taux fixes ou de fourchettes. Leur but est d’éviter les divergences dans les décisions de justice, donc l’insécurité.

    § 10. Après la Première Guerre mondiale

    Après la Première Guerre mondiale, l’Office des pensions d’invalidité évalue en Belgique les séquelles des victimes de la guerre grâce à un barème conçu en 1919, largement inspiré du barème militaire français. Il prévoit une compensation généreuse plutôt qu’une stricte réparation, mais il s’agit d’un barème écrit, et la tentation est grande de s’y référer dans les autres procédures. Ainsi, de 1919 à 1945, c’est l’époque des chiffres tout faits, sans réelle préoccupation physiologique ou fonctionnelle. C’est, dans tous les pays, l’essor de l’évaluation barémique et, malheureusement, la généralisation de ses erreurs méthodologiques.

    § 11. Le premier Barème Officiel Belge des Invalidités

    Conçu pendant la Deuxième Guerre mondiale par le Docteur Julin¹⁷ et son équipe pour l’Office des pensions d’invalidité, un nouveau barème voit le jour pour autoriser une mesure commune d’évaluation. Il fait montre de manifestes préoccupations de systématisation, d’équilibre, mais aussi d’un certain respect des réalités médicales, ces dernières ne semblant cependant pas primordiales. Officialisé par le Moniteur belge des 26 et 27 juin 1944, il devient le Barème Officiel Belge des Invalidités (BOBI) lors de sa parution au Moniteur du 15 juin 1947.

    Ce premier BOBI a été utilisé pendant plus de trente ans, ce qui reflète le conservatisme du législateur, des magistrats, des juristes et des experts. Le progrès ne pouvait venir que d’initiatives isolées ou de petits groupes de pensée trouvant un écho progressif à leurs réflexions.

    § 12. Le nouveau BOBI

    Mis en application par les arrêtés royaux du 20 mars 1975, du 2 juillet 1975 et du 6 janvier 1976, le barème que l’on a longtemps appelé nouveau BOBI a tenté, sur instruction ministérielle, de conserver la structure du barème de Julin tout en étant revu en fonction des tendances et des connaissances modernes.

    Bien qu’il ait été très loin de tenir ses promesses, il a servi et sert encore de base à la plupart des évaluations en Belgique: officiellement pour l’Office médico-légal (OML) donc pour les victimes civiles et militaires du devoir civique, en matière d’allocations familiales majorées, en matière contractuelle lorsqu’il est le barème impératif choisi; à titre de référence en accidents du travail (les articles du BOBI correspondant aux séquelles devant être cités); officieusement en droit commun de la responsabilité civile où sa crypto-utilisation s’est généralisée.

    La routine (et la paresse?) de ses utilisateurs leur a fait occulter longtemps le caractère obsolète de ce barème dès sa conception (on y parle de cardiopathie possible dans un article 358 où la sanction est tout de même de 0 à 20 %) et l’outrance qui préside à chacune de ses évaluations. Il a fallu des attaques structurées pour que l’absence de cohérence verticale (au sein du même organe ou de la même fonction) et de cohérence horizontale (au même taux correspondent parfois des situations cliniques de gravités très différentes) finisse par ébranler les meilleurs experts, les autres attendant qu’on leur impose un autre choix. Seuls en sont satisfaits ceux qui font profession de défendre les victimes à tout prix, ce mauvais jeu de mots étant entièrement volontaire et assumé.

    À titre anecdotique, la lecture attentive de la préface du guide barème des invalidités de 1943 permet de rectifier une notion acceptée de nos jours par tous et qui est cependant inexacte. L’échelle que nous prétendons être celle de Julin, utilisée aujourd’hui pour caractériser tant l’intensité des douleurs avant consolidation que le préjudice esthétique, compte sept barreaux. Or, l’échelle de Julin authentique, citée dans cette préface, servait à qualifier le dommage moral sans le chiffrer en l’exprimant par un adjectif: infime, très léger, léger, moyen, notable, considérable¹⁸. Elle ne comportait donc que six échelons et le terme moyen n’était pas en son centre. Le guide barème des invalidités se voulait alors la référence dans quasiment tous les domaines: accidents du travail; accidents de droit commun; invalidités de guerre (1940); maladies professionnelles; pensions du personnel de l’État; allocations aux mutilés et estropiés, infirmes congénitaux, aveugles et sourds-muets; allocations familiales. Trois ans plus tard, le Barème Officiel Belge des Invalidités est approuvé par arrêté du Régent du 12 février 1946; il paraît au Moniteur belge du 15 juin 1947 et devient le BOBI; il est réimprimé en 1949, précédé de sa préface et de son introduction. Mais ces dernières ne sont plus reprises dans les éditions ultérieures, l’échelle de Julin étant ainsi abandonnée à l’approximation des souvenirs.

    Le premier BOBI avait eu droit de cité pendant trente ans, le nouveau BOBI a dévoyé l’évaluation du préjudice corporel pendant plus de trente-cinq ans. C’est un record peu enviable pour un pays dans lequel, parallèlement et de manière paradoxale, l’étude des divers postes de préjudice a remarquablement progressé. Nous en reparlerons.

    Section 2

    En fonction de quelles références peut-on évaluer le préjudice corporel ?

    Quelles que soient ses lacunes, quelle que soit son absence de rigueur, quel que soit son manque de raisonnement scientifique, l’évaluation barémique en pourcentage s’est imposée, au fil du temps, dans tous les pays de tous les continents.

    Pouvait-on imaginer une autre approche, un meilleur système? S’il fallait évaluer aujourd’hui un préjudice corporel dont resterait atteint notre ami Noël Simar, pourrions-nous mieux faire? Selon quels critères? En fonction de quelles références?

    § 1. L’individu par rapport à lui-même

    La référence la plus évidente pour évaluer le préjudice corporel est l’individu luimême avant l’accident qui l’a frappé et dont il faut déterminer puis quantifier les conséquences.

    C’est chose relativement aisée lorsque les séquelles portent sur un organe pair, l’organe controlatéral servant de point de comparaison. Encore faut-il que celui-ci n’ait pas été, avant le traumatisme, atteint d’une affection unilatérale congénitale ou acquise, ce qui rendrait toute comparaison parfaitement vaine.

    En revanche, comparer l’homme à lui-même avant son accident est chose difficile pour les organes impairs, pour les lésions purement fonctionnelles, pour les atteintes à l’intelligence et/ou au psychisme. Qui peut dire comment était réellement le sujet avant son accident?

    Pour préparer l’avenir, il aurait fallu étudier attentivement Noël Simar alors qu’il était indemne: mesurer les performances de toutes ses articulations; investiguer toutes ses fonctions, même les plus cachées; le confier au psychiatre… Est-ce imaginable en routine pour chaque individu puisque chacun est susceptible d’être un jour traumatisé? La réponse, évidente, nous défrise un peu.

    La tentation devient grande de nous référer à un archétype, à l’homme moyen. Mais Noël Simar est-il un homme moyen? A priori, le terme lui-même semble presque risible, en tout cas peu valorisant, pour qui connaît notre ami.

    Un autre archétype possible est l’homme normal. Mais Noël Simar est-il un homme normal? Le traiter d’homme normal comprendrait une connotation péjorative: il pourrait imaginer qu’on le range dans la même catégorie que le nouveau Président de la République française. Nous n’imaginons évidemment pas un instant qu’il puisse avoir été subnormal (Noël Simar, pas le Président). Donc supranormal, mais de combien?

    Creusons malgré tout ces pistes, dans une démarche logique.

    § 2. L’homme moyen

    Ne cherchons pas si Noël Simar se rapproche de la médiane, donc de la valeur centrale de la série humaine. Cette notion, dans notre propos, pèche par son principe même, puisqu’elle ne permettrait pas de savoir combien sont supérieurs ou inférieurs à lui. Abandonnons donc cette idée, même si médiane et moyenne sont des valeurs voisines en cas de distribution équilibrée.

    La moyenne est la somme des valeurs divisée par leur nombre. C’est à notre compatriote Adolphe Quételet que l’on doit le concept de l’homme moyen, ou en tout cas son étude la plus construite¹⁹. S’intéressant à la distribution des observations des phénomènes humains, il remarque qu’elles se répartissent de manière grossièrement symétrique de part et d’autre de la moyenne. Cette distribution est représentée par la courbe en cloche de Laplace-Gauss. Il est donc possible, en appliquant la théorie des probabilités, de prévoir une courbe théorique de distribution des fréquences pour des données humaines physiques (taille, poids, tour de poitrine) comme pour des données intellectuelles, sociales et morales. L’homme moyen est celui dont les caractéristiques se situent au sommet de la cloche de Gauss. L’homme moyen est donc un homme dans la moyenne. Monsieur de La Palice serait d’accord pour affirmer que l’homme moyen ressemble à Monsieur-tout-le-monde, à l’homme normal. La fréquence statistique moyenne est ainsi assimilée à la norme.

    Peut-on cependant considérer que la moyenne statistique soit une référence satisfaisante lorsqu’on lit sous la plume d’une journaliste polémiste souvent acerbe vis-à-vis de la pensée unique qui inspire les soi-disant débats politiques, en particulier télévisés: « […] la loi du grand nombre, donc le triomphe de la moyenne, parfois de la médiocrité et presque toujours de la facilité »²⁰?

    Certes, l’aurea mediocritas des anciens peut sembler rassurante. Mediocris, en latin, signifie médiocre donc ordinaire, mais aussi moyen. Littré définit le médiocre comme ce qui est entre le grand et le petit, entre le bon et le mauvais. Mais, couramment, le médiocre est considéré comme plus près du mauvais, de peu de talent, sans qualité. L’Académie française définit également le médiocre comme étant à mi-chemin, quantitativement et qualitativement, entre le grand et le petit. Souvent cependant, cette définition est biaisée par une connotation péjorative: c’est l’intermédiaire entre le bon et le mauvais, mais plus rapproché du mauvais²¹. Un homme médiocre est, dans l’acception habituelle, un homme de peu de qualités et de peu de capacités, un homme dans la moyenne basse.

    Dans la mémoire de l’auteur de cet hommage à Noël Simar, homme qui ne pourrait être assimilé à un être médiocre ou moyen même s’il se pourrait – nous verrons – qu’il fût malgré tout normal, est ancrée une citation merveilleuse que cet auteur²² ne peut hélas plus attribuer avec certitude (la mémoire a des limites), mais qu’il pense due à Marguerite Yourcenar: « Les hommes sont appelés normaux quand leurs vices sont médiocres. » Cette réflexion réconcilie le moyen, le médiocre et le normal. Tant pis pour les grands nombres, au diable la statistique, un peu de plasticité d’esprit fait sou-vent mieux que de laborieuses démonstrations.

    § 3. L’homme normal

    A. La norme, le juriste et le médecin

    Le normal, du latin norma signifiant équerre, est ce qui répond à une règle, à une norme: l’Organisation internationale de normalisation (ISO)²³ s’intéresse à la normalisation dans l’industrie et dans les services, en définissant des standards. Mais la norme peut aussi être biologique, médicale, sociale, éthique, morale.

    L’extension de la normalisation aux sciences humaines, au milieu du XXe siècle, a fortement influencé le droit. Pour le juriste, la norme est associée à l’éthique d’une société ainsi qu’à ses règles sociales et culturelles. Elle représente un comportement généralement observé dans un contexte donné, en fonction des valeurs dominantes dans la société considérée. Elle a donc par nature un caractère évolutif et fluctuant.

    Il ne peut y avoir de conception personnelle de la norme. Le normal est dépourvu de tout caractère exceptionnel. Donc, si l’on veut éviter d’imposer arbitrairement une norme contraignante, il faut admettre comme normal ce qui ressort de la statistique: c’est d’ailleurs la définition qu’en donne le médecin.

    Il est très difficile de déterminer une norme concernant l’être humain, même en dehors de tout dommage pouvant lui avoir été causé:

    s’il est normal d’être de taille moyenne, est-il anormal d’être grand ou d’être petit? La taille moyenne n’est plus la même aujourd’hui que du temps de nos arrière-grands-parents. Et, aujourd’hui comme hier, la génétique gardant ses droits, elle diffère, entre autres facteurs, selon l’origine ethnique, chez le même sujet, alors qu’est terminée la croissance, elle varie avec l’âge en fonction des modifications physiologiques qui y sont liées: vieillissement, déshydratation et tassement des disques intervertébraux. Elle varie même selon le moment de la journée, puisqu’on est plus grand le matin après le repos, la décompression nocturne et la réhydratation des disques intervertébraux, que le soir après leur tassement imposé par la station debout ou assis et par l’exercice musculaire;

    de la même manière, une discarthrose lombo-sacrée évoluée, qui serait pathologique chez un jeune, l’est-elle chez un individu dans la soixantaine, zone d’âge où ces manifestations dégénératives sont quasi systématiques et rentrent en fait dans la norme pour l’âge?

    est-on anormal si l’on ne possède pas, tendu entre l’humérus et l’aponévrose palmaire, à la face antérieure de l’avant-bras, un muscle appelé palmaris longus (long palmaire)? Pour répondre à cette question, il faut savoir que ce muscle est absent (sans effet décelable sur la flexion du poignet, sa non-existence n’ayant comme effet que de priver le sujet d’un matériau utile de greffe tendineuse, le cas échéant) chez environ 15 % des individus caucasiens, 2 % des Amérindiens et 40 % des Égyptiens, les statistiques étant d’ailleurs parfois assez contradictoires.

    Sur les plans biologique et physiologique, il existe, à côté d’une normalité statistique, des facteurs aléatoires imprévisibles pouvant imposer la diversité. Ainsi, il est possible de définir des normes si l’on admet que, dans chaque domaine, il n’y a pas une norme mais une zone de normalité et que cette zone est susceptible de varier avec les progrès de nos connaissances. Il suffit de retracer la saga du taux sanguin de cholestérol pour en être convaincu. L’évolution de l’homme, celle des sociétés, celle des cultures sont d’autres paramètres amenant à nuancer le concept de normalité.

    B. La norme et l’individu

    La statistique assimile la norme à la fréquence. L’homme normal est donc l’individu moyen, la figure moyenne de la société. Celui déviant de la moyenne sort de la normalité. Lorsqu’on dit d’un homme qu’il n’est pas normal, c’est qu’il n’a pas le comportement de tout un chacun, qu’il n’est pas conforme à la moyenne, à ce qui est habituel, à ce qui est usuel, au commun, à l’ordinaire, à la majorité.

    La majorité, c’est le fondement de la démocratie. Celle-ci est le pouvoir du plus grand nombre, ce qui n’est pas nécessairement une garantie de valeur. Il arrive que le plus grand nombre impose une norme dont on retiendra, à l’usage, qu’elle n’est pas la meilleure. La médiocrité est le risque de la normalité statistique: voyez l’exemple des émissions télévisées asservies à l’audimat.

    Il n’est donc pas systématiquement souhaitable de s’inscrire dans la norme. Il n’est pas systématiquement souhaitable d’être un homme normal, mais il est souvent perturbant de ne pas l’être, que l’on soit à gauche ou à droite du sommet de la courbe de Gauss. On reste rêveur en lisant, sous la plume d’un auteur contemporain dont l’écriture est particulièrement incisive: « On dirait que tu ne peux pas faire comme les gens normaux, enfin, les gens ordinaires… »²⁴.

    En matière de sciences humaines, la norme est variable selon plusieurs paramètres dont l’âge, chaque âge de la vie d’un homme ayant ses caractéristiques; l’époque; le type de société et sa culture.

    L’évaluation du préjudice corporel étant une discipline médico-juridique, le normal est donc une notion particulièrement complexe pour le médecin évaluateur. C’est qu’une norme n’existe qu’en fonction d’un consensus. Selon l’objet auquel s’applique la norme, ce consensus peut être social, culturel, scientifique, politique ou autre. La norme en évaluation du préjudice corporel répond sans doute à tous ces types de consensus; on pourrait également évoquer un consensus géographique, mais il est en fait la somme de tous les autres.

    Tout consensus est par nature temporaire. La norme l’est donc aussi. C’est pourquoi il est si malaisé de définir une norme en matière d’évaluation des atteintes à la personne humaine.

    C. Relativité et ambiguïté de la norme

    Faut-il considérer comme norme la moyenne statistique de ce qui existe de fait? L’anormal serait alors ce qui s’écarte de la moyenne. Cette définition, apparemment logique, n’est pas satisfaisante si elle se veut universelle. Ainsi:

    chaque culture possède ses normes, et celles d’une culture peuvent s’éloigner fortement de celles d’une autre culture, comme Claude Lévi-Strauss²⁵ l’a fort bien montré;

    la moyenne d’une population donnée tout entière hors des normes habituelles ne représente pas une norme universelle même si elle est la norme locale;

    les données de santé considérées comme normales dans un groupe géographique ne le sont pas nécessairement pour un autre: fréquence du pouls, hauteur de la glycémie, métabolisme basal, poids moyen…;

    on peut être différent du groupe sans être nécessairement anormal dans l’acception habituelle du terme.

    La norme ne peut donc être que relative. En ce qui concerne le préjudice corporel, la référence à une norme européenne ne pourrait pas nécessairement s’appliquer aux Américains, aux Japonais, aux Africains.

    Georges Canguilhem²⁶ exprime avec beaucoup de pertinence que l’« on a souvent noté l’ambiguïté du terme normal qui désigne tantôt un fait capable de description par recensement statistique – moyenne des mesures opérées sur un caractère présenté par une espèce et pluralité des individus présentant ce caractère selon la moyenne ou avec quelques écarts jugés indifférents – et tantôt un idéal, principe positif d’appréciation, au sens de prototype ou de forme parfaite ».

    La normalité a donc deux pôles: d’une part, la conformité à la statistique, donc au type le plus fréquent, d’autre part, l’adéquation à une référence admise. Dans les deux cas, il s’agit de la normalité objective. Il faut y ajouter un aspect subjectif, indissociable.

    D. La norme, l’anormal et le pathologique

    Dans le vaste domaine du psychisme, encore mystérieux bien que nous arrivions à en ouvrir progressivement les portes, quelle est la norme? Où finit le normal, où commence le pathologique? Comment tenir compte de la subjectivité du sujet qui a une tendance naturelle à considérer comme normal ce qu’il perçoit comme tel en fonction de ses expériences, selon son propre mode de traitement de l’information? « The border line between sanity and insanity is not clearly defined. »²⁷ La fréquence d’une particularité psychique ne rend pas nécessairement compte de la normalité, certains phénomènes fréquents pouvant être pathologiques. D’autre part, ce qui sort du normal est-il nécessairement une pathologie au sens où on l’entend dans beaucoup d’autres domaines de la santé? Une définition intéressante de la normalité dans le champ de la psychologie est donnée par Saragea²⁸: « équilibre complexe fonctionnel et dynamique dans une interférence et interdépendance actives avec l’environnement ».

    Est-on normal sur le plan psychologique en fonction d’un comportement statistiquement optimal ou d’un comportement conforme à celui de la majorité, les deux pouvant être assez éloignés? Ou, plus simplement est-on normal quand on n’est pas fou? L’exemple des avis parfois divergents d’experts psychiatres chargés, en procédure pénale, de dire si un sujet est ou non responsable de ses actes laisse rêveur quant aux critères de classification…

    On appelle anormal ce qui semble contraire à la règle, à la norme, aux habitudes ou à la raison. L’anormal n’est pas nécessairement le pathologique qui, lui, postule la souffrance (pathos). Ainsi, les troubles de l’adolescence, dans la grande majorité des cas, ne rentrent pas dans le registre de la pathologie. Chez les personnalités perturbées dans leurs possibilités fonctionnelles, adaptatives, culturelles et morales, l’anormalité est une déviation soit positive, soit négative par rapport à la moyenne ou norme statistique. Pour Auguste Comte, le pathologique n’est qu’une variante quantitative du normal.

    Dans sa vision sociologique, Émile Durkheim définit le normal et par la généralité et par la santé. Par la généralité: « un fait social est normal pour un type social déterminé, considéré à une phase déterminée de son développement, quand il se produit dans la moyenne des sociétés de cette espèce, considérées à la phase correspondante de leur évolution »²⁹. Par la santé: les phénomènes normaux sont « ceux qui sont tout ce qu’ils doivent être » et les phénomènes pathologiques sont « ceux qui devraient être autrement qu’ils ne sont »³⁰. Ainsi, grâce au biais de la santé, la normalité devient un idéal à réaliser.

    Ces mêmes interrogations se posent pour les modalités de l’intelligence, pour le sens artistique, pour le tempérament, bref, pour tout ce qui touche à l’esprit et à ses manifestations extérieures. Bien sûr, il est des pathologies certaines, voire évidentes, mais il est aussi des bilans difficilement classables. Peut-on parler de normalité pour Einstein et Salvador Dali, pour Hitler et G. W. Bush, pour Churchill ou de Gaulle enfin, dont Jean d’Ormesson dira: « Étaient-ils normaux? Bien sûr que non! »³¹

    Un peu paradoxalement, la définition du normal atteint les sommets de la difficulté lorsqu’on envisage l’anatomie et singulièrement la morphologie. Carla Bruni est-elle sous ces rapports plus normale que Madame Thatcher? On ne peut affirmer, on ne peut qu’espérer.

    Pourrait-on définir le normal en anatomo-physiologie comme le sommet (et ses alentours) de la cloche de Gauss construite pour tous les sujets de l’âge de celui que l’on considère? Sans doute. Ici, c’est la statistique qui, en fait, autorise l’approche la moins arbitraire parce que la plus représentative et, donnée impérative en évaluation du préjudice corporel, la plus reproductible.

    Si l’on adopte cette définition, admettant de facto qu’il existe une normalité ou plutôt une zone de normalité pour chaque tranche d’âge, la discarthrose lombo-sacrée évoquée plus haut doit être considérée comme normale pour les sujets dans la soixantaine, inexorablement atteints par les stigmates de l’âge.

    Cette pathologie normale, antinomie assez parlante, dont le sujet lui-même n’est pas nécessairement conscient – c’est le cas si l’arthrose est restée jusqu’alors cliniquement silencieuse –, peut être assez aisément distinguée par le médecin de la pathologie indiscutablement anormale représentée par exemple par une coxarthrose et une gonarthrose unilatérales consécutives à une marche déhanchée entraînée par une ankylose spontanée en position défavorable de la cheville controlatérale, ankylose elle-même due à une ancienne fracture de l’astragale mal soignée³².

    Une fois admise cette définition de la normalité, une fois admis que la discarthrose lombo-sacrée de la soixantaine est un état antérieur normal pour l’âge au moment où survient l’accident dont il faut évaluer les conséquences, il n’en reste pas moins que la discarthrose est une pathologie, même si elle est statistiquement normale. Doit-on parler alors d’un état antérieur normal pour l’âge, d’un état antérieur pathologique ou d’un état antérieur pathologique normal?

    Et d’aucuns pensent que le dommage corporel est simple… Il l’est d’autant moins qu’un homme ne peut se découper en un soma et une psyché qui n’auraient aucune interaction et pourraient s’envisager, voire s’évaluer séparément.

    E. La norme et Noël Simar

    L’homme normal est l’homme comme les autres, qui ne surprend pas; moyen ou médiocre, on pourrait même le considérer comme insignifiant.

    Ainsi, un psychiatre et psychanalyste a pu écrire: « C’est toute l’ambiguïté de la normalité affichée par François Hollande […]. L’individu normal est agi par ses émotions et il tente vaille que vaille de les dominer par la raison. Et ce que l’on demande à un homme de pouvoir et, a fortiori, à un président, consiste justement à faire preuve d’une connaissance et d’une maîtrise de soi plutôt au-dessus de la moyenne. En ce sens, le chef doit se montrer anormal […]. »³³

    Selon Guillaume Le Blanc, cité par Nadine Poussin³⁴, la norme est une notion ambiguë: dans un sens qualitatif, elle est l’homme étalon; dans un sens quantitatif, elle est l’homme moyen. Ces deux sens contribuent à une même élaboration des normes de nos sociétés que l’auteur de cette citation, certes avec un peu de malice, propose de résumer ainsi: « l’homme – blanc – occidental – marié – travailleur – intégré ». Ainsi, même s’il ne répond pas à la définition de l’homme moyen, Noël Simar est bien un homme normal. Il survit à la norme grâce à l’intelligence. Pour les freudiens, il est normal puisqu’il peut aimer et travailler…

    L’homme normal est un mythe, la réparation intégrale du préjudice corporel en est un autre, mais ce sont des mythes pérennes. Noël Simar est également un mythe puisqu’il est un homme normal. Nous sommes donc sauvés: nous pourrons, en cas de nécessité, l’évaluer, tant sur le plan physique que sur le plan psychique, comme tout homme normal… mais admettons quand même qu’« il n’est pas de vérité qui ne porte en elle son amertume »³⁵.

    § 4. La justification de l’évaluation barémique

    Même si nous pouvions comparer de manière précise et fiable le sujet de l’expertise à lui-même avant son accident, même si nous pouvions décrire l’impact des séquelles sur tous les pans de sa vie, donc analyser tous ses préjudices, comment un magistrat pourrait-il l’indemniser? L’indemnisation doit en effet s’inscrire dans le cadre d’une justice égalitaire, objective, transparente, reproductible, ce que la simple description des préjudices de chaque victime n’autorise pas. Donc il faut un système, il faut des outils, il faut un barème.

    Nous évaluerons donc Noël Simar grâce à un guide barème. Que ceux qui connaissent bien Noël se rassurent car un guide barème autorise par définition des correctifs de personnalisation, et ils seront nombreux. Mais quel guide barème? C’est ce qu’il faut encore démontrer.

    La Cour de cassation rappelle périodiquement que la réparation, en droit commun

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