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Droit pénal en questions: (Belgique)
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Droit pénal en questions: (Belgique)
Livre électronique493 pages6 heures

Droit pénal en questions: (Belgique)

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À propos de ce livre électronique

Au cours des dernières années, la participation criminelle s’est vue questionnée sous différentes facettes : la détermination des modes de participation (corréité et complicité), la participation par omission, l’élément subjectif et l’imputation des circonstances aggravantes aux coauteurs et complices... L’auteur fait le point sur ces différents aspects de la participation criminelle.

L’entraide judiciaire internationale active en matière pénale et la recherche des avoirs criminels. L’auteur présente les principaux outils de la coopération judiciaire internationale en matière pénale, qui tendent à permettre le gel ou la confiscation des avantages patrimoniaux tirés des infractions. Les traités conclus au sein du Conseil de l’Europe, reflets d’une prise de conscience de l’importance de l’approche économique de la criminalité organisée, sont tout particulièrement examinés. Ils constituent, pour les praticiens du droit pénal, les moyens les plus efficaces en vue de la localisation et de l’appréhension rapide de biens illicites.

L’introduction de l’indemnité de procédure en matière pénale ne s’est pas faite sans difficulté. Elle a suscité de nombreuses questions et a provoqué une efflorescence jurisprudentielle depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Une mise au point s’imposait.

La loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine a largement redessiné le paysage du droit pénitentiaire et participé à la création d’un véritable droit de l’exécution des peines. L’auteur rappelle les lignes de force de la loi de 2006, dresse le bilan des six premières années d’existence du tribunal de l’application des peines et fait le point sur les questions récemment posées par l’actualité et la réforme engrangée par la loi du 17 mars 2013.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie26 juin 2015
ISBN9782874557927
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    Aperçu du livre

    Droit pénal en questions - Collectif

    attentive.

    La participation criminelle : questions d’actualité

    Damien V

    ANDERMEERSCH

    Avocat général à la Cour de cassation

    Professeur à l’Université catholique de Louvain

    et à l’Université Saint-Louis – Bruxelles

    Introduction

    Notion classique incluse dès l’origine dans le Code pénal, la participation criminelle est régie par les articles 66 à 69 dudit Code. Ces dispositions s’ap pliquent aux infractions reprises dans le Code pénal et aux infractions aux lois particulières si ces dernières le prévoient explicitement (article 100 du Code pénal).

    En règle, on considère que pour pouvoir être punissable, la participation doit répondre à trois conditions: les actes de participation doivent se rapporter à un crime ou un délit ou, à tout le moins, à une tentative punissable d’une telle infraction, le participant doit avoir eu la volonté de s’associer à la commission de l’infraction et l’acte de participation doit prendre la forme d’un des modes de participation visés aux articles 66 et 67 du Code pénal.

    Au cours de ces dernières années, la participation criminelle s’est vu (re)questionnée sous ses différentes facettes: le lien de l’acte de participation avec l’infraction et l’auteur principal, le caractère punissable de la tentative de participation, l’élément subjectif exigé dans le chef du participant, l’imputation des circonstances aggravantes aux participants, la participation par omission, la détermination des différents modes de participation…

    Il nous a paru intéressant de revisiter les conditions requises pour la participation criminelle à travers ces différents questionnements dont l’actualité a rappelé la pertinence.

    Section 1

    L’existence d’une infraction et d’un auteur principal

    Par essence, la participation criminelle se rapporte à une infraction (crime ou délit) à laquelle l’agent a « participé »: elle suppose une contribution effective à sa commission. S’il n’y a pas d’infraction, il ne peut y avoir de participation. L’acte de participation n’a pas de caractère autonome et n’est, en règle, pas punissable en tant que tel; par essence, il se greffe sur un fait infractionnel principal¹.

    La participation implique l’exigence d’un lien de causalité entre le comportement incriminé à titre d’acte de participation et l’infraction principale: « Entre le fait délictueux (ou son commencement d’exécution) et l’acte de participation doit exister un enchaînement ininterrompu et logique, tel que l’infraction puisse apparaître en germe dans l’acte de participation »². Toutefois, suivant la Cour de cassation, la circonstance que l’infraction a été commise d’une autre manière que celle prévue, en telle sorte que la contribution du participant, si elle a été décisive pour que l’infraction se commette, ne s’est pas avérée a posteriori utile, est indifférente quant à l’implication du participant³.

    § 1. La distinction entre l’auteur principal et les participants

    Bien que la Cour de cassation⁴ estime que les termes « auteurs » et « coauteurs » doivent être considérés comme ayant le même sens en droit pénal, la loi ne faisant aucune distinction à cet égard, il nous semble que la différenciation entre ces notions doit être faite, ne fût-ce qu’au regard du contrôle de la réunion des éléments constitutifs de l’infraction.

    L’auteur de l’infraction est celui qui a commis l’infraction, c’est-à-dire celui qui a exécuté matériellement l’infraction en chacun de ses éléments constitutifs⁵. Pour pouvoir être déclaré coupable comme auteur, l’agent doit réunir, dans son chef, les éléments constitutifs matériels de l’infraction, de même que l’élément subjectif (moral ou intentionnel) propre à l’infraction (dol général, dol spécial). Lorsqu’il est constaté dans le chef d’un prévenu la réunion de tous les éléments constitutifs de l’infraction, ce prévenu est à considérer comme auteur de l’infraction même s’il en existe d’autres et il n’est pas nécessaire de vérifier en outre s’il a posé également un acte de participation au sens de l’article 66 du Code pénal⁶. Suivant la Cour de cassation, la circonstance que l’auteur n’a pas accompli directement lui-même un des éléments constitutifs de l’infraction, mais a sciemment laissé ce soin à un coauteur ne fait pas obstacle à ce que la réunion de tous les éléments constitutifs de l’infraction soit constatée dans son chef ⁷.

    Par essence, le participant n’a pas lui-même accompli tous les actes répondant aux éléments constitutifs de l’infraction⁸, sinon il aurait la qualité d’auteur. Pour qu’un prévenu puisse être condamné en tant que coauteur ou complice d’une infraction, il n’est pas requis que les actes de participation contiennent tous les éléments de l’infraction⁹, ni que le coauteur ou complice ait lui-même l’intention requise pour commettre le délit auquel il participe; il suffit que l’auteur principal ait commis l’infraction et que le coauteur ou complice ait sciemment et volontairement coopéré à l’exécution de l’infraction par l’un des modes de participation définis par les articles 66 et 67 du Code pénal¹⁰. Ainsi, en matière de recel, lorsque plusieurs auteurs participent d’une des manières visées aux articles 66 et 67 du Code pénal à l’infraction, il n’est pas exigé, en outre, que chacun d’eux ait eu matériellement des objets recelés en sa possession ou à sa disposition¹¹.

    Lorsque la loi exige pour l’auteur de l’infraction une certaine qualité comme élément constitutif de l’infraction (par exemple, la qualité de dépositaire du secret professionnel dans le cas de l’article 458 du Code pénal), cette condition doit être remplie dans le chef de l’auteur des infractions, mais non des coauteurs ou complices dont le comportement ne doit pas réunir tous les éléments constitutifs de l’infraction¹². J. Van Heule cite, à ce propos, l’exemple du journaliste qui avait été poursuivi comme coauteur d’usage abusif d’informations obtenues en consultant le dossier répressif (article 460ter du Code pénal) alors que celui-ci n’était ni un inculpé ni une partie civile ayant eu accès au dossier répressif ¹³. Par contre, il a été jugé que le caractère « protectionniste » du droit pénal social s’oppose à ce que des travailleurs autres que les « préposés et mandataires » énoncés à l’article 35, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 puissent être condamnés en tant que coauteurs ou complices de l’infraction visée par cette disposition; seules les personnes énoncées audit article ainsi que les tiers à l’entreprise¹⁴ peuvent faire l’objet d’une telle condamnation¹⁵.

    Dès lors, toute forme de participation punissable requiert qu’il existe un auteur principal dans le chef duquel les éléments constitutifs matériels de l’infraction soient réunis. Il n’est cependant pas exigé que l’auteur principal soit condamné, voire même poursuivi. En effet, l’auteur principal peut être resté inconnu, il peut échapper aux poursuites pénales ou à la déclaration de culpabilité en raison d’une cause de non-imputabilité (état de minorité, état de démence…); il peut être exempté de peine à la suite de l’admission d’une cause d’excuse.

    En revanche, si l’auteur principal se voit reconnaître une cause de justification (légitime défense, état de nécessité…), le participant pourra également en bénéficier, puisque dans une telle hypothèse, le fait perd son caractère illicite et il n’y a donc plus d’infraction.

    Par ailleurs, les actes de participation dont il est question aux articles 66 et 67 du Code pénal constituent des comportements qui contribuent à l’exécution d’une ou de plusieurs infractions, et non des actes autonomes qui sont incriminés en tant que tels. Ceci n’empêche pas que ces actes soient également incriminés aux termes d’une autre disposition pénale: ainsi un acte de participation peut répondre également à d’autres incriminations telles que l’association de malfaiteurs ou l’organisation criminelle, la détention d’armes prohibées¹⁶, le recel¹⁷… Pour ces dernières infractions, l’agent n’est plus à considérer comme participant, mais bien comme auteur.

    § 2. La personne morale et les personnes physiques agissant pour son compte : auteurs ou coauteurs ?

    Lorsqu’une personne morale agit par le truchement d’une personne physique, il ne peut être question de participation criminelle: en effet, la personne morale ne peut agir qu’à travers des personnes physiques agissant pour son compte et si une distinction peut être faite sur le plan de la responsabilité pénale entre la personne morale et la personne physique, le comportement de l’un s’assimile dans les faits au comportement de l’autre.

    Cette question relève de la problématique de la responsabilité des personnes morales et non de la participation criminelle. Lorsque la responsabilité pénale d’une personne morale est engagée, tant cette dernière que la personne physique qui est intervenue pour son compte sont à considérer comme auteurs de l’infraction et non comme coauteurs ou complices, pour autant que tous les éléments constitutifs de l’infraction soient réunis dans le chef de la personne physique agissant au nom et pour le compte de la personne morale¹⁸.

    Par contre, rien n’empêche que des personnes physiques (ou même d’autres personnes morales) puissent apporter une contribution au sens des articles 66 à 68 du Code pénal à la commission d’une infraction par une personne morale et par la personne physique à travers laquelle elle a agi: dans une telle hypothèse, les règles classiques de la participation criminelle trouvent à s’appliquer.

    § 3. La question de la tentative

    A. La participation à une tentative punissable de crime ou de délit

    Comme indiqué ci-dessus, la participation peut être réprimée dès qu’il y a tentative punissable. C’est dans le chef de l’auteur de l’infraction et non du participant que les conditions de la tentative doivent être appréciées.

    Ainsi, lorsque l’acte de participation a été entièrement exécuté, mais que la résolution criminelle de l’auteur principal ne s’est pas (encore) traduite par des actes extérieurs qui forment un commencement d’exécution, il n’y a pas de tentative punissable et, partant, de participation criminelle. En ce sens, il a été jugé que le seul fait de commanditer un crime ou un délit à un tiers en lui versant une somme d’argent pour le commettre, sans que ce tiers n’ait agi, ne constitue pas un commencement d’exécution de ce crime ou de ce délit, mais un acte préparatoire de l’infraction¹⁹. En revanche, ces faits pourraient tomber sous l’incrimination prévue par la loi du 7 juillet 1875 contenant des dispositions pénales contre les offres ou propositions de commettre certains crimes.

    De même, lorsque l’auteur principal s’est désisté volontairement en renonçant spontanément à son dessein ou à son intention de commettre le crime ou le délit²⁰, il n’y a plus de tentative ni de participation punissables.

    B. La tentative de participation et le désistement volontaire du participant

    Si la participation à une tentative punissable de crime ou de délit peut être réprimée, une tentative punissable d’acte de participation ne saurait se concevoir²¹. En effet, l’une des conditions de la participation criminelle est d’accomplir l’un des actes visés aux articles 66 et 67 du Code pénal, la tentative de poser l’un de ces actes étant insuffisante à cet égard. En ce sens, la Cour de cassation a affirmé que la loi ne punit pas la tentative de participer à une infraction²².

    Dès lors, de deux choses l’une, soit l’agent a posé un des actes de participation visés par la loi et il peut être poursuivi comme participant, soit il n’a pas posé un des actes visés, s’étant borné à une tentative d’acte, et son comportement ne tombe pas sous le coup de la loi pénale.

    Mais, quelle est alors l’incidence du désistement volontaire de l’agent participant?

    Deux hypothèses doivent être envisagées.

    Soit le désistement intervient avant de poser l’acte de participation, l’agent y renonçant: dans cette hypothèse, il n’y a pas d’acte de participation posé et il ne peut être poursuivi comme participant.

    Soit le désistement de l’agent intervient après avoir posé l’acte de participation en telle sorte qu’il est sans incidence sur le caractère punissable de sa participation, à moins que ce désistement ait eu pour effet ou conséquence que la commission de l’infraction soit interrompue ou échoue. Dans ce cas, on retombe dans l’hypothèse de l’interruption ou de l’échec de la tentative à la suite du désistement volontaire.

    Ainsi, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a considéré que l’absence de désistement volontaire n’est pas une condition d’existence de la participation punissable à une infraction consommée²³.

    Section 2

    La connaissance et la volonté de s’associer à la commission de l’infraction

    § 1. La coopération consciente et volontaire à la commission de l’infraction

    La participation punissable présuppose un élément de connaissance et un élément de volonté qui permettent de conclure à la rencontre de volontés. L’exigence de volonté requiert que les participants aient l’intention de s’associer à la commission de l’infraction, d’y provoquer ou de la favoriser dans sa préparation, son exécution ou sa consommation.

    Il n’est pas exigé qu’un concert préalable soit établi entre les participants²⁴: il suffit que chacun des participants ait l’intention de participer à la commission de l’infraction d’une des manières prévues par la loi et que la rencontre des volontés ait eu lieu au plus tard avant la consommation de l’infraction²⁵. Peu importe que la rencontre des volontés soit le résultat d’un plan préétabli ou le fruit du hasard.

    Suivant la Cour de cassation, la participation criminelle ne requiert pas que l’intention requise pour commettre l’infraction à laquelle le participant coopère émane du coauteur ou complice même; il est nécessaire, mais il suffit, que ce dernier ait sciemment et volontairement prêté son aide à l’exécution de l’infraction voulue par l’auteur²⁶.

    Ainsi, l’intention du participant ne s’identifie pas à celle requise comme élément intentionnel de l’infraction principale²⁷. À titre d’exemple, pour qu’une personne puisse être condamnée comme coauteur ou complice du délit d’organisation d’insolvabilité, il n’est pas requis qu’il ait agi avec l’intention spécifique (dol spécial) prévue à l’article 490bis du Code pénal; il suffit qu’il soit constant qu’un auteur ait commis le délit et que le coauteur ou complice ait coopéré sciemment et volontairement à l’exécution de celui-ci par l’un des modes de participation définis par les articles 66 et 67 du Code pénal²⁸. De même, pour être reconnu coupable d’escroquerie en tant que coauteur, l’agent ne doit pas avoir eu l’intention de s’approprier frauduleusement une chose appartenant à autrui, mais seulement de prêter sa coopération à l’escroquerie²⁹. En matière de blanchiment, lorsqu’il s’agit de la participation à l’infraction visée au 3° de l’alinéa 1er de l’article 505, le dol spécial requis par cette disposition est exigé seulement dans le chef de l’auteur principal, le dol général inhérent à la participation punissable étant suffisant pour les coauteurs et complices³⁰.

    À cet égard, le participant doit avoir connaissance de la circonstance qu’il participe à un crime ou à un délit déterminé, ce qui implique qu’il ait connaissance de toutes les circonstances qui donnent au fait auquel il participe par sa coopération, le caractère d’un crime ou d’un délit déterminé³¹. Cet élément de connaissance porte donc sur tous les éléments constitutifs de l’infraction de base (en ce qui concerne les circonstances aggravantes, voy. ci-dessous).

    À défaut d’une telle connaissance, la participation ne peut être sanctionnée³². À cet égard, un dol éventuel ou une grave imprudence ne suffit pas³³. Ainsi, lorsque les repreneurs d’une société ont agi ultérieurement en contravention de la législation fiscale, les vendeurs ne peuvent être condamnés comme coauteurs ou complices lorsqu’il n’est pas suffisamment établi qu’ils étaient au courant des intentions frauduleuses des acheteurs³⁴.

    La participation exige donc la connaissance de s’associer à une infraction déterminée³⁵. La rencontre des volontés ne doit certes pas s’exprimer en termes exprès et peut être tacite. Il faut cependant une adhésion à un crime ou un délit déterminé, la conscience de la possibilité de faciliter une activité délictuelle quelconque ne suffisant pas³⁶. Toutefois, dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a adopté une attitude plus souple en admettant que la circonstance que le participant renonce sciemment à une connaissance plus concrète et au but de l’infraction projetée n’a pas pour effet qu’il contribue inconsciemment à cette infraction, mais bien qu’il veut participer en connaissance de cause à n’importe quelle infraction déterminée³⁷.

    Par contre, il n’est pas exigé que le participant connaisse les circonstances de temps et de lieu de l’infraction ni l’identité des victimes, ni a fortiori les conséquences des faits pour ces victimes³⁸, ni encore le mobile de l’auteur ou le montant du préjudice³⁹.

    Pour les infractions dites réglementaires, pour lesquelles le seul fait de la contravention à la loi constitue une présomption de faute, la qualité de coauteur peut être retenue lorsque la personne fournit une forme de coopération prévue par la loi en sachant qu’elle apporte sa collaboration à la commission de l’infraction et qu’elle ait l’intention d’y apporter sa coopération⁴⁰.

    Pour les infractions dont l’élément subjectif (élément fautif) est le défaut de prévoyance ou de précaution (infractions commises par imprudence), il ne peut, en principe, être question de participation criminelle, puisqu’il n’y a pas de rencontre de volontés pour aboutir au résultat, puisque ce dernier est involontaire⁴¹. Le cas échéant, il y aura seulement concours d’imprudences ou de défauts de prévoyance; dans cette hypothèse il y aura, à notre sens, concours de fautes entraînant la responsabilité pénale de chacun des fautifs en tant qu’auteurs de l’infraction (par exemple, lorsque plusieurs médecins ont chacun commis une faute médicale et que chacune de ces fautes est en lien causal avec le décès du patient, ils pourront chacun être poursuivis du chef d’homicide involontaire comme auteur). Toutefois, certains auteurs soutiennent qu’il y a place pour une participation punissable lorsque l’infraction « par imprudence ou défaut de prévoyance » est commise par différentes personnes de concert, volontairement et sciemment⁴².

    § 2. L’imputation des circonstances aggravantes aux participants

    ⁴³

    L’élément intentionnel dans le cadre de la participation pose la question difficile de ce qu’on appelle l’emprunt de criminalité, c’est-à-dire l’imputation des circonstances aggravantes réelles⁴⁴ aux différents participants.

    Avec le fameux arrêt Goktepe⁴⁵, la Cour européenne est venue bousculer la jurisprudence majoritaire qui considérait que les circonstances aggravantes « objectives » ou « réelles » s’appliquaient « de façon automatique » à tous les participants, indépendamment du fait de la connaissance de ces circonstances par les participants. Le juge européen s’est fait ainsi l’allié des adversaires de cette jurisprudence⁴⁶ qui, suivant ces derniers, méconnaissait le principe de responsabilité personnelle et individuelle de l’agent.

    Pour rappel, l’arrêt Goktepe condamne l’application automatique des circonstances aggravantes dites « réelles » à tous les participants de l’infraction (théorie de l’emprunt de criminalité) dans une cause où la cour d’assises n’avait pas posé de questions individualisées sur les circonstances aggravantes du vol et en particulier sur celle visée à l’article 474 du Code pénal (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner). En l’espèce, la Cour européenne a considéré que le fait pour la cour d’assises de refuser de poser des questions individualisées sur les circonstances aggravantes, alors qu’une réponse affirmative aux questions posées à cet égard entraîne une aggravation automatique et substantielle des peines encourues, doit passer pour incompatible avec le respect du principe du contradictoire qui est au cœur de la notion de procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

    Quelle portée en droit belge faut-il donner à cette jurisprudence européenne⁴⁷? D’abord, on peut affirmer sans hésiter que la Cour européenne pose de façon claire l’exigence d’un examen individualisé de l’imputation des circonstances aggravantes objectives dans le chef de chacun des participants.

    Pour la cour d’assises, cela implique que des questions séparées et individualisées doivent être posées au jury pour chacun des accusés. Le législateur l’a bien compris puisque l’article 329 nouveau du Code d’instruction criminelle, tel qu’introduit par la loi du 21 décembre 2009 relative à la réforme de la cour d’assises, prévoit explicitement que les jurés délibèrent pour chacun des accusés sur le fait principal et ensuite sur chacune des circonstances aggravantes tandis que l’article 329quater nouveau du même Code précise que les jurés doivent répondre séparément aux questions, d’abord sur le fait principal et ensuite sur chacune des circonstances aggravantes⁴⁸. En ce qui concerne le tribunal correctionnel, aucune réforme législative n’était nécessaire pour que dorénavant, les juges procèdent à un examen individualisé de la culpabilité des participants au regard de chacune des circonstances aggravantes. Dans la foulée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation a considéré également que toute circonstance aggravante, qu’elle soit personnelle ou réelle, devait être appréciée séparément dans le chef de chacun des accusés ou prévenus⁴⁹.

    Mais la jurisprudence européenne implique-t-elle dorénavant l’exigence que l’agent ait agi de façon volontaire et en connaissance de cause de l’existence de la circonstance aggravante réelle ou, à tout le moins, de son caractère prévisible?

    À notre sens, cette question doit recevoir une réponse positive. Nous nous référons à cet égard à l’arrêt rendu le 20 janvier 2011⁵⁰ par la Cour européenne. Cet arrêt considère que le juge n’impute pas automatiquement la circonstance aggravante de meurtre au participant de l’infraction principale de vol lorsqu’il examine, avec la plus grande attention et sur la base des éléments contradictoirement débattus devant lui, le comportement de celui-ci et le rôle joué par lui, de telle sorte qu’il subjectivise la circonstance aggravante de meurtre, avant de conclure qu’il est coauteur des faits ayant entraîné la mort de la victime. En l’espèce, le juge du fond avait certes constaté qu’il n’existait pas de preuve que le coauteur avait participé matériellement au meurtre de la victime, mais il avait relevé le rôle d’instigateur joué par l’intéressé, qui avait contacté les autres protagonistes et procédé à la répartition des charges et qui avait envisagé et accepté le fait que des violences seraient exercées pour maîtriser l’habitante de la maison à cambrioler.

    Ceci étant posé, quel est l’élément subjectif exigé dans le chef du participant pour pouvoir lui imputer la ou les circonstances aggravantes réelles? Comme la participation criminelle exige la connaissance et la volonté de s’associer à la commission de l’infraction (cf. supra), l’élément subjectif requis pour l’imputation de la circonstance aggravante au participant doit consister en un élément de volonté et un élément de connaissance.

    Concernant le contrôle de ces conditions, il nous paraît toutefois excessif d’exiger, dans le chef de chaque participant, la preuve, d’une part, de la connaissance effective de la circonstance aggravante au sens d’une certitude quant à son existence ou à sa réalisation, d’autre part, de la volonté d’agir en connaissance de cause. Il semble qu’une circonstance aggravante devrait pouvoir être imputée à un participant à partir du moment où il avait connaissance de ladite circonstance aggravante ou qu’il avait conscience que cette circonstance constituait un élément ou une suite prévisible de la commission de l’infraction et que malgré la connaissance de cet élément, il a persisté dans sa volonté de s’associer à l’infraction telle que prévue.

    Pour reprendre la terminologie de la Cour européenne⁵¹, le participant doit avoir envisagé (élément de connaissance) et accepté (élément de volonté) le fait de la réalisation (possible ou probable) de la circonstance aggravante. Ainsi, la circonstance aggravante doit être imputée au participant lorsque, sachant que la réalisation de cette circonstance s’inscrit dans le cours normal ou prévisible des événements, il a persisté dans sa volonté de s’associer en connaissance de cause (tant de l’infraction principale que de la probabilité de la réalisation des circonstances aggravantes) à la commission de l’infraction.

    Afin d’illustrer notre propos, nous reprenons l’exemple suivant: une personne joue le rôle de chauffeur des auteurs d’un vol dans une habitation et fait le guet durant les faits. Si elle a la conviction que la maison est inoccupée, la circonstance aggravante d’escalade ou d’effraction pourrait être retenue, mais non celle de violences ou de menaces. En revanche, si elle avait pu ou dû envisager la présence possible d’occupants et qu’elle avait conscience que la détermination des auteurs du vol ne serait pas nécessairement ébranlée par la présence ou la résistance des occupants, la circonstance aggravante de violence ou de menace devrait pouvoir être retenue à sa charge. En outre, si elle savait que les auteurs principaux étaient en possession d’armes munies de munitions et prêtes à l’emploi, la circonstance aggravante de violence avec arme et, le cas échéant, celle de meurtre (pour faciliter le vol) pourraient lui être imputées dès lors qu’il serait établi qu’elle a persisté dans sa volonté de s’associer à l’infraction en connaissance de cause de l’éventualité de l’utilisation des armes.

    En ce sens, la Cour de cassation a considéré qu’était légale la décision de retenir la circonstance aggravante de meurtre à charge d’un coauteur du vol avec violences dans la mesure où, étant sur les lieux avec une voiture volée, ganté, cagoulé et lourdement armé, il avait conscience que cette circonstance constituait un élément ou une suite prévisible de la commission de l’infraction et que, malgré cette connaissance, il ne s’est à aucun moment désolidarisé du tireur et a persisté dans sa volonté de s’associer au vol qu’ils avaient prévu de commettre⁵².

    Il a également été jugé que lorsque l’accusé a eu connaissance au préalable du fait que le vol nécessitera des violences graves et connaissait les éventuelles conséquences ou devait les connaître tout en y consentant, il est également individuellement coupable des circonstances aggravantes du fait principal de vol en la qualité de coauteur⁵³.

    Dans un cas d’espèce, la cour d’assises de Bruxelles a considéré que dans la mesure où l’accusé connaissait la réputation de dangerosité de ses comparses et leur détermination commune à vaincre toute forme de résistance, ces derniers s’étant équipés d’armes redoutables et non seulement d’armes factices, il avait envisagé et accepté le fait que des violences puissent se commettre, en telle sorte qu’il y va d’une participation recherchée et donc consciente au projet criminel commun avec, en l’espèce, la prévisibilité que des violences soient exercées, mais aussi qu’un meurtre soit commis pour faciliter le vol ou pour assurer la fuite⁵⁴.

    Dans une autre cause, la cour a retenu la circonstance aggravante de meurtre pour les coauteurs d’une tentative de vol avec violences dès lors que « sachant que l’auteur était en possession d’un revolver P.38 chargé et donc susceptible de tirer malgré la chambre laissée vide pour un premier tir, ils avaient conscience que la circonstance aggravante de meurtre pour faciliter le vol envisagé constituait un élément ou une suite prévisible de la commission de l’infraction, et que malgré cette connaissance, ils ne se sont à aucun moment désolidarisés du tireur et ont persisté dans la volonté de s’associer au vol qu’ils avaient prévu de commettre et qui n’a manqué son objectif que pour des raisons indépendantes de leur volonté; la nature de l’arme dont le tireur était porteur à la parfaite connaissance des trois autres accusés ne pouvait laisser subsister aucun doute raisonnable quant à la connaissance, dans le chef de chacun, du risque de causer la mort de quelqu’un et l’acceptation de cette éventualité »⁵⁵.

    Faisant application des mêmes principes dans une cause concernant une tentative de vol avec violences commises par deux auteurs cagoulés et armés, au cours duquel une victime avait été tuée et l’autre gravement blessée, la cour d’assises de la province du Hainaut a déclaré établies à charge du coaccusé qui avait fourni divers renseignements (croquis des lieux, présence des caméras, rituel concernant le transfert d’argent liquide…) diverses circonstances aggravantes du vol sur la base des considérations suivantes:

    l’accusé avait connaissance de l’immanquable confrontation qui devait nécessairement avoir lieu entre les auteurs et les victimes; il avait conscience du recours inévitable à la violence et avait accepté le risque d’une résistance des victimes, laquelle s’inscrivait dans le cours normal et prévisible des événements s’y associant en connaissance de cause;

    les fortes personnalité et constitution d’une des victimes, la présence présumée de membres du personnel sur les lieux à l’heure de la commission des faits, la situation isolée de l’entreprise rendaient prévisible la réalisation des circonstances aggravantes de pluralité d’auteurs matériels des faits et de l’usage d’un véhicule pour faciliter le vol ou assurer leur fuite ainsi que de l’utilisation d’armes ou d’objets qui y ressemblent, circonstances auxquelles l’accusé s’est donc volontairement associé en toute connaissance de cause;

    l’utilisation d’armes par les auteurs matériels de la tentative de vol avec violences rendait prévisible la survenance de blessures graves dans le chef d’une des victimes, celles-ci s’inscrivant dans le cours normal et prévisible des événements auxquels l’accusé s’est volontairement associé en toute connaissance de cause⁵⁶.

    Par contre, les jurés n’ont pas retenu à charge de ce même accusé la circonstance aggravante de meurtre sur la personne d’une des victimes en considérant que l’accusé n’avait pas eu de contact direct avec les auteurs matériels des faits qu’il ne connaissait pas, mais seulement avec un intermédiaire et que, par conséquent, il existait un doute raisonnable que cet accusé ait pu prévoir qu’un meurtre serait commis à l’occasion du projet criminel envisagé. La circonstance aggravante de meurtre a, en revanche, été retenue à charge de l’intermédiaire, les jurés considérant qu’à la différence de l’autre accusé, il connaissait la personnalité violente du tiers à qui il avait communiqué les renseignements en vue de la commission des faits tels qu’ils furent réalisés et a donc accepté le risque qu’un meurtre soit commis à l’occasion d’usage de violences lors de ceux-ci et s’y est volontairement associé⁵⁷.

    Dans une cause similaire où un bijoutier avait été tué par un des trois auteurs au cours d’un hold-up dans une bijouterie, la cour d’assises de Bruxelles n’a pas retenu la circonstance aggravante de meurtre à charge des deux autres auteurs sur la base de la considération suivante: « alors qu’ils avaient déclaré qu’était uniquement prévu un vol sans violence particulière et qu’ils avaient été surpris par la double circonstance que l’auteur demeuré inconnu était armé et avait fait un usage mortel de son arme, ni les parties civiles ni le ministère public n’avait apporté la preuve du contraire de leur affirmation suivant laquelle ils n’avaient jamais envisagé cette double circonstance et n’en avaient à aucun moment accepté, même tacitement, la réalisation éventuelle, totalement imprévisible selon eux »⁵⁸.

    Il y a lieu de constater que tous les exemples jurisprudentiels évoqués ci-dessus sont issus de causes déférées aux cours d’assises. Faut-il en conclure que la question n’a pas été ou peu été soumise aux tribunaux correctionnels? Si c’est le cas, on peut s’en étonner, dans la mesure où la question devrait se poser également devant les tribunaux correctionnels, et ce d’autant plus que la liste des crimes correctionnalisables a été encore étendue aux termes de la loi du 21 décembre 2009.

    Il convient de noter enfin que la question de l’imputation des circonstances aggravantes réelles se pose dans les mêmes termes pour celui qui se sera rendu coupable de recel de malfaiteurs au sens de l’article 68 du Code pénal.

    Section 3

    L’accomplissement d’un des actes de participation visés par les articles 66 et 67 du Code pénal

    Pour être coupable de participation à un crime ou à un délit, il faut que l’agent y ait contribué de la manière déterminée par la loi⁵⁹. Ainsi, il suffit que l’auteur ait commis l’infraction et que le coauteur ou complice ait sciemment et volontairement coopéré à l’exécution de l’infraction par l’un des modes de participation définis par les articles 66 et 67 du Code pénal⁶⁰.

    Le juge du fond apprécie cette question souverainement d’après les éléments de fait qu’il relève⁶¹.

    § 1. Une liste limitative de comportements

    Les articles 66 et 67 du Code pénal définissent les comportements qui constituent des actes de participation criminelle à la commission d’une infraction. Ces dispositions sont de stricte interprétation et leur champ d’application ne peut être

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