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Ce qu’il n’a jamais dit des Français

Un écran noir. Puis, quelques branchements plus tard, dans le salon vert de l’Elysée, au milieu des tables en U, surgit l’image d’Emmanuel Macron. Il ne s’agit pas de la projection d’un documentaire consacré au chef de l’Etat mais bien d’un entretien entre L’Express et celui qui a déjà, ce soir du jeudi 17 décembre, quitté les lieux et rejoint la résidence de la Lanterne, à Versailles, pour « s’isoler et continuer à travailler », comme on a pris de soin de le préciser à l’Elysée. Drôles de conditions pour un entretien inhabituel.

Quand nous lui proposons, quelques semaines auparavant, de dessiner, d’analyser, de questionner aussi, dans L’Express, sa relation avec les Français et sa foi en ce qui nous lie, nul ne peut se douter que le président aura, à son tour, à faire face au virus. La rencontre est programmée le 17 décembre en milieu de matinée, à l’Elysée. Mais l’annonce, le même jour, de sa contamination bouscule tout.

Est-ce parce que le thème de l’entretien lui paraît essentiel dans une période de grand éparpillement ou parce qu’il a lu, au-delà des sondages sur sa personne, les études récentes dans lesquelles les Français apparaissent comme les champions de la défiance envers leurs gouvernants et leurs institutions qu’il choisit de maintenir le rendez-vous en en adaptant le format? « Nous sommes à présent pris par notre volonté farouche, absolue, de reprendre le contrôle de notre vie, de notre vie intime et de la France comme nation », dit-il dans cette conversation hors-norme qui l’incite à prendre des accents presque aussi métaphysiques que politiques. C’est donc l’urgence qui le guide. Il semble avoir perçu chez ce « peuple de paradoxes, très politique et perclus de passions contraires », une « vulnérabilité » nouvelle et le besoin impérieux d’être tranquillisé sur son destin.

Entre une Europe dont nous nous demandons, selon lui, si elle nous rend vraiment plus grands ou si elle est devenue « une machine qui nous oppresse », et un monde qui paraît ne plus comprendre nos valeurs, nos principes, de l’universalisme à la laïcité, nous voici coincés et par conséquent enclins au « doute existentiel ». C’est ainsi que la France devient le terreau d’un relativisme ambiant, d’une perception manichéenne de l’histoire mais aussi, et c’est Emmanuel Macron qui le dit, d’une « société victimaire et émotionnelle ».

De sa doctrine pour conjuguer l’universel et le particulier à son action pour réinventer un patriotisme contemporain, le chef de l’Etat révèle à L’Express ce qui lui servira de boussole pour la fin de son quinquennat. Un entretien auquel pourront se référer ceux qui souhaiteront, un jour, faire le bilan du macronisme.

L. D.

Vous êtes président de la République depuis trois ans et demi, qu’avez-vous appris des Français?

Emmanuel Macron Ces trois dernières années ont conforté ma conviction: nous sommes un peuple de paradoxes. Cela avait été très mal compris quand j’avais dit que nous étions un peuple de Gaulois réfractaires, mais je m’incluais dans les Gaulois réfractaires! Nous sommes un pays qui peut produire la crise des gilets jaunes, être extrêmement dur, vocal et, en même temps, nous sommes l’un des pays d’Europe où le confinement a été le plus respecté.

Nous ne sommes pas un pays qui se réforme comme les pays anglo-saxons, scandinaves, ou l’Allemagne, nous sommes un pays qui se transforme. Un pays très politique, perclus de passions contraires. C’est ce que j’aime profondément en nous. Cette tension créatrice.

Avec un rapport à l’Etat et à la responsabilité très singulier, on l’a vu pendant les crises récentes.

Le traumatisme, c’est effectivement le rapport à l’Etat. La France naît de la langue et de l’Etat, les deux piliers de notre Nation. L’Etat est ainsi perçu comme un socle d’unité qu’on aime mais il est aussi vécu comme une contrainte, toujours. Nous sommes dans cet entre-deux permanent, c’est notre belle névrose. Dès que quelque chose ne va pas, on le reproche à l’Etat: voilà ce qui explique que depuis des décennies, la confiance en nos responsables politiques, en nos structures, est beaucoup plus faible qu’ailleurs. L’Etat est tenu responsable

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