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La preuve en matière pénale
La preuve en matière pénale
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Livre électronique1 001 pages13 heures

La preuve en matière pénale

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À propos de ce livre électronique

La première édition d’une compilation des décisions les plus importantes en matière de procédure pénale, sous l’angle des questions de preuve. Les principes fondamentaux de cette matière sont revisités au travers de décisions tant nationales qu’internationales ayant marqué notre droit. Le praticien y trouvera, aussi, des réponses aux cas d’espèce qu’il est susceptible de rencontrer.
Y sont couverts :
- le principe de la liberté de la preuve en matière pénale, tant quant au mode de preuve présenté que quant à sa valeur probante ;
- la question de la charge de la preuve. Le juge peut-il faire usage de présomptions ? Connait-on d’autres modes d’allégements de la charge de la preuve ? Ces questions sont exclusivement étudiées au travers de la jurisprudence relative au blanchiment et au sort judiciaire réservé aux avoirs patrimoniaux issus d’infractions ;
- le silence de l’accusé peut-il être pris en considération par le juge qui condamne ? Est-il interdit d’organiser, de par la loi, une forme quelconque d’obligation de collaborer dans le chef d’un suspect ? Jusqu’où le droit au silence interdit-il la recherche, dans le chef des autorités, de déclarations auto-incriminantes, mais involontaires, d’un suspect ? ;
- la question des conséquences de la torture ou d’un traitement inhumain et dégradant sur l’équité du procès ;
- le droit à l’assistance d’un avocat lors de la phase préliminaire du procès pénal ;
- les conséquences de l’utilisation d’une preuve illégale sur le droit du suspect à bénéficier d’un procès équitable. L’admissibilité de la preuve obtenue en violation de la loi nationale, constitutive d’une infraction, implique-t-elle l’inéquité du procès ? L’admissibilité de la preuve obtenue en violation du droit à la vie privée implique-t-elle l’inéquité du procès ? Après avoir abordé la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’évolution particulière qu’a connue la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique est décortiquée, de même que l’évolution législative ;
- la question épineuse de la contradiction de l’expertise pénale ;
- la perquisition sous l’angle spécifique du secret professionnel de l’avocat ;
- l’évolution de la jurisprudence en matière d’écoutes et de repérages téléphoniques.
LangueFrançais
Date de sortie22 avr. 2015
ISBN9782804456689
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    Aperçu du livre

    La preuve en matière pénale - Sophie Cuykens

    couverturepagetitre

    Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com.

    © Groupe Larcier s.a., 2015

    Éditions Larcier

    Espace Jacqmotte

    Rue Haute, 139 - Loft 6 - 1000 Bruxelles

    EAN : 9782804456689

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    La collection « Grands arrêts » publie des ouvrages thématiques qui rassemblent les principaux arrêts de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation, du Conseil d’État, de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces arrêts y sont reproduits par extraits significatifs et largement commentés par des spécialistes de manière à élaborer une réelle doctrine de la matière

    Sous la direction de :

    Charles-Eric Clesse, auditeur du travail de Mons et de Charleroi et chargé de cours à l’Université libre de Bruxelles

    Bernadette Renauld, référendaire à la Cour constitutionnelle et maître de conférences à l’Université catholique de Louvain - Mons

    Damien Vandermeersch, avocat général à la Cour de cassation, professeur à l’Université catholique de Louvain et à l’Université Saint-Louis-Bruxelles

    Pierre Vandernoot, président de chambre au Conseil d’État et maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles

    Sébastien Van Drooghenbroeck, professeur à l’Université Saint-Louis-Bruxelles et assesseur à la Section de législation du Conseil d’État

    Sean Van Raepenbusch, président du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne et professeur à l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles

    Déjà parus :

    van Drooghenbroeck S. (dir.), Le droit international et européen des droits de l’homme devant le juge national, 2014.

    Ch.-É. Clesse, Fr. Kurz, P. Le Cocq, V. Truillet, La traite des êtres humains et le travail forcé, 2014.

    SOMMAIRE

    I

    NTRODUCTION

    I. L

    A

    LIBERTÉ

    DE

    LA

    PREUVE

    EN

    MATIÈRE

    PÉNALE

    I.1. La liberté des éléments de preuve

    I.2. La libre appréciation de la force probante des éléments de preuve

    II. L

    A

    CHARGE

    DE

    LA

    PREUVE

    – 

    DE

    LA

    PREUVE

    PAR

    PRÉSOMPTION

    ET

    DES

    AUTRES

    MOYENS

    D

    ALLÉGER

    LA

    CHARGE

    DE

    LA

    PREUVE

    II.1. Introduction

    II.2. La jurisprudence nationale

    II.3. La jurisprudence européenne

    II.4. Conclusions

    III. L

    E

    DROIT

    AU

    SILENCE

    III.1. Le silence de l’accusé peut-il motiver la décision de culpabilité ?

    III.2. L’obligation de collaborer avec les autorités

    III.3. Les subterfuges aux fins d’obtenir les aveux du suspect contre sa volonté

    IV. L’

    USAGE

    DE

    LA

    TORTURE

    OU

     

    D

    UN

     

    TRAITEMENT

    INHUMAIN

    OU

     

    DÉGRADANT

    IV.1. Le déroulement de la procédure nationale

    IV.2. Les précédents

    IV.3. L’arrêt

    IV.4. Les opinions dissidentes

    IV.5. Les enseignements de l’arrêt

    V. L

    E

    DROIT

    À

    L

    ASSISTANCE

    D

    UN

    AVOCAT

    LORS

     

    DE

    LA

    PHASE

    PRÉLIMINAIRE

    DU

    PROCÈS

    V.1. En droit européen

    V.2. En droit belge

    VI. P

    REUVE

    ILLÉGALE

    ET

    DROIT

    À

    UN

    PROCÈS

    ÉQUITABLE

    VI.1. Les prémisses : L’admissibilité de la preuve obtenue irrégulièrement implique-t-elle l’inéquité du procès pénal ?

    VI.2. L’admissibilité de la preuve obtenue en violation du droit à la vie privée implique-t-elle l’inéquité du procès ?

    VI.3. L’admissibilité de la preuve irrégulière ou illégale – Cour de cassation

    VI.4. L’admissibilité de la preuve irrégulière ou illégale – La législation

    VII. L’

    EXPERTISE

     :

    UNILATÉRALE

    OU

     

    CONTRADICTOIRE

     ?

    VII.1. Introduction

    VII.2. Même en matière pénale, certaines expertises doivent être contradictoires

    VII.3. La jurisprudence ultérieure de la Cour européenne

    VII.4. Le point sur le caractère contradictoire de l’expertise dans la jurisprudence de la Cour de cassation

    VII.5. Deux décisions intéressantes des juridictions de fond

    VII.6. Conclusions

    VIII. L

    ES

    PERQUISITIONS

    ET

    LE

    SECRET

    PROFESSIONNEL

    DE

    L

    AVOCAT

    VIII.1. Introduction

    VIII.2. Les conditions requises pour toute perquisition

    VIII.3. La protection du secret professionnel de l’avocat à l’occasion des perquisitions

    VIII.4. La jurisprudence de la Cour ultérieure à l’affaire Niemietz

    VIII.5. La jurisprudence belge

    VIII.6. Conclusions

    IX. L

    ES

    MESURES

    D

    ÉCOUTES

    ET

    DE

    REPÉRAGES

    TÉLÉPHONIQUES

    AU

    REGARD

    DU

    DROIT

    AU

     

    RESPECT

    DE

    LA

    VIE

    PRIVÉE

    IX.1. Les mesures d’écoutes téléphoniques au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

    IX.2. Les mesures de repérages téléphoniques au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

    B

    IBLIOGRAPHIE

    INTRODUCTION

    Le titre même de la présente collection invite à la réflexion. Elle offre l’occasion, non pas de détailler l’ensemble des principes fondamentaux au thème de chaque ouvrage, mais de les aborder au travers de décisions tant nationales qu’internationales ayant marqué notre droit. Outre des choix d’ordre strictement juridique, les décisions adoptées par le pouvoir judiciaire ont, souvent, relevé autant de la réflexion philosophique que de la réflexion politique. Et ces grands arrêts ont, aussi, souvent influé sur les textes de loi qui ont suivi.

    Nous avons donc saisi cette chance de revenir sur l’essence des principes fondamentaux de notre procédure pénale et, plus particulièrement, sur les principes applicables à la recherche de la preuve des infractions.

    Le choix d’inscrire telle ou telle règle au titre de principe est le fruit, le plus souvent, d’une réflexion déjà fort ancienne. Ces règles ne sont pas issues d’une idée d’un temps, mais résultent de réflexions arrivées à maturité.

    Réfléchies, ces règles communes aux États européens n’ont pourtant pas toujours reçu la même interprétation au sein de chaque État. Et c’est en cela que l’application des mêmes règles, analysées par les hautes juridictions, a donné lieu à des confrontations d’interprétation. On ne peut plus appréhender, de nos jours, la procédure pénale belge sans le prisme de la jurisprudence de la Cour européenne des droit de l’homme, et du droit européen de manière générale. Il ne suffit pas de se fixer sur une règle, édictée au travers de quelques arrêts de cette haute juridiction. Il faut comprendre la source, la motivation, l’application de cette règle aux cas concrets soumis à la Cour, pour en déterminer tous les aspects, toutes les subtilités.

    C’est l’occasion qui nous a ici été donnée. Revenir à l’essence de nos fondamentaux, revisiter l’histoire de nos principes, pour les confronter à l’évolution de notre société et comprendre l’évolution de notre système judiciaire.

    Le thème était cependant trop large si le présent ouvrage se voulait utile. Nous avons donc procédé à des choix, fonctions tantôt de ce que le principe discuté constitue le soubassement de notre système (la liberté de la preuve), tantôt de la constante évolution des applications d’un principe (le droit au silence), tantôt encore, fonctions du caractère très actuel du débat (arrêt Salduz).

    Restaient à ordonner les textes. Nous avons, là aussi, fait des choix. Nous aurions pu en faire d’autres.

    La première partie porte sur le principe de la liberté de la preuve en matière pénale, tant quant au mode de preuve présenté que quant à sa valeur probante. C’est ce principe cardinal qui marque la différence avec le droit judiciaire privé.

    Suit la charge de la preuve, non pas dans la généralité – ce qui n’aurait pas présenté d’intérêt majeur, mais dans l’analyse, plus récente et plus discutée, des allégements de cette charge et, partant, des limites de ce principe.

    Nous poursuivons avec le principe qui a connu l’essor le plus extraordinaire au cours des dernières décennies. Le droit au silence est nécessairement lié à l’affirmation de la présomption d’innocence. Il constitue le prolongement de la charge de la preuve. Il marque, enfin, plus que tout autre, la reconnaissance de l’intérêt privé face à celui des autorités publiques. Plusieurs questions nous ont paru interpeller sur cette base. Le silence de l’accusé peut-il être pris en considération par le juge qui condamne ? Est-il interdit d’organiser, de par la loi, une forme quelconque d’obligation de collaborer dans le chef d’un suspect ? Jusqu’où le droit au silence interdit – il la recherche, dans le chef des autorités, de déclarations auto-incriminantes, mais involontaires, d’un suspect ?

    En quatrième ordre vient la question des conséquences de la torture ou d’un traitement inhumain et dégradant sur l’équité du procès. Un seul arrêt y est commenté, tant il permet, au travers de son analyse et des précédents, de faire le point sur ce débat. En réalité, nous aurions pu induire cette analyse au droit au silence, mais c’eût été nier la spécificité de la violation de l’article 3.

    Puisqu’il était également directement lié à la reconnaissance du droit au silence, la cinquième partie est consacrée, distinctement, au droit à l’assistance d’un avocat lors de la phase préliminaire du procès pénal. Ce droit découle et dépasse largement la question du droit au silence et nous a semblé devoir être analysé séparément.

    La sixième partie porte sur les conséquences de l’utilisation d’une preuve illégale sur le droit du suspect à bénéficier d’un procès équitable. La violation de l’article 8 implique-t-elle la violation de l’article 6 ?

    Nous avons divisé la question en plusieurs. L’admissibilité de la preuve obtenue en violation de la loi nationale, constitutive d’une infraction, implique-t-elle l’inéquité du procès ? L’admissibilité de la preuve obtenue en violation du droit à la vie privée implique-t-elle l’inéquité du procès ? Après avoir abordé la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’évolution particulière qu’a connu la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique est décortiquée, de même que l’évolution législative.

    En septième lieu, il convenait d’aborder des questions plus spécifiques à certains modes de preuve. C’est l’épineuse question de la contradiction de l’expertise pénale qui nous a paru justifier le premier examen de cet ordre.

    La perquisition, sous l’angle spécifique du secret professionnel de l’avocat, est le sujet abordé dans le huitième chapitre.

    Enfin, pour clôturer, nous en sommes revenus à l’évolution de la jurisprudence en matière d’écoutes et de repérages téléphoniques.

    *

    *     *

    Pour réaliser cet ensemble, j’ai eu le plaisir de bénéficier de la complicité – que dis-je, de la coréité – de deux auteurs émérites, tous deux assistants de longue date au sein de l’Université libre de Bruxelles, et spécialisés en droit pénal et procédure pénale. Nous avons choisi de ne pas signer distinctement les parties sur lesquelles nous nous sommes plus particulièrement concentrées, l’ensemble étant le fruit d’un travail collectif. Je remercie en tout cas Sophie Cuyckens et Damien Holzapfel d’avoir partagé cette nouvelle aventure à mes côtés, en espérant qu’elle leur aura apporté de nouvelles réflexions et qu’ils m’en voudront moins à l’avenir pour ces quelques instants consacrés à la recherche et l’écriture.

    C’est en nos trois noms que je remercie vivement Damien Vandermeersch pour sa confiance, pour son initiative, pour sa patience aussi, pour ses éclairages, mais, surtout, pour la passion du droit qu’il communique avec une telle aisance et une telle constance.

    Laurent KENNES

    I. LA LIBERTÉ DE LA PREUVE EN MATIÈRE PÉNALE

    I.1. La liberté des éléments de preuve

    Cass., 7 mai 1934 ¹

    Preuve – Matière répressive – Droit du juge de former sa conviction sur l’ensemble des éléments de l’instruction

    Extrait

    […]

    Attendu que, devant la cour, le demandeur, invoquant l’article 154 du Code d’instruction criminelle, aux termes duquel les contraventions seront prouvées soit par des procès-verbaux, soit par témoins, a prétendu qu’aucune de ces preuves n’existait en l’espèce et en outre que les déclarations des défendeurs étaient contradictoires et que le certificat médical produit par eux ne constituait pas une preuve légale et était au surplus insuffisant pour justifier leurs allégations quant à l’auteur des blessures ;

    Attendu que l’arrêt dénoncé, rencontrant ces conclusions, a répondu justement en droit que les articles 154 et 189 du Code d’instruction criminelle ne sont qu’énonciatifs et que le juge peut puiser sa conviction dans l’ensemble des éléments et faits de la cause qui ont été soumis à débats contradictoires ; et souverainement en fait qu’il est résulté de l’instruction faite devant la cour que les préventions sont restées établies ;

    Attendu que cette réponse, loin de faire supposer, comme l’allègue le demandeur, que le juge a statué sur de pures impressions ou sur des éléments recueillis en dehors de l’audience, démontre au contraire qu’il a prononcé d’après le sentiment intérieur qu’a produit l’instruction contradictoire faite devant lui ;

    Attendu qu’il n’était pas astreint à faire connaître les causes de cette conviction […].

    Observations

    1. En matière pénale, une personne accusée d’avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie ².

    Tel sera le cas lorsqu’une décision judiciaire coulée en force de chose jugée prononce la culpabilité d’une personne.

    Le procès pénal a donc pour objet notamment de déterminer si la personne mise en cause est ou pas coupable des faits mis à sa charge.

    Pour trancher cette question, le juge se fonde sur les éléments de preuve qui sont présentés et discutés par les parties au procès.

    Sur la base de ceux-ci, il se forge une conviction qu’il énonce dans son jugement, en le motivant.

    2. La preuve est dès lors un enjeu et une notion centrale du procès pénal puisque c’est elle, et elle seule, qui permet au juge de déterminer si la présomption d’innocence dont bénéficie tout accusé est renversée et, en conséquence, de déclarer cet accusé coupable des faits qui lui sont reprochés.

    Comme l’indique la Cour de cassation, « l’intime conviction du juge correctionnel ne constitue pas une preuve ; elle ne peut être que la résultante des éléments de fait et de preuve sur lesquels le juge s’est appuyé pour asseoir sa décision » ³.

    Cette notion est à ce point importante qu’il pourrait sembler logique et nécessaire qu’elle soit précisément réglementée, or il n’en est rien.

    Il n’existe pas de « théorie générale de la preuve » en matière pénale.

    La première question qui se pose dès lors est de savoir quels sont les éléments qui peuvent être pris en considération par le juge à titre de preuve.

    3. La loi ne prévoit pas, en matière pénale, un nombre limité de modes de preuve pouvant être pris en considération par les cours et tribunaux pour déterminer si une infraction peut être déclarée établie dans le chef de la personne poursuivie.

    L’article 154 du Code d’instruction criminelle prévoit certes que devant les tribunaux de police, « les contraventions seront prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui ».

    L’article 189 du Code d’instruction criminelle renvoie quant à lui à l’article 154 du Code d’instruction criminelle en ce qui concerne la preuve des délits correctionnels devant les tribunaux correctionnels.

    La Cour de cassation a toutefois précisé, notamment à l’occasion de l’arrêt précité du 7 mai 1934, que cette disposition légale n’énumère pas les moyens de preuve des infractions de manière limitative et qu’elle n’interdit pas au juge d’avoir égard à des éléments de preuve autres que les procès-verbaux ou des dépositions de témoins ⁴.

    Dans un arrêt du 11 juillet 1932, la Cour de cassation a énoncé qu’« en matière répressive, sauf dispositions particulières à certaines infractions spéciales, le législateur a admis le principe non de la preuve légale, mais de la preuve morale ou de conviction, ce qui permet au juge de puiser sa conviction tant dans une preuve négative, conjecturale ou imparfaite, que dans une preuve affirmative, directe ou complète, dès l’instant où l’une ou l’autre résulte des débats » ⁵.

    Elle a également indiqué qu’en matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge peut asseoir sa conviction sur tous les éléments régulièrement obtenus que les parties ont pu librement contredire ⁶.

    Il en découle qu’une infraction et son imputabilité à la personne mise en cause peuvent être établies par tout moyen de preuve, pour autant que celui-ci soit régulièrement obtenu et soumis à la contradiction des parties.

    4. Les modes de preuve ne sont donc nullement limités par la loi ; tout élément peut être invoqué pour autant qu’il soit de nature à entraîner la conviction du juge ⁷.

    Il n’existe donc, en règle, pas de mode de preuve devant nécessairement être produit pour pouvoir déclarer une infraction établie, tout élément remplissant les conditions précitées ⁸ peut être pris en considération par le juge pour fonder sa conviction, qu’il doit ensuite motiver.

    Paul-Emile Trousse précise que pour servir de base à une décision répressive, le moyen de preuve retenu par le juge doit : a) être compatible avec les principes généraux du droit, le respect de la personnalité humaine et les droits de la défense ; b) être reconnu par la raison et l’expérience comme pouvant conduire le juge à la conviction ; c) avoir été régulièrement recueilli et produit ⁹.

    5. L’article 326 du Code d’instruction criminelle consacre expressément cette liberté des éléments de preuve pour les causes soumises à la Cour d’assisses.

    Cette disposition prévoit en effet que le Président de la Cour d’assises indique aux jurés qu’une « condamnation ne peut être prononcée que s’il ressort des éléments de preuve admis et soumis à la contradiction des parties que l’accusé est coupable au-delà de tout doute raisonnable des faits qui lui sont incriminés » ¹⁰.

    6. Cette liberté est vue comme un contrepoids au principe de la charge de la preuve qui incombe à la partie poursuivante ¹¹.

    Elle semble au demeurant nécessaire au regard des éléments qui doivent être prouvés, étant l’établissement de faits constitutifs le cas échéant d’infractions pénales.

    Comme le souligne Paul-Emile Trousse « […] la nature même du fait pénal exclut la préconstitution de la preuve et même la détermination à l’avance des moyens qui permettront de l’établir. Les éléments de conviction sont souvent le résultat de circonstances fortuites quand ils n’auront pas été brouillés par l’auteur du fait qui prendra toutes les précautions nécessaires pour rendre la preuve impossible et pour en anéantir toute trace. Enfin l’infraction comporte non seulement des éléments matériels mais encore des circonstances impalpables relevant uniquement du for interne : l’imputabilité morale du prévenu, sa situation d’esprit à l’instant de l’infraction, la lucidité de ses facultés de conscience, l’intention mauvaise et son intensité […] » ¹².

    L’auteur en conclut que « le seul système adéquat est celui de la preuve libre quels qu’en soient les périls ».

    7. Si la loi ne limite donc pas les modes de preuve qui peuvent être invoqués, en revanche, la manière dont la preuve est recueillie et dont elle doit être traitée est soumise à certaines exigences légales.

    Si tout peut faire preuve, tout ne peut pas faire preuve à n’importe quelle condition.

    L’aveu spontané d’une personne, effectué en présence de son avocat ou après avoir renoncé valablement à la présence de celui-ci, peut servir de preuve à l’encontre de cette personne.

    Par contre, l’aveu obtenu par exemple à la suite d’actes de torture ne peut servir de preuve.

    Si le mode de preuve est donc libre, la manière dont il est obtenu et la manière dont il est traité sont soumises à certaines exigences.

    A. L’élément de preuve doit être admis ou régulièrement obtenu

    8. Il était traditionnellement enseigné et considéré que les éléments de preuve pouvant être pris en considération par le juge pour fonder sa conviction ne pouvaient être ni illégaux ni irréguliers.

    Le Professeur Jean Du Jardin écrivait à cet égard qu’il « n’est pas contesté ni même contestable qu’une preuve résultant d’un acte illégal doit être rejetée, ainsi que les éléments qui en sont issus. Le juge ne peut, à l’évidence, fonder sa conviction sur une illégalité […] La vertu de Justice a ainsi ses contraintes, que les meilleurs motifs de politique criminelle ne permettent pas d’estomper. Qui veut la fin, ne peut pas se permettre tous les moyens… » ¹³.

    Force est de constater que la situation a considérablement évoluée sur ce point dans le sens d’une diminution importante des contraintes imposées à cet égard à la vertu de Justice.

    Nous nous permettons de renvoyer à cet égard aux développements contenus au chapitre VI ¹⁴.

    B. L’élément de preuve doit être soumis à la contradiction des parties

    9. Le juge ne peut fonder sa conviction sur des renseignements acquis en dehors de l’instruction ou des débats et que, partant, les parties n’ont pas pu contredire ¹⁵.

    Ce droit à la contradiction découle du principe général de droit relatif au respect des droits de la défense ¹⁶.

    Le principe du contradictoire est une composante essentielle du caractère équitable de la procédure pénale.

    Comme le souligne le Professeur Kuty, le principe du contradictoire « est un droit fondamental qui est la "clef de voûte d’un procès équitable. […] L’obligation de respecter ce principe tout au long du procès et à travers chaque incident que l’instance peut comporter est indiscutable. Il constitue l’une des principales garanties d’une procédure judiciaire" en ce qu’il est essentiel à l’équité de la procédure et au respect des droits de la défense. Composante de la notion plus large de procès équitable, dont il constitue un aspect fondamental, sa mise en œuvre constitue d’ailleurs l’ancrage fondamental du principe général des droits de la défense » ¹⁷.

    Suivant la Cour européenne des droits de l’homme, le droit à la contradiction implique en principe la faculté pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter ¹⁸.

    Ce principe implique que le juge ne peut asseoir sa décision sur des éléments de fait qu’il connaît par ses propres constatations ou son expérience personnelle, dont il n’a acquis la connaissance qu’en dehors de la salle d’audience et qui ne ressortent pas des constatations matérielles des procès-verbaux ou d’autres pièces du dossier, ni de l’instruction d’audience, de sorte que les parties n’ont pu les contredire ¹⁹.

    10. Il n’interdit toutefois pas au juge de se baser sur des faits généraux notoires ou sur des règles d’expérience commune ²⁰ puisque ceux-ci sont considérés comme faisant partie intégrante des débats, étant par définition connus de tous, et donc des parties, et pouvant donc être librement contredits.

    Ont ainsi été considéré comme des « circonstances notoires » et des « données de l’expérience commune », la référence à la « grande complexité actuelle du calcul des impositions » ²¹, l’énonciation que « les troubles du comportement que la plaignante avait manifestés dès avant ses révélations sont par ailleurs classiquement observés dans les situations d’abus vécus par des jeunes enfants », ainsi que celle énonçant, après avoir constaté que l’expert a relevé que la plaignante « a grandi dans un contexte dénué de repères générationnels », que « pareille absence de barrière trans-générationnelle constitue également un des éléments classiquement observés dans les situations d’abus sexuels commis au sein des cellules familiales » ²², ou encore le juge qui considère qu’il est de commune renommée que « les téléphones portables circulent au sein des établissement pénitentiaires » ²³.

    La Cour de cassation vérifie sur ce point si le fait qualifié de notoire par le juge peut effectivement être considéré comme tel ²⁴.

    11. Si le juge ne peut donc se baser, pour forger sa conviction, que sur les éléments notoirement connus et ceux soumis à la contradiction des parties, il ne lui est toutefois pas imposé de soumettre à la contradiction des parties le raisonnement par lequel il s’est convaincu ²⁵.

    En outre, il n’est pas requis que les parties aient effectivement contredit les éléments sur lesquels le juge se base pour justifier sa conviction, mais uniquement qu’elles aient eu la possibilité de le faire.

    Le juge peut en effet, sans méconnaître le principe du contradictoire ou le principe général des droits de la défense, opérer une déduction d’une pièce figurant au dossier qu’aucune partie n’aurait faite ²⁶ ou se fonder sur les éléments figurant au dossier répressif au sujet desquels le prévenu n’a pas conclu, dès lors que ce dernier avait la possibilité de les contredire librement ²⁷.

    La défense, si elle veut être exhaustive, doit donc veiller à discuter tous les éléments de preuve figurant au dossier et anticiper ce qui pourrait être le raisonnement du juge sur la base de ceux-ci.

    Il s’agit là bien sûr d’une mission périlleuse, si pas impossible, de sorte que, plus raisonnablement, la défense devra tenter de convaincre le juge de la pertinence de son raisonnement pour espérer qu’il l’adopte.

    12. Ce droit à la contradiction, s’il est fondamental, n’impose toutefois pas que tous les éléments de preuve soient dans tous les cas portés à la connaissance des parties.

    La Cour européenne des droits de l’homme admet que certains éléments puissent ne pas être communiqués à la défense.

    À l’occasion de son arrêt en cause Edwards et Lewis c. le Royaume-Uni, elle a en effet énoncé, après avoir rappelé le caractère fondamental du principe du contradictoire ²⁸, que « le droit à une divulgation des preuves pertinentes n’est pas absolu. Dans une procédure pénale donnée, il peut y avoir des intérêts concurrents – tels que la sécurité nationale ou la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles ou de garder secrètes des méthodes policières de recherche d’infractions – qui doivent être mis en balance avec les droits de l’accusé. Dans certains cas, il peut être nécessaire de dissimuler certaines preuves à la défense de façon à préserver les droits fondamentaux d’un autre individu ou à sauvegarder un intérêt public important. Toutefois, seules sont légitimes au regard de l’article 6 § 1 les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaire. De surcroît, si l’on veut garantir un procès équitable à l’accusé, toutes les difficultés causées à la défense par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judicaires […].

    Lorsque des preuves ont été dissimulées à la défense au nom de l’intérêt public, il n’appartient pas à la Cour de dire si pareille attitude était absolument nécessaire car, en principe, c’est aux juridictions internes qu’il revient d’apprécier les preuves produites devant elles. De toute manière, dans beaucoup d’affaires où […], les preuves en question n’ont jamais été révélées, il ne serait pas possible à la Cour de chercher à mettre en balance l’intérêt à la non-divulgation des éléments litigieux et l’intérêt de l’accusé à se les voir communiquer. Aussi la Cour doit-elle examiner si le processus décisionnel a satisfait, dans toute la mesure du possible, aux exigences du contradictoire et de l’égalité des armes, et s’il était assorti de garanties aptes à protéger les intérêts de l’accusé […] » ²⁹.

    La Cour européenne des droits de l’homme admet donc que certains éléments de preuve puissent, pour sauvegarder un intérêt public important ou préserver les droits d’un individu, être dissimulés à la défense.

    Il convient toutefois, dans cette hypothèse, de compenser par la procédure suivie devant les instances judiciaires les difficultés causées à la défense par cette absence de divulgation.

    La Cour n’énonce pas la manière dont il convient de compenser les difficultés ainsi causées à la défense mais elle précise qu’il lui appartient de vérifier si la décision a été prise en respectant, dans toute la mesure du possible, les exigences du contradictoire et de l’égalité des armes et en offrant des garanties suffisantes à l’accusé pour protéger ses intérêts.

    Dans l’espèce concernée, la Cour a estimé que tel n’était pas le cas au motif notamment que les éléments de preuve non divulgués se rapportaient ou pouvaient se rapporter à une question de fait tranchée par le juge du fond ³⁰.

    Dans une autre affaire, la Cour a, au contraire, après avoir émis les mêmes considérations ³¹, estimé que des garanties suffisantes avaient été offertes à l’accusé dès lors que l’accusation ne s’était nullement prévalue des éléments non divulgués et qu’en outre ceux-ci n’avaient pas été portés à la connaissance du jury appelé à statuer sur la culpabilité de l’accusé ³².

    La Cour de cassation a considéré, en application de ces principes, qu’il n’incombait pas au ministère public de communiquer à la défense les mesures prises pour protéger un témoin menacé ni les contacts entretenus avec un indicateur.

    Dans un arrêt du 30 mars 2011, elle a en effet énoncé que « l’article 6 de la Convention exige que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge.

    Le droit à la divulgation ne porte ni sur les mesures prises en vue de protéger des témoins risquant des représailles, à peine d’exposer ceux-ci au danger que ces mesures visent à prévenir, ni sur la gestion des contacts entretenus par un fonctionnaire de police avec un indicateur, à peine de compromettre la mise en œuvre de cette méthode particulière de recherche.

    Les limites opposées à la divulgation de ces données confidentielles sont suffisamment compensées par la procédure orale et contradictoire suivie devant le jury, puisque le dossier qui lui est soumis ne comprend pas d’autres éléments que ceux communiqués à la défense et que celle-ci a pu, devant la juridiction de jugement, critiquer les déclarations reçues contre l’accusé, tant du point de vue de leur contenu que de leur origine » ³³.

    Il convient de ne pas se méprendre sur la portée de cette jurisprudence.

    Elle ne constitue pas une dérogation à la règle suivant laquelle le juge ne peut se fonder que sur des éléments de preuve qui ont été librement contredits par les parties pour fonder sa conviction mais uniquement à l’exigence selon laquelle le ministère public doit joindre au dossier tous les éléments de preuve en sa possession ³⁴.

    C. Les exceptions à la liberté des moyens de preuve

    13. Il existe certaines exceptions, peu nombreuses, à la liberté des modes de preuve pouvant être pris en compte par un juge pour forger sa conviction.

    Ainsi par exemple, lorsque l’infraction se rattache à l’exécution d’un contrat dont l’existence est déniée ou dont l’interprétation est contestée, le juge pénal doit se conformer aux règles du droit civil pour statuer sur l’existence de ce contrat ou de son exécution ³⁵.

    Le témoignage recueilli sous couvert de l’anonymat complet ne peut être pris en considération comme élément de preuve que pour les infractions pour lesquelles il peut être autorisé ³⁶.

    I.2. La libre appréciation de la force probante des éléments de preuve

    Cass., 5 janvier 2000 ³⁷

    Preuve – Matière répressive – Cas où la loi n’impose pas un mode spécial de preuve – Appréciation souveraine par le juge du fond

    Extrait

    […] Attendu qu’en matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et que les parties ont pu librement contredire ;

    Qu’il lui est loisible, notamment, de refuser crédit à certaines déclarations et d’en accorder à d’autres, de diviser un aveu selon son intime conviction, d’apprécier la portée des déclarations faites par un coprévenu et de prendre en considération tous les éléments qui lui sont régulièrement soumis et qui lui paraissent constituer des présomptions suffisantes de culpabilité, alors même qu’il existerait dans la cause des éléments en sens contraire ;

    […]

    Attendu que, pour le surplus, le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ne prescrit pas aux juges de soumettre à la contradiction des parties le raisonnement par lequel ils se sont convaincus […].

    Observations

    14. À la liberté des modes de preuve s’ajoute la libre appréciation par le juge de la valeur probante des éléments qui lui sont soumis.

    La loi ne fixe, à de rares exceptions près ³⁸, aucune valeur probante aux éléments de preuves pouvant être pris en considération, et laisse celle-ci à la libre appréciation du juge.

    Il n’existe pas de hiérarchie entre les différents modes de preuve et aucun n’est en lui-même plus probant qu’un autre.

    Un rapport d’expertise n’a par exemple pas plus de valeur qu’un témoignage, qui n’a lui pas plus de valeur qu’un témoignage sous serment.

    C’est au juge qu’il appartient, après avoir entendu les parties, de décider si un ou plusieurs éléments de preuve l’ont convaincu, au-delà de tout doute raisonnable, de la culpabilité de la personne poursuivie.

    À défaut d’avoir été convaincu au-delà de tout doute raisonnable, le juge doit acquitter la personne concernée, compte tenu de la présomption d’innocence dont elle bénéficie.

    La Cour de cassation a énoncé à de multiples reprises cette règle de l’appréciation souveraine par le juge du fond de la force probante des éléments de preuve : « en matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et que les parties ont pu librement contredire » ³⁹.

    15. La Cour de cassation a déjà précisé à l’égard de nombreux moyens de preuve que leur appréciation était libre, notamment :

    pour un rapport d’expertise

    Dans un arrêt du 8 mars 1965, la Cour a indiqué que « le juge du fond apprécie souverainement, en fait, l’autorité d’un rapport d’expertise et la valeur qui s’attache aux constatations et déductions de l’expert, pour autant qu’il ne viole pas la foi due audit rapport, c’est-à-dire qu’il n’attribue pas à l’expert une opinion qu’il n’a pas émise ou des constatations qu’il n’a pas faites » ⁴⁰.

    pour les déclarations d’un prévenu

    À l’occasion de plusieurs arrêts, la Cour a énoncé « qu’en matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie souverainement en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction, qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu librement contredire ; qu’il lui est loisible notamment de refuser crédit aux déclarations du prévenu, dès lors qu’il n’en méconnaît pas les termes » ⁴¹.

    pour un aveu ⁴²

    pour les déclarations d’un témoin ⁴³

    pour un certificat médical ⁴⁴

    Cette liberté concerne tous les modes de preuves, sauf ceux dont la loi fixe la valeur probante ⁴⁵.

    16. Le juge dispose également d’une liberté d’appréciation lorsqu’il s’agit de faire un choix entre différents éléments de preuve qui lui sont soumis.

    Il lui est ainsi loisible de refuser crédit à certaines déclarations et de fonder sa conviction sur d’autres éléments qui lui sont soumis et qui lui paraissent constituer des présomptions suffisantes alors même qu’il existerait dans la cause des éléments en sens contraire ⁴⁶.

    Récemment, la Cour de cassation a encore affirmé ce principe, en précisant davantage sa portée.

    Elle a en effet énoncé, à l’occasion d’un arrêt du 30 mars 2011, que : « sous réserve de ne pas déduire, de ses constatations en fait, des conséquences qui seraient sans lien avec elles ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification, le juge apprécie souverainement, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et qui ont régulièrement été soumis au débat contradictoire.

    Il peut ainsi s’estimer convaincu par une déposition pourtant discutée par une expertise, se fonder sur de simples renseignements à l’encontre d’un témoignage sous serment, préférer la déclaration d’une des personnes poursuivies à celles, concordantes en sens contraire, émanant de plusieurs autres, tenir compte d’aveux rétractés, retenir des déclarations recueillies sans serment au cours de l’instruction préparatoire alors même qu’elles ne sont pas confirmées sous serment à l’audience, se déterminer par rapport à des éléments ne concordant pas avec certaines observations des services de police ou s’appuyer sur les seules déclarations de la victime » ⁴⁷.

    Elle a également précisé à cette occasion qu’il « appartient au juge du fond de mesurer l’incidence, sur la valeur probante d’un témoignage, de la vénalité prêtée au mobile qui l’inspire. […] Les motifs qui poussent un témoin à déposer peuvent faire douter de sa crédibilité sans, pour autant, rendre impossible la tenue d’un procès équitable ».

    17. Il n’est pas nécessairement exigé que plusieurs preuves soient réunies pour pouvoir déclarer une prévention établie, une seule preuve pouvant suffire si le juge l’estime suffisamment probante et qu’elle emporte sa conviction ⁴⁸.

    Pour déclarer une prévention établie à charge de la personne poursuivie, il convient que les éléments de preuve pris en considération par le juge l’amènent à considérer, au-delà de tout doute raisonnable, que les éléments constitutifs de cette prévention sont réunis en l’espèce et imputables à cette personne.

    18. Cette exigence de conviction « au-delà de tout doute raisonnable » n’est pas définie par la loi.

    Paul-Emile Trousse écrit à cet égard que : « quel que soit l’effort de raisonnement, la certitude n’échappe pas à l’imperfection humaine : le contraire de ce que nous admettons pour vrai peut toujours demeurer supposable. On peut toujours imaginer un concours de circonstances exceptionnelles qui viennent détruire la certitude acquise. Cette possibilité ne doit pas exclure le sentiment de certitude. L’esprit a le droit d’être pleinement satisfait lorsqu’il a rejeté après mûr examen les hypothèses raisonnables opposées à la vérité qu’il accepte. La certitude que le législateur exige comme base de la décision répressive, c’est une certitude de raison. Demander davantage au juge serait lui demander de dépasser la nature humaine et mettre en péril la justice sans raison suffisante » ⁴⁹.

    Si la loi n’attribue donc, en règle, aucune valeur probante déterminée aux éléments de preuve pouvant être pris en considération par le juge, le raisonnement et les déductions que celui-ci effectue sur la base des preuves prises en considération, et dont il apprécie souverainement la force probante, sont soumis aux exigences de ne pas méconnaître la foi due aux actes ni la notion de présomption de l’homme.

    A. L’interdiction de violer la foi due à un acte

    19. La liberté d’appréciation du juge est limitée par l’interdiction qui lui est faite de violer la foi due à l’acte sur lequel il se fonde.

    La foi due à un acte est le respect que l’on doit attacher à ce qui est constaté par un écrit ⁵⁰.

    Le juge viole la foi due à un acte s’il lui fait dire ce qu’il ne dit pas ou s’il déclare que l’acte ne dit pas ce qui s’y trouve en réalité ⁵¹.

    B. L’interdiction de méconnaître la notion de présomption de l’homme

    20. Si le juge du fond apprécie en fait, c’est-à-dire de manière souveraine, sans que la Cour de cassation puisse substituer sa propre appréciation à celle du juge du fond, la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction, cette souveraineté n’est pas illimitée.

    La Cour de cassation contrôle, de manière marginale, cette appréciation en examinant la motivation de la décision.

    La Cour de cassation peut sanctionner le juge qui, des faits constatés souverainement par lui, tire des conséquences ou des déductions sans liens avec ces faits ou qui ne sont susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification.

    À l’occasion d’un arrêt du 26 octobre 1983, la Cour de cassation a décidé que : « si l’existence des faits sur lesquels le juge se fonde, au titre de présomption de l’homme, est souverainement constatée par lui, et si les conséquences qu’il déduit de ces faits sont abandonnées aux lumières et à la prudence de ce juge, la Cour de cassation contrôle si celui-ci n’a pas méconnu ou dénaturé la notion juridique de présomption de l’homme et si, notamment, il n’a pas déduit des faits constatés par lui des conséquences qui seraient sans aucun lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification » ⁵².

    Il a par exemple été jugé que méconnaît la notion de présomption de l’homme le juge qui de la seule constatation que la police d’assurance d’un véhicule a été souscrite par une personne, déduit que le véhicule assuré appartenait au fils de cette personne ⁵³.

    C. Les exceptions à la règle de la libre appréciation de la force probante des éléments de preuve

    21. Il arrive que la loi détermine la valeur probante de certains éléments de preuve, et le juge est alors tenu de s’y conformer.

    La loi confère ainsi à certains procès-verbaux une force probante soit jusqu’à inscription de faux soit jusqu’à preuve du contraire ⁵⁴.

    La loi prévoit également que la condamnation d’une personne ne peut jamais être fondée de manière exclusive ni dans une mesure déterminante sur des témoignages recueillis sous couvert d’anonymat complet, lesdits témoignages devant nécessairement être corroborés dans une mesure déterminante par des éléments recueillis par d’autres modes de preuve ⁵⁵.

    Il en va de même pour les déclarations faites par le biais d’une conférence téléphonique ⁵⁶ ou d’une vidéoconférence ou d’un circuit de télévision fermé avec altération de l’image et de la voix ⁵⁷.

    L’audition d’une personne privée de sa liberté effectuée sans l’assistance d’un avocat et sans que celle-ci n’ait valablement renoncé à cette assistance ne peut servir de preuve à son encontre ⁵⁸.

    D. Conclusion

    22. Le régime de la preuve libre en droit pénal confère, nous l’avons vu, un très large pouvoir d’appréciation au juge appelé à statuer sur la culpabilité éventuelle d’une personne présumée innocente.

    Le juge peut non seulement retenir, dans les limites précisées ci-dessus, tout élément de preuve pour forger sa conviction. Il peut en outre choisir parmi les éléments qui lui sont soumis ceux qui lui paraissent probants, quand bien même il en existerait d’autres en sens contraire et il ne doit enfin pas soumettre le raisonnement qui l’a amené à sa conviction à la contradiction des parties.

    Une telle liberté peut certes effrayer.

    Elle semble pourtant indispensable compte tenu de la nature des faits dont le juge pénal a à connaître.

    Elle n’est en outre pas si effrayante si l’on ne perd pas de vue que le juge ne doit pas nécessairement être convaincu par les éléments de preuve qui lui sont soumis et que s’il n’est pas convaincu au-delà de tout doute raisonnable, il doit acquitter la personne poursuivie compte tenu de la présomption d’innocence dont celle-ci bénéficie.

    Elle ne devient effrayante que si elle est utilisée à tort pour considérer que n’importe quel élément suffit à emporter la conviction du juge au-delà de tout doute raisonnable.

    1. Cass., 7 mai 1934, Pas., 1934, I, p. 269.

    2. Art. 6, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

    3. Cass., 23 décembre 1998, Pas., 1998, I, p. 534.

    4. Voy. égal. en ce sens Cass., 18 septembre 1950, Pas., 1951, I, p. 3 ; Cass., 5 septembre 1972, Pas., 1973, I, p. 11 ; Cass., 17 août 1978, Pas., 1978, I, p. 1259 ; Cass., 28 février 1979, Pas., 1979, I, p. 778 ; Cass., 17 décembre 1980, Pas., 1981, I, p. 447.

    5. Cass., 11 juillet 1932, Pas., 1932, I, p. 230.

    6. Voy. not. Cass., 17 août 1978, Pas., 1978, I, p. 1259 ; Cass., 28 février 1979, Pas., 1979, I, p. 778 ; Cass., 3 avril 1979, Pas., 1979, I, p. 914 ; Cass., 19 février 1980, Pas., 1980, I, p. 726 ; Cass., 12 janvier 1983, Pas., 1983, I, p. 568 ; Cass., 15 mars 1983, Pas., 1983, I, p. 773.

    7. La doctrine précise à cet égard que l’élément de preuve doit être rationnel : « les juridictions n’admettent une preuve qu’en fonction de sa valeur démonstrative, sa capacité à fonder rationnellement une conviction. Les preuves par ouï-dire, les procédés magiques, mystiques, aléatoires, ésotériques, divinatoires ou pseudo-scientifiques sont récusés. Il appartient au juge du fond d’examiner si la technique ou le procédé possède, en vertu de la raison ou de l’expérience, un degré suffisant de certitude » J. DE CODT, « Preuve pénale et nullité », Rev. dr. pén. crim., 2009, p. 637 ; voy. aussi H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, 6e éd., Bruges, La Charte, 2010, p. 999.

    8. Être régulièrement obtenu et soumis à la contradiction des parties ; sur la portée de ces conditions, voy. infra.

    9. P.-E. TROUSSE, « Les principes généraux du droit pénal positif belge », Les Novelles, Droit pénal, t. I, vol. 2, Bruxelles, Larcier, 1962, p. 61.

    10. Le cas échéant, le Président avertit les jurés que les témoignages qui ont été obtenus en application des articles 86bis, 86ter, 112bis, § 6, 294, 298, § 5, et 299, §§ 4 et 5 du Code d’instruction criminelle, ne peuvent être pris en considération comme preuve que pour autant qu’ils soient corroborés dans une mesure déterminante par d’autres moyens de preuve.

    11. H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, 6e éd., op. cit., p. 999.

    12. P.-E. TROUSSE, « La preuve des infractions », Rev. dr. pén. crim., 1958-1959, p. 740.

    13. J. DU JARDIN, « De quelques aspects de l’évolution récente du droit de la preuve en matière pénale », Ann. Dr. Louvain, 2000, pp. 150 et s.

    14. Cf. infra, p. 235.

    15. Cass., 25 septembre 2002, Pas., 2002, II, p. 1740 ; Cass., 6 novembre 2002, Pas., 2002, II, p. 2120.

    16. Cass., 12 septembre 2007, Pas., 2007, II, p. 1487.

    17. F. KUTY, Justice pénale et procès équitable, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2006, pp. 559 et s.

    18. Voy. not. Cour eur. D.H., Göc c. Turquie, 9 novembre 2000, § 34.

    19. Cass., 14 février 2001, Pas., 2001, I, p. 296 ; Cass., 26 juin 2002, Pas., 2002, II, p. 1434 ; Cass., 25 septembre 2002, Pas., 2002, II, p. 1740 ; Cass., 20 novembre 2002, Pas., 2002, II, p. 2213.

    20. Cass., 24 janvier 1995, Pas., 1995, I, p. 70 ; Cass., 25 octobre 2000, Pas., 2000, II, p. 1613.

    21. Cass., 26 juin 1998, Pas., 1998, I, p. 827.

    22. Cass., 28 septembre 2005, T. Strafr., 2006, p. 84.

    23. Cass., 25 octobre 2000, Pas., 2000, II, p. 1613.

    24. Cass., 7 février 2006, Pas., 2006, I, p. 321.

    25. Cass., 5 janvier 2000, Pas., 2000, I, p. 15.

    26. Cass., 23 octobre 1996, Pas., 1996, I, p. 1026.

    27. Cass., 11 février 1998, Pas., 1998, I, p. 218 ; Cass., 23 avril 1997, Pas., 1997, I, p. 500.

    28. Et ce en ces termes : « Tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l’égalité des armes entre l’accusation et la défense : c’est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. En matière pénale, le droit à un procès contradictoire implique, pour l’accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l’autre partie […]. De surcroît, l’article 6 exige […] que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge ».

    29. Cour eur. D.H., Edwards et Lewis c. Royaune-Uni, 22 juillet 2003.

    30. À savoir en l’espèce qu’il n’y avait pas eu de provocation commise par la police à l’égard de Messieurs Edwards et Lewis.

    31. À savoir : « […] tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l’égalité des armes entre l’accusation et la défense : c’est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable. Le droit à un procès pénal contradictoire implique, pour l’accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l’autre partie […]. De surcroît, l’article 6 § 1 exige […] que les autorités de poursuite communiquent à la défense toutes les preuves pertinentes en leur possession, à charge comme à décharge […]. Toutefois […], le droit à une divulgation des preuves pertinentes n’est pas absolu. Dans une procédure pénale donnée, il peut y avoir des intérêts concurrents – tels que la sécurité nationale ou la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles ou de garder secrètes des méthodes policières de recherche des infractions – qui doivent être mis en balance avec les droits de l’accusé […]. Dans certains cas, il peut être nécessaire de dissimuler certaines preuves à la défense, de façon à préserver les droits fondamentaux d’un autre individu ou à sauvegarder un intérêt public important. Toutefois, seules sont légitimes au regard de l’article 6 § 1 les mesures restreignant les droits de la défense qui sont absolument nécessaires […]. De surcroît, si l’on veut garantir un procès équitable à l’accusé, toutes difficultés causées à la défense par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judiciaires […]. Lorsque des preuves ont été dissimulées à la défense au nom de l’intérêt public, il n’appartient pas à la Cour de dire si pareille attitude était absolument nécessaire car, en principe, c’est aux juridictions internes qu’il revient d’apprécier les preuves produites devant elles […]. Aussi la Cour doit-elle examiner si le processus décisionnel a satisfait dans toute la mesure du possible aux exigences du contradictoire et de l’égalité des armes et s’il était assorti de garanties aptes à protéger les intérêts de l’accusé ».

    32. Cour eur. D.H., Jasper c. Royaume-Uni, 16 février 2000.

    33. Cass., 30 mars 2011, Pas., 2011, I, p. 936.

    34. Voy. à cet égard F. KUTY, Justice pénale et procès équitable, op. cit., p. 582.

    35. C. i. cr., art. 16 du titre préliminaire.

    36. À savoir les infractions visées à l’article 90ter du Code d’instruction criminelle et celles commises dans le cadre d’une organisation criminelle.

    37. Cass., 5 janvier 2000, Pas., 2000, I, no 7. 

    38. Voy. infra à cet égard p. 26.

    39. Voy. not. Cass., 3 avril 1979, Pas., 1979, I, p. 914 ; Cass., 31 décembre 1985, Pas., 1986, I, p. 549 ; Cass., 21 avril 1999, Pas., 1999, I, p. 558 ; Cass., 5 janvier 2000, Pas., 2000, I, p. 15 ; Cass., 27 février 2002, Pas., 2002, I, p. 598 ; Cass., 5 mars 2002, Pas., 2002, I, p. 636 ; Cass., 23 janvier 2008, Pas., 2008, I, p. 220.

    40. Cass., 8 mars 1965, Pas., 1965, I, p. 696.

    41. Cass., 27 février 2002, Pas., 2002, I, p. 598 ; voy. égal. Cass., 2 mars 1976, Pas., 1976, I, p. 718 ; Cass., 4 avril 1977, Pas., 1977, I, p. 831.

    42. Cass., 17 novembre 1965, Pas., 1966, I, p. 359 ; voy. égal. Cass., 26 octobre 2005, Pas., 2005, II, p. 2048, qui considère que « la circonstance qu’un prévenu a admis en conclusions les faits d’une prévention mise à sa charge ne prive pas le juge pénal du pouvoir de déclarer les faits non établis ».

    43. Cass., 8 mai 1973, Pas., 1973, I, p. 821 ; Cass., 14 octobre 1974, Pas., 1975, I, p. 181 ; Cass., 17 décembre 1980, Pas., 1981, I, p. 446 ; Cass., 12 janvier 1983, Pas., 1983, I, p. 568.

    44. Cass., 30 novembre 1977, Pas., 1978, I, p. 358.

    45. Cfinfra à cet égard p. 26.

    46. Cass., 17 octobre 2001, Pas., 2001, II, p. 1649 ; Cass., 23 janvier 2008, Pas., 2008, I, p. 220 ; Cass., 17 décembre 2008, Pas., 2008, III, p. 2989.

    47. Cass., 30 mars 2011, Pas., 2011, I, p. 936.

    48. Voy. not. Cour eur. D.H., arrêt Jalloh c. Allemagne, 11 juillet 2006, où la Cour énonce « si un problème d’équité ne se pose pas nécessairement lorsque la preuve obtenue n’est pas corroborée par d’autres éléments, il faut noter que lorsqu’elle est très solide et ne prête à aucun doute, le besoin d’autres éléments à l’appui devient moindre ».

    49. P.-E. TROUSSE, « La preuve des infractions », Rev. dr. pén. crim., 1958-1959, p. 751.

    50. H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, op. cit., p. 1023.

    51. Cass., 5 juin 1998, Pas., 1998, I, p. 688 ; Cass., 19 décembre 2001, Pas., 2001, II, p. 2154 ; Cass., 29 janvier 2003, Pas., 2003, I, p. 216.

    52. Cass., 26 octobre 1983, Pas., 1984, I, p. 215.

    53. Cass., 20 décembre 2000, Pas., 2000, II, p. 2009.

    54. Voy. à cet égard H.-D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M.-A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, op. cit., pp. 1025 et s.

    55. Cf. C. i. cr., art. 198bis, al. 3.

    56. Cf. C. i. cr., art. 112bis, § 6, et 158ter, § 5.

    57. Cf. C. i. cr., art. 158bis, § 6, et 298, § 5.

    58. Cf. C. i. cr., art. 47bis, § 6 ; voy. égal. infra à cet égard, pp. 179 et s.

    II. LA CHARGE DE LA PREUVE – DE LA PREUVE PAR PRÉSOMPTION ET DES AUTRES MOYENS D’ALLÉGER LA CHARGE DE LA PREUVE

    II.1. Introduction

    23. « En matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et que les parties ont pu librement contredire ; […] Il lui est loisible, notamment, de refuser crédit à certaines déclarations et d’en accorder à d’autres, de diviser un aveu selon son intime conviction, d’apprécier la portée des déclarations faites par un coprévenu et de prendre en considération tous les éléments qui lui sont régulièrement soumis et qui lui paraissent constituer des présomptions suffisantes de culpabilité, alors même qu’il existerait dans la cause des éléments en sens contraire » ¹.

    En droit civil, les présomptions sont réglementées par les articles 1349 et 1353 du Code civil dont les conditions ne s’appliquent pas en matière pénale ².

    Les présomptions sont en réalité une mesure d’économie de la charge de la preuve : il s’agit de déduire d’un fait connu un autre fait inconnu, de sorte que la démonstration de deux faits, se satisfait de la démonstration d’un seul d’entre eux.

    L’économie de la preuve profite à celui qui en a la charge, c’est-à-dire, en matière pénale au ministère public et le cas échéant, à la partie civile.

    Ni le Code pénal ni le Code d’instruction criminelle ne régissent ce mode de preuve à titre général, même si certaines dispositions particulières prévoient d’y recourir.

    Pourtant, le recours à certaines présomptions comme mode de preuve en matière pénale, en dehors de ces exceptions, n’est pas exceptionnel, loin s’en faut.

    L’arrêt mis en exergue ci-dessus le rappelle : le juge pénal peut recourir aux présomptions pour apprécier la culpabilité ou l’innocence d’un prévenu.

    En fait, en matière pénale, il ne s’agit pas d’autre chose que d’une application du principe de la liberté des preuves.

    La preuve par présomptions est donc laissée à la sagesse du juge : il est toutefois nécessaire qu’il déduise en termes non équivoques, des présomptions qu’il indique, que sa conviction est certaine.

    On l’aura saisi, les présomptions dont il est ici question visent les présomptions de l’homme.

    Toutefois, même en matière pénale mais seulement dans certains domaines particuliers, il existe également des présomptions légales : dans ces cas, le législateur allège la charge de la preuve par le biais de présomptions de culpabilité.

    Comme nous le verrons, la présomption d’innocence n’exclut en effet pas le recours à des présomptions légales pour autant que celles-ci soient maniées dans une mesure raisonnable et proportionnée ce qu’assure le contrôle marginal de la Cour de Strasbourg.

    24. Ce chapitre a pour objet de s’interroger sur la portée du recours autorisé en matière pénale aux présomptions de manière générique ainsi que sur la question de savoir s’il existerait d’autres mécanismes juridiques dans certains domaines particuliers et qui sont également de nature à alléger la charge de la preuve.

    Afin d’assurer un minimum de cohérence à cet examen, il nous a semblé intéressant d’aborder ces questions au travers du droit pénal du blanchiment et des procédures qui s’y rapportent, entendus au sens large.

    Ceci concerne évidemment l’incrimination du blanchiment, mais aussi les saisies en cours d’instruction de ce qui est suspecté en être l’objet et enfin l’évaluation de l’avantage patrimonial issu d’une infraction en vue de sa confiscation ou encore l’analyse du mécanisme de la confiscation spéciale prévue par l’article 43quater du Code pénal.

    Le droit pénal comporte d’autres matières présentant des mécanismes similaires, telles celles des infractions dites réglementaires ou celle des infractions de roulage.

    Certains mécanismes de droit belge sont assimilés par la Cour européenne au mécanisme des présomptions, sans qu’ils ne soient systématiquement analysés comme tels en droit belge : on songe ainsi à l’hypothèse de la participation criminelle lorsqu’elle doit s’appliquer aux infractions aggravées par des circonstances aggravantes objectives ³, ou à celle de l’autorité de chose jugée ⁴.

    La présente étude a donc pour objectif non pas de passer en revue les présomptions légales ou judiciaires dans tous les domaines du droit pénal, et de rencontrer alors la difficulté de les sérier de manière restrictive, selon le droit belge, ou de manière extensive, selon la jurisprudence européenne, mais plutôt d’étudier, dans le droit pénal du blanchiment et dans les procédures qui s’y appliquent, le recours aux présomptions et accessoirement d’autres mécanismes d’allègement de la charge de la preuve.

    La structure de ce chapitre diffère des autres puisque la jurisprudence belge est abordée d’abord. En effet, ce sont les concepts juridiques belges de blanchiment, d’avantage patrimonial illicite, de saisie et de confiscation qui constituent la ligne rouge de cette étude. Ce premier examen détermine ensuite l’étude de la jurisprudence européenne.

    II.2. La jurisprudence nationale

    A. La preuve du blanchiment

    Cass. 28 novembre 2006

    Charge de la preuve – Blanchiment d’avantages patrimoniaux – Infraction – Preuve de l’origine illégale ou délictueuse – Preuve de la connaissance de cette origine

    Extraits

    Concernant l’infraction de blanchiment de l’article 505, alinéa 1er, 3°, du Code pénal, la partie poursuivante assume notamment la charge de la preuve de la provenance illégale ou criminelle des objets litigieux et de la connaissance que l’auteur en aurait eue.

    La charge de la preuve relative à la provenance illégale ou criminelle est satisfaite lorsque, sur la base d’éléments de fait, toute provenance légale de ces choses peut être exclue avec certitude. Il est satisfait à la charge de la preuve concernant la connaissance de l’auteur, lorsque celle-ci peut être déduite avec certitude des circonstances de fait. Un tel règlement de la preuve ne requiert aucune preuve de la part du prévenu, ni dès lors la preuve de son innocence.

    Pour le surplus, il appartient au prévenu lui-même d’apprécier s’il est opportun pour sa défense de révéler l’information qu’il possède concernant la provenance des objets. Le choix que le prévenu peut faire en la matière ne porte pas atteinte à ses droits de défense relatifs à la seule infraction de blanchiment qui lui a été imputée.

    Dans cette mesure, le moyen manque en droit.

    Observations

    1. Le déroulement de la procédure

    25. Le 27 juin 2006, la Cour d’appel d’Anvers a condamné le demandeur du chef de blanchiment à une peine de confiscation de 75.000 euros.

    L’infraction visée était plus précisément celle qui est prévue à l’article 505, alinéa 1er, 3°, du Code pénal rédigé à l’époque, comme suit :

    « [Alinéa 1er] Seront punis d’un emprisonnement de quinze jours à cinq ans et d’une amende de vingt-six [euros] à cent mille [euros] ou d’une de ces peines seulement :

    1° …

    2° …

    3° ceux qui auront converti ou transféré des choses visées à l’article 42, 3°, dans le but de déguiser ou de dissimuler leur origine illicite ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de l’infraction d’où proviennent ces choses, à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;

    4° … »

    L’enquête avait révélé l’existence d’importants versements effectués, à son nom, aux Pays-Bas, pour un montant total de 75.000 euros sur un compte bancaire belge.

    Le demandeur a formé un pourvoi contre cet arrêt, et a notamment fondé son moyen sur la violation de l’article 6 § 2 de la Convention européenne, du principe général du droit relatif au droit au silence, de l’article 505 alinéa 1er 3° du Code pénal.

    2. La jurisprudence antérieure

    26. Avant même que le blanchiment ne soit incriminé en droit belge, la Cour de cassation avait déjà développé une jurisprudence fondée sur les mêmes principes à l’occasion d’arrêts rendus au sujet des éléments constitutifs du recel.

    27. Dès le 4 mai 1896, la Cour de cassation précise que la citation du chef de recel ne doit pas spécifier de quel délit proviennent les valeurs recelées ⁶. Elle s’exprime en ces termes : « connaissant les valeurs, actions ou obligations dont la détention était qualifiée de recel, les prévenus auraient pu, en réponse au ministère public, qui devait en prouver le caractère délictueux, établir que cette détention avait au contraire une cause licite ».

    28. Un autre arrêt intéressant en matière de recel a été rendu le 20 mai 1981 ⁷. La Cour de cassation fut saisie des pourvois de plusieurs demandeurs. Le premier demandeur condamné du chef de vol, a obtenu la cassation de l’arrêt. Son pourvoi portait précisément sur les dispositions de l’arrêt qui se rapportaient à sa condamnation du chef de vol. Les autres demandeurs, condamnés du chef de recel des choses volées par le premier, ont critiqué leur condamnation par un moyen qui se référait directement au moyen soulevé par le premier demandeur, au sujet du vol. Après avoir accueilli le moyen relatif au vol, la Cour a constaté que le fondement du recel, visé par l’arrêt dont pourvoi, n’existait plus et qu’il convenait par conséquent d’étendre l’effet de la cassation aux dispositions relatives aux condamnations du chef de recel.

    Dans la mesure, exposait la Cour, où elle n’a pas le pouvoir de statuer en fait ⁸, elle ne peut remplacer d’une quelconque manière les constatations du juge du fond touchées par l’étendue de la cassation.

    Si le juge du fond n’est pas tenu de préciser de quelle infraction les biens recelés sont issus, il faut néanmoins relever qu’en le faisant, il cerne l’un des éléments constitutifs matériels de l’infraction de recel, soit l’origine illicite des biens recelés et lie le sort de cette infraction-ci à celle-là.

    29. Cette jurisprudence s’illustre notamment par un arrêt du 13 novembre 1984 ⁹. La Cour y a dit que le juge du fond décide souverainement en fait que le demandeur devait connaître l’origine illicite des biens recelés en constatant que les circonstances de fait devaient nécessairement éveiller sa méfiance lors de la réception des marchandises litigieuse (il s’agissait d’argenterie).

    30. Le 9 juin 1999 ¹⁰, la Cour a précisé que « pour qu’une condamnation du chef de recel soit légalement justifiée, il faut que le juge constate, à tout le moins d’une manière implicite, mais certaine, l’existence des éléments constitutifs du recel, notamment la circonstance que le prévenu savait que l’objet dont il avait la possession ou la détention avait été obtenu à l’aide d’un crime ou d’un délit ; qu’il n’est toutefois pas requis que la décision de condamnation précise ce crime ou ce délit ; »

    Il s’agit d’une appréciation en fait du juge du fond.

    Et elle a relevé que : « le juge peut, comme le fit à bon droit le tribunal, déduire la connaissance de l’origine illicite d’un objet recelé, de la valeur, de la nature, de l’importance de celui-ci, ainsi que de toutes autres circonstances de fait qui doivent nécessairement éveiller la méfiance de celui qui en prend possession ».

    31. L’article 1349 du Code civil précise que : « Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu ».

    Dans le premier cas,

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