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Les pandectes: Droit pénal
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Les pandectes: Droit pénal
Livre électronique1 608 pages17 heures

Les pandectes: Droit pénal

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À propos de ce livre électronique

Dans Les Pandectes Droit pénal, l’auteur rappelle quelques principes élémentaires qui régissent le procès pénal. À la lecture de l’ouvrage, il apparaît à quel point l’application de la loi pénale se trouve sous l’emprise de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui représente le monument juridique le plus important de l’ère moderne. Car c’est bien dans ce texte que le citoyen trouvera les outils pour se prémunir contre l’arbitraire du Pouvoir, toujours porté à préférer la sécurité aux sûretés.

L’auteur a élaboré des Pandectes divisés en plusieurs recueils relatant les décisions les plus récentes – dont certaines inédites – rendues par les Cour et Tribunaux luxembourgeois, dans les principales disciplines du droit :
- Procédure civile
- Droit pénal
- Droit du travail
- Droit de la construction






LangueFrançais
Date de sortie11 janv. 2016
ISBN9782879748764
Les pandectes: Droit pénal

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    Aperçu du livre

    Les pandectes - Gaston Vogel

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    L-8399 Windhof

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    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    Imprimé en Belgique

    ISBN 978-2-87974-876-4

    Dossier I
Les grands principes régissant le procès pénal ainsi que l’application de la loi pénale (1-216)

    Remarques introductives

    Dans ce premier dossier, nous tenons à rappeler quelques principes élémentaires qui régissent le procès pénal. Nous puisons certaines citations relatives à la procédure proprement dite dans le Lexique d’Instruction Criminelle que Maître Vogel a publié chez Larcier en 2001. Le fond est en chose pénale souvent inséparable de la forme.

    À la lecture de ce dossier, il devient apparent à quel point l’application de la loi pénale se trouve, depuis plusieurs décennies, sous l’emprise de la Convention européenne des droits de l’Homme qui est, sans doute possible, le monument juridique le plus important des temps modernes. C’est dans cette Convention en effet, et surtout dans son article 6, que le citoyen trouve l’outil pour se prémunir contre l’arbitraire du Pouvoir, toujours porté à préférer la sécurité aux sûretés.

    On insistera sur les principes généraux du droit qui ont acquis au fil des ans une puissance normative – voire pour certains d’entre eux une valeur constitutionnelle (J.T., 2007, 313). Ils marquent la limite jusqu’où va le pouvoir discrétionnaire des parlements et où commence le pouvoir de censure des juges (in Mémoriam Jacques v. Compernolle, Bruylant, 2004).

    1

    Les droits de la défense

    Dans l’affaire du siècle relative aux attentats terroristes des années 80, dite l’affaire « Bommeleeër », la Cour Constitutionnelle dans un arrêt rendu le 25 octobre 2013 a décidé que l’article 12 de la constitution qui protège la liberté individuelle implique le respect des droits de la défense.

    (C.C., 25 octobre 2013, n° 104/13 ; dans le même sens, T.A., ch. crim., 2 juillet 2014, n° 26/2014)

    1. Les grands principes tels qu’ils se dégagent de l’article 6 de la CEDH

    1.1 Le principe de l’impartialité du tribunal

    1-1

    Observation préliminaire

    L’article 6 de la Convention doit être fondé sur l’objet et le but de la Convention européenne, ce qui illustre le caractère constructif de l’interprétation de cet accord fondamental.

    Cette orientation est conforme à l’idée évolutive de la Convention qui est un instrument vivant et qui doit assurer une protection effective et concrète des droits de l’homme et pas seulement une protection théorique et illusoire (J.D.I. 1982, p. 187, obs. P. Rolland et J.F. Rannuci ; cf. aussi D. 2000, I, 227-5).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 3e éd., 2001, n° 821)

    2

    Principe

    Le droit au juge doit demeurer réel et efficace. Celui qui est appelé à trancher un litige doit donc présenter, au nom de cette efficacité, des garanties d’indépendance et d’impartialité sans lesquelles le droit au juge resterait lettre morte (CEDH, p. 106)

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 822)

    3

    Définition de l’impartialité – Absence de préjugé

    L’impartialité peut se définir comme l’absence de préjugé.

    Ce principe interdit donc à un magistrat appelé à siéger dans une juridiction de jugement d’avoir, à un titre ou à un autre, eu préalablement connaissance des éléments du dossier. Pour affirmer ce principe, la Cour a instauré le principe de la séparation des fonctions des magistrats. Non seulement, comme la plupart des droits internes, elle interdit qu’un même magistrat connaisse d’un dossier en première instance et en appel, mais elle a également posé le principe de la séparation des fonctions de poursuites et des fonctions de jugement et a condamné le cumul des fonctions d’instruction et de jugement. (…) Toutefois, il semble que, depuis 1996, la Cour ait tendance à assouplir une jurisprudence pourtant bien établie, en intégrant dans les critères d’impartialité le caractère déterminant ou non que le juge a pu jouer à l’occasion de l’exercice de fonctions de poursuites ou d’instruction (CEDH aff. B c. Autriche, arrêt du 23 février 1996, Rec. 1996, Cass. ass. plén. 5 février 1999, Juris-Data n° 000460).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 823)

    4

    Magistrats concernés – La magistrature assise

    Seuls les magistrats assis sont visés par la disposition de l’impartialité.

    Le fait que les magistrats composant la Cour de cassation sont appelés à contrôler les arrêts rendus par des magistrats avec qui ils travaillent habituellement ou occasionnellement ou le fait qu’ils aient pu avoir connaissance d’une affaire avant d’en avoir été saisis, vu le regroupement en un même corps de la Cour d’appel et de la Cour de cassation, ne sauraient justifier des appréhensions quant à l’impartialité de la Cour (CEDH, 25 mai 2000, 38.432/97).

    Le Ministère Public ne saurait être astreint aux obligations d’indépendance et d’impartialité que l’article 6 impose au « tribunal », c’est-à-dire à un organe juridictionnel appelé à trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence (CEDH, 22 octobre 1984, série A, n° 84, p. 17 § 36 ; CEDH, 30 novembre 1987, série A, n° 127-B, p. 34 § 50 ; CEDH, 25 mai 2000, requête n° 38432/97).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 824)

    5

    Impartialité fonctionnelle

    Incompatibilité des fonctions de poursuite et de jugement.

    La présence, dans une juridiction de jugement en cause d’appel, d’un magistrat qui a eu à connaître de l’affaire en première instance est de nature à vicier le caractère impartial du tribunal auquel toute personne a droit. Ce principe a été posé par la Cour européenne dans l’affaire P c. Belgique (CEDH, 1er octobre 1982, série A, n° 53 ; Berger, nos 451-459 ; cf. art. 64-1 du code d’instruction criminelle).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 825)

    (cf. art. 64-1 de la loi du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire, article introduit dans cette loi par celle du 16 juin 1989)

    6

    Incompatibilité verticale

    Aux termes de ce principe, le même magistrat ne peut avoir connaissance d’un dossier sur lequel il a déjà statué à un degré inférieur. La Cour de cassation a reconnu ce principe au sujet de la présence en cause d’appel d’un magistrat ayant connu du même litige en première instance en participant à une décision de caractère juridictionnel (Cass., 3e civ., 27 mars 1991 ; Bull. civ. III n° 105 ; JCP 1991, IV, p. 203 ; D. 1991, I.R. p. 142, Gaz. Pal. 1991, pan., p. 188 ; Juris-Data n° 000979). De même, le magistrat qui a présidé le Tribunal correctionnel ayant condamné un prévenu à une peine d’emprisonnement ne peut ensuite siéger dans la chambre des appels correctionnels qui se prononce sur la demande de révocation du sursis (Cass. crim., 27 février 1991 ; Bull. crim., p. 251). La relation entre le juge et le justiciable doit s’apprécier en fonction de la nature des deux affaires : il n’y a violation du principe que si le magistrat a eu à connaître, à des degrés divers de la procédure, de la même affaire.

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 826)

    7

    Incompatibilité horizontale des fonctions de jugement

    Le même magistrat ne peut pas connaître, à un même degré de juridiction, d’une affaire reposant sur des faits identiques ou suffisamment connexes. Dans ce domaine, la Cour de cassation a même estimé qu’il n’était pas nécessaire que le justiciable ait déjà eu à faire avec le magistrat en cause : il suffit, pour que le principe d’impartialité soit violé, que le magistrat ait eu connaissance des faits. C’est ainsi qu’elle a jugé que « viole l’article 6 la Cour d’appel qui a condamné un avocat à une peine disciplinaire de suspension alors que deux des magistrats composant la chambre qui a statué avaient déjà porté une appréciation sur les faits entraînant la suspension à l’occasion d’un litige auquel l’avocat n’était pas partie et au cours duquel il n’avait pas été entendu » (Cass., 1re civ., 18 mai 1989, Rev. trim. D.H. 1990, p. 76, obs. P.F. ; JCP 1989, IV, p. 264 ; D. 1989 I.R., p. 180 ; Juris-Data, n° 001774, Voir également à propos d’une cour d’appel qui statue dans une composition qui comporte un magistrat qui avait déjà connu du même litige en participant en première instance à une décision de caractère juridictionnel : Cass., 2e civ., 27 mars 1991, Bull. civ. III, 1991, n° 105, JCP 1991, IV, p. 203, D. 1991, I.R. p. 142).

    La Cour de cassation a étendu le principe à la présence d’un magistrat qui, à l’occasion de la même procédure disciplinaire, avait simplement porté une appréciation sur les faits (Cass., 1re civ., 16 juillet 1991, JCP 1991, IV, p. 364 ; D. 1991, I.R. p. 215). Il est de même impossible au magistrat qui a siégé à l’audience de jugement de faire partie de la formation appelée ultérieurement à statuer sur une demande de dispense de révocation de sursis (Cass. crim., 27 février 1991, Bull. crim. II, 1991, n° 99 ; JCP 1991, IV, p. 218 ; D : 1991, I.R. p. 115 ; Gaz. Pal. 1er octobre 1991, p. 21).

    La Cour de cassation a étendu cette prohibition en cas de connaissance par le même magistrat d’une affaire sur le plan civil et sur le plan disciplinaire. L’impartialité s’attache au magistrat, quel qu’ait pu être son rôle (civil ou pénal) : ne peut siéger dans une Cour d’assises le magistrat qui, en qua1ité de juge civil, avait déjà porté, dans la procédure de divorce de l’accusé, une appréciation sur la culpabilité de celui-ci. (Cass. crim., 16 octobre 1991, Bull. crim. 1991, n° 351 ; Gaz. Pal. 1992, n° 87, Chron. p. 11 et Cass. crim., 30 novembre 1994, Bull. crim., n° 390 ; Juris-Data, n° 002589). Mais tel n’est pas le cas si, à l’occasion de la première instance, aucune appréciation n’a été portée sur les faits qui ont entraîné la seconde (cf. pour une affaire identique Cass. crim., 24 novembre 1993, Bull. crim., n° 354, Juris-Data n° 002559).

    Il est nécessaire, pour qu’il y ait violation du principe, que le juge ait à connaître de faits ayant entre eux une relation suffisamment étroite.

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 827)

    8

    Procédure par défaut

    La Cour de cassation refuse avec raison d’appliquer le principe au cas d’une opposition, voie de rétractation nécessairement portée devant la juridiction ayant rendu la décision par défaut, même si celle-ci est composée des magistrats qui ont rendu la décision attaquée (Cass. crim., 25 juillet 1989, Juris-Data n° 002953)

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 828)

    9

    Impartialité personnelle

    Le principe d’impartialité a été étendu par la jurisprudence de façon assez extensive à tous les cas dans lesquels la situation d’un magistrat peut l’amener à prendre connaissance d’un dossier, à se trouver en contact avec l’une des parties ou à prendre, préalablement au jugement, des positions personnelles incompatibles avec une bonne administration de la justice : c’est bien évidemment le cas lorsque l’une des parties entretient des relations personnelles avec le magistrat, mais c’est également le cas lorsque des magistrats du parquet et du siège, appelés à connaître d’une même affaire, ont des liens familiaux. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que, lorsqu’un jugement est rendu sur les réquisitions d’un substitut dont le conjoint siège en qualité d’assesseur, il y a atteinte au principe d’impartialité consacré à la fois par l’article 6, § l, de la Convention et par l’article R. 721-1 du Code de l’organisation judiciaire (Cass. crim., 30 avril 1986, Juris-Data, n° 001001 ; Cass. crim., 4 juin 1996, Juris-Data, n° 003404).

    Les appréciations par lesquelles les juges relèvent le comportement déloyal d’un prévenu au cours de l’information et des débats et notamment son exceptionnelle mauvaise foi, très proche du défi lancé à l’institution judiciaire, dès lors qu’elles ne sont pas détachables des motifs relatifs à la déclaration de culpabilité et du prononcé de la peine, ne sont pas de nature à faire naître un doute sur l’impartialité de la juridiction (Cass. crim., 11 juin 1998, D, 1998, p. 218).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 829)

    10

    Indépendance

    Un organe ne peut, dans une société démocratique, recevoir le qualificatif d’indépendant que s’il n’est susceptible de recevoir quelque pression que ce soit et d’où que celle-ci puisse provenir. L’indépendance visée à l’article 6, § 1 de la Convention doit exister à l’égard de l’exécutif comme à l’égard des parties en cause 834 (CEDH aff. Le compte, V et D c. Belgique, arrêt du 23 juin 1981, série A n° 43 ; Berger nos 408-417 ; Ann. fr. dr. int. 1982, p. 495198, chron. Pelloux ; C.D.E. 1982, p. 201-212, chron. Cohen-Jonathan ; J.D.I. 1982, p. 216-220, chron. Rolland).

    La CEDH examine, en fait, cette notion dans son contexte et par application de l’adage anglais justice must not only be done, it must also be seen to be done.

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 830)

    11

    Impartialité – Déclarations à la presse

    Dans un arrêt de 2002, la Cour a critiqué les commentaires faits à la presse par le président du tribunal avant la fin du procès. Elle a ainsi condamné le président en question pour avoir évoqué la possibilité d’un acquittement partiel en écartant celle d’un acquittement total. Selon la Cour, de telles déclarations constituent une véritable prise de position sur l’issue de l’affaire avec une nette préférence pour un constat de culpabilité de l’accusé et sont dès lors incompatibles avec les exigences de l’article 6§1 de la convention.

    (Arrêt CEDH, L. c. Lettonie, 28 novembre 2002, n° 58442/00)

    12

    Impartialité objective – Magistrat – Époux – Lien financier avec partie au procès

    La CEDH a conclu à la violation du droit à un tribunal impartial dans une affaire où l’époux d’un des juges statuant dans l’action engagée par le requérant à l’encontre d’un établissement bancaire était financièrement lié à ce dernier. Dans le cadre de l’approche objective de l’impartialité, la Cour a estimé que les liens financiers entre le mari de la magistrate et la partie défenderesse, en l’espèce la banque, étaient de nature à justifier la récusation du juge en question.

    (Arrêt CEDH, P. c. Islande, 10 avril 2003, n° 39731/98)

    13

    Suivant arrêt n° 26/2002 de la Cour de cassation du 21 novembre 2002 (n° 1923 du registre), il a été retenu que « la circonstance qu’une juridiction pénale qui a statué sur le fond avait statué préalablement dans la cause en la même composition par un acte isolé sur une mesure préventive et provisoire telle qu’une demande en mainlevée d’une saisie, n’est pas de nature à faire naître dans l’esprit du justiciable un doute objectivement justifié sur l’impartialité des magistrats concernés ».

    Dans ses conclusions dans l’affaire pré-mentionnée, le Premier Avocat Général, qui avait considéré qu’il n’y avait pas violation de l’article 6(1) de la Convention européenne des droits de l’Homme, avait fait référence aux arrêts de la CEDH du 24 mai 1989, H c. Danemark et S c. France du 7 décembre 1992.

    L’arrêt du 24 mai 1989 de la CEDH avait retenu que le fait par un juge du fond « d’avoir déjà pris une décision avant le procès, notamment au sujet de la détention provisoire, ne peut passer pour justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité ». Dans l’arrêt du 24 mai 1992, la Cour avait estimé qu’ « on ne saurait douter de l’impartialité d’une juridiction pour la simple raison que certains de ces membres ont eu, avant de se prononcer sur la culpabilité d’un prévenu, à examiner une demande d’élargissement ».

    Au vu de ce qui précède, le fait que la présente chambre telle qu’actuellement composée, a constaté l’existence d’indices graves de culpabilité dans le chef du prévenu dans le cadre d’une demande de mise en liberté provisoire présentée par lui après le renvoi de l’affaire, n’est partant pas de nature à remettre en question l’impartialité du tribunal.

    (T.A. Lux., 3 mai 2006, n° 1455/2006))

    13-1

    La récusation pour apparence de partialité

    Pourvu qu’ils ne soient pas dénués de toute plausibilité et s’ils sont de nature à inspirer une suspicion légitime, des propos prêtés par les parties au juge, aux termes desquels celui-ci manifeste un parti pris dans la conduite de l’interrogatoire des témoins, doivent entraîner sa récusation.

    Il y va d’une exigence d’apparence d’impartialité d’autant plus menacée qu’en l’espèce, le juge s’est acharné, dans sa réponse à la demande de récusation dirigée contre lui, à contester la recevabilité de celle-ci.

    Vu les pièces de la procédure, notamment :

    – la requête en récusation contenant les moyens et signée par un avocat inscrit depuis plus de dix ans au barreau déposée au greffe civil du tribunal de première instance de Bruxelles le 14 mars 2007 et reçue au greffe de la Cour le 24 avril 2007 ;

    – la déclaration écrite datée du 15 mars 2007, du juge P. dont la récusation est demandée ;

    – les convocations adressées en application de l’article 838, alinéa 2, du Code judiciaire modifié ;

    – les conclusions écrites du Ministère Public, déposées au greffe de la cour le 24 avril 2007 ;

    La requête a été portée au rôle de l’audience de la dix-septième chambre de la Cour le 14 mai 2007.

    La requête tend à entendre récuser M. P. au motif qu’en tant que président de la (…) chambre du Tribunal correctionnel de (…), le juge aurait, lors de l’instruction de la cause à l’audience, fait preuve d’une partialité évidente.

    Il aurait notamment orienté le témoin, déformé les réponses, interrompu le témoin chaque fois qu’il donnait une réponse défavorable à la défense, dénigré la partie civile et son avocat.

    Il se serait moqué des questions de la partie civile chaque fois que celles-ci pouvaient faire apparaître un élément défavorable à la défense aurait posé uniquement des questions à décharge et les aurait rédigées d’une manière qui laisse apparaître sa partialité et aurait dicté les réponses du témoin de la même manière.

    La récusation est demandée pour suspicion légitime (article 828, 1°, du Code judiciaire).

    Le procureur général conclut à l’irrecevabilité de la récusation au motif que la récusation aurait pour but de paralyser le cours de la justice et de nuire aux intérêts des parties adverses, la requête en récusation serait dans ce cas constitutive d’un abus de droit et partant irrecevable.

    Les parties demanderesses sont les parties civiles qui demandent les poursuites. Ces parties civiles ont tout intérêt à ce que la procédure pénale puisse suivre son cours normal. Le fait qu’elles aient déposé une requête en récusation devant un problème ressenti à l’audience du 14 mars 2007 ne fait sous aucune forme preuve d’un quelconque abus de droit. La demande est donc bien recevable.

    Dans sa réponse du 15 mars 2007 le juge dont la récusation est demandée fait d’abord une série d’observations sur la recevabilité de la demande en récusation, prétendant notamment que les griefs ne seraient pas suffisamment précis. Le juge qui répond dans le cadre de l’article 836 du Code judiciaire doit préciser s’il acquiesce ou non à la récusation et en cas de refus de s’abstenir, il donne sa réponse aux moyens de récusation.

    Il appartiendra à la Cour, qui se prononcera sur le bien-fondé de la récusation d’examiner la recevabilité de la récusation.

    Le juge qui s’acharne dans sa réponse pour tenter – en invoquant des arrêts de la Cour de cassation – de voir péricliter la demande de récusation sur des moyens de recevabilité, ne fait pas preuve qu’il sera en mesure d’examiner avec la sérénité requise, avec exclusion de tout risque de suspicion légitime, la cause.

    Les réponses du juge sur le fond se limitent à une négation des différentes allégations des parties demanderesses en récusation. Pour preuve le juge renvoie aux pièces du dossier répressif.

    Il est bien évident, que les pièces du dossier ne prouvent pas l’apparence de partialité qui est reprochée au juge. Les plumitifs de l’audience et les interrogatoires des témoins ne reflètent pas l’atmosphère et le climat dans lesquels l’audience s’est déroulée.

    La réponse du juge n’apporte donc pas d’éléments de nature à prouver l’exactitude de l’une ou de l’autre thèse.

    Les propos du juge par lesquels il fait connaître son parti pris sur la culpabilité par le biais de la façon dont il interroge les témoins en l’espèce essentiellement à la décharge, tels que ressenti par les parties civiles en la présente cause, sont de nature à inspirer aux requérants une suspicion légitime quant à l’aptitude de ce magistrat à statuer avec l’impartialité et l’indépendance requises.

    Les faits ainsi rapportés et les propos tenus par le juge selon les requérants, sont de nature à inspirer aux demandeurs une suspicion légitime quant à l’aptitude de ce magistrat à mener son instruction et son jugement sur la cause avec l’impartialité et la sérénité requises.

    La suspicion légitime peut se déduire d’un ensemble de circonstances d’où il apparaît que, par son attitude vis-à-vis de l’une des parties ou de l’avocat qui la représente ou qui l’assiste, le juge a mis ou met en danger la sérénité de l’examen de la cause (Comp. Cass., 29 septembre 2006, R.G. n° P. 06.0843.N, www.cass.be, à sa date, concl. Cornelis).

    Même lorsque les allégations de l’avocat des parties civiles ne sont pas prouvées par des pièces ou témoignages, elles ne sont pas dénuées de toute plausibilité. Le juge dont la récusation est demandée donne une autre interprétation aux faits et certifie qu’elles ne doivent pas être considérées comme témoignant de la suspicion du juge envers ces parties. Cependant l’apparence de partialité créée par une attitude du juge lors de l’examen et l’instruction d’une cause pénale, suffit pour récuser le juge.

    Il y a cause de récusation.

    (Bruxelles, 17e ch., 22 mai 2007 ; J.T., n° 6272, 16 juin 2007)

    13-2

    Dans une affaire soumise à la CEDH en 2007, cette dernière a déduit du fait que l’époux du juge du fond était employé par la partie défenderesse l’impartialité du magistrat concerné. La Cour estime que le fait pour le conjoint du juge d’avoir été employé par la partie défenderesse peu de temps après l’introduction de l’action par le requérant peut raisonnablement susciter des doutes sur l’impartialité du juge chargé de statuer sur l’affaire en question.

    (Arrêt CEDH, N. c. L’ex-République yougoslave de Macédoine, 20 décembre 2007, n° 41195/02)

    13-3

    Impartialité objective – Mariage entre juge du fond et enquêteur

    Dans un arrêt récent de 2008, la Cour de Strasbourg a constaté la violation du droit à un tribunal impartial dans le cadre d’une affaire pénale où le mari de la juge du fond avait dirigé l’enquête préliminaire. La Cour rappelle que, selon le critère objectif de l’impartialité, les apparences revêtent de l’importance. Elle relève que les liens du mari chargé de l’enquête étaient si étroits qu’il existait des doutes objectivement justifiés sur l’impartialité de la juge du fond.

    (Arrêt CEDH, D. c. Estonie, 24 avril 2008, nos 14659/04 et 16855/04)

    13-4

    La sécurité juridique fondée sur le droit à un procès équitable ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée.

    (Cass., 1re civ., 11 juin 2009, J.C.P., éd. générale, 22 juin 2009, p. 16)

    13-5

    Si l’article 6 a pour finalité principale, au pénal, d’assurer un procès équitable devant le juge du fond, il n’en résulte pas qu’il se désintéresse de la phase préparatoire au procès dans la mesure où l’inobservation de ses dispositions dans le cadre de cette phase de la procédure compromet gravement le caractère équitable du procès dans son ensemble.

    Une attention toute particulière doit être portée sur le fait que l’appréciation de la Cour européenne relative à une éventuelle violation la l’article 6 tient compte du déroulement du procès dans son ensemble, une lacune ayant pu être compensée par la suite. De plus, la Cour examine le problème in concreto, dans le but d’assurer une protection réelle, efficace et concrète, et pas seulement théorique, des droits des parties. Ainsi, il peut se faire que la législation nationale ne soit pas critiquable en soi au regard de l’article 6 de la Convention, mais que son application concrète débouche sur une violation des droits des parties ; dans d’autres cas, le système lui-même peut être contraire à l’article 6. (cf. M. Franchimont, A. Jacobs, A. Masset, Manuel de procédure pénale, 2e éd., Larcier p. 1105)

    (T.A. Corr. Lux., 15 juillet 2009, n° 2314/ 2009)

    13-6

    Les juridictions d’instruction et les magistrats ou officiers participant à l’instruction préparatoire n’étant pas appelés à décider du bien-fondé d’une accusation en matière pénale, la jurisprudence en déduit qu’ils ne sont assujettis aux prescriptions de l’article 6 § 1 CEDH.

    (T.A. Corr. Lux., 15 juillet 2009, n° 2314/2009)

    13-7

    L’impartialité du juge d’instruction

    Le jugement exposé supra doit être lu et réformé à la lumière d’un arrêt récent de la Cour de Strasbourg qui opère un revirement quant à sa jurisprudence traditionnelle.

    N’ayant apporté la moindre réponse à la question de savoir s’il s’indiquait d’appliquer au juge d’instruction les principes régissant les exigences d’impartialité dans les mêmes termes qu’au juge du fond dans l’affaire S. c. Belgique de 2002, la Cour européenne des droits de l’homme a cependant osé franchir le pas dans l’arrêt V. c. Espagne.

    En effet, dans sa décision récente de 2010, le juge européen affirme que dans la mesure où les actes accomplis par le juge d’instruction influent directement et inéluctablement sur la conduite et sur l’équité de la procédure ultérieure, y compris le procès proprement dit, les exigences du droit à un procès équitable au sens large impliquent nécessairement que le juge d’instruction soit impartial. La Cour ajoute que l’adoption par le juge d’instruction de certaines mesures provisoires affectant les droits fondamentaux de la personne soumise à une instruction pénale requiert que ce juge, comme tout autre juge, soit objectivement et subjectivement impartial.

    (CEDH, V. c. Espagne, 6 janvier 2010, n° 7418/01)

    La Cour de cassation belge a elle aussi affirmé à plusieurs reprises que l’impartialité du juge d’instruction constitue une des conditions essentielles de son indépendance totale à l’égard des parties de manière à ce qu’il ne puisse s’exposer au soupçon de partialité dans l’instruction des faits, que ce soit à charge ou à décharge. Elle souligne avec force que le juge d’instruction ne cesse à aucun moment d’être un juge qui ne peut susciter dans l’esprit des parties ou dans l’opinion générale une apparence de partialité et qu’aucune circonstance ne le dispense de ce devoir.

    (Cass., 24 septembre 1986, Pas., 1987, I, n° 48 ; Cass., 7 avril 2004, J.T., 2004, p. 541 ; Cass., 14 octobre 1996, Bull., 1996, n° 379 ; Cass., 23 novembre 2006, J.T., 2006, p. 34)

    13-8

    L’arrêt Medvedyev confirme une jurisprudence établie qui conduit à considérer que le magistrat du Parquet n’est pas une autorité judiciaire ou un magistrat.

    (CEDH, gr. ch., 29 mars 2010, J.C.P., éd. générale, 19 avril 2010, p. 830)

    1.2 Le principe de publicité des débats

    14

    La publicité au regard de la Convention européenne des droits de l’homme

    Le principe de la publicité des débats constitue l’une des garanties auxquelles la CEDH est le plus attachée. Elle se plaît à rappeler que ce droit constitue « l’un des moyens qui contribuent à préserver la confiance dans les cours et tribunaux ; par la transparence qu’elle donne à l’administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l’article 6 § 1 : le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention (CEDH, Axen c. RFA, 8 décembre 1983, Série A n° 72, Berger nos 593-598)

    On retrouve ici le principe britannique aux termes duquel « Justice is not only to be done, but to be seen to be done » : chacun doit voir que la justice est rendue. L’objectif est de protéger l’individu contre une justice secrète échappant au contrôle du public.

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 842, p. 77)

    15

    Dérogation à la publicité des débats

    Mais il est nécessaire que la cause ait été entendue publiquement en instance inférieure (CEDH req n° 10938/84, J. et R. Kauffmann c. Belgique, 9 décembre 1986, D.R. 50/98).

    Il ne peut être valablement statué sur la recevabilité, le bien-fondé, le principe et le quantum de la peine sans que le recours effectué par un condamné en première instance soit examiné au cours d’une audience : celle-ci doit obligatoirement exister et le plaignant, l’accusé et le Ministère Public doivent pouvoir y être entendus en audience publique (CEDH, Ekkatani c. Suède, arrêt du 26 mai 1988, Série A n° 134, Berger, nos 610-615).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 1845)

    1.3 Le principe du contradictoire

    16

    Principe

    Le principe du contradictoire est le « schéma fondateur » de l’État de droit et des régimes démocratiques (Varant, Le droit au droit, PUF 1987, p. 125). Il est un principe général inscrit à l’article 6 de la Convention. Il est d’application universelle (Rev. sc. crim., 1989, p. 1 et ss.).

    Le droit à un procès équitable implique que la personne poursuivie doit pouvoir combattre par tous les moyens légaux les accusations portées contre elle, pouvant conduire la juridiction à ordonner un supplément d’information, afin que soit recherchée la preuve invoquée par elle, si elle est pertinente et dans la limite de la durée raisonnable de la procédure (Crim., 1er février 1995, Bull. n° 41).

    Doit être annulé le jugement fondé, non sur des renseignements puisés dans l’instruction de la cause et sur les débats, mais sur la notoriété publique ou sur la connaissance personnelle que le juge aurait du fait, objet de la poursuite (Crim., 13 mai 1922, Bull. crim., n° 183) – ou sur la connaissance personnelle d’éléments de preuve puisés dans d’autres procédures (Crim., 3 avril 1984, Bull. crim., n° 138) – ou sur des constatations au cours d’une visite des lieux effectuée par le juge en l’absence des parties ou sans qu’elles y aient été appelées (Crim., n° 3, 1926, D. H. 1926, 300) – ou sur des éléments non soumis à la libre discussion des parties (Crim., 20 mai 1992, Bull. crim., n° 202).

    L’impossibilité de répondre aux arguments du Ministère Public, qui expose un avis objectif, motivé en droit et destiné à influencer la Cour de cassation, prive le plaideur de son droit à un procès équitable (CEDH, 20 février 1996, Anmulus c. Belgique, D. 1997, Somm. p. 208 ; Van Orshoven c. Belgique, 25 juin 1997, D., 1997, Somm. p. 359 ; X c. Pays-Bas, 27 mars 1998, D. 1998, Somm. p. 368).

    Le principe de la contradiction, condition essentielle d’une bonne administration de la justice, constitue l’un des principes fondamentaux qui sont à la base même de la procédure et qui, s’inspirant de la considération supérieure aux intérêts fondamentaux (cf. Autorité de chose jugée du pénal au civil) sont d’ordre public (C.A., 10 décembre 1996, n° 18852).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 834)

    17

    L’autorité de la chose jugée au pénal ne fait pas obstacle à ce que, lors d’un procès civil ultérieur, une partie ait la possibilité de contester les éléments déduits du procès pénal, lorsqu’elle n’était pas partie à l’instance pénale ou dans la mesure où elle n’a pu librement y faire valoir ses intérêts.

    (Cass., 2e ch., 2 novembre 2001, Pas., 2001, I, p. 1770, n° 594)

    18

    Le juge est le garant de la contradiction. La garantie qu’il assure s’exprime en principe immédiatement au cours de l’instance qui se déroule sous son contrôle.

    L’obligation imposée au juge de respecter lui-même le contradictoire concerne tous les moyens et divers éléments susceptibles de servir de support à la décision.

    Le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a soulevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations et cela même qu’il s’agisse d’un moyen d’ordre public.

    (Civ. 1re, 13 janvier 1993, Bull. civ., I, n° 17 ; Civ. 2e, 15 mars 1995, Dall., 1996, somm. 138)

    19

    Les juges ne peuvent se prononcer d’après les renseignements personnels, mais seulement d’après la connaissance qu’ils ont acquise des éléments du débat suivant les formes légales. La violation de ce principe entraîne la nullité de la décision.

    (C.A., 7 mai 2003, rôle n° 26.903)

    20

    Principe du contradictoire visite domiciliaire

    Une visite domiciliaire constitue une mesure coercitive dès lors qu’elle est opérée généralement sans le consentement de la personne au domicile de laquelle elle a lieu, doit cependant s’opérer en sa présence ou, en cas d’impossibilité de celle-ci, de son représentant, ou, à défaut, de deux témoins requis par l’officier de police judiciaire, qui les choisira en dehors des personnes soumises à son autorité. L’impossibilité, pour la personne concernée, d’assister elle-même à la perquisition est à apprécier strictement (cf. Cass. crim. F., 27 septembre 1984 ; Bull. crim. n° 275, 23 février 1988 ; Bull. crim. n° 91, 5 mars 1998 ; Bull. crim. n° 89).

    S’il est vrai, et la Cour a pu s’en rendre compte à l’occasion d’une visite des lieux, que E., pour le moins en présence de représentants de l’autorité publique, n’est pas d’une amabilité exemplaire et que l’idée d’ « être de bonne composition » ne l’effleure même pas, il ne résulte pas des éléments auxquels la Cour peut avoir égard si, après l’ouverture des portes, et pour le cas où l’intervention « musclée » des agents s’était avérée indispensable, E. avait été invité, par la suite, à désigner un représentant pour assister à la visite de ses étables et si, à défaut, deux témoins avaient été requis par l’officier de police judiciaire pour suppléer l’absence d’un représentant. Ne pourront d’ailleurs être témoins ni d’autres policiers, ni des personnes requises par l’officier de police judiciaire comme aides, tels que les serruriers (cf. JCP, Procédure pénale, crimes et délits flagrants art. 53 à 73, fasc. 20, n° 172).

    A retenir encore que le procès-verbal de la visite domiciliaire n’a pas été signé par E., ne contient pas non plus la mention que celui-ci avait été, pour le moins, invité à le signer (art. 33(5) du code d’instruction criminelle).

    La Cour estime dans ces conditions que la visite domiciliaire avait été exécutée le 9 décembre 2004 en violation des droits de la défense de E. et est donc à annuler. Ce dernier n’avait pas eu la possibilité d’assister en personne ou représenté à cette visite pour pouvoir faire valoir et, le cas échéant, consigner ses explications et ses observations de sorte que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté. Toute méconnaissance des prescriptions de fond ou de forme des perquisitions est susceptible d’en entraîner la nullité et celle des actes subséquents dans la mesure où ils constituent une suite nécessaire de l’acte annulé.

    (C.A., 10 octobre 2006, n° 462/06)

    21

    Réception de témoignages par écrit

    La CEDH avait conclu à une violation du droit du prévenu à un procès équitable au motif que le plaignant et un témoin à charge n’avaient pas comparu à l’audience (de 2e instance) à laquelle ils avaient été sommés de comparaître et, qu’en l’espèce, le Parquet n’avait pas entrepris des diligences suffisantes aux yeux de la CEDH pour les retrouver, privant ainsi le prévenu de contester ces témoignages et d’en interroger les auteurs, ce d’autant plus que le tribunal de 1re instance avait rejeté auparavant la demande d’audition de ce témoin présentée par le prévenu.

    La chambre criminelle estime qu’en l’espèce, il n’y a pas eu manque de diligence de la part du Ministère Public en ce sens que le témoin, ayant entre-temps déménagé à Shanghai, a bien été régulièrement cité à l’audience en respectant les délais de distance prévus par la loi, et que dans ces circonstances, le Ministère Public ne dispose d’aucun moyen d’amener, voire de contraindre le témoin à venir à l’audience, et encore moins, si possible, de se faire dans un délai utile.

    Il s’en déduit que le défaut de confrontation du témoin avec les prévenus n’est dû ni à l’impossibilité de localiser le témoin, ni à la négligence, l’incurie voire la mauvaise volonté des autorités compétentes qui ont activement épuisé les moyens légaux à leur disposition, mais seulement au défaut des prévenus eux-mêmes qui ont choisi de ne pas demander la confrontation lorsque la possibilité leur était offerte.

    (T.A., ch. crim., 7 février 2007, n° 04/07)

    22

    La Cour d’appel vient de rappeler, dans un arrêt du 22 mars 2007 n° 31.721 du rôle, à un juge de paix l’obligation de respecter le principe du contradictoire, s’il évoque d’office un moyen d’incompétence.

    (C.A., 22 mars 2007, rôle n° 31.721)

    23

    Le principe du contradictoire

    Aux termes de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droit et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

    La CEDH a mis en évidence l’importance du principe du contradictoire dans le procès pénal, non seulement comme on pourrait s’y attendre dans une optique de protection des droits du prévenu, mais comme principe structurel du procès pénal s’appliquant également à la partie poursuivante. Selon la Cour, « tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l’égalité des armes entre l’accusation et la défense : c’est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable.

    Le droit à un procès pénal contradictoire implique, pour l’accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l’autre partie ».

    La CEDH a régulièrement rappelé l’importance du principe du contradictoire, en particulier dans le procès pénal, en jugeant que « le droit à une procédure contradictoire implique, pour une partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter. Pour apprécier l’étendue de ce droit, il faut tenir compte des particularités de la procédure en cause ».

    La Cour Européenne a mis le principe du contradictoire en relation avec le principe plus général de l’égalité des armes entre parties, principe dont la portée peut dépasser le strict respect formel du contradictoire. Ce principe de l’égalité des armes constitue un critère essentiel du droit à un procès équitable au sens du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention Européenne. Selon la Cour Européenne, « le principe de l’égalité des armes » constitue « l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable » et « requiert que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ».

    En acceptant après la clôture des débats et sans ordonner une rupture du délibéré permettant à la partie civile et au Ministère Public de prendre position sur ces pièces, le premier juge n’a pas respecté le principe du contradictoire des débats.

    Il résulte dès lors des développements qui précèdent qu’il y a eu violation de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

    Il y a dès lors lieu à annulation du jugement du 11 décembre 2006 pour réparer les torts ainsi créés.

    (Corr. Lux., appel police, 6 juin 2007, n° 1775/2007)

    23-1

    « En matière pénale, le « procès équitable » voulu par l’article 6, § 1, de la Convention implique pour l’accusé la possibilité de discuter les preuves recueillies sur des faits contestés, ainsi que la qualification juridique donnée à ces faits.

    En effet, le respect du contradictoire implique, pour l’accusation comme pour la défense, la faculté de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de leurs prétentions et le droit de toute partie de présenter ses arguments ne peut passer pour effectif que si ces arguments sont dûment examinés par la juridiction saisie. Le « tribunal » a l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties.

    Le fait qu’une juridiction n’ait pas égard à des arguments portant sur un point essentiel – en l’espèce, l’existence de circonstances aggravantes objectives à charge d’un accusé –, entraînant une aggravation sévère des peines encourues par celui-ci, est incompatible avec le respect du contradictoire qui est au cœur de la notion de procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention. » (CEDH, 2 juin 2005, p. 206).

    L’application de la théorie de l’emprunt matériel de criminalité aux circonstances aggravantes réelles, consacrée par la Cour de cassation, a eu pour conséquence d’introduire en droit belge une responsabilité pénale automatique des participants à l’infraction, du chef des circonstances aggravantes (note de M. Franklin Kuty, Les circonstances aggravantes réelles et la théorie de l’emprunt matériel de criminalité : la consécration du principe de la responsabilité pénale, p. 214 à 224). Cette conception, à laquelle la doctrine avait adhéré, a fait l’objet de critiques à partir de la fin des années soixante-dix (id., p. 225-226).

    La CEDH ne condamne pas, aux termes de l’arrêt annoté, la théorie de l’emprunt matériel de criminalité. Mais elle impose d’abandonner l’une des expressions de cette théorie à savoir l’automaticité de la responsabilité pénale des participants du chef des circonstances aggravantes réelles et ce au profit de l’appréciation individuelle de la responsabilité pénale de chaque participant du chef de ces circonstances (id., p. 226 à 230).

    Le régime de la responsabilité pénale du chef des circonstances aggravantes réelles doit être reconstruit à la suite de l’arrêt annoté. Il doit être envisagé selon que ladite circonstance est de nature infractionnelle ou intentionnelle. Lorsque la circonstance est infractionnelle, la responsabilité pénale suppose nécessairement que sa résiliation ait été prévisible, sans qu’il soit requis que l’agent en ait concrètement recherché, accepté ou même prévu la survenance. Lorsque les circonstances aggravantes sont qualifiées d’intentionnelles par la loi, la responsabilité pénale des participants à l’infraction suppose qu’ils aient été animés par la volonté du résultat, soit qu’ils aient directement participé à leur réalisation, soit, à tout le mois, qu’ils aient accepté en connaissance de cause l’éventualité de leur survenance. (ibid., p. 231 à 250).

    (R.C.J.B., 2008/4, p. 665 et 666)

    24

    Les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l’article 6 lorsqu’une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur des dépositions faites par une personne que l’accusé n’a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l’instruction ni pendant les débats.

    (CEDH, 19 novembre 2009, n° 17551/02 ; CEDH, arrêt Craxi, 5 décembre 2002, req. n° 34896/97)

    25

    Délai raisonnable

    L’arrêt récent du 15 juillet 2014 reprend les principes bien établis en matière de délai raisonnable par la Cour. Ainsi, la Cour de Strasbourg rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause et que ces circonstances peuvent commander une évaluation globale de l’affaire. Au regard de l’absence de complexité de l’affaire et à l’absence de manoeuvres dilatoires de la part du requérant, la Cour estime que la durée globale de treize ans et onze mois ne saurait dans le cas soumis à son appréciation passer pour raisonnable.

    (CEDH, P. c. Italie, 15 juillet 2014, n° 38624/07)

    L’affaire Rausch c. Luxembourg illustre plus particulièrement la position du problème au Grand-duché. La Cour rappelle dans un premier temps que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés. Elle ajoute conformément à sa jurisprudence antérieure que l’article 6§1 de la Convention oblige les États à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs cours et tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences. Le juge européen ne manque par ailleurs pas de souligner la répétitivité des violations du délai raisonnable par le Luxembourg (S. c. Luxembourg, n° 51773/99, 18 février 2003 ; B. c. Luxembourg, n° 44978/98, 15 juillet 2003 ; C. c. Luxembourg, n° 40327/02, 27 avril 2006 ; S. c. Luxembourg, n° 35704/06, 31 juillet 2008) et incite les États à se donner les moyens nécessaires et suffisants pour garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive dans un délai raisonnable.

    (CEDH, R. c. Luxembourg, 8 juillet 2010, n° 29733/08)

    26

    1.4 Le principe de l’égalité des armes – (The fair hearing)

    Le principe de l’égalité des armes, contenu dans l’exigence d’équité qui doit caractériser toute procédure, signifie que chacune des parties puisse soutenir sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas substantiellement par rapport à l’adversaire (Economica, 2e éd, 1999, 239, Ranucci, Droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 1999, 230).

    Les juges européens font preuve d’une grande fermeté à cet égard ; ils affirment avec force qu’un procès ne peut être équitable s’il se déroule dans des conditions de nature à placer injustement une partie dans une situation désavantageuse (Rev. sc. crim., 1994, p. 362, RVDHJ 1993, p. 377).

    L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme a pour objectif de garantir à l’inculpé ou prévenu un procès équitable, assurant le libre et plein exercice des droits de la défense dans un débat en principe public ; la connaissance entière et non tardive de l’inculpation et des pièces du dossier complet ainsi que le respect du principe du contradictoire, et garantissant notamment encore la faculté de faire citer et interroger les témoins à décharge dans les mêmes conditions que le sont les témoins de l’accusation. L’inculpé a de même le droit de se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience.

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 835)

    27

    Attendu qu’aux termes de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ;

    Attendu qu’en l’espèce, il ressort des éléments du dossier répressif librement discuté devant la Cour que la plaignante R. était le seul témoin indépendant de B. pour les faits d’outrage public aux moeurs dont il s’agit ; que R. et B. et leurs familles vivent depuis des années dans une situation conflictuelle dans un même immeuble et que

    – toute une série de procès-verbaux a été dressée par la gendarmerie ; que B. a notamment été condamné le 25 juin 1987 pour avoir volontairement fait des blessures et porté des coups à R. à une peine d’emprisonnement de quatre mois ;

    – qu’en l’espèce, le procès-verbal à charge de R. a été dressé à l’initiative du Substitut du Procureur d’État de Diekirch ;

    Attendu qu’en réunissant dans ces circonstances la prévention d’outrage public aux moeurs à charge de B. et la prévention de dénonciation calomnieuse à charge de R. dans une même citation, le Parquet de Diekirch a, sans nécessité établie, écarté R. comme témoin pour l’examen de sa plainte ;

    – qu’en procédant de la sorte et dans le contexte prédécrit, le Parquet n’a pas assuré à R. un procès équitable et ne lui a pas garanti l’égalité des armes, contrairement au prescrit de l’article 6 de la convention européenne précitée.

    (C.A., 22 janvier 1991, n° 11/91 V)

    28

    1.5 Le principe de la liberté de la défense – Le droit à une défense effective

    Devant les juridictions répressives, des moyens au fond, même nouveaux, peuvent être produits au cours de l’instruction, même à l’audience à laquelle l’affaire a été remise pour les plaidoiries finales : devant le Tribunal correctionnel, il est de principe que les parties peuvent prendre de nouvelles conclusions et produire tout document qu’elles croient utile, tant que les débats ne sont pas clos (R. Thiry, Précis d’instruction criminelle en droit luxembourgeois, tome I, n° 454, p. 260). La liberté de la défense autorise ainsi le cité direct de produire toute pièce jugée utile pour les besoins de sa défense jusqu’à clôture des débats (Corr. Lux., 19 mars 1997, n° 548/97).

    (G. Vogel, Lexique de procédure pénale, 2001, n° 836)

    29

    Aux yeux de la Cour de cassation française, la défense « constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel »

    (Cass., ass. plén., 30 juin 1995, Dall., 1995, p. 513 ; C.C., 23 janvier 1987, Dall., 1988, p. 117)

    30

    Parce que la défense est une épreuve de force et une dialectique, elle connaît un déploiement de moyens où toutes les formes d’expression ont droit de cité – l’écrit – la parole, le geste, le maintien. Cette liberté de la défense se concrétise par la distribution d’un ensemble de droits que le suspect et son conseil peuvent utiliser dans le cadre de la loi avec un degré minimum de restriction. La voie de l’expression et la voie du silence sont deux façons de se défendre.

    (Defferrard, Le suspect dans le procès pénal, LGDJ, 2005, p. 146)

    31

    Ne prêtant pas serment de dire la vérité, on ne peut reprocher au suspect de s’en détourner ni de travestir la réalité. La liberté de la défense implique le mensonge et le suspect n’est pas le débiteur d’un devoir de loyauté à l’égard des autorités policière et judiciaire.

    (Defferard, Le suspect dans le procès pénal, citation, p. 157)

    32

    Droits de la défense

    Le juge qui refuse d’avoir égard à une note valant conclusions déposée par une partie par laquelle elle sollicite une remise de la cause pour répondre aux arguments et éléments nouveaux présentés par la partie adverse dans ses conclusions de synthèse, viole les droits de la défense de l’autre partie.

    (Cass. B., 2 septembre 2005, Pas., 2005, p. 1530)

    33

    La nature du procès pénal, la mission et les pouvoirs du juge, ainsi que le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense impliquent que le juge pénal statue sur une demande de réouverture des débats qui lui est soumise avant la prononciation de la décision.

    (Cass. B., 2e ch., 2 novembre 2005, Pas., 2005, II, p. 2091)

    34

    Liée à l’exercice des droits de la défense, la correspondance entre un client et son avocat est, en règle, couverte par le secret professionnel.

    En se fondant, au titre d’une présomption de culpabilité, sur des éléments qui ont été confidentiellement communiqués à son conseil par le prévenu, le juge viole les droits de la défense de celui-ci.

    (Cass., 2e ch., 9 mai 2007, J.T., 2007, p. 526)

    34-1

    Le formalisme ou les règles – même fondamentales – de la procédure pénale cèdent devant les circonstances insurmontables

    Par arrêt du 11 juillet 2007 (« Arrêts des chambres », n° 2342), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu’ « il se déduit des dispositions de l’article 6§1 et 3 a et c de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’article préliminaire du code de procédure pénale que lorsque l’altération des facultés d’une personne mise en examen est telle que celle-ci se trouve dans l’impossibilité absolue d’assurer effectivement sa défense, serait-elle assistée d’un avocat, il doit être sursis à son renvoi devant la juridiction de jugement ». Rapprochant cette décision d’un arrêt du tribunal administratif de Lyon du 27 mars 2007 relatif à la « privation de cour d’assises » des victimes d’un crime du fait du décès de l’auteur présumé, Albert Maron (« Faut-il juger les déments puisqu’on ne peut juger les morts ? », Droit pénal, octobre 2007, p. 43-45) note que cette jurisprudence illustre le principe, appliqué ici aux droits de la défense, selon lequel « le formalisme ou les règles – même fondamentales – de la procédure pénale cèdent devant les circonstances insurmontables ».

    (Cass. F., publication, bulletin d’information n° 672 du 1er décembre 2007 ; dans le même sens, cf.Trib. corr. Lux., 12e ch., 28 novembre 2012, 3652/2012)

    34-2

    Droit à l’assistance d’un avocat

    Avant de procéder à l’interrogation, les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire désignés à l’article 13 donnent avis à la personne interrogée, par écrit et contre récépissé, dans une langue qu’elle comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dament constatés, de son droit de se faire assister par un conseil parmi les avocats et avocats à la cour du tableau des avocats.

    Arrêt CEDH :

    « 50. La Cour rappelle que si l’article 6 a pour finalité principale, au pénal, d’assurer un procès équitable devant un « tribunal » compétent pour décider du « bien-fondé de l’accusation », il n’en résulte pas qu’il se désintéresse des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement. Ainsi, l’article 6 – spécialement son paragraphe 3 – peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si, et dans la mesure où, son inobservation initiale risque de compromettre gravement l’équité du procès (Imbrioscia, précité, § 36). Ainsi qu’il est établi dans la jurisprudence de la Cour, le droit énoncé au paragraphe 3 c) de l’article 6 constitue un élément parmi d’autres de la notion de procès équitable en matière pénale contenue au paragraphe 1 (Imbrioscia, précité, § 37, et Brennan, précité, § 45).

    51. La Cour réaffirme par ailleurs que, quoique non absolu, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin commis d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable (Poitrimol c. France, 23 novembre 1993, § 34, série A n° 277-A, et Demebukov / Bulgarie, n° 68020/01, § 50, 28 février 2008).

    (…)

    52. Une législation nationale peut attacher à l’attitude d’un prévenu à la phase initiale des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure. En pareil cas, l’article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police. Ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément, peut toutefois être soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s’agit donc, dans chaque cas, de savoir si la restriction litigieuse est justifiée et, dans l’affirmative, si, considérée à la lumière de la procédure dans son ensemble, elle a ou non privé l’accusé d’un procès équitable, car même une restriction justifiée peut avoir pareil effet dans certaines circonstances (cf. John Murray, précité, § 63, Brennan, précité, § 45, et Magee, précité, § 44).

    53. Les principes décrits au paragraphe 52 ci-dessus cadrent également avec les normes internationales généralement reconnues en matière de droits de l’homme (paragraphes 37-42 ci-dessus) qui se trouvent au cœur de la notion de procès équitable et dont la raison d’être tient notamment à la nécessité de protéger l’accusé contre toute coercition abusive de la part des autorités. Ils contribuent à la prévention des erreurs judiciaires et à la réalisation des buts poursuivis par l’article 6, notamment l’égalité des armes entre les autorités d’enquête ou de poursuite et l’accusé.

    14. La Cour souligne l’importance du stade de l’enquête pour la préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l’infraction imputée sera examinée au procès (Can c. Autriche, n° 9300/81, rapport de la Commission du 12 juillet 1984, § 50, série A, n° 96). Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement vulnérable à ce stade de la procédure, effet qui se trouve amplifié par le fait que la législation en matière de procédure pénale tend à devenir de plus en plus complexe, notamment en ce qui concerne les règles régissant la collecte et l’utilisation des preuves. Dans la plupart des cas, cette vulnérabilité particulière ne peut être compensée de manière adéquate que par l’assistance d’un avocat, dont la tâche consiste notamment à faire en sorte que soit respecté le droit de tout accusé de ne pas s’incriminer lui-même. Ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de l’accusé (Jalloh c. Allemagne [GC], n° 54810/00, § 100, CEDH, 2006- …, et Kolu c. Turquie, n° 35811/97, § 51, 2 août 2005).

    Un prompt accès à un avocat fait partie des garanties procédurales auxquelles la Cour prête une attention particulière lorsqu’elle examine la question de savoir si une procédure a ou non anéanti la substance même du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (cf., mutatis mutandis, jalloh, précité, § 101). La Cour prend également note à cet égard des nombreuses recommandations du CPT (paragraphes 39-40 ci-dessus) soulignant que le droit de tout détenu à l’obtention de conseils juridiques constitue une garantie fondamentale contre les mauvais traitements. Toute exception à la jouissance de ce droit doit être clairement circonscrite et son application strictement limitée dans le temps. Ces principes revêtent une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c’est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques.

    55. Dans ces conditions, la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif » (paragraphe 51 ci-dessus), il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction – quelle que soit sa justification – ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6 (cf., mutatis mutandis, Magee, précité, § 44). Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation. »

    (CEDH, gr. ch., Salduz c. Turquie, 27 novembre 2008, n° 36391/02)

    34-3

    Les déclarations auto-incriminantes du prévenu, recueillies en l’absence de son avocat et contre sa volonté et qui ont constitué un élément clé dans sa condamnation justifient selon la Cour la violation des § 1 et § 3 de l’article 6.

    (CEDH, 19 novembre 2009, n° 17551/02)

    34-4

    Droit de ne pas s’incriminer et de faire interroger des témoins

    Condamné à 14 ans d’emprisonnement pour assassinat et vol qualifié, le requérant alléguait qu’au stade initial de l’instruction, il avait été forcé de s’incriminer et que les principales mesures d’investigation avaient été mises en oeuvre en l’absence d’un avocat. Il soutenait également qu’il n’avait pas eu la possibilité d’interroger d’importants témoins à charge.

    Selon la jurisprudence européenne, le droit de tout accusé à être effectivement défendu par un avocat est l’une des caractéristiques fondamentales d’un procès équitable (CEDH, 13 février 2001, n° 29731/96, Krombach c. France). Étroitement lié au droit de na pas contribuer à sa propre incrimination, droit non inscrit dans la Convention mais déduit par la Cour de l’article 6 (CEDH, 8 février 1996, n° 18731/91, John Muray c. Royaume-uni : GACEDH, n° 34, § 45), il relève avec ce dernier des droits de la défense et comme lui est applicable aux phases qui se déroulent avant le jugement. Bien qu’en l’espèce les tribunaux nationaux aient reconnu la violation des droits procéduraux du requérant dès la phase de l’instruction, les déclarations auto-incriminantes de l’intéressé, recueillies en l’absence de son avocat et contre sa volonté, ont constitué un élément clé dans sa condamnation, ce qui justifie selon la Cour la violation des §§ 1 et 3 de l’article 6.

    L’apport de l’arrêt porte cependant sur le droit d’interroger les témoins. La Cour rappelle que tous les éléments de preuve doivent normalement être produits devant l’accusé en audience publique en vue d’un débat contradictoire (CEDH, 20 novembre 1989, n° 11454/85, Kostovski c. Pays-Bas : GACEDH, n° 36, § 41) et que les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l’article 6 lorsqu’une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur des dépositions faites par une personne que l’accusé n’a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l’instruction ni pendant les débats. La Cour observe ensuite que « le § 1 de l’article 6 combiné avec le § 3 exige que les États contractants prennent des mesures positives afin de permettre à l’accusé d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge » (§ 41). Si la Cour a déjà conclu, à de nombreuses reprises, à la violation de l’article 6 en raison de l’absence de confrontation de l’accusé avec les témoins (CEDH, 22 juin 2006, n° 62236/00, Guilloury c. France), il semble que ce soit la première fois qu’elle mette à la charge des États, de manière aussi explicite, une obligation positive en matière d’interrogatoire des témoins. En l’espèce, elle estime qu’il ne ressort pas des preuves et explications présentées par le Gouvernement que les autorités nationales ont pris des mesures suffisantes pour garantir la comparution des témoins devant le tribunal. Elle précise que l’absence d’objection du requérant et de son avocat à la poursuite de la procédure sans que les témoins aient été interrogés, ne peut être interprétée comme un consentement implicite à l’utilisation des déclarations de ces témoins dans la procédure (§ 42). Elle conclut à la violation des §§ 1 et 3 de l’article 6.

    (L. Milano, maître de conférences, université de Montpellier I, IDEDH (EA. 3976) ; CEDH, Oleg Kolesnik c. Ukraine, 19 novembre 2009, n° 17551/02)

    34-5

    Mais attendu que les États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation.

    Et attendu qu’après avoir retenu qu’aux termes de ses arrêts Salduz c. Turquie et Dayanan c. Turquie, rendus les 27 novembre 2008 et 13 octobre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que, pour que le droit à un procès équitable, consacré par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde, soit effectif et concret, il fallait, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires, le premier président, qui a relevé que, alors que Mme X … avait demandé à s’entretenir avec un avocat dès le début de la mesure, il avait été procédé, immédiatement et sans attendre l’arrivée de l’avocat, à son interrogatoire, en a exactement déduit que la procédure n’était pas régulière, et décidé qu’il n’y avait pas lieu de prolonger la rétention ; que le moyen n’est pas fondé.

    (Cass., ass. plén. :

    – arrêt n° 589 du 15 avril 2011 (10-17.249)

    – arrêt n° 590 du 15 avril 2011 (10-30.242)

    – arrêt

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