Markaðurjarna: Mémoires d'un Veilleur, #6
Par Lou Morens
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À propos de ce livre électronique
Markaðurjarna, ses marchés, ses trafics... Lorsque Léonce contacte Ragdam le bleu, iel ne se doute pas que cet homme va changer sa vie radicalement. Leslie et Léonce découvrent, à leurs dépens, qu'iels ont été dupæs par leur employeur. Ce qu'iels vont découvrir remettra en cause toute la jeunesse de Léonce et toute sa vie future. Comment va-t-iel réagir lorsqu'iel découvrira la vérité ? Parviendront-iels à sauver ce qui peut encore l'être et à mettre un terme aux exactions des Mercanires ?
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Mémoires d'un Veilleur
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Aperçu du livre
Markaðurjarna - Lou Morens
Prologue
Markaðurjarna — année terrienne : Juin 2335
Les locaux de la DAER sur Markaðurjarna étaient situés dans un petit hôtel, attenant au débarcadère privé, réservé aux plus riches. Très peu de personnes savaient qu’il existait une antenne de cette instance terrienne sur cette planète.
Deux personnes sortirent de l’hôtel en milieu de journée pour se rendre dans une rue commerciale située à quelques pas de là. L’une d’elles s’arrêta à la terrasse d’un café, l’autre continua son chemin et entra dans une boutique quelques mètres plus loin.
Un homme habillé d’un long et ample manteau noir prit place à la table déjà occupée. Il dévisagea quelques instants la personne attablée qui sembla s’en amuser. Iel savait que son corps androgyne, ses yeux presque noirs et son sourire énigmatique étaient ses meilleurs atours, c’est en tout cas ce que ses recruteurs lui avaient affirmé. Iel détailla aussi son interlocuteur, de très longs cheveux bleus aux reflets argentés, un visage doux et avenant aux reflets bleutés, des yeux qui semblaient plus âgés que son visage. L’agenx de la DAER se demandait si les reflets étaient dus à la lumière qui jouait dans les cheveux ou s’il avait réellement la peau bleutée. Le serveur leur apporta deux boissons et interrompit leur reconnaissance silencieuse. Toustes deux le remercièrent. Lea jeune agenx de la DAER semblait interloquæ. La boisson devant ellui était exactement ce dont iel avait envie, mais iel n’avait rien demandé. Son compagnon sourit devant son interrogation silencieuse.
— Il est télépathe, il sait toujours ce dont on a besoin ou envie à l’instant où l’on prend place à cette terrasse. Quel genre préfères-tu ?
— C’est pratique, je reviendrai plus souvent. J’espère qu’iel ne lit rien d’autre dans nos pensées. Le genre neutre est parfait. Et pour toi ?
— Iel ne prend que les commandes, le reste ne le concerne pas. Le masculin me va assez bien. Il paraît que je peux t’aider ?
— On m’a conseillé de te contacter. J’espère que tu pourras répondre à ma demande.
— Qui est ce « on » ?
— Comprends que je garde mes sources secrètes.
— Je n’aime pas trop que l’on me contacte sans savoir qui me recommande.
— Un ami commun. Je ne viens pas de cette planète, je ne suis que de passage et notre ami voyage beaucoup.
— Peu de gens sont originaires de Markaðurjarna et beaucoup de mes amiz voyagent sans cesse.
— Disons que c’est un pilote de cargo qui fait souvent halte ici et régulièrement affaire avec toi. Les marchandises qu’il transporte pour toi en douce entrent dans mes besoins actuels.
— À défaut de savoir qui vous a recommandé, puis-je au moins connaître ton nom ? Je déteste prendre un verre avec une personne inconnue.
— Léonce.
— Joli prénom. Terre ?
— Mars.
— J’avais une chance sur deux.
— Ne joue pas aux jeux de hasard, aujourd’hui, répondit-iel avec un sourire malicieux.
— Il semble effectivement que ce ne soit pas mon jour pour les jeux. Donc, Léonce, buvons ce verre à une future entente.
— Si ce que m’a dit notre ami est vrai, j’espère que nous ferons effectivement affaire. Trinquons donc à ce futur contrat.
Toustes deux choquèrent leur verre dans la tradition du système Salvasulon. Après avoir avalé une gorgée, Ragdam le bleu reprit la discussion.
— Que puis-je pour ton service, Léonce ?
— J’aurais besoin de marchandise au goût délicieux et aux vertus apaisantes.
Ragdam lui sourit quelque peu amusé.
— Il n’y a pas besoin de prendre de gants, ici. Tu connais ce quartier aussi bien que moi, non ?
— Je ne suis pas d’ici, je ne prends jamais de risque lorsque je négocie.
Il sourit encore. Léonce tentait de le déchiffrer. Le sourire qu’il lui offrait semblait à la fois bienveillant et taquin. Il ne correspondait pas vraiment à l’idée qu’iel s’était faite d’un trafiquant de sa réputation.
— Je devrais avoir de quoi te sustenter. Combien t’en faudrait-il ?
— 200 kg.
— De mémoire, un kilogramme salvasulien correspond à 0,5 gravion ?
— C’est bien ça.
— Si je peux me permettre un conseil, utilise uniquement les unités communes. Certaines personnes sur cette planète n’aiment pas trop lorsque leurs clients utilisent des unités spécifiques à leur système ou planète d’origine. Markaðurjarna est une planète particulière. Ne l’oublie pas, si tu tiens un tant soit peu à la vie.
— Merci du conseil.
— Pour en revenir à ta commande, ce n’est pas une petite quantité. Je peux te la fournir, mais il me faudra plusieurs cycles circadiens pour la réunir.
— Combien de cycles ?
— 5 ou 6.
— Notre ami m’avait assuré que tu pourrais me la fournir en 2 ou 3 cycles max.
— Notre ami semble surestimer mes capacités.
— C’est dommage, j’aurais aimé faire affaire avec toi.
— Je peux essayer de te procurer cette quantité dans 4 cycles, mais il y aura un supplément. Je vais devoir négocier avec d’autres fournisseurs.
— Le prix m’importe peu.
— Ton patron est généreuz ?
— Je suis mon propre patron et mes crédits sont presque illimités.
— Rien n’est illimité, surtout ici. Tu n’es pas très prudenx dans tes paroles. Tu peux parler de n’importe quelle marchandise sans soucis, mais fais attention aux termes que tu emploies pour le reste ! Bref, 150000 crédits, ça irait pour toi ?
— Parfait. Tes tarifs sont raisonnables.
Ragdam sourit une nouvelle fois. Il se rendait compte que l’inexpérience de san clienx. Il avait maintenant la certitude qu’il devrait lea protéger. Cette planète était bien trop dangereuse pour ellui. Leur ami commun avait raison sur ce point.
— As-tu un endroit où loger ?
— J’ai une chambre au débarcadère à quelques pas d’ici.
— Le Sokalapi ? Je ne connais personne qui ait les moyens de s’y payer une chambre.
— Tu en connais une, maintenant.
Un nouveau sourire énigmatique étira les lèvres de Ragdam le bleu.
— Juste une question, tu connais mon nom et ma solvabilité, puis-je savoir le tien ?
— Tu le connais puisque tu m’as envoyé un message pour me donner rendez-vous ici.
— J’imagine que tu ne t’appelles pas Ragdam le bleu ?
— C’est le seul nom que tu dois connaître.
— J’aime bien tes cheveux. Tu pourras me donner l’adresse de ton coiffeur ?
Il ricana doucement.
— Ils sont naturels, mais je connais un bon coiffeur sur Mars, je te donnerai son adresse.
— Tu connais Mars ?
— Je voyage aussi beaucoup. Mars est une belle planète, comme la Terre, comme Varuljarna et toutes les autres.
Cette fois, Léonce le dévisagea sans retenue, ce qui le fit sourire une fois de plus.
— Bien, merci pour le verre, je te laisse. J’ai beaucoup à faire, si tu veux ta marchandise.
— Comment puis-je te contacter ?
— Je te contacterai dès qu’elle sera disponible.
— Je ne suis pas toujours à l’hôtel.
— Je te retrouverai, n’aie crainte. Je ne vais pas laisser passer une telle affaire ni risquer de me faire truander.
Ragdam le bleu lui offrit un dernier sourire et s’éloigna de la terrasse avant de disparaître dans une ruelle. Léonce remarqua qu’un autre homme ne les avait pas quittæs des yeux depuis la boutique en face. Il continuait de surveiller la tablée. Léonce laissa quelques crédits sur la table et rejoignit son acolyte dans la boutique qu’elle n’avait pas quittée. Iels échangèrent discrètement quelques mots avant que Léonce reprenne son chemin pour flâner dans les rues. Iel bifurqua dans une ruelle pour rejoindre l’artère principale de la ville. L’homme lea suivait toujours. Iel connaissait parfaitement le plan de la ville et continua à emprunter les ruelles désertes. Iel s’arrêta dans un coin sombre et aperçut l’homme qui lea cherchait. Léonce sourit lorsque sa compagne arriva derrière lui sans bruit. Elle le fit sursauter lorsqu’elle lui demanda son chemin. Il la dévisagea et la somma de le laisser tranquille. Elle insista, prit son beau sourire et lui demanda gentiment de l’aider à sortir du dédale de ruelles. Il accepta alors de l’accompagner. Il regarda rapidement autour de lui avant de la guider vers la sortie. Léonce attendit d’être hors de vue pour se faufiler dans la direction inverse et rejoindre l’artère principale. Cela ne faisait que quelques jours qu’iels étaient arrivæs sur la planète et iel la détestait déjà. La ville était fortement peuplée et beaucoup de marchands tentaient de vendre tout et n’importe quoi aux passanz. Le jour durait peu de temps et la lumière lui manquait. La seule chose qu’iel appréciait était son caractère cosmopolite. Toutes les traditions et tous les peuples de cette galaxie y étaient représentés. Après plus de trois Quart de marche, environ une heure et demie en unité terrienne, enfin salvasulienne, comme lui avait précisé Ragdam le bleu, iel rejoignit l’embarcadère où Leslie l’attendait dans le petit restaurant.
Markaðurjarna
— Comment ça s’est passé ?
— Plutôt bien, mais tu as tout entendu, non ?
— J’ai manqué la partie où vous vous faisiez du charme !
— Jalouse ?
— Certainement pas, mais tu n’obtiendras rien de cette façon !
— Il a accepté ma proposition.
— Tu as accepté sa proposition ! Il t’a mené en bateau ! Même si pour une bonne partie, tu devrais suivre ses conseils ! Tu aurais pu négocier à 100000 crédits ! Nous n’avons pas des fonds illimités !
— Ça va, nos patrons pourraient comprendre qu’on ne négocie pas tout au prix le plus bas, surtout ici. Chacun connaît la valeur des choses !
— Et tu lui donnes quelle valeur à Ragdam le bleu ?
— Leslie !
— J’ai déjà vu cet homme. Enfin, si ce n’est pas lui, il lui ressemble beaucoup.
— Et où l’as-tu vu ? Il a dit qu’il voyageait beaucoup.
— C’est loin dans ma mémoire, j’étais enfant. Avant…
— Avant quoi ?
— Rien, ce n’est rien. Bref, j’ai connu un homme qui lui ressemblait, même visage que dans mon souvenir, mêmes cheveux longs et bleus.
— C’est une coloration, personne dans cette galaxie n’a de tels cheveux.
— L’homme de mon souvenir avait des cheveux bleus, ce n’était pas une coloration. Je pense qu’il en est de même pour lui.
— Leslie, si c’était bien le même homme, il serait beaucoup plus vieux aujourd’hui.
— Vas-y, dis qu’je suis vieille, tant que tu y es !
— Ben, c’est un peu ça, tu n’es plus de première jeunesse.
— L’homme qui m’a raccompagnée à travers les ruelles ne semblait pas me trouver trop vieille, vu qu’il m’a payé un verre !
— Tout doux, je n’ai jamais dit le contraire. Ce que je veux dire, c’est qu’il devrait paraître plus âgé, si c’était lui.
— N’essaye pas de te rattraper, Léonce… Tu as sans doute raison et puis je ne vois pas pourquoi mes parents auraient côtoyé un contrebandier de son envergure. Dans mon souvenir, cet homme était vraiment gentil et attentionné. Il avait une compagne et une fille. Je crois qu’il attendait un autre enfant.
— Ça pourrait être son autre enfant.
— Je ne pense pas. Ça ne correspondrait pas, j’allais avoir 17 ans la dernière fois que je les ai vuz. Son enfant aurait une trentaine d’années, cet homme doit en avoir une cinquantaine à peine, ça n’est pas possible. Et je ne vois pas pourquoi, il aurait aussi mal tourné.
— J’apprécie quand tu racontes tes souvenirs, mais j’aimerais aussi me restaurer, si tu n’y vois pas d’inconvénient.
— Si nos patrons acceptent encore de nous payer un repas !
— Je n’ai pas explosé leur budget ! Je ne peux pas négocier avec les clopinettes !
Leslie sourit tendrement à san partenaire.
— Quoi ?
— Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas entendu ce mot. Ma grand-mère l’utilisait de temps en temps et déjà pour elle c’était un mot oublié.
— Ben moi, j’aime bien ce mot !
Le serveur coupa court à leur conversation et prit leur commande.
Deux jours plus tard, un mot attendait Léonce sur la porte de sa chambre d’hôtel. Iel le prit avec précaution et prévint Leslie qui arriva aussitôt. Elle passa un petit module sur l’enveloppe métallique avant de l’ouvrir. Un mot manuscrit s’y trouvait. Toustes deux échangèrent un regard incrédule. Peu de personnes écrivaient encore manuellement sur les planètes qu’iels connaissaient. Le mot fixait le rendez-vous à Léonce à la table du débarcadère où iel avait déjeuné avec Leslie.
— Bien, va prendre du bon temps et évite de ruiner nos patrons ! J’ai à faire !
— Je ne ruine pas nos patrons ! Je ne fais que commander ce qu’iels nous ont demandé !
— Heureusement que tu négocies mieux les repas que la marchandise ! Prends ton arme, on ne sait jamais.
— Où vas-tu ?
— J’ai aussi un rendez-vous ! Il sera sans doute bien moins plaisant que le tien.
— Leslie !
— J’ai rendez-vous avec quelqu’un qui pourrait m’en apprendre plus sur ton Ragdam le bleu. Contrairement à toi, j’essaye de savoir qui il est et comment il peut se procurer autant de marchandises en si peu de temps !
— Je ne peux pas me compromettre ! S’il s’aperçoit que je fouille trop, il pourrait refuser de continuer !
— Et tu pourrais ne plus le revoir ! Je ne suis pas dupe, Léonce ! J’ai bien vu comment tu le regardais, lorsque tu l’as croisé, hier, par hasard ! Je n’étais pas loin !
— Tu te fais des idées ! Je ne fais que jouer le rôle pour lequel on m’a embauché !
— Mens à qui tu veux, mais pas à moi ! Il t’apaise dès que tu le vois. Tu le dévores des yeux et il aime ça ! De manière plus pragmatique, fais attention à ne pas trop attirer l’attention, je n’aime pas ce qui se passe dehors !
— De quoi parles-tu ?
— Il y a trop de gens qui te suivent de près ou de loin. Tu attires les convoitises.
— C’était l’un des objectifs de la mission, non ?
— Et je persiste