Juste un bon moment…

C’était un sombre jour de novembre 1975. Un de ces jours qui s’accrochent à la nuit ; un de ces jours qui donnent le spleen et l’envie de se réfugier dans les bras d’un être aimé. Zoé leva les yeux vers l’horizon maussade et gris. Comme pour lui répondre, un éclair zébra le ciel et des trombes d’eau s’abattirent par-dessus toits et rues. Elle lâcha un juron, se couvrit la tête du journal qu’elle venait d’acheter au kiosque de la place et courut se réfugier dans un café.

– Un express, s’il vous plaît, demanda-t-elle au comptoir avant de s’installer à une table.

Zoé n’était pas une aventurière. L’inconnu la terrorisait. Les visages nouveaux la mettaient mal à l’aise. A 22 ans, la jeune femme négligée par des parents trop occupés pour s’occuper d’elle, pensait qu’elle ne présentait guère plus d’intérêt qu’un bouchon ballotté au gré du vent. Elle ne s’aimait pas. Elle subissait chaque rencontre comme un jugement et se protégeait en restant en retrait.

Pourtant, dans deux jours, un ferry l’emporterait par-delà la Manche. Dans deux jours, Londres remplacerait Paris et, pour ses études, elle s’immergerait dans la langue de Shakespeare pendant six longs mois. Cette perspective la fit frissonner.

Elle repensa à ce jeune homme, la trentaine, rencontré deux semaines plus tôt au cours d’une soirée. Un de ces publicitaires arrogants qui avaient le vent en poupe. Elle s’était retrouvée chez lui par l’intermédiaire d’un ami. Il y avait eu des sourires en coin et des regards insistants. Elle n’avait ni relevé ni répondu, mais quelque chose chez cet homme inconnu l’avait touchée. La carte de visite qu’il lui avait tendue avant son départ lui brûlait maintenant les doigts.

L’envie de passer une soirée en sa compagnie monta. Elle se leva et se dirigea vers la cabine téléphonique du café.

Dan, l’ami commun, lui avait confié le goût prononcé de Thomas pour les mannequins. Avec son mètre soixante et ses rondeurs, elle n’avait rien d’un mannequin. « Tu es gironde, avec des formes là où il faut ma chérie