Quand les tulipes se fanent
Bonsoir, monsieur le commissaire. Vous pouvez entrer, même si le bar est fermé depuis bientôt une heure. Venez donc vous asseoir ici, face au comptoir : cela me permettra de répondre à vos questions tout en finissant de laver les verres et de recompter la caisse. Si vous voulez, je peux même vous offrir un whisky. Vous devez en avoir besoin pour vous réchauffer, il fait si froid ces jours-ci. Votre imperméable est tout trempé. Il est vrai qu’il n’a pas cessé de pleuvoir depuis ce matin. Moi, je ne fais plus guère attention au temps qu’il fait, puisque je ne sors pas de mon bar, mais tous les clients se plaignaient de la pluie, aujourd’hui. A croire qu’ils n’ont pas remarqué qu’il pleut tout le temps, par chez nous.
Donnez-moi donc votre imperméable, je vais le poser près du poêle, où il se séchera un peu, pendant que vous me poserez toutes les questions que vous voudrez. Mais si…
De toute façon, je m’attendais à recevoir votre visite. Je me doute que vous venez pour rechercher Hendrik van Hartmaan. Tenez, hier soir, il était ici, installé exactement à votre place. Il se chauffait les mains près du poêle, et il n’avait pas envie de retourner en prison à Amsterdam, bien que sa permission de sortie soit achevée. J’imagine que le directeur du centre pénitentiaire a dû vous prévenir cet après-midi qu’il n’était pas rentré. Van Hartmaan est en situation d’évasion !
Bien entendu, vous en avez déduit qu’il avait dû se cacher chez moi. A vrai dire, votre réaction ne me surprend guère.
Et pourtant, depuis sept ans que je suis venue m’installer dans ce petit port de Volendam – sept ans que j’ai racheté le bar L’Hermine Rouge, vous vous rendez compte ? – depuis, sept ans, donc, personne n’a jamais rien eu à me reprocher.
Je passe l’essentiel de la semaine derrière mon comptoir, à servir les marins de passage et quelques ivrognes, toujours les mêmes. Chaque soir, j’arrose mes tulipes. Parfois, je repique les bulbes pour les aider à se dédoubler.
Et le dimanche après-midi, quand je ferme , j’aime me. Le pasteur aussi est venu plusieurs fois s’accouder à mon comptoir, le temps de me confier qu’il ne supportait plus son veuvage. Croyez-le ou non, mais je vous jure que j’aurais pu finir par me remarier, si je n’avais pas fait la connaissance d’Hendrik.
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