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L'Année Perdue: Mémoires d'un Veilleur, #1
L'Année Perdue: Mémoires d'un Veilleur, #1
L'Année Perdue: Mémoires d'un Veilleur, #1
Livre électronique293 pages4 heures

L'Année Perdue: Mémoires d'un Veilleur, #1

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À propos de ce livre électronique

Alors que des êtres étranges obligent la capitaine Andersen à sortir de l'ombre et à reprendre du service, elle découvre avec ses compagnones que les horreurs perpétrées sur la planète Milénia sont sur le point de recommencer sur la Terre.
Comment vont-iels pouvoir protéger toutes les formes de vie qui peuplent la planète, alors que le "Veillorz" Attaché n'a plus aucun contact avec la base principale des "Veillorz" ?
Pourront-iels rallier tous les peuples et accepter les sacrifices qui leur seront imposés ?

LangueFrançais
ÉditeurLou Morens
Date de sortie6 déc. 2023
ISBN9782494897083
L'Année Perdue: Mémoires d'un Veilleur, #1

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    Aperçu du livre

    L'Année Perdue - Lou Morens

    Entre mensonges et vérités

    Décembre 2005

    Comme tous les premiers mardis du mois, Solène se rendait à Paris en train depuis Bruxelles. Cette journée d’hiver était froide et lumineuse, comme elle les aimait. Elle regardait par la fenêtre les paysages qui défilaient et apercevait, de-ci de-là, quelques traces des averses de neige de ces derniers jours. Elle se remémora un voyage en Islande dans la communauté de Lutin qui vivait à Reykjavík. Le Veillorz lui avait fait découvrir de magnifiques paysages et il s’en était suivi une bataille de boules de neige. Elle sourit devant le souvenir des baisers dont il l’avait couverte lorsqu’ils avaient roulé dans la neige froide et pourtant si douce dans son souvenir. La vue des tours, qui annonçaient l’arrivée imminente en gare du Nord, la ramena à la réalité.

    La réunion lui sembla encore plus ennuyeuse que les précédentes. Le projet s’enlisait et chacun rejetait la faute sur son voisin. Elle avait fini par renoncer à les mettre d’accord. Elle écoutait les comptes-rendus d’une oreille distraite. La journée lui semblait interminable et son esprit divaguait régulièrement vers un village qu’elle aimait particulièrement, où se déroulait, chaque année, un marché dédié à la fête du solstice d’hiver. Toutes les communautés s’y retrouvaient. Il y avait presque autant de monde qu’à la fête de Samstoð. Enfin, Brigitte Montégüe commença à expliquer l’avancement de ses travaux. Elle était la dernière de la tablée et Solène espérait que son exposé fût rapide afin de pouvoir rentrer chez elle. Elle eut à peine le temps de commencer qu’une coupure électrique l’interrompit et verrouilla toutes les portes de l’immeuble. Le responsable contacta l’accueil. L’hôtesse était débordée d’appels, mais parvint à leur expliquer que le système était bloqué. Elle leur conseilla de ne pas paniquer, il n’y avait aucun danger ; il suffisait d’attendre l’arrivée de l’entreprise qui gérait le système de fermeture. Celle-ci interviendrait dès que l’électricité serait rétablie.

    Brigitte semblait apeurée à l’idée d’être enfermée et avoua sa claustrophobie. Tous essayèrent de la rassurer. Son collègue, Ronan, proposa à chacun de dévoiler ses peurs pour l’aider à surmonter la sienne. Il commença immédiatement en expliquant son arachnophobie. Chacun se prit au jeu et s’exprima sur le sujet. Ronan avait profité de cet intermède pour se servir un café. Solène dut se trouver une phobie en quelques minutes à peine et l’énonça avec conviction. Brigitte lui rétorqua aussitôt sur un ton narquois :

    — J’aurais pensé que ta plus grande peur aurait été de te retrouver face à Aeddan Watson !

    Solène la dévisagea un instant avant de répondre. Ce nom la ramenait quelques années en arrière. Elle n’était encore qu’une jeune agente lorsqu’elle avait passé quelques jours en sa déplaisante compagnie. Malgré la situation et les souvenirs qui ressurgissaient, elle sentit l’adrénaline l’envahir. Elle attendait que quelque chose la sortît de son quotidien depuis si longtemps. Elle reprit ses vieilles habitudes, retrouva la froideur dont elle faisait preuve dans son travail. Tous ses réflexes lui revinrent en quelques dixièmes de secondes et elle actionna l’émetteur qui se trouvait dans sa montre. C’était bien la capitaine Andersen qui lui répondit, et non plus l’experte en archives numériques.

    — Qui est-ce ?

    Ronan profita des quelques instants où Solène jaugeait Brigitte pour la menotter et appuyer un revolver sur sa tempe. Tout se passa très vite. Personne, pas même l’intéressée, n’eut le temps de réagir ; elle se demanda alors si Ronan était Humani. La cafetière était située derrière elle, de l’autre côté de la salle. Elle ne comprenait pas comment il avait pu se déplacer aussi vite sans se téléporter et elle était certaine qu’il n’y avait eu ni grésillement ni éclair de téléportation. Il possédait aussi une force peu commune.

    — Ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! Je vous présente la capitaine Solène Andersen. Elle travaille pour une branche secrète des forces spéciales des Nations Unies.

    — Que cherches-tu, Brigitte ?

    L’intéressée se leva et se dirigea vers elle. Une des personnes présentes tenta de protester, mais Brigitte sortit à son tour une arme qu’elle pointa dans sa direction avant de lui intimer l’ordre de se taire. Certaine que cette petite démonstration avait porté ses fruits, elle se concentra de nouveau sur Solène.

    — Elle a rejoint les forces spéciales alors qu’elle avait à peine seize ans. Elle s’est retirée du service actif, il y a un an, ce qui explique son implication dans ce projet inutile !

    — Tu as l’intention de faire ma biographie ?

    — Non, je leur explique seulement qui tu es réellement ! J’aurais aussi besoin de petits renseignements, afin que mon patron puisse expédier ses affaires courantes.

    Solène comprit alors son allusion à Watson. Elle savait que, même en ayant déclenché son système d’alarme, la repérer et envoyer des secours ne serait pas instantané. Elle devait essayer de gagner du temps pour trouver un moyen de garder un minimum le contrôle de la situation, sans risquer la vie de ses collègues.

    — Ton patron n’a rien obtenu en une semaine ! Espères-tu réellement obtenir ce que tu veux en quelques heures ?

    Elle sentit le métal froid appuyer un peu plus fort sur sa tempe. Brigitte arborait un sourire dément, son visage en était méconnaissable, elle qui, d’habitude, était toujours si calme et réservée.

    — Ce n’est pas la peine d’essayer de gagner du temps ! Ton cher ami le commandant Bridger ne pourra pas te trouver cette fois. Le signal de ton émetteur ne parviendra pas jusqu’au Veillorz ! finit-elle en sortant de son sac un petit composant électronique.

    Brigitte fit alors le tour de la salle en pointant son arme sur chaque personne, puis revint vers Solène.

    — Assez perdu de temps ! Passons aux choses sérieuses ! Voici les règles du jeu : pour chaque mauvaise réponse, Ronan te punira, chaque bonne réponse te vaudra, elle, quelques instants de répit. Est-ce assez clair, capitaine ?

    — Tu vois, Brigitte, l’avantage de traiter directement avec Aeddan est qu’il n’a pas besoin d’un sous-fifre pour effectuer les basses besognes !

    Cette réplique lui valut aussitôt un coup de poing dans le dos. Elle se demanda comment elle allait s’en sortir, même si ses expériences passées et son entraînement faisaient d’elle quelqu’un de très résistant. Cette fois, il y avait des otages !

    — Du calme, Ronan, on verra si elle peut résister longtemps avec de mauvaises réponses ! Bon, commençons le jeu, première question : quelles sont les organisations qui travaillent pour l’Ordre ?

    — Tu parles de l’ordre public, je pense. Il me semble que tous les services de police, entre autres, en dépendent, peut-être le BEI[1] aussi, mais je ne suis pas experte dans ce domaine.

    — Mauvaise réponse !

    Cette fois, Ronan lâcha sa prisonnière et sortit un module étrange de sa poche. Il envoya une décharge rapide. Solène se concentra pour tenir sur ses jambes. C’était une espèce de pistolet électrique, mais elle était certaine qu’il ne venait pas de cette planète.

    Elle mit quelques instants à s’en remettre. Brigitte eut l’obligeance d’attendre quelques secondes avant de reprendre.

    — Ne joue pas à ça ! Ce n’est pas la peine de gagner du temps ! Tu sais bien de quel Ordre je parle ! Tu ne voudrais pas que je dévoile des choses qu’il serait très déplorable que ces Humani apprennent ! termina-t-elle sur un ton méprisant.

    — Si tu ne parles pas de l’ordre public, je ne sais pas ce que tu veux !

    — Mauvaise réponse !

    Ronan lâcha de nouveau Solène, régla le module. Cette fois, la décharge fut beaucoup plus forte. Le bourreau ne relâcha la détente que lorsque Solène tomba à genoux. Brigitte la poussa et lui écrasa la cage thoracique du pied.

    — Il paraît que tu as une bonne résistance, mais je peux te jurer que je repartirai d’ici seulement quand j’aurai la liste et les réponses à toutes mes questions !

    — Brigitte, tu sais comme moi que mon cœur ne supportera pas une autre décharge comme celle-là et je peux te jurer que je serai morte avant de t’avoir donné le moindre renseignement !

    — Très bien ! Comme tu veux. On va passer à une autre question : où se trouve Samantha ?

    Solène la fixa longuement avant de répondre ; c’était donc ça, son but.

    — Elle a été enlevée par des extraterrestres !

    — Mauvaise réponse, l’humour ne te fera pas gagner de temps.

    Ronan allait réutiliser le module, mais Brigitte, qui était maintenant hors d’elle, le retint. Il obéit sans poser de questions. Elle se concentra de nouveau sur Solène, pointa son arme vers elle et tira. Cette dernière sentit une douleur fulgurante lui traverser l’épaule droite.

    — Relève-la !

    Ronan s’exécuta aussitôt. Il l’attrapa par le cou et la souleva d’une main. Brigitte se baissa et ramassa la balle qui s’était logée dans le sol. La récupérer à l’aide de son petit canif ne fut pas chose simple, mais elle y parvint. Solène luttait pour ne pas perdre connaissance. Elle se répétait les préceptes des Veillorz en boucle, comme le lui avait appris le Veillorz attaché à la Terre. Elle parvint à retrouver ses esprits et à passer outre la douleur. Brigitte avança vers elle et lui montra la balle.

    — Ramasser la douille aurait été plus simple !

    Brigitte se contenta de lui mettre une gifle en ricanant.

    — J’en ai encore douze comme celle-là... Tu sais ce qui t’attend ! Je te repose les deux questions.

    — Tu ne sauras jamais où se trouve Sam, ni toi ni Aeddan !

    Brigitte allait tirer une nouvelle fois lorsque toutes les vitres volèrent en éclats. Ronan repoussa son otage. Celle-ci se retrouva face contre terre et entendit plusieurs détonations. Elle sentit alors que quelqu’un l’aidait à se lever, mais ce n’était que Brigitte qui lui posait de nouveau le froid métallique sur la tempe. Ronan gisait non loin.

    — N’approchez pas ! Lâchez vos armes !

    Solène remarqua alors ses collègues cachés sous les tables et les hommes en tenue d’intervention. L’un d’entre eux s’avança quelque peu, l’arme au poing. Brigitte resserra son étreinte. Solène reconnut son regard. Elle lui fit un clin d’œil et baissa la tête. Une balle siffla près de son oreille. Elle tomba à la renverse ; le poids de Brigitte l’entraînait en arrière. Elle ne s’était pas trompée, c’était bien le commandant Bridger.

    Alexandre et Baptiste se précipitèrent vers elle. Ils la dégagèrent et l’aidèrent à s’asseoir. Alex fit un point de compression sur la plaie pendant que le reste de l’équipe rassurait les otages et s’assurait que les deux malfrats ne pourraient plus nuire.

    Une autre partie de l’équipe, dirigée par Charlie, avait investi les lieux par l’accueil. Ils avaient enfoncé l’entrée vitrée et fait rétablir l’électricité. Les spécialistes envoyés par l’entreprise de sécurité s’occupaient de déverrouiller le système. Ils entendirent un claquement dans la porte, qui s’ouvrit aussitôt. L’équipe d’intervention emmena sans attendre les collègues de Solène. Charlie arriva et leur annonça que les ascenseurs fonctionnaient et qu’une ambulance arrivait. Solène fixa son équipier dans les yeux.

    — Je n’irai pas à l’hôpital, tu le sais ! La balle est ressortie, il suffit de faire un pansement ! Elle n’a touché aucun tissu important !

    — Peut-être, mais je préfère néanmoins que tu passes un examen de contrôle. Tu es blessée et en état de choc, je veux être certain que tu vas bien.

    Il avait vu le module originaire de Milenia, l’avait identifié et avait repéré le réglage. La brûlure sur le bras de Solène lui disait aussi que les décharges avaient dû être puissantes.

    — Tu n’y échapperas pas cette fois. C’est un ordre !

    — J’y reste juste le temps de l’examen ! Je dois être rentrée ce soir. Je me demande ce que je vais dire à Théo.

    L’espace d’un instant, Alex put lire une grande détresse dans son regard. Il était toujours impressionné par la force mentale dont elle faisait preuve et ébaubi par certaines de ses faiblesses. Baptiste mit fin à leur échange, après avoir altéré la mémoire des collègues de Solène, avec l’aide de Charlie.

    — L’ambulance est arrivée. Je leur demande de monter.

    — Non, je descends !

    Elle refusa catégoriquement d’être allongée sur une civière. Sachant qu’elle ne changerait pas d’avis, ses collègues l’aidèrent à se lever et l’accompagnèrent dans l’ascenseur.

    — Il faut redoubler la garde autour de Sam. Aeddan la veut. Je pense qu’il faudrait la cacher, murmura-t-elle dès que les portes furent fermées.

    Alex la dévisagea, il réalisait doucement ce qu’elle venait d’annoncer.

    — Il faut la cacher chez sa grand-mère.

    — Baptiste a raison, je pense aussi que c’est la meilleure solution. Je suis désolé, Alex. Je sais que tu voudrais passer plus de temps avec elle, ajouta Charlie.

    — Elle passe la semaine en Angleterre avec Haraldur et leurs amis. Un anniversaire, je crois... Je vais la contacter, murmura-t-il d’un air triste.

    Lorsque Solène eut fini ses examens et que ses blessures furent pansées, l’un des membres de l’équipe les emmena en voiture. Ils ne pouvaient pas téléporter un blessé. Quant à Théo, il verrait forcément la blessure et les brûlures sur le bras de Solène, il fallait trouver une histoire plausible. Solène prit place à l’arrière, encadrée par Alexandre et Baptiste. Charlie était devant comme toujours à cause de sa stature. Après un moment de silence, elle entama la discussion.

    — Que dit-on à Théo ?

    — Je pense qu’il va falloir lui expliquer ton véritable métier, répondit Alex. Je n’aime pas ça, mais je n’entrevois pas d’autre solution, ajouta-t-il devant sa réaction.

    — Je n’en vois pas non plus, reprit Solène sur un ton désespéré, j’aurais préféré ne jamais avoir à le faire...

    — On sera là pour lui expliquer que tu étais tenue par le secret, continua Charlie.

    — De toute façon, je n’ai pas le choix. Je ne vois pas comment je peux lui expliquer ces blessures.

    Elle cherchait désespérément une autre idée dans le regard de ses compagnons.

    — Que lui dit-on exactement ?

    — On doit lui en dire le moins possible, Charlie. À chaque fois qu’on a dû lui en parler, il a pris peur et, cette fois-ci, on ne pourra pas altérer sa mémoire.

    — On lui dira simplement que tu travailles pour une branche secrète des Nations Unies et non pas pour leurs archives numériques, reprit Alexandre. On lui expliquera que tu t’es retrouvée prise en otage avec tes collègues et que tu as été blessée. Il n’a pas besoin d’avoir de détails. Est-ce que cela convient à tout le monde ?

    — Ça me semble tout à fait plausible en tout cas, répondit Charlie.

    — Si ça vous convient... reprit Solène.

    Tout le monde acquiesça. Le reste du voyage fut silencieux. Solène s’endormit sur l’épaule de Baptiste, Alexandre pensait à sa fille. Baptiste réveilla la jeune femme lorsqu’ils arrivèrent près de son domicile. Solène et Théo habitaient dans une petite maison dans un village près de Bruxelles. Elle avait été mise à la disposition de la capitaine, bien des années plus tôt, en échange de la protection qu’elle offrait à un droïde réfugié prénommé Jenkins. Il avait été détruit en partie lorsqu’elle avait dû renoncer à son métier. Lorsqu’il vivait encore avec elle, il se désynchronisait d’une seconde lorsqu’elle recevait sa famille ou Théo pour que personne ne le vît. Théo, qui n’en avait jamais rien su, attendait Solène, qui aurait dû être rentrée depuis plus de deux heures. Dès qu’il entendit la clef tourner dans la serrure, il se précipita et lui ouvrit. Solène sursauta ; Théo l’embrassa et l’étreignit, sans s’apercevoir qu’elle n’était pas seule. Il la serra si fort qu’elle le repoussa assez vivement en se retenant au chambranle. Il aperçut enfin son bras en bandoulière ainsi que ses compagnons. Il reconnut Alexandre, qu’il avait rencontré régulièrement lorsqu’elle travaillait aux archives. Son regard changea l’espace d’un instant.

    — Qu’est-ce qui se passe ? Tu es blessée ?

    — Rentrons, on en discutera à l’intérieur, suggéra Alexandre.

    La porte d’entrée donnait directement dans le salon, où Théo les invita à prendre place avant de réitérer sa question.

    — Ce n’est rien. Voici Alexandre, que tu connais déjà, Baptiste et Charlie, mes collègues et avant tout amis.

    Elle reprit son souffle, avant de lui suggérer de s’asseoir.

    — Ce sont mes collègues de la branche des Nations Unies pour laquelle je travaille.

    Elle interrogea Théo du regard pour être certaine qu’il comprenait ses propos.

    — Des archives ? Je croyais que tu les avais quittées ! Qu’est-ce que tu as au bras ?

    — Je ne travaille pas pour les archives, mais pour une section secrète depuis dix ans. Une balle m’a traversé l’épaule.

    Théo resta la bouche ouverte et la dévisagea quelques instants qui lui parurent une éternité.

    — Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Tu me mentais chaque fois que tu étais en retard ou que tu ne pouvais pas venir ! Je me demandais bien comment des archives pouvaient prendre tant de temps ! fulmina-t-il.

    — Je ne pouvais rien te dire, j’étais tenue par le secret ! répliqua-t-elle sur un ton qu’elle voulait doux.

    — Et pourquoi le fais-tu aujourd’hui ? rétorqua-t-il en se levant.

    Alexandre, qui avait étudié ses réactions depuis qu’ils étaient entrés, lui répondit.

    — Parce que, aujourd’hui, Solène est blessée ! On évite de dévoiler notre métier, mais cette fois, le cacher n’aurait pas été judicieux ! Une blessure par balle ne passe pas inaperçue ! On ne peut pas facilement faire croire qu’elle provienne des archives !

    Théo regarda chaque personne présente avant de s’arrêter sur sa compagne.

    — Comment est-ce arrivé ? demanda-t-il, la voix peu assurée.

    Charlie se leva pour répondre. Il était le fils d’une Sorcier et d’un Géant. Il était plus petit que son père, mais mesurait deux mètres trente et avait hérité d’une carrure impressionnante.

    — Il y a eu une prise d’otages lors de la réunion d’aujourd’hui et elle a préféré être blessée plutôt que de laisser tuer un otage !

    Théo, après avoir dévisagé son interlocuteur et dégluti avec difficulté, la considéra longuement. Il cligna des yeux et lui prit les mains.

    — Je n’avais pas réalisé.

    Il déposa un rapide baiser sur sa joue. Elle se leva et prétexta vouloir se changer. Elle était sur la première marche de l’escalier lorsque Théo raccompagna tout le monde jusqu’à la porte. Alex fit un petit clin d’œil à sa protégée avant de suivre ses compagnons sur le perron.

    — Fais bien attention à elle. Sa blessure l’a affaiblie, même si elle ne veut pas le reconnaître, insista Alex à voix basse lorsqu’ils furent dehors.

    Le lendemain, Solène se rendit aux archives. Parcourir ce chemin lui rappela de bons souvenirs : sa rencontre avec Alexandre dans une petite rue, les sensations qu’elle avait ressenties ce soir-là et qui l’avaient enivrée au point de le suivre, la joie qu’elle avait ressentie lorsqu’il lui avait proposé de travailler avec lui et de la former, son émerveillement lorsqu’elle avait compris que Charlie et Baptiste n’étaient pas Humani et que la Terre était terre d’asile pour plusieurs peuples extraterrestres, sa rencontre avec le Veillorz et le bonheur qu’il lui avait apporté avant de mettre un terme à leur relation.

    Elle arriva devant son ancien bureau où la porte s’ouvrit toute seule. Rien n’avait changé. Son bureau était tel qu’elle l’avait laissé. Elle découvrit Alexandre assis devant l’âtre et sourit. La pièce semblait ancienne. La cheminée qui ornait le mur droit laissait échapper une douce chaleur, alors qu’ils se trouvaient dans un bâtiment moderne. Elle avait appris lors de sa première mission chez les réfugiés qu’il utilisait un filtre de perception pour créer cette vue dans son bureau et que la chaleur était, en réalité, distillée par une pierre de feu. Son mentor était absorbé dans ses pensées, tout sourire, et ne l’entendit pas entrer. Elle verrouilla doucement la porte et s’approcha de la cheminée. Il sursauta lorsqu’il la découvrit à ses côtés.

    — Désolée de te sortir d’une douce pensée.

    — Comment le sais-tu ?

    — Ton sourire en dit long sur celle qui occupait ton esprit à l’instant.

    Elle avait raison, il pensait à Catherine et aux jours heureux. Le bras en bandoulière de sa protégée le ramena vite à la réalité.

    — Tu devrais te reposer !

    — Je me sens en pleine forme ! Je venais prendre des nouvelles de Sam.

    — Je l’ai prévenue, elle doit arriver après-demain chez sa grand-mère. Des membres de l’Ordre l’accompagneront.

    — C’est bien, je pense que c’est mieux ainsi. As-tu des informations sur Brigitte et Ronan ?

    — J’ai envoyé les corps à Jack. J’attends les rapports d’autopsie de Rozenn.

    Il y avait toujours une petite étincelle dans les yeux de son équipière lorsqu’il parlait du Veillorz.

    — Pour anticiper ta prochaine question, Jack m’a fait parvenir des dossiers sur tes collègues. Il m’a aussi conseillé de prendre soin de toi et de te prévenir que certains semblaient suspects. Je n’ai pas réussi à te joindre. Ton émetteur n’était plus repérable et l’hôtesse de ton lieu de réunion m’a confirmé la panne des systèmes. J’ai contacté Charlie et Baptiste et nous avons rejoint l’équipe d’intervention parisienne.

    Elle lui sourit un instant avec une moue étrange. Alexandre voyait bien que quelque chose d’autre la tourmentait.

    — Assieds-toi. Tu as l’air soucieuse.

    — J’ai une question qui me brûle les lèvres.

    — Depuis quand prends-tu des gants avec moi ?

    — J’aimerais que tu me permettes de revenir sur le terrain, je ne veux pas retourner là-bas après ce qui s’est passé !

    — Ne prends pas de décision trop hâtive. Tu dois bien y réfléchir, ainsi qu’aux conséquences.

    — C’est celui-ci, mon métier ! Quels que soient les risques, je veux reprendre du service et me rendre utile auprès de l’Ordre !

    — Et Théo, qu’en fais-tu ?

    — Soit il comprendra, soit il oublie notre relation !

    Il la dévisagea un instant et lui sourit étrangement.

    — Si tu le dis ! Je serais très heureux de retravailler avec toi, mais je voudrais que tu prennes le temps de bien y réfléchir jusqu’à ce que ta blessure soit guérie.

    La jeune femme posa alors la tête sur l’épaule de son mentor avant de lui répondre doucement.

    — C’est tout réfléchi, dit-elle en souriant.

    Alex la regarda un instant. Il savait pertinemment que sa décision était prise et que cette fois, ni lui ni Jack ne la feraient changer d’avis. Il se résigna, heureux au fond de lui. Sa fraîcheur et son enthousiasme lui manquaient. La vie n’était plus tout à fait la même depuis que Solène avait quitté le service. Il l’étreignit et lui déposa un baiser sur le front.

    Comme chaque année, Solène fêtait son anniversaire en famille dans un petit village des Ardennes belges. Elle mettait toujours un point d’honneur à retrouver les siens pour cette occasion. Elle inventa une histoire de chaise cassée et d’épaule froissée pour expliquer son bras en bandoulière. Après avoir soufflé ses vingt-six bougies, elle les invita tous à s’installer au salon.

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