Le regard d’un homme

la Gaspésie était le rêve de sa vie. Quand elle était tombée, cinq ans plus tôt, sur cette annonce, Céline avait sauté sur occasion : une offre de travail au Québec, c’était une manière comme une autre d’approcher ce coin du Canada. La péninsule sauvage et préservée à l’extrémité du fleuve Saint-Laurent l’avait toujours attirée. A l’époque, elle était avec Rémi. Un grand blond, des projets plein la tête et un joyeux bagout qui vous emportait comme une forte houle. Il avait la même envie qu’elle : s’expatrier au Canada.

A leur arrivée, ils avaient passé trois mois dans un restaurant de Québec, puis ils étaient allés aider un couple proche de la retraite dans un petit hôtel de charme de Rivière-au-Renard, près de Gaspé. Dans ce rendez-vous des pêcheurs de saumon, des randonneurs du parc Forillon, des amateurs de crustacés, des Québécois en week-end, Céline et Rémi n’avaient pas chômé pour leur première saison gaspésienne ! Homards, crabes et saumons à toutes les sauces les avaient changés des œufs en meurette et du coq au vin, qu’ils servaient tout de même parfois à leurs clients tentés par la cuisine française.

Après deux années sur place, Céline dut se rendre à l’évidence : son rêve n’était pas exactement celui de Rémi.

Elle avait déchanté sans le laisser paraître, imaginant toujours que cet homme embarqué à ses côtés pour une belle aventure se révélerait être celui qu’elle avait espéré et aimé.

Alors que Cécile s’était habituée à l’accent des Canadiens français, Rémi, lui, persistait à rouler les « r » à la bourguignonne.

Au fil du temps, elle avait approfondi ses connaissances sur la Gaspésie et avait sillonné une bonne partie des parcs nationaux, découvert des villages de pêcheurs hors des circuits touristiques, des artisans oubliés, dont elle faisait profiter ses clients. Rémi, de son côté, songeait déjà à d’autres projets canadiens.

Quand le couple d’hôteliers leur proposa de prendre l’hôtel en gérance, elle accepta aussitôt. Rémi ne partagea pas son enthousiasme.