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Couronnée Par L’amour
Couronnée Par L’amour
Couronnée Par L’amour
Livre électronique435 pages6 heures

Couronnée Par L’amour

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À propos de ce livre électronique

Angleterre, 1471. Adoptée depuis qu’elle est bébé, Denys vit avec sa mère Elizabeth: reine et mariée avec Edward IV.


Denys fait nombreuses tentatives pour découvrir sa véritable lignée, mais chaque effort finit dans un fin abrupte et tragique. La Reine Elizabeth inflige la dégradation finale de Denys, quand elle l’épouse avec l’ambitieux Valentine Starbury.


Pendant que ses sentiments pour Valentine se transforment en amour, peut-elle découvrir finalement la vérité sur son passé?

LangueFrançais
Date de sortie29 déc. 2021
ISBN4867523429
Couronnée Par L’amour
Auteur

Diana Rubino

Visit me at www.dianarubino.com. My blog is www.dianarubinoauthor.blogspot.comand my author Facebook page is DianaRubinoAuthor.My passion for history has taken me to every setting of my historicals. The "Yorkist Saga" and two time travels are set in England. My contemporary fantasy "Fakin' It", set in Manhattan, won a Romantic Times Top Pick award. My Italian vampire romance "A Bloody Good Cruise" is set on a cruise ship in the Mediterranean.When I'm not writing, I'm running my engineering business, CostPro Inc., with my husband Chris. I'm a golfer, racquetballer, work out with weights, enjoy bicycling and playing my piano.I spend as much time as possible just livin' the dream on my beloved Cape Cod.

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    Aperçu du livre

    Couronnée Par L’amour - Diana Rubino

    Chapitre Un

    PALAIS DE WESTMINSTER, LONDRES, AVRIL 1471.

    Denyse Woodville releva ses jupes et grimpa sur le portail du palais. La foule ovationnait le roi Édouard qui faisait passer dans la cour extérieure son armée yorkiste qui revenait tout juste d’une victoire remportée sur les Lancastriens. La scène lui évoquait des sentiments contradictoires : son désespoir l’emportait sur la joie. Elle aurait vraiment voulu souhaiter la bienvenue à son propre soldat.

    Chevauchant son étalon blanc, le roi saluait le peuple qui l’acclamait comme si ce jour n’était qu’un jour comme un autre. Trompettes et clairons jouaient des airs enjoués. Les chevaliers mirent pied à terre et ôtèrent leurs heaumes tandis que leurs familles et les dames de leur cœur accouraient vers eux. Richard, le frère du roi, sauta de sa monture dans les bras que lui tendait sa bien-aimée Anne. Écuyers et valets accompagnèrent le roi à l’intérieur du palais pour saluer la reine Élisabeth qui était enceinte. Au milieu de toutes ces étreintes et embrassades, Denyse descendit de son perchoir et se retrouva seule.

    Seul un chevalier restait sur sa monture. Il ne s’était pas jeté dans les bras d’une jeune fille passionnée. Au lieu de cela, il arrêta son étalon gris directement devant Denyse.

    « Bonjour, madame ! » Sa voix, claire et confiante, retentit sous la visière de son heaume.

    Elle posa son regard sur cet homme fier dont l’allure régalienne incarnait la chevalerie. Les rayons du soleil l’empêchaient de voir quoi que ce soit, à l’exception de cette silhouette à heaume pointu. D’un geste élégant, il remonta sa visière. Le regard de Denyse s’attarda sur ce visage assombri par une barbe de quelques jours et qui portait une balafre au menton, son seul défaut physique. Le soleil se reflétait dans ses yeux bleu ciel.

    « Bienvenu chez vous, monseigneur, le salua-t-elle. Nous sommes tous très fiers de vous. »

    Il cueillit une fleur blanche du rosier qui se trouvait derrière lui, se baissa et la lui donna. Le contraste saisissant entre la délicate rose et l’armure lui donna un frisson qui parcourut tout son corps. Elle brûlait de prendre la main qui se cachait sous ce gantelet. « Hé ! Merci, monseigneur. »

    Il la regarda avec un désir si intense qu’elle sut qu’il partageait sa solitude, son sentiment de ne pas être à sa place.

    Il avait aussi besoin d’une personne qui lui serait chère et qu’il pourrait retrouver chez lui. Elle en avait la certitude.

    Les convives qui convergeaient vers le banquet les séparèrent, bien que leurs regards soient restés accrochés l’un à l’autre. La bousculade des gens et des chevaux l’avait éloigné et seuls son heaume et son gantelet étaient encore visibles lorsqu’il agita la main. Elle répondit par un signe de la sienne, mais il ne la voyait probablement déjà plus.

    « Au revoir, messire... »

    Quel était son nom, d’ailleurs ? Alors qu’il disparaissait, elle caressait les pétales de la rose et son imagination s’envola.

    Elle n’avait encore jamais connu l’amour. Elle chérissait Richard, son ami d’enfance, mais ça n’était qu’un amour de jeunesse. Pour la première fois de sa vie, ce soldat lui avait donné l’impression d’être une femme.

    Elle se fraya un passage à travers le palais bondé. Elle ne pouvait plus le voir. « Je le retrouverai », se jura-t-elle à voix haute.

    Valentin Starbury entraîna sa monture sur le pourtour de la cour extérieure, là où les fleurs et les mouchoirs piétinés étaient les seuls vestiges de la joyeuse parade. Il regarda par-dessus son épaule, mais ne put retrouver cette jeune fille, la seule qui n’était pas coiffée d’un hennin. Seul un élégant diadème de perles ornait ses cheveux argentés. Quand il fit son entrée, elle se tenait là, seule, sans un soldat à qui souhaiter la bienvenue ou à embrasser, l’air abattu. Mais ses yeux se mirent à briller comme des joyaux quand il s’approcha et que son propre cœur brisé s’était reflété dans ce regard. C’était la jeune fille dont il avait rêvé pendant toutes ces nuits solitaires en France, la jeune fille qu’il était certain de rencontrer un jour.

    Et en un instant, elle avait disparu.

    Lâchant un juron, il secoua la tête, désespéré. Tu l’as perdue, idiot, tu ne peux même pas faire ça correctement.

    Il ne pouvait pas supporter une autre perte.

    Seule dans sa chambre, après le banquet, Denyse caressait la rose parfumée qu’il lui avait offerte. Après l’avoir adoptée, sa tante Élisabeth avait poursuivi Édouard, futur roi d’Angleterre, de ses assiduités. Celui-ci tomba éperdument amoureux et ils se marièrent. La nouvelle épouse n’avait que faire d’un enfant à ses côtés, alors elle envoya Denyse dans le Yorkshire, bien loin d’elle.

    Le duc et la duchesse de Scarborough, qui n’avaient pas d’enfants, l’élevèrent comme la fille qu’ils n’avaient jamais eue. Quand la duchesse rendit l’âme, le duc renvoya Denyse à la cour, de nouveau rejetée. Bien qu’elle ait eu un roi et une reine pour oncle et tante, Denyse se languissait comme une âme perdue. Aujourd’hui encore, alors que les amants s’étaient réunis, elle était seule, non désirée. Pour ajouter à sa misère, le chevalier de ses rêves lui était apparu et avait disparu aussitôt. Telle était sa vie de solitude.

    Sa dame d’honneur entra, lui fit une révérence, et lui tendit un parchemin plié sur lequel figurait le sceau royal. « Un page vient d’apporter ceci de la part de Son Altesse la reine, madame.

    — Cela peut attendre », dit-elle en la congédiant.

    C’était probablement une invitation à l’une de ces stupides soirées musicales de la reine, un prétexte pour donner aux dames de la cour l’occasion de bavarder.

    Ce message lui était sorti de la tête jusqu’au soir, alors que sa servante se tenait debout derrière elle et lui brossait les cheveux.

    « Jane, s’il te plaît, donne-moi le billet de la reine. » D’un geste de la main, elle montra son bureau.

    Denyse brisa le sceau et déplia le parchemin – une invitation, en effet, mais pas pour une frivole soirée musicale.

    C’était une invitation à un mariage, le sien. Son cœur fit un bond effroyable dans sa poitrine.

    Elle venait d’être promise à Richard, duc de Gloucester, le plus jeune frère du roi, son compagnon d’enfance. La reine Élisabeth donnait toujours en mariage les membres de sa famille à la crème de la noblesse, et Richard était le célibataire le plus prestigieux du royaume.

    Il était loin de l’idée qu’elle se faisait d’un mari. Un frère, oui. Un mari, jamais !

    Puritain pointilleux, il voulait épouser sa bien-aimée Anne Neville.

    Denyse et Richard avaient joué ensemble quand ils étaient enfants et ils avaient renouvelé cette amitié quand elle revint à la cour. Ils jouaient ensemble au tennis, aux échecs, aux cartes, mais le jeu finissait là. Rien que l’idée d’avoir à l’embrasser lui donnait des frissons.

    Or, la reine voulait qu’ils se marient le jour de Noël.

    Ivre de fureur, elle alla jusqu’à la cheminée et jeta la missive dans les flammes qui la léchèrent et la carbonisèrent au point de devenir illisible. Elle se coucha alors pour réfléchir longuement.

    Au moment où elle s’endormit, elle avait déjà imaginé plusieurs façons de s’échapper de cette union.

    Le roi Édouard se leva pour souhaiter une bonne nuit à sa reine ; celle-ci quitta l’estrade et la suite de ses servantes l’accompagna hors de la grande salle. Denyse gravit alors les marches de l’estrade et s’approcha de son oncle en lui faisant une révérence. « Oncle Ned, j’ai besoin de vous parler.

    — Denyse, ma chère, viens t’asseoir à mes côtés ! l’invita-t-il, alors que sa robuste main royale enveloppait la sienne avec une chaleur réconfortante. Avec toutes ces batailles et toutes ces réunions du conseil, je n’ai jamais l’occasion de te voir. Et je dois encore prendre ma revanche aux échecs ! »

    Elle sourit se rappelant leur dernière partie – elle avait pris le roi d’oncle Ned rien qu’avec sa tour et un pion. « Ce serait avec plaisir, mon oncle. » Elle s’assit à côté de lui et embrassa le rubis de l’anneau du couronnement.

    Il fit signe à un serviteur qui passait d’apporter à Denyse un gobelet de vin. « Es-tu heureuse à la cour, ma chère ? Ou bien aurais-tu préféré rester dans le Yorkshire où la vie est plus calme ?

    — Oh, aujourd’hui, je me suis sentie particulièrement abattue. C’est le premier anniversaire du décès de la duchesse. Le château Howard me manque tellement. » Ah, le château Howard... Elle y avait reçu chaleur et amour, sans compter les berceuses qu’on lui chantait chaque soir et la douce poitrine de la duchesse sur laquelle elle pouvait reposer sa tête. « J’y étudiais, je rendais mes bonnes œuvres aux pauvres, je lisais des histoires aux gamins... Ils adoraient les contes du Roi Arthur. » Le ton de sa voix s’adoucit en repensant au plaisir d’apporter un peu de bonheur à ces tristes vies.

    « Je sais à quel point ces gens et la duchesse t’adoraient, répondit le roi Édouard, le regard perdu dans le vague. Pendant les années où mes frères, mes sœurs et moi avons habité au château Howard, la duchesse a été une mère pour nous tous. »

    Denyse acquiesça d’un signe de tête. Ses yeux s’accrochèrent à la lumière qui étincelait sur son gobelet. « La duchesse passait des heures à prendre soin de ma coiffure, particulièrement quand le soleil les blanchissait. Que tu es belle, comme une petite colombe ! avait-elle dit un jour. » Ce surnom lui était resté depuis ce jour. Mais son enfance idyllique avait trouvé une fin abrupte.

    Un sourire enjoué se dessina sur les lèvres du roi Édouard. « Elle avait des surnoms pour tout le monde. J’étais Noueux à cause de mes genoux et de mes coudes trop gros. Mais ça s’est amélioré en grandissant. » Il étendit ses doigts rendus calleux par le maniement de l’épée et de la massue.

    « Je me sens perdue ici, avec l’agitation constante de la cour et les ornements de la royauté. Je ne m’y sens pas à ma place. » Elle pouvait parler ainsi avec lui ; il avait l’oreille la plus compréhensive de la cour. Il partageait son amour pour la campagne du Yorkshire, avec ses luxuriants champs verts, ses aimables vallées, ses landes rendues violettes par la bruyère. Elle détestait Londres, un trou sale et grouillant de gens. Surtout, elle méprisait la cupidité de la famille de la reine. « Comme j’aimerais pouvoir connaître mes vraies origines. Je ne peux toujours pas croire que je suis la nièce de la reine.

    — As-tu fait appel à elle depuis que tu es revenue à la cour ? demanda-t-il après avoir bu une gorgée de vin. Elle sera sans doute plus accommodante, maintenant que tu es adulte.

    — Oui, le jour où je suis arrivée du château Howard. Elle m’a congédié en me disant Ton père n’a jamais épousé ma sœur, ils sont morts de la suette et tu peux remercier le Ciel que j’ai accepté d’adopter une bâtarde, raconta-t-elle en regardant son oncle dans les yeux. Elle me cache quelque chose, je le sais. »

    Dès qu’elle avait su parler, elle avait commencé à demander à sa tante « qui étaient le seigneur son père et sa mère ? » Élisabeth lui donnait une gifle ou la chassait, et quand les questions devinrent trop ennuyeuses pour la future reine, beaucoup plus préoccupée par les bijoux du couronnement et les banquets, elle s’était débarrassée de Denyse et l’avait renvoyée dans le lointain Yorkshire.

    Mais Denyse n’avait jamais cessé de s’interroger. Que cachait Élisabeth ? Qui sont mes parents ? Qui suis-je ?

    Édouard hocha la tête, une fossette dans sa joue accentuant le froncement de ses sourcils. Oh, il connaissait bien les intrigues de sa femme.

    Denyse prit une grande inspiration et redressa ses épaules. « Mon oncle, hier soir, la reine m’a envoyé une demande absolument absurde. Je dois vous en parler.

    — Allons bon, que veut-elle cette fois-ci ? » L’air fatigué, Édouard fit signe à l’un des serviteurs de remplir leurs gobelets. « Dois-je plutôt demander un pichet pour entendre ça ?

    — J’irai plutôt chercher un tonneau, répondit Denyse en serrant son gobelet. Elle veut que j’épouse Richard. Le jour de Noël.

    — Richard ? Mon frère Richard ? » Il leva les yeux au ciel et but une longue gorgée de vin. Elle lut dans ses pensées : « Il est temps de marier la gamine. » Mais pas avec Richard !

    « Je savais que tôt ou tard elle me promettrait à quelqu’un. Mais je ne peux pas épouser Richard. Je le considère comme mon frère. De plus, cela fait des années qu’il cherche à épouser Anne et la reine le sait très bien. » Elle but une gorgée du vin plus que méritée et vida finalement son gobelet. « Élisabeth fait ce qu’elle veut de moi depuis que je suis petite. Elle m’éloigne d’elle, puis me rappelle à la cour. Mais elle ne peut pas me marier à Richard le jour de Noël ou n’importe quel autre jour. Mon oncle, s’il vous plaît, ne lui donnez pas votre consentement.

    — C’était donc ça, l’urgence. » Il se mit à rire en balançant son gobelet entre son pouce et son index.

    « L’urgence ? » Elle se redressa sur son siège.

    Édouard hocha la tête. « Richard m’a déjà pris dans un coin... » Il fit tourner son verre. « Je veux dire qu’il a demandé la permission d’épouser Anne demain à l’aube. J’ai vu bien des hommes qui brûlaient d’envie de ne pas se marier, mais jamais l’inverse.

    — Oh, Dieu merci, soupira-t-elle de soulagement. Ils doivent se marier. Ils ont tellement d’affection l’un pour l’autre. Ils se marient demain alors ?

    — Oui, mais pas à l’aube, comme il me l’a demandé. Il avait même déjà commencé à chercher un prêtre qu’il pourrait sortir du lit aussi tôt, mais j’ai jugé sage d’en informer d’abord la mariée, dit-il avec un sourire et un clin d’œil amusé. J’ai promis de publier les bans entre deux réunions du Conseil demain. Alors il ne connaîtra l’ivresse du mariage qu’après les vêpres au moins. » Il jeta un coup d’œil autour de la grande salle bruyante. « Bon, je dois assister à ces terrifiantes funérailles, je dois y aller, mon enfant. Mais nous aurons cette partie d’échecs, je te le promets.

    — Les funérailles de qui ? demanda-t-elle en se levant en même temps que lui.

    — Le comte de Desmond. Il a été exécuté, tout comme ses deux jeunes fils, lui dit-il en tirant sur son pourpoint.

    — Desmond ? Exécuté ? Mais il était l’un des Yorkistes les plus fidèles. Qu’a-t-il commis comme crime ? » Denyse frissonna en pensant à cette dernière exécution. « Cette cour est un véritable bain de sang, murmura-t-elle.

    — Aucun crime n’a été commis. Du moins, c’est mon avis, mais pas celui de mon irascible reine. » Édouard parlait comme s’il s’était résigné au flux constant d’exécutions qu’Élisabeth provoquait. « Quand il est arrivé d’Irlande, nous sommes allés chasser. Un peu légèrement, je lui ai demandé son avis à propos de mon mariage avec Bess. Desmond a répondu honnêtement qu’il valait mieux se marier en dehors du royaume et nouer une alliance avec l’étranger. Sans y prêter trop d’attention, au détour d’une conversation, j’ai commis l’erreur de mentionner ses paroles à Bess. Elle est devenue folle de rage et a convaincu le comte de Worcester de monter une accusation contre ce pauvre vieux Desmond. Il a été arrêté il y a une semaine et conduit au gibet hier matin.

    — Mais pourquoi ne l’avez-vous pas empêchée ? insista Denyse en descendant les deux marches de l’estrade avec lui.

    — J’avais bien l’intention de lui accorder mon pardon. Dans la salle du conseil, j’ai cherché vainement le sceau royal, mais j’ai découvert que la reine l’a chapardé pour sceller l’ordre d’exécution, expliqua-t-il en étouffant un bâillement. Desmond a toujours été si fidèle. J’aimerais pouvoir en dire autant de certains autres ici. » Elle savait exactement à qui il faisait référence.

    Denyse fronça les sourcils avec dégoût, sachant qu’elle n’avait pas besoin de se cacher de son oncle. « Quand la corde se brisera-t-elle ?

    — Inutile, ma fille. » Le roi montra un rare froncement de sourcils. « La reine est sur le point d’accoucher et je compte la garder enceinte pour le restant de ses jours. Elle est tenue de mettre au monde un prince digne d’être roi, ou au moins aussi robuste que les deux blaireaux auxquels elle a donné naissance avec l’autre vermine. »

    Cette « autre vermine », c’était son premier mari, John Grey.

    « Nous espérons que les ressemblances s’arrêteront là. » L’oncle et la nièce échangèrent des regards amusés.

    Édouard salua quelques courtisans alors qu’ils quittaient la grande salle. Plusieurs personnes de sa suite les accompagnèrent.

    « Je dois changer de vêtements pour mettre du noir. » Il se pencha vers elle et la serra dans ses bras. Elle se sentait tellement en sécurité, enveloppée par sa chaleur.

    « Merci, Sire. » Elle resserra son étreinte.

    « Parfois, je me demande pourquoi je me donne la peine de porter autre chose que du noir. On croirait que je suis veuf.

    — Attention à ce que vous souhaitez, mon oncle, dit-elle en lui donnant un petit coup dans les côtes. Ça pourrait arriver. »

    Ils échangèrent des sourires plus discrets, cette fois.

    Elle aimait l’oncle Ned de tout son cœur. Elle le considérait comme un père, un frère et un ami. Elle pouvait lui confier tous ses problèmes. Il était la seule bonne chose qui ressortait du coup du destin qu’elle avait subi. Il lui manquait vraiment quand il allait se battre ou qu’il parcourait le royaume. Mais pourquoi était-il tombé sous le charme d’Élisabeth ? Elle avait entendu pas mal d’histoires, dont beaucoup étaient franchement osées, à propos des jeunes filles que l’Oncle Ned avait courtisées. Il avait même failli épouser l’une d’elles.

    Mais Élisabeth avait résolu tout ça.

    Et beaucoup pensaient que c’était par la sorcellerie.

    Élisabeth Woodville avait rencontré Édouard Plantagenêt pour la première fois sous un chêne. La veille de leur mariage, le 13 avril, était un jour de sabbat pour les sorcières. Et on savait que les sorcières pratiquaient toujours leurs cérémonies sous un chêne. La voisine d’Élisabeth l’avait accusée publiquement de sorcellerie, en exhibant deux petites figurines en plomb représentant un roi et une reine. Édouard avait pris cette accusation au sérieux et avait lui-même mené l’enquête. Mais il était tombé désespérément amoureux de la Jument grise, comme on l’appelait, et l’avait épousée. Était-ce parce qu’elle ne voulait pas lui donner ce qu’il voulait avant sa nuit de noces ? Denyse s’était toujours interrogée.

    Le lendemain matin, durant toute la messe, Denyse observa Richard avec inquiétude. Il regardait partout et ignorait le prêtre qui officiait. Il jouait avec ses bagues, lissait son tabard au point qu’elle pensait qu’il en userait le tissu, et il passa la seconde moitié de l’office penché en avant, la tête entre ses mains. Il avait autre chose à l’esprit que la dévotion.

    Non, la reine ne pouvait pas se montrer d’une telle cruauté en le privant du bonheur de son véritable amour. Nous trouverons une solution, jura-t-elle devant Dieu.

    Alors que la chapelle se vidait à la fin de la messe, Richard tira Denyse par la manche et lui fit signe de le suivre. Mais il fit un brusque demi-tour et revint dans l’allée centrale. « Non, asseyons-nous plutôt au fond. Plus nous serons loin de l’autel, mieux ce sera », ajouta-t-il en marmonnant.

    Denyse rassembla ses jupes et s’assit sur le dernier banc. Richard faisait les cent pas, les mains jointes derrière son dos. « Richard, assieds-toi, s’il te plaît. Tu me donnes le tournis.

    — Je ne peux pas. Je ne peux penser que debout, en remuant mes pieds. » Sa voix résonnait dans la chapelle vide. « Cette satanée reine joue l’un de ses tours habituels et celui-ci pourrait même fonctionner. » Il frappa la paume de sa main avec son poing.

    « Qu’a-t-elle encore fait ? demanda Denyse avec une inquiétude grandissante. Je croyais qu’oncle Ned avait donné sa permission pour que tu épouses Anne aujourd’hui.

    — Il l’a fait. Et puis, après avoir obtenu son consentement et convoqué le père Farley, le tout en moins d’une heure, je suis allé retrouver ma fiancée, mais son père sans scrupules l’avait déjà séquestrée. » Sa voix dégoulinait d’amertume.

    « Pourquoi aurait-il fait ça ? » Elle se leva et vint à ses côtés.

    « Oh, ce n’est pas entièrement de son fait. On l’a aidé. » Il insista sur le dernier mot avec un ricanement.

    « Oh, non ! » Elle serra les mâchoires, son sang se réchauffant à chaque respiration.

    « Oh, si. Cette catin d’Élisabeth a encore frappé, dit-il en jetant ses mains en l’air. J’essaye de trouver Anne, j’ai envoyé des troupes à sa recherche, mais ce sont des bons à rien. Je ne fais que tourner en rond dans toute l’Angleterre. » Il frappa du poing sur le rebord du banc. « Nous aurions dû nous enfuir ! »

    Une chape de plomb s’abattit sur Denyse. « Même oncle Ned disait que tu aurais d’abord dû t’assurer de la présence de ta fiancée. »

    « Mais n’est-ce pas mon habitude d’oublier le plus évident ? remarqua-t-il en se frottant les yeux. Seul le diable sait où elle est, et tout est perdu. »

    Elle leva son index. « Pas encore. Je vais quitter la cour déguisée en servante et je m’installerai dans le nord, près du château Howard. Je connais bien cette région, j’y ai des gens de confiance et je peux continuer à rechercher ma famille là-bas. Bess ne peut pas nous marier si la fiancée est absente. »

    Il secoua la tête pendant qu’elle parlait. « C’est trop dangereux. Tu ne peux pas t’éclipser de la cour sous un déguisement et te balader en Angleterre habillée comme une foutue poissonnière.

    — Très bien. Alors, réfléchis à mon idée suivante. Ça m’est venu comme un coup de tonnerre pendant la nuit. »

    Le regard de Richard s’illumina et se posa sur elle. « Je t’écoute. »

    « Tu peux épouser quelqu’un d’autre, proposa-t-elle comme une simple solution.

    — Que j’épouse quelqu’un d’autre ? Et pourquoi moi ? s’exclama-t-il avec son poing sur sa hanche. C’est toi que ta tante veut marier. Je suis juste le lièvre pris entre les vilaines mâchoires du chien de chasse.

    — Eh bien, je ne veux pas épouser un homme que la reine aura désigné. Je veux d’abord trouver ma famille. Et quand je me marierai, ce sera avec un homme que j’aurai moi-même choisi, un homme courtois, beau et... viril. Je ne veux assurément pas dire que tu n’as pas toutes ces qualités », ajouta-t-elle.

    Il acquiesça et l’incita à poursuivre. « Continue, voyons comment tu vas te sortir de celle-là. » Son sourire s’élargit et devint narquois. Il aimait embarrasser les gens.

    « Oh, tu sais ce que je veux dire. » Son cœur se mit à palpiter en repensant à la journée d’avant. « Je veux quelqu’un comme le chevalier qui m’a approchée dans la cour extérieure hier.

    — Quel chevalier ? demanda-t-il en haussant un sourcil.

    — Nous n’avons fait que nous saluer. Et la foule nous a séparés. Il est venu et s’en est allé en un clin d’œil. Mais grâce à lui, j’ai eu l’impression d’être si spéciale, si désirée, si... » Elle laissa échapper un long soupir. « Si féminine. Aucun homme ne m’avait jamais regardé comme ça avant. La cour extérieure était pleine de jeunes filles, mais c’est moi qu’il est venu voir. J’ai toujours rêvé d’un mariage de conte de fées, avec quelqu’un comme lui. » Elle baissa les yeux. Richard avait raison. Elle rêvait encore et, cette fois, elle le faisait à voix haute. « Mais quel intérêt pour toi, ou pour n’importe qui d’autre, d’épouser la nièce illégitime et orpheline de la reine ? Je n’ai même pas de dot.

    — Oh, tu sais bien, la rassura Richard en la caressant sous le menton. La vieille sorcière protège toujours son arrière-train.

    — Elle me procure une dot ? » Les yeux de Denyse s’écarquillèrent. « Avec quoi ?

    — En caractères nettement plus grands que le reste du message, et soulignés, s’il vous plaît, elle a tenté de flatter mon avidité avec le manoir de Foxley comme appât.

    — Le manoir de Foxley ? demanda-t-elle en secouant la tête. Je n’en ai jamais entendu parler.

    — C’est un bien considérable, selon elle. Comme si un ridicule manoir pouvait rivaliser avec ce qu’Anne apporte. Avec tout mon respect, Denyse... » Il fit une pause. « La dot d’Anne est énorme, et elle héritera de la moitié des biens de sa mère.

    — Je ne connais aucun manoir de Foxley, insista-t-elle en secouant la tête. Je n’ai jamais eu une quelconque dot. Comment serait-ce possible pour une bâtarde orpheline ?

    — J’ai pensé que ça faisait partie du douaire de la reine, mais ces terres sont situées dans le Northamptonshire, où Édouard est tombé pour la première fois sous son charme. La maison de sa famille à Grafton Regis est devenue propriété d’Édouard après s’être mariés dans la chapelle, expliqua-t-il. Mais je n’ai aucune idée sur l’endroit où se trouve ce manoir de Foxley. Et ça m’est bien égal. Ça m’a tout l’air d’être une vieille étable. Complètement inutile. » Il chassa l’idée d’un geste, comme il aurait chassé une mouche.

    « En fait, c’est important pour moi, dit-elle en croisant les bras. A-t-elle dit où se trouvait cet endroit ?

    — Quelque part dans le Wiltshire. Oh, quel était le nom du village ? » Il se tapota le côté de la tête. « Ça ressemblait à un nom de vin – oh, oui. Malmesbury. »

    Denyse en eut le souffle coupé et serra son livre d’heures, enfonçant la tranche du volume dans ses paumes. « Malmesbury ! Par Dieu !

    — Tu en as déjà entendu parler ? demanda-t-il en penchant la tête.

    — À diverses reprises ! » Elle semblait incapable de reprendre son souffle. « Richard... » Son cœur battait fort. « À la cour, avant qu’elle ne m’envoie vivre au château Howard, je l’ai entendue plusieurs fois prononcer à voix basse le nom de Malmesbury, associé au mien. Mais je n’ai jamais pu comprendre ce qu’elle disait à travers les murs du palais, avec tout le bruit des serviteurs. Persuadée qu’il devait y avoir un lien, je l’ai inscrit dans mon journal aussitôt après l’avoir entendu, pour ne pas me tromper. Je l’ai même trouvé sur la carte.

    — C’est peut-être de là que vient ton père, supposa Richard.

    — En fait, je n’ai jamais cru que j’étais la fille de sa sœur. Je ne ressemble même pas à une Woodville et, par la grâce de Dieu, je n’ai rien de commun avec aucun d’eux.

    — Alors, il se peut qu’il y ait un lien entre ta famille et ce manoir de Foxley. » Richard tambourina ses doigts sur le banc. « Hmm...

    — Richard, je dois me rendre à Malmesbury pour trouver le manoir de Foxley et, si Dieu le veut, je trouverai ce que je cherche. » Elle relâcha ses poings serrés. « Pendant que je voyage, tu continues à chercher Anne. »

    Elle avait du mal à respirer et rester calme, quand elle voulait seulement se précipiter dans les appartements de la reine et l’étrangler.

    Richard tapa du pied. « Bon, peu importe que tu trouves ce que tu cherches au manoir de Foxley, on pourrait aussi trouver un moyen de faire de ton autre fantaisie de conte de fées une réalité. »

    Denyse leva les yeux vers les voûtes de la chapelle et revit le visage de ce chevalier, l’image toujours vivace dans son esprit. Si Richard pouvait trouver quelqu’un qui lui ressemblait vaguement...

    « J’appelle ça un conte de fées parce que c’est tout ce que c’est, Richard. » Elle revint sur terre avec force. « Il faut juste que je me réveille.

    — Peut-être pas. Le royaume a son lot d’hommes courtois et... » Il agita sa main. « Peu importe ce que tu as dit. Il y en a plein d’autres. Fais-moi confiance, je t’aiderai à en trouver un. Ensuite, tu n’auras qu’à obtenir la permission d’Édouard de te marier et tu pourras en finir avec tout ça. La Jument grise n’en saura rien. »

    Une étincelle d’excitation accéléra le pouls de Denyse. « Je l’envisagerai quand tu auras pêché la perle rare dans ce lot d’hommes courtois – mais il doit correspondre à la description que je t’ai donnée. Trouve d’abord Anne et je vais à Malmesbury pour chercher ma famille. Au moins, l’un de nous devrait trouver ce que nous cherchons. Maintenant, j’ai deux mots à dire à la reine – et en parlant de courtoisie, on ne fait pas plus courtois qu’elle. »

    Il secoua la tête avec un sourire en coin. « Aux toilettes, peut-être.

    — Oh, comme je voudrais qu’il me pousse des ailes pour m’envoler vers Malmesbury, rêva-t-elle à haute voix. C’est enfin une autre piste pour résoudre ce mystère. J’irai là-bas et, si Dieu le veut, c’est là que je trouverai mes vraies origines. »

    S’il vous plaît, faites que ce soit l’endroit auquel j’ai pensé pendant toutes ces nuits dans mes appartements pleins de courants d’air quand j’étais enfant, chaque fois qu’Élisabeth me chassait, supplia-t-elle Dieu. Cela la rendait encore plus déterminée à battre la reine à son propre jeu cruel. Maintenant, elle avait un but, un endroit où aller, la première étape sur le chemin de ses origines. Et si Richard lui trouvait le chevalier de ses rêves, elle serait comblée. Était-ce trop demander ? Trouver sa famille et son véritable amour ?

    « Pour l’instant, gardons ça dans les brumes des rêves pendant que je poursuis ma quête. » Elle serra la main de Richard et le conduisit à la porte de la chapelle. « J’ai besoin de savoir qui je suis et d’où je viens. Alors, ma vie aura un sens. Je ne suis pas à ma place ici et je ne mérite pas tous les honneurs royaux. Même si ce sont de petits paysans travaillant la terre, c’est ma famille. Oh, je suis impatiente de les retrouver ! Alors, je serai digne de l’amour d’un chevalier. » Elle marqua une pause. « Peut-être a-t-il senti que je suis perdue et pas à ma place, et ça l’a fait fuir. Il a vu la tristesse et l’angoisse dans mon regard. Qui voudrait partager une telle misère ? demanda-t-elle en ouvrant la porte.

    — Mais quelque chose l’a quand même attiré à toi, fit-il remarquer en sortant après elle. C’est la foule qui vous a séparés. Tu ne l’as pas repoussé. Je sais comment se déroulent ces réjouissances pour la victoire. C’est le chaos qui prévaut – surtout une fois que le vin commence à couler. La bousculade sépare les gens et, plus souvent encore, oserai-je dire, elle les réunit. Beaucoup de jeunes filles sont poussées dans les bras de chevaliers avides. Et ceux-ci n’hésitent pas à sauter sur l’occasion pour festoyer avec elle, de plus d’une façon, jusqu’aux petites heures du matin avant de lui demander son nom.

    — Et comment sais-tu ça ? Par expérience ? » Elle sourit, sachant que ce n’était pas le cas.

    « Non, je ne pourrais jamais duper une jeune fille, même si je le voulais. Tout le monde connaît mon visage. » Il lécha son index et le passa sur son sourcil. « Mais c’est arrivé à certains de mes amis. Parfois, j’ai l’impression qu’ils ne vont se battre que pour les réjouissances qui suivent, au lieu de se battre pour la survie du royaume.

    — Nous avons chacun nos raisons de vivre, Richard. » Elle caressa sa joue avec son doigt. Ils se séparèrent et elle regagna ses appartements pour préparer sa conversation avec la reine.

    Chapitre Deux

    Denyse entra dans la salle d’audience de la reine Élisabeth alors que les cloches de l’église sonnaient trois coups. Une dame d’honneur alla informer la souveraine. Denyse s’était préparée à une longue attente : Son Altesse ne faisait ses grandioses entrées que lorsqu’elle était fin prête.

    Alors qu’elle faisait les cent pas, trois servantes aux mains rougies et rugueuses frottaient les boiseries, tandis que deux autres battaient les tapisseries et nettoyaient les meubles. Une femme de chambre vacillait sur une échelle en mauvais état pour tenter d’éliminer les toiles d’araignée pleines de poussière des corniches.

    La reine Élisabeth entra, passa à côté de Denyse sans la remarquer et se dirigea droit vers la servante qui nettoyait son bureau. Denyse avait vu cette pauvre fille de nombreux matins sombres laver le sol, poussant une bougie devant elle pour s’éclairer.

    La reine écrasa sa paume sur la table. « Ça n’est pas chaud, tu ne frottes pas assez fort. Et c’est rayé ! » beugla-t-elle. La fille grimaça de peur. « Frotte jusqu’à ce que ce soit chaud, ou tu te retrouveras à dormir sur ta paillasse sans dîner pendant une semaine ! »

    Elle regarda Denyse et son sourire n’atteignit pas ses yeux, ce qui accentua sa fausseté. « Assieds-toi, ils sont en train d’aérer la salle de réception. » Elle claqua deux fois des doigts et les servantes disparurent.

    Elle installa son corps gonflé par la grossesse dans la chaise surdimensionnée située face à Denyse, un peu trop loin pour une conversation normale, mais la distance semblait stimuler le sentiment de supériorité de la reine.

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