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Ti Boulé
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Livre électronique219 pages3 heures

Ti Boulé

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À propos de ce livre électronique

Ti Boulé, un adolescent de dix ans, s'est retrouvé dans la rue après l'abandon de son père. La vie de banditisme qu'offrent les rues de Port-au-Prince a tracé le trajet de son existence journalière conformément à la criminalité de son environnement.

 

Contrairement à Ti Boulé, son cousin, Francis, qui n'a jamais été à l'école, a abandonné sa famille à l'âge de dix ans pour se rendre à Port-au-Prince à cause de son amour pour la fillette de la maison où il se trouvait en fonction de domestique.

 

La vie de ces adolescents décrit deux aspects de la réalité socio-économique et culturelle d'Ayiti. C'est une histoire fictionnelle basée sur des faits réels.

LangueFrançais
ÉditeurJef Olix
Date de sortie7 sept. 2021
ISBN9781792374234
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    Aperçu du livre

    Ti Boulé - Jo Felix

    TI BOULÉ

    La salle de maternité d’un hôpital à Delmas trente-trois, une banlieue de Port-au-Prince, venait d’accueillir au monde un petit garçon. Comme une annonce mystique, à l’extérieur, une pluie torrentielle et orageuse baignait la ville. Un éclair illumina le bébé suspendu dans la main du docteur qui le tapota sur ses fesses et il poussa son premier cri, mais un grondement d’orages obstruait le son de sa voix. On ne l’entendait presque pas.

    Une lueur de sueur brillait sur le visage de la jeune femme qui regardait son nouveau-né, son premier enfant. Elle sourit et se ferma les yeux. Ce sourire maternel enfermait, peut-être, des tas de pensées?; tout ce qu’une mère souhaiterait voir pour son enfant lorsqu’il aurait atteint l’âge de maturité. Sa vie miséreuse ne l’empêchait pas de nourrir des espoirs, de rêver d’un futur illusoire, presque impossible pour son fils. L’idéalisme animait toujours le cœur de la majorité des matriarches Ayisyènes.

    Il fut un temps, dans ce pays, où les espoirs se manifestaient, où le fils d’une vendeuse de rue pouvait accéder à un poste élevé. Malheureusement, les conditions précaires de la quotidienneté de Marise pourraient entrainer l’enfant vers le banditisme, l’assassinat. L’état perdait la gouvernance des quartiers défavorisés. L’un de ces endroits verrait, fort probablement, grandir son fils.

    De nos jours, la grande majorité de la nation se jetterait facilement dans le méfait pour y aboutir. L’éducation se rabaissait sur le plan secondaire. Un passeport devint un outil primordial, car le voyage, désormais, était le but ultime dans la société Ayisyène — non pour un voyage d’études à l’étranger, mais plutôt pour fuir le pays qui allait de mal en pis.

    Marise, malgré sa pénurie d’éducation, en avait entendu beaucoup parler et tout comprit. Une femme de 1,7 m de hauteur, ses 50 kilos de poids lui proportionnaient aisément. Une brunette aux cheveux crépus, son rire exposait la brillance d’une belle denture blanche. Son nez aquilin et ses grands yeux l’agrémentaient d’une joliesse naturelle de Jérémie, la province de sa provenance.

    Elle et son époux, Richard, habitaient un quartier populaire non loin de Delmas trente-et-un dans une petite maison modeste. Un corridor débouchait sur une grande cour, où la diversité des locataires créait un voisinage bruyant. Des enfants courraient par-ci par-là toute la journée, occasionnant un vacarme typique d’un tel endroit. Parfois, il y aurait de dérapages dans le voisinage. Le jour de la lessive, les femmes blaguaient à haute voix et esclaffaient continuellement.

    Richard était de petite taille, un peu mince, mais râblé avec un nez arrondi. Chauffeur de camion, il faisait la livraison d’eau potable toute la journée dans la région. Un business qui se développait à cause d’une carence d’eau potable et qui certainement causerait la sécheresse des aquifères.

    En majeur parti, le soleil se disparaissait déjà lorsque Richard posait les pieds sous le seuil de sa maison. Il avait, lui aussi, pris son premier souffle dans un petit faubourg des Cayes, au sud du pays.

    Deux semaines après son enfantement, le comportement de Marise changea à l’égard de son fils. Elle arrêta son allaitement et réfutait constamment les conseils de son époux. L’enfant ne devait même pas la toucher. Richard avait du mal à en déchiffrer. Sidéré, il essaya de raisonner. - Chérie, qu’est-ce qui t’arrive?? Ça va me coûter beaucoup si tu arrêtes et je gagne très peu.

    - Il aurait fallu que j’arrête quand même après neuf mois. Pourquoi pas maintenant??

    - Pour l’instant, tu n’as aucun problème. Pourquoi prends-tu cette attitude?? Dis-le moi !

    - Je ne veux pas qu’il me touche. Il a un mauvais esprit sur lui.

    - Quoi?? cria-t-il. - D’où vient cette bêtise?? Ne fais pas ça, ma chère?! L’enfant n’a que deux semaines de vie sur terre et tu me viens avec une histoire fétichiste.

    - Richard, c’est du sérieux. Je ne plaisante pas.

    - Écoute Marise, je ne vais pas jeter mon argent dans le vaudou.

    - Regarde-le ! Elle pointa du doigt l’enfant innocemment emmailloté dans son petit berceau.

    - Je n’arrive pas à comprendre ce qui te pousse à agir de cette manière. Il est le fruit de notre amour. Richard essouffla un soupir de désespoir, regardant sa femme avec stupeur. - Eh bien, appelle tes parents à Jérémie. Rappelle-toi que nous n’avons personne à Port-au-Prince. Ça va être dur pour nous. Et puis, ne mentionne rien à personne. Ces gens-là dans la cour vont nous critiquer. D’accord?! Je dois partir travailler. Je suis en retard.

    Il embrassa sa femme et partit. Quoiqu’il fût tôt, le trafic encombrait déjà les rues. Richard, troublé de l’attitude de sa femme, voyait glisser de sa main la vie heureuse qu’il prévoyait avec sa petite famille. Il marchait au milieu de la rue, oubliant le trafic habituel de son quartier. Entre-temps, une voiture arrivait à haute vitesse. Le chauffeur, qui ne voulait pas ralentir, s’appuya sur le klaxonne. Richard, sursautant, courut sur le trottoir. Il réalisa l’effet perturbant que l’attitude de sa femme l’inflige. Après quelques minutes de pause pour reprendre son souffle, il reprit sa marche d’un air précautionneux pour éviter que sa journée ne soit néfaste.

    Ce soir-là, la déconvenue l’attendit à la maison lorsqu’il retrouva son fils en pleurs dans sa couche, baignant dans ses propres fèces. Il le prit dans ses bras. Le bébé qui, semblait-il, ressentait la chaleur paternelle arrêta de pleurer. Méticuleusement, il lui fit une petite toilette presque à sec, lui donna à manger et le remit dans son berceau. Cependant qu’il se déshabillait, un voisin frappa à la porte. Il alla le rejoindre dans la cour.

    - Voisin Richard, il parait qu’il y a un problème. Il parlait tout bas.

    - Ah bon?! Quoi??

    - Mon cher, ma femme m’a dit que l’enfant pleure presque toute la journée. Il semble que sa maman ne lui a pas donné à manger et elle n’a pas mangé non plus.

    - Merci voisin?! J’ai tout remarqué.

    - La seule chose que je peux te dire c’est qu’il y a un problème. Il faut le résoudre.

    - Je ne peux pas beaucoup faire. Tu vois, je sors tôt le matin et je rentre tard le soir. Je dois recourir à ses parents.

    - En tout cas, ne dors pas là-dessus. Aller?! Bonne nuit.

    - Partagé, merci?! Richard lui serra la main, entra et jeta un coup d’œil sur Marise figée sur le lit sans ôter un mot de sa bouche. Au lieu de l’enfant, elle avait l’air d’être possédée d’un mauvais esprit. Richard se trouvait coincé contre le mur, incapable de se mouvoir. Sa désillusion embrouillait sa capacité mentale. Il regarda le pain sur la table et bâilla. Il en mangea un avec de la pâte d’arachide. Son maigre déjeuner n’apaiserait pas la faim jusqu’à cette heure. Il éteignit la lumière et alla se coucher.

    Au milieu de la nuit, Richard, emporté d’un sommeil profond, entendit un bruit dans la maison. Quelqu’un l’appelait. - Voisin Richard?! Voisin Richard?!

    Il se leva immédiatement, mais un peu soûlé par le sommeil.

    - Pourquoi tout ce bruit dans la cour?? demanda-t-il d’une voix faible.

    - Viens, viens vite?!

    Il se frotta les yeux et courut dans la cour. Tout le voisinage s’était réveillé et regardait Marise qui envoyait du sel sur son fils couché tout nu à même le sol. Dans sa pensée troublante, elle faisait un exorcisme.

    - Sortez de l’enfant, Satan?!

    Le bébé hurlait pendant que le voisinage affolé et bruyant essayait de la contraindre contre l’abus envers l’enfant. Richard, agacé, la poussa. Elle alla tomber contre les autres gens. Il ramassa son fils du sol, le protégeant sous l’abri de son étreinte.

    - Tu es folle, dit-il. Richard le ramena immédiatement à l’intérieur et l’enveloppa dans une serviette. Larmoyant, Richard s’assit sur le lit avec son fils et le berçait pour le faire dormir. Le bébé avait du mal à arrêter ses pleurs. Le hoquet l’empêchait, semblait-il. Finalement, après un bon bout de temps, l’enfant s’endormit. Il se coucha avec lui dans ses bras et se laissa emporter par les pensées qui déchiraient son cerveau. Enfin, le sommeil le saisit.

    Son fils était son unique préoccupation en ce moment. Marise détenait peu d’importance pour lui ce soir-là de se préoccuper où elle était. Pour éviter de partager le même toi que l’enfant, Marise était restée dans la cour toute la nuit. Elle l’avait diabolisé.

    Richard se réveilla un peu tard le lendemain. Avant de sortir, il confia l’enfant à Jésula, une voisine, de le garder chez elle. Au lieu d’aller au travail, il se rendit chez l’officier de l’État civil pour faire rédiger l’acte de naissance de l’enfant auquel il donna le prénom de Kevin. Avant de retourner à la maison, il appela les parents de sa femme et leur dévoila tout. Ses beaux-parents le confièrent leur intention de consulter un féticheur avant de rentrer à Port-au-Prince. Richard ne s’y opposait pas.

    Tout le voisinage avait déjà déduit que Marise était, elle-même, possédée du diable. Les suggestions pour que Richard s’aventure dans le vaudou au profit de sa femme ne manquaient pas. Cependant, cela ne l’intéressait guère. Les femmes avaient même osé lui demander s’il avait une maitresse qui pourrait s’engager dans la magie contre Marise.

    Richard leur répondit par une simple question. - Comment puis-je supporter une autre femme si je n’ai pas suffisamment pour mon foyer?? Il les regardait et personne n’avait rien à dire. - J’aimerais donner une meilleure vie à ma femme et à mon fils. C’est pour ça que je lutte. Vous savez, cette fichue affaire me tourmente. Je me casse la tête pour essayer de comprendre ce qui se passe, franchement. Il soupira. - j’aimerais avoir votre soutien d’une manière positive parce que cette histoire de vaudou, je la laisse entre les mains des parents de Marise.

    Le parcours de ses yeux les interrogea. Il espérait des conseils, mais personne ne lui en donna. - Merci quand même, dit-il et s’en alla.

    En réalité, le voisinage n’avait pas la capacité éducationnelle ou logique de porter lumière sur la problématique de Marise. La norme informelle serait d’abord de penser à la superstition, au fétichisme avant de recourir aux soins médicaux. Vrai ou faux, les Hougans alimenteraient leur croyance. Souvent, il serait déjà trop tard lorsqu’ils auraient finalement décidé de parcourir le chemin médical.

    À cause de cette même façon d’y penser, la raison serait parfois de leur côté. Un grand nombre d’Ayisyens partageait une mentalité malveillante : pour un oui pour un non, à cause d’un mauvais regard, pour l’envie ou la jalousie, pour presque rien, quelqu’un pourrait suivre le sentier du maléfice contre un autre. Voilà la cause de l’enrichissement d’une idiosyncrasie déplorable de notre société.

    II

    Les parents de Marise arrivèrent le vendredi suivant. Une tristesse, divulguant la mauvaise nouvelle, maquillait leur visage. Richard coupa le beau sourire de bienvenue et leur adressa en remuant sa tête négativement. Ils firent de même, et cela le jeta dans la déception. Richard les embrassa froidement.

    - Qu’est-ce qu’on vous a dit??

    - C’est très grave.

    - Comment?? J’ai du mal à comprendre cette affaire.

    - On nous a dit qu’elle est possédée. Sa vie et celle de Kevin sont en danger.

    - Qui pourrait nous faire une chose pareille. Avec qui avons-nous à faire??

    - En tout cas, c’est ça le problème.

    - Qu’allons-nous faire??

    - Nous avons quelqu’un qui arrive sous peu.

    Les yeux de Richard larmoyaient. Il regarda le ciel, ouvrit ses bras et demanda : - pourquoi moi, mon Dieu??

    Les parents de Marise remirent leur confiance à un féticheur. Dû à leur croyance, le choix leur faisait défaut et l’attitude déséquilibrée que Marise afficha tout de suite après son accouchement semblait au maléfice.

    Le jour de l’exorcisme, le féticheur chassa Richard et ses beaux-parents de la maison. Ils restèrent dans la cour avec les voisins. Le féticheur avait ordonné la participation de Kevin.

    Une odeur forte, provenant de l’intérieur, contaminait la fraicheur de l’air dans la cour. La voix masculine du féticheur n’était du tout claire ni déterminante. Il prononçait presque une sorte d’onomatopée. Mais, tout le monde était calme et anxieux, sachant que c’était pour le bien de Marise et de l’enfant. Richard, à son tour, se nourrissait de l’espoir d’une vie normale avec son fils et sa femme.

    Soudain, une bouffée de fumée sortait de la maison.

    - Cette fumée a l’odeur de feu, remarqua un voisin. Tout le monde regardait attentivement.

    - Oui, c’est du feu. Il y a une flamme à l’intérieur.

    Par la fente d’une fenêtre, l’éclairage de la flamme se voyait nettement. Richard courut et tenta d’ouvrir la porte, mais c’était impossible. Le Hougan l’avait verrouillée. Du coup, ils entendirent un cri perçant.

    - Richard, c’est Marise. Fais quelque chose?! dit sa belle-mère.

    - Ouvre la porte?! Richard cria, essayant de la faire tomber avec de fortes charges du côté de son épaule. Dans l’intervalle, le bébé commença à pousser des cris forts. Maintenant, la tension montait. Tout le monde ordonnait au féticheur d’ouvrir la porte. La flamme s’augmentait, les cris se décuplaient à l’intérieur. À ce point-là, le féticheur ne pouvait plus rien faire. Il poussa la porte et Richard tomba. Sans s’adresser à personne, il courut en fuite.

    - Arrêtez-le?! Deux personnes coururent après lui en vain et ne purent le retenir. La voix de Marise ne s’entendait plus. Richard se leva rapidement et s’aventura dans la fournaise.

    - Richard, non?! Il est trop tard, quelqu’un le lui ordonna.

    Les autres membres du voisinage restèrent à l’écart. Les femmes prièrent anxieusement. Les hommes braquèrent leurs yeux sur la porte, attendant l’ombre de Richard pour courir à son aide. Quelques instants après, il réapparut avec l’enfant agrafé dans son bras gauche et trainait Marise derrière lui avec l’autre. Il la jeta par terre. Marise, le corps presque carbonisé, ne bougeait pas. Tout le monde, la main sur la bouche, se pencha pour l’examiner. Dans un signe de désespoir, ils se dévisagèrent l’un et l’autre. Nul d’entre eux ne pouvait dévoiler leur vraie pensée. La mort?!

    Un monsieur, qui habitait à la sortie du corridor, vint à cet instant. Apparemment, quelqu’un l’avait prévenu.

    - Amenez-les?! Je vais les amener à l’hôpital.

    Richard suivait le monsieur et supplia : - prenez-la pour moi, s’il vous plait.

    Dans la voiture, en allant à l’hôpital, monsieur Pierre confessa : - voisin Richard, je dois m’excuser auprès de vous parce que je devais vous parler plus tôt. C’est une grande négligence de ma part.

    - De quoi parlez-vous??

    - On m’avait parlé de la problématique de votre femme et je savais qu’elle n’avait rien de surnaturel. Je crois que vous êtes au courant que j’ai travaillé longtemps dans un hôpital aux États-Unis??

    - Et puis?!

    - J’ai appris que certaines femmes souffrent d’une maladie psychologique après leur accouchement. On appelle ça la psychose-postpartum.

    - Mon cher, c’est trop tard de me raconter tout ça. Vous m’énervez maintenant. Je peux perdre ma femme et mon fils à cause de votre silence.

    - Ne vous fâchez pas?! Franchement, j’avais honte de vous approcher. On m’a dit que vous êtes des gens réservés. Je ne voulais pas me mêler à des potins.

    Richard ne répondit pas. Il tentait de calmer Kevin qui ne cessait pas de pleurer. Son côté droit était brûlé jusqu’aux épaules. Heureusement, son visage n’était pas atteint. Marise, pour laquelle le féticheur travaillait, avait une brûlure sur 70 % de son corps au minimum. Son pouls très faible, son état était certainement dangereux.

    Contrairement à celles de ses proches, Richard avait une brûlure superficielle. Il serait certainement épargné des cicatrices.

    L’hôpital n’était pas équipé ni préparé à recevoir des malades avec de telles brûlures. On allait quand même essayer de leur donner les premiers soins… de faire de leur mieux. En même temps, les docteurs spéculaient sur la possibilité de les envoyer à Cuba. C’était tout à fait audacieux d’oser y penser, car Richard était bien pauvre. Ce

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